Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "RMC" le 26 octobre 2010, sur les conséquences du mouvement social sur la vie des entreprises.

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Texte intégral

C. Jakubsyzyn.- C'est peut-être déjà l'heure du bilan du conflit social, l'heure des comptes. 4 milliards d'euros, disait hier soir la Confédération Générale du Patronat et des Petites et Moyennes Entreprises. Ce matin, sur RMC avec nous, H. Novell, le ministre des PME, bonjour H. Novelli.

Bonjour.

Alors, vous confirmez ce chiffre, d'abord : 4 milliards d'euros pour les PME françaises, ça serait le coût de ce conflit social ?

Il est très difficile d'évaluer dès aujourd'hui, le coût pour l'économie française, parce qu'il y a des poches où les difficultés sont plus grandes, et puis des améliorations, vous le disiez vous-même, qui se font sentir. Mais ce que l'on peut dire, on peut dire deux choses : d'abord c'est que sur la croissance économique, il y aura un impact. Il y aura un impact sur la croissance économique, cet impact devrait être faible, relativement faible, on a l'exemple des grèves de 95, où en fait, ces grèves, on fait perdre 1/10ème de point à la croissance française. C'est important, ce n'est pas exceptionnel. Et de la même manière, ces difficultés d'aujourd'hui c'est autour de 100 à 400 millions d'euros par jour.

Donc pas d'inquiétude majeure sur le plan de la croissance économique globale ?

Il ne faudrait pas, bien sûr, que ça continue. Mais...

En revanche, vous ne pouvez pas dire ça, aux milliers d'entreprises, qui elles, ont été directement touchées par la crise quand même ?

Absolument ! Et là, vous avez tout à fait raison, il y a des difficultés pour nombre d'entreprises et notamment de petites et moyennes entreprises. Parce qu'il y a des secteurs qui sont plus impactés par les difficultés d'approvisionnements. Je pense à la chimie, je pense à l'industrie du caoutchouc, bref, il y a des dizaines et des dizaines...

Le commerce aussi, on a beaucoup, beaucoup de commerçants qui nous appellent au 32.16. A Marseille, par exemple, des restaurateurs qui ont quasiment perdu 80 % de leurs chiffres d'affaires, parce que évidemment, les gens ne vont plus au restaurant. Ça sent les poubelles partout !

Bien sûr ! Et je pense notamment aussi en milieu rural, vous avez parlé...

Les agriculteurs aussi !

Les tournées des boulangers, les tournées des bouchers, qu'ils ne peuvent plus se faire faute de carburant. Donc c'est très difficile pour des dizaines de milliers d'entreprises.

Mais H. Novelli, là, on a dressé le bilan et c'est bien. Mais vous êtes ministre en charge de tout un pan de l'activité économique. Qu'est-ce que vous allez faire pour ces milliers, ces dizaines de milliers d'entreprises qui, quelquefois ont du mal à boucler les fins de mois, parce que pour elles, ce petit manque à gagner, ça représente quelquefois un gros manque à gagner, et que leurs trésorerie est tendue, et que certaines sont menacées de mettre la clé sous la porte ?

Il peut y avoir des difficultés de trésorerie, en fait, c'est cela, c'est-à-dire que la petite entreprise, tout d'un coup, elle se retrouve empêchée de faire payer ses clients...

Généralement les banques sont assez peu compréhensives dans ces cas-là ?

Eh bien, ce que je demande, bien sûr, je demande aux banques d'être un peu pus compréhensives. Vous savez, la crise a montré que les banques, par le biais de la médiation du crédit, pouvaient accéder à des demandes. Mais là, je demande autre chose, je demande que ce qui se passe traditionnellement lors de difficultés ponctuelles, c'est-à-dire lorsque vous ne pouvez plus payer l'URSSAF, ponctuellement, que vous avez des problèmes d'impôts, que des échéanciers puissent être établis, ils l'ont été, des rééchelonnements de dettes fiscales ou sociales, ils l'ont été pendant les 2 ans qui viennent...

Vous avez envoyé des instructions au service des impôts et aux URSSAF ?

Il y a une circulaire qui a été faite durant la crise. Cette circulaire reste d'actualité, je m'en suis entretenu et le ministre du Budget, sans nul doute, saura donner à ses agents des instructions d'échelonnement ou de rééchelonnement ponctuellement, pour telle ou telle entreprise. Cela peut être fait et cela sera fait sans nul doute. Mais il y a des secteurs dont on parle peu, et qui peuvent être lourdement impactés, je veux parler du tourisme. Vous savez, le tourisme, il y a d'abord l'image, l'image de la France. La France, c'est la première destination mondiale, et force est de reconnaître qu'il y a eu un arrêt ou ce qu'on appelle des réservations de dernière minute, c'est-à-dire la réservation d'impulsion. Cela à l'heure où nous parlons, il y a eu effectivement une décroissance de ces demandes de dernière minute et l'image peut affecter les déplacements des touristes étrangers, en France. Par exemple, dans ma région, en Touraine, il est clair que le Château d'Amboise, la semaine dernière, c'était moins 30 % de réservations, ou d'entrées, plus exactement, par rapport à l'année dernière. Donc on le voit, il peut y avoir des impacts qui sont moins visibles, mais qui sont forts. Le tourisme c'est 6,5 % de la richesse nationale tous les ans.

H. Novelli, est-ce que le Gouvernement crie victoire, ce matin ? Est-ce que le conflit est à un tournant ?

Il n'y a pas lieu de crier victoire, il n'y a pas lieu de crier victoire, parce que quand il y a des millions de personnes qui manifestent, ce n'est jamais anodin, et ce n'est pas quelque chose qui laisse indifférent. Simplement, il faut savoir, je crois, ne pas ajouter une crise économique liée à une crispation sociale à la crise dont nous venons, à peine, de voir la fin. Et ce n'est pas encore terminé, cette crise économique, qui dure maintenant depuis 2 ans, dans l'ensemble du monde industrialisé, donc...

C. Lagarde quand même, vient de déclarer à l'instant : « le conflit sur les retraites est à un tournant. » Donc...

Oui, c'est vrai qu'il est à un tournant, mais pourquoi faire du triomphalisme ? Cela ne sert à rien. Ce qu'il faut maintenant, c'est sortir dignement de cette situation. Le Parlement dans une démocratie vote et ce Parlement se prononce aujourd'hui et demain. Maintenant, ce qu'il faut c'est regarder devant, faire en sorte que nos entreprises puissent surmonter cette nouvelle crispation qui s'est produite à un moment, où elles commençaient à sortir la tête de l'eau.

H. Novelli, une dernière question politique. Vous représentez un peu l'aile libérale de l'UMP. Est-ce que la nomination possible, probable, d'un Premier ministre centriste, social, à Matignon, comme J.-L. Borloo, vous ravit ?

Écoutez, moi, je m'entends très bien avec J.-L. Borloo, je n'ai aucun problème avec lui. Donc l'UMP qui forme le socle de la majorité politique, l'UMP est représentée par un certain nombre de sensibilités. Et nous, nous entendons. Donc il n'y a, pour moi, aucun problème, et pour les libéraux, ceux-ci sauront se faire entendre.

Merci, H. Novelli, secrétaire d'État aux PME, au Commerce et au Tourisme. Merci.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement le 8 novembre 2010