Interview de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, dans "Sud Ouest" le 8 novembre 2010, sur les difficultés de la filière automobile en général et la situation particulière de l'entreprise située à Blanquefort.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Sud Ouest

Texte intégral

« Sud Ouest. » Ne vous êtes-vous pas sentie abusée par la holding allemande HZ ?
Christine Lagarde. Nous aurions tous préféré que HZ réussisse. Mais il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé. Ce qui importe aujourd'hui, c'est d'assurer la pérennité et la cohérence industrielle du site. Ford est le mieux placé pour y parvenir.
« Sud Ouest. » A-t-il été difficile de convaincre Ford de reprendre le site ?
Il a fallu être persuasifs. L'ensemble des acteurs concernés s'y est employé. C'est vrai des services de l'État, mais aussi de tous les élus concernés, à commencer par Alain Juppé et Alain Rousset. Ford s'est montré raisonnable. La très nette amélioration de la situation du groupe aux États-Unis a contribué à faciliter les choses.
« Sud Ouest. » Le PDG, Alan Mulally, a-t-il été impliqué dans ces négociations ?
J'ai eu des contacts avec lui.
« Sud Ouest. » Les projets présentés à ce jour par Ford ne permettent de pérenniser qu'environ 600 emplois sur 1 500. N'est-ce pas inquiétant ?
J'ai bon espoir que ces chiffres soient largement dépassés.
« Sud Ouest. » Ford ne pourrait-il pas investir à Blanquefort dans le domaine des équipements pour voitures électriques ou hybrides ?
C'est un message que je me suis efforcée de leur faire passer.
« Sud Ouest. » Au-delà de Blanquefort, n'y a-t-il pas encore bien du souci à se faire sur la filière automobile, à commencer par les sous-traitants ?
Les mesures que nous avons prises début 2009 ont permis de limiter les dégâts. Le marché automobile français n'a baissé que de 1,4 % depuis le début de l'année, alors que la chute était de 5 % pour l'ensemble de l'Europe. La conjonction de la prime à la casse et du bonus-malus a permis de stimuler les ventes, tandis que les 6 milliards prêtés aux constructeurs en 2009 leur ont permis de payer leurs fournisseurs dans des délais corrects. Notre politique de soutien à la demande se réduit aujourd'hui. Nous sortons peu à peu les béquilles. Mais nous restons attentifs à tout risque de rechute.
« Sud Ouest. » Précisément, avec un recul de 18 % par rapport à octobre 2009, les derniers chiffres sont mauvais.
Ils se comparent à des chiffres 2009 qui étaient très bons.
« Sud Ouest. » L'automobile française ne reste-t-elle pas dans une spirale de perte de compétitivité et d'emplois ?
Il faut d'abord avoir à l'esprit que la croissance du marché ne se fait pas en Europe de l'Ouest, mais dans des pays comme la Chine, où le groupe Peugeot se renforce, et comme la Russie, où Renault monte encore au capital du principal constructeur local Avtovaz. Ce qui importe, c'est de garder chez nous le potentiel de recherche-développement et la capacité de production de véhicules de qualité. C'est aussi de défendre le tissu des sous-traitants et des équipementiers. C'est dans cet esprit que je viens de demander aux préfets de se mobiliser pour la filière.
« Sud Ouest. » Le cours élevé de l'euro et l'instabilité monétaire ne pénalisent-ils pas gravement l'automobile comme nos autres industries ?
Les problèmes monétaires vont être au centre de la présidence française du G20. Le système monétaire international doit être repensé, dans le but notamment de diminuer l'ampleur des fluctuations. Le dollar ne peut plus rester la seule monnaie de réserve. Quant à la Chine, le président Hu Jintao vient de nous confirmer sa volonté de contribuer à l'équilibre monétaire international et d'accentuer, dans les années qui viennent, le poids de la consommation intérieure par rapport aux exportations. Mais ces évolutions ne peuvent pas se faire du jour au lendemain.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 8 novembre 2010