Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je suis naturellement très heureux et très honoré de m'exprimer devant la représentation nationale, trois semaines après que le président de la République a souhaité me confier la responsabilité des affaires européennes auprès de Michèle Alliot-Marie.
Mon intervention se situe dans un contexte de danger, de défis, mais dans lequel nous avons plus que jamais besoin de l'Europe et de la coopération entre les institutions européennes et les parlements nationaux. Je songe au Parlement européen et, au premier chef, à l'Assemblée nationale.
A cet égard, je tiens à saluer le travail du président de la commission des affaires européennes, Pierre Lequiller, qui s'est efforcé de rapprocher, dans le cadre du traité de Lisbonne, votre travail et celui des parlementaires européens.
Je vous présenterai bien entendu les principaux enjeux du prochain Conseil européen des 16 et 17 décembre. Mais je veux d'abord vous exposer les premières orientations permettant de relever les défis auxquels nous sommes confrontés en matière de politique européenne.
C'est animé de convictions profondément européennes que j'endosse mes responsabilités. En m'exprimant ici, j'ai naturellement une pensée pour celui qui fut le commissaire européen de la France avant Michel Barnier : Jacques Barrot, qui siégea longtemps à l'Assemblée nationale et qui nous a transmis ses convictions européennes.
Ensuite, je suis convaincu que, plus que jamais, nous avons besoin d'Europe : nous avons plus besoin d'elle après la crise qu'avant. Car, dans un univers où des entités géopolitiques massives nous font face - la Chine, l'Inde, où le président de la République était il y a peu en déplacement, le Brésil -, l'Europe est une question de bon sens. Elle l'est aussi parce que, dans les crises que nous traversons, elle doit être à la fois notre meilleur bouclier et notre meilleure épée.
Mais je suis également convaincu que l'Europe doit aussi évoluer : l'Europe de l'après-crise ne peut être semblable à celle d'avant. Trop souvent, par le passé, on a caricaturé l'Europe en la présentant comme le bras armé de la dérégulation.
En cette période de sortie de crise, nous avons besoin d'une Europe qui revendique sa capacité à protéger nos concitoyens et à s'affirmer sur la scène internationale et dans les échanges commerciaux, afin de protéger aussi nos emplois et d'aider nos entreprises à se développer. Il y aura donc, dans la phase qui s'ouvre aujourd'hui, de véritables opportunités à saisir.
Cela suppose en outre que la France joue pleinement son rôle, comme elle a su le faire au cours de la présidence française de l'Union européenne : en étant à la fois volontariste et animée du sens du collectif. C'est cet état d'esprit que je souhaite que nous retrouvions. A cette fin, il faut faire certains choix de méthode.
Il faut d'abord choisir délibérément une méthode de travail collective, qui consiste à collaborer avec les différentes institutions européennes. Nous avons besoin de la Commission, et nous avons besoin de travailler avec elle dans le respect et la confiance mutuelle, compte tenu surtout des nouveaux éléments récemment mis sur la table par le président Barroso ou par Michel Barnier.
De ce point de vue, n'opposons pas l'action intergouvernementale et la méthode communautaire. Ce sont de vieux débats, désormais tranchés. Quels que soient les sujets abordés, les deux voies ne sont pas exclusives l'une de l'autre : il faut articuler le choix d'une méthode de coopération entre les Etats dans certains domaines et celui de la méthode communautaire dans d'autres.
Un deuxième point de méthode concerne le Parlement européen, dont le siège est à Strasbourg - je tiens à le souligner devant la représentation nationale.
Nous tenons naturellement à défendre cette localisation du Parlement européen.
Le Parlement s'est affirmé dans le cadre du Traité de Lisbonne. Il pèse aujourd'hui de manière importante dans les débats européens. La France a besoin d'y exercer pleinement son influence et d'y renforcer notre place et notre travail commun. S'y ajoutent plusieurs choix en termes de coopération avec les différents Etats membres.
Tout récemment encore, à propos du budget, de la crise irlandaise ou de l'instauration de mécanismes pérennes concernant l'euro, la dynamique collective unissant la France et l'Allemagne s'est révélée absolument cruciale. Les choses avancent en Europe quand la France et l'Allemagne sont capables de se mettre d'accord et de dégager, quelles que soient nos positions respectives, le sens de l'intérêt général communautaire.
Je m'attacherai donc à renforcer notre relation avec l'Allemagne, qui est entrée dans une phase de maturité, quittant la période sentimentaliste des grandes déclarations pour celle où chacun de nos deux pays défend ses intérêts - ce qui est normal -, tout en étant capable de faire les compromis nécessaires pour dégager des projets communs. Le président de la République et Angela Merkel en ont encore donné la preuve tout récemment, à l'occasion de la crise de l'euro. Toutefois, cette relation ne peut être exclusive : notre pays doit s'efforcer de construire systématiquement des coalitions et des alliances permettant de travailler, autour de ce noyau dur, avec tous les pays de l'Union européenne.
A ce titre, je souhaite que nous nous investissions plus spécifiquement dans notre relation avec l'Europe centrale. Je sais que de nombreux parlementaires ici présents partagent ce point de vue. Cette relation est une source d'équilibre pour la France ; elle est importante à l'approche des présidences hongroise, puis polonaise ; et elle peut nous permettre de progresser ensemble sur plusieurs sujets déterminants - je songe notamment à la politique agricole commune, à laquelle nous travaillons conjointement, Bruno Le Maire et moi-même.
Nous veillerons donc plus particulièrement à construire des relations durables avec la Hongrie et la Pologne, c'est-à-dire avec les deux prochains pays qui prendront la présidence de l'Union. Je me suis rendu dès la semaine dernière à Budapest pour que nous réfléchissions ensemble à un agenda commun. Dans cette perspective, trois grandes priorités se dégagent pour l'année à venir.
La première - je l'ai évoquée -, c'est consolider l'image d'une Europe qui protège. Plusieurs éléments sont en train de changer en Europe, dont l'intégration du principe de réciprocité à notre politique commerciale et la prise en considération des services d'intérêt européen dans l'approche du marché intérieur telle qu'elle est développée par Michel Barnier. S'y ajoute la formulation de plusieurs principes simples. Ainsi, l'Europe ouvre 80 % de ses marchés publics à la concurrence internationale, alors que, pour la Chine ou le Brésil, ce pourcentage se réduit à néant ; l'Europe doit-elle donc conserver une conception du libre-échange compréhensible, mais parfois un peu naïve ? La priorité est de défendre nos emplois et nos industries, et de contribuer à faire émerger des champions industriels européens dans une concurrence devenue effrénée.
Deuxième priorité : veiller à une gestion apaisée de nos frontières et du processus d'élargissement. Par le passé, ce dernier a souvent dépendu de décisions purement politiques relevant de négociations internationales et de relations extérieures, au lieu de faire l'objet d'une évaluation fondée sur des critères objectifs.
De ce point de vue, l'année 2011 nous confrontera à une question majeure : la Roumanie et la Bulgarie peuvent-elles entrer dans l'Espace Schengen ? Il s'agit d'une décision essentielle : dès lors qu'elles y entrent, leur frontière devient notre frontière. Pour le dire autrement, en termes de gestion des flux migratoires, c'est une décision déterminante qui nous attend. Ce que dit la France, très simplement, c'est que, bien entendu, la Roumanie et la Bulgarie ne trouveront pas porte close, mais que des critères simples doivent être respectés.
Le premier, c'est que nous devons être sûrs de nos frontières. Or la Roumanie ne reconnaît pas de frontière avec la Moldavie, et des flux passent entre les deux pays, alors que nous reconnaissons une frontière avec la Moldavie. Cela pose un problème, qui fait pour l'instant obstacle à l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen.
Second problème : si nous leur confions nos frontières, il est légitime que nous ayons toutes les garanties nous assurant qu'elles sont bien gardées, par des douaniers en mesure d'exercer toute la vigilance que nous sommes en droit d'attendre. Or, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Un processus de surveillance de la situation en Roumanie et en Bulgarie est en cours, sous l'égide de la Commission européenne, qui s'intéresse notamment aux problèmes de corruption. Et, pour l'instant, le travail n'est pas satisfaisant.
Je le dis donc très clairement au nom du gouvernement français : nous ne mettrons pas le doigt dans un engrenage qui affaiblirait nos frontières et la capacité de l'Europe à gérer et à contrôler ses flux migratoires. J'espère que nous aurons sur ce point le soutien de la représentation nationale.
Par ailleurs, nous devons faire progresser concrètement l'Europe sur des sujets identifiables par tous nos compatriotes. Sur ce point, je veux vous livrer le fruit de ma réflexion. Les élus nationaux que vous êtes savent parfaitement que, pour tous les outils communautaires, nous avons basculé dans un système pesant, dont les processus d'instruction administrative peuvent eux-mêmes être très lourds et très coûteux, et compliquer l'inscription dans des projets européens, pour les élus locaux comme pour nos industries. C'est en quelque sorte le résultat de la crise qui a suivi la chute de la commission Santer et abouti à l'adoption de procédures de contrôle très exigeantes et très lourdes. En voici quelques illustrations simples.
Le recours aux fonds FSE est devenu très difficile et très coûteux en termes d'ingénierie administrative pour nos associations ou nos collectivités locales. N'y a-t-il pas matière à simplifier la procédure ?
Le fonds d'ajustement à la mondialisation, qui doit théoriquement bénéficier au tissu industriel, ce qui se révèle d'une très grande utilité dans la crise actuelle, est très difficile à mobiliser, voire quasiment impossible pour les PME. Nous vous proposons donc d'ouvrir une réflexion, portée conjointement par la Commission et plusieurs Etats membres, consistant à examiner les outils communautaires les uns après les autres pour voir comment simplifier les choses et alléger les contraintes de traitement administratives.
Cette initiative pourra s'accompagner d'un travail de réflexion sur nos normes car bien souvent, c'est le pouvoir réglementaire français qui surajoute aux règlements européens en étant plus royaliste que le roi. De ce point de vue, il faut sans doute revenir à quelque chose de plus simple, permettant d'avoir des normes adaptées à nos besoins en évitant tout excès de technocratie.
J'en viens au prochain Conseil européen. Plusieurs sujets seront abordés lors de ce Conseil, important et attendu. Il arrive à un moment où certains veulent tester la capacité de l'Europe à agir et à avancer. Il donnera l'occasion à l'Europe de montrer qu'elle sait être au rendez-vous en cette période de sortie de crise, en particulier pour ce qui est de l'euro.
En matière de politique économique, il va s'agir de mettre en oeuvre les orientations arrêtées lors de la réunion des 28 et 29 octobre. Je pense notamment à la mise en place d'un mécanisme pérenne de gestion des crises, qui constitue un signal fort.
Faisons un petit retour en arrière. Il y a un an et demi, l'euro n'était accompagné d'aucun mécanisme de gestion des crises : la gestion de la crise grecque a nécessité six mois de négociations. Aujourd'hui, non seulement l'Europe a été capable de prendre des décisions en quinze jours pour ce qui est de la crise irlandaise, mais elle bénéficiera aussi, grâce notamment au travail mené par le président de la République et Angela Merkel, d'un mécanisme pérenne de gestion de crise, qui s'accompagnera d'un accord sur les contours du futur mécanisme européen de stabilité.
Les consultations menées permettent de prévoir ce qui est un point décisif, notamment pour nos compatriotes : la participation du secteur privé. Personne ne comprendrait qu'après 2013, lorsqu'il y a des problèmes de créances et de dettes, le secteur privé ne soit pas mis à contribution dans la restauration de la solvabilité de la dette de tel ou tel Etat membre.
En matière de gouvernance économique, le Conseil européen a repris les conclusions du groupe Van Rompuy. L'examen des propositions législatives de la Commission a débuté au Conseil. Nous serons très attentifs à ce que ces conclusions soient reprises dans leur entier, et non pas seulement un tout petit spectre. De ce point de vue, je soutiens la proposition de Pierre Lequiller sur le gouvernement économique européen.
J'ajouterai un mot sur l'adoption du budget 2011, qui est pour moi très emblématique. Lorsque nous sommes arrivés, il y a quinze jours, l'écho était que l'Europe ne parviendrait pas à se doter d'un budget en 2011. Or la non-adoption de ce budget placerait le budget de la France en très grande difficulté. Songez seulement que cela se traduirait par un alourdissement de notre charge financière de deux milliards d'euros.
Dans ces conditions, un immense travail de coordination a été entrepris avec le Parlement européen, avec l'ensemble des Etats membres et avec la Commission pour essayer de dégager des positions de compromis. Aujourd'hui, je vous le dis, nous ne sommes pas très loin d'arriver à un accord qui permettra, pour 2011, de doter l'Europe d'un budget en ordre de bataille : il affirmera de vraies ambitions européennes tout en tenant compte des efforts que nous devons tous partager en matière de finances et de régulation budgétaire. Personne ne comprendrait qu'au moment où dans tous les Etats membres, les responsables politiques font des efforts, l'Europe ne partage pas elle aussi ces efforts. Concilier ambitions européennes et bonne gestion des crédits affectés au niveau européen, voilà une logique qui va dans le bon sens.
Nous devons aussi avoir conscience, en France comme au niveau communautaire, que sur le plan politique, c'est la fin des registres type liste au Père Noël. Tous les responsables doivent tirer des leçons. Une approche politique consistant à continuer à croire qu'en temps de crise, on peut faire des promesses coûteuses, est irresponsable.
La dynamique européenne et la crise nous conduisent tous à un devoir de responsabilité politique dans la bonne gestion des deniers publics.
Mesdames, Messieurs les Députés, je suis convaincu que nous sommes à un tournant. Jamais le besoin d'Europe, en cette période de sortie de crise, n'a été aussi important. Dans le même temps, le risque existe que certains caricaturent l'Europe et repeignent toutes ses actions en noir.
Nous avons donc besoin d'une mobilisation pour repartir à l'offensive sur le terrain européen, avancer sur la voie d'une Europe capable de mieux protéger l'ensemble de nos compatriotes, nos emplois et nos entreprises, réaffirmant ainsi la nécessité en cette période d'une Europe utile.
(...)
Tout en relevant la qualité des interventions des uns et des autres, et la précision sur ces questions européennes des différents orateurs, je vais essayer de répondre précisément aux questions soulevées.
Tout d'abord, je souhaite remercier M. Perruchot pour l'état très précis qu'il a restitué des progrès accomplis pour la protection de l'euro. Rappelons-nous du moment de la création de l'euro, le principal reproche était alors que nous n'avions pas de mécanisme permettant de faire face à une crise qui affecterait un Etat. Aujourd'hui, nous en avons un.
Vous avez rappelé la comparaison entre le mécanisme de soutien à l'Irlande et celui pour la Grèce. Six longs mois de négociations pour aboutir à une action dans le cas de la Grèce, quinze jours pour l'Irlande, avec une accélération due notamment à une implication personnelle du président, que je vous remercie de relever. Aujourd'hui, enfin, nous arrivons à la mise en place d'un mécanisme pérenne de gestion.
Vous avez raison, cette crise révèle les failles qui existaient dans notre mécanisme de gestion de l'euro. Nous sommes en train d'en sortir en tirant étape après étape les leçons qui nous permettent de renforcer la gestion de notre monnaie commune. C'est bien l'esprit de ce que nous sommes en train de faire. Lorsqu'il y a un incendie, il faut aller l'éteindre, mais il faut aussi en tirer les conséquences sur le mode de gestion global de notre monnaie commune.
Je reviendrai, en réponse aux autres questions qui ont été posées, sur les sujets de la gouvernance économique ou de la surveillance et de la régulation bancaire. Au fur et à mesure de cette épreuve, l'euro se renforce.
En réponse à l'intervention de M. Lecoq, s'agissant particulièrement de la gestion de notre budget et des interrogations concernant la souveraineté nationale en matière de budget européen, je suis convaincu que la mise en place du semestre européen ne met pas en péril la souveraineté nationale, bien au contraire. C'est une simple procédure d'information et de concertation en amont qui va nous permettre de progresser sur un point que M. Lequiller a relevé : éviter que nous décidions de stratégies européennes déconnectées de leur mise en oeuvre à l'échelon national. La stratégie de Lisbonne en a trop souffert. Ce que je souhaite, c'est que la stratégie Europe 2020, faite sur les bases des propositions que nous portons, soit aussi déclinée dans nos actions internes. Nous ne sommes pas seuls à partager cette conviction, puisque le groupe GDR a déposé une proposition de loi sur ce sujet, qui a recueilli 23 voix contre 410 votes défavorables. Cela montre bien que l'ensemble de la représentation nationale partage cette vision et considère que notre souveraineté nationale est préservée.
S'agissant de l'intervention de M. Herbillon sur les questions d'innovation et de recherche, il s'agit d'un domaine dans lequel l'Europe souffre d'un excès de contraintes et de régulations technocratiques. Il est trop difficile de bénéficier des outils au soutien de l'innovation et de la recherche qui s'adressent aux PME et à nos principaux organismes de recherche.
En la matière, la France veut d'abord se doter d'un fonds européen des brevets. Trop de nos brevets européens dorment et ne génèrent pas de déclinaisons économiques ou en termes d'emploi. Le Premier ministre a rappelé lors de sa déclaration de politique générale que ce fonds européen des brevets peut être utilisé de façon beaucoup plus offensive.
Ensuite, il faut pouvoir bénéficier de financements innovants et d'un fonds à destination de nos PME permettant de soutenir des innovations. Nous travaillons sur ce sujet avec Christine Lagarde, il y a beaucoup à gagner.
Dernier aspect, le brevet européen. C'est un sujet qui dort depuis vingt ans dans les cartons de l'Union européenne. Sur ce sujet, la détermination d'un certain nombre de pays est clairement affirmée. Nous sommes allés au bout de notre marge de négociation. Nous sommes allés au bout des efforts pour chercher des solutions de compromis entre les différents Etats. Pendant ce temps, nos entreprises attendent. Le brevet européen est un enjeu majeur, car c'est aujourd'hui aux Etats-Unis que vont nos brevets. Nous avons donc décidé de mettre en place une coopération renforcée qui nous permettra d'avancer et de placer chacun face à ses responsabilités. Nous espérons que de nombreux pays se joindront à nous et que nous pourrons enfin progresser, dès l'année prochaine, sur ce sujet qui a trop attendu.
Monsieur Caresche, je vous ferai deux réponses très précises. Concernant la participation des créanciers privés, vous avez parfaitement raison de souligner qu'elle n'était pas prévue. La mise en place du mécanisme pérenne de gestion de crise permet maintenant de prévoir systématiquement une participation des créanciers au cas par cas. Cette participation repose sur un outil qui est d'ailleurs utilisé au niveau du FMI, les clauses d'action collective, qui seront mises en oeuvre dans des modalités comparables. Ces clauses permettront d'éviter qu'une minorité de créanciers privés s'oppose à ce que nous ayons la participation dans le cadre d'un dispositif de solvabilité en cas de défaillance sur une créance d'Etat.
Ce dispositif nous permet de garantir la priorité de remboursement des Etats, et donc du contribuable. Et il assure la priorité de remboursement pour les créances et les emprunts qui ont été portés par les Etats avant les créances privées. Ce point est absolument déterminant, et nous assumons cette décision, prise conjointement par la France et l'Allemagne, et qui sera applicable à compter de 2013.
S'agissant du FMI, nous disposons d'un outil, puisque nous avons mis en place un fonds nous permettant de réagir aux crises. Vous l'avez dit, nous devons faire attention, dans ces périodes, à mener des politiques responsables. Chaque parole excessive - cela n'a pas été votre cas - peut nourrir l'anxiété, la peur irrationnelle, ou les attaques spéculatives. Ce fonds est correctement doté, il est solide, il nous permet de faire face. Ouvrir le sujet de nouveaux montants aujourd'hui, c'est désigner de nouvelles cibles et nous ne voulons pas aller dans cette direction.
Je voudrais souligner les propos du président Lequiller sur la coopération franco-allemande et ce qu'elle nous a permis de faire. Cette coopération commence par la comparaison des intérêts de chaque pays. Sur chaque sujet, nous dégageons des points de convergence et d'équilibre qui vont dans le sens de l'intérêt communautaire. Comme vous l'avez rappelé, ce fut le cas sur le budget 2011, sur l'Irlande, et sur le mécanisme de gestion pérenne des crises. Je pense que c'est ce qui fait la force de la relation franco-allemande en ce moment. Chacun respecte des intérêts qui ne sont pas forcément les siens, mais sur tous les sujets, à l'arrivée, une position commune émerge et permet de faire avancer l'Europe.
De ce point de vue, les positions qui vont être portées par M. Van Rompuy et au sein de la Commission reposent sur un principe assez simple : celui d'une révision la plus limitée possible du traité. Tout raffinement, toute volonté d'ouvrir une révision qui serait trop large se traduirait en effet par un processus de transposition lourd et difficile. Ce dont nous avons besoin, c'est de montrer de la détermination et de la rapidité. Il importe que l'Europe fasse très rapidement preuve de sa capacité à ajuster ses mécanismes et à faire face en défendant sa monnaie de façon conjointe. Evitons-nous des luxes de raffinement, et faisons une révision simple, limitée à quelques éléments très sobres, qui nous permette de nous doter ensuite de ce mécanisme de prévention des crises à l'avenir.
Vous avez relevé deux autres éléments, Monsieur Lequiller. Le renforcement de la régulation bancaire, tout d'abord. La crise irlandaise doit aussi nous interroger. L'Irlande remplissait parfaitement les critères de Maastricht. Les mailles du filet n'ont pas permis d'identifier les problèmes qui apparaissaient. Cela signifie que nous devons resserrer les mailles de ce filet pour éviter que ces crises rampantes puissent à nouveau surgir, en agissant sur deux volets. Le premier est la régulation bancaire. Celle-ci était insuffisante dans le cas de l'Irlande, et cela est l'objet du paquet «Barnier», que le commissaire a dévoilé. Le second volet est qu'il ne faut pas se contenter d'avoir pour critère le déficit ou le ratio dette sur PIB. Il faut une approche de bon sens consistant à se demander si le modèle économique, la pente de croissance suivie par un Etat, lui permet de rembourser ses dettes et de ne pas générer une crise qui va ensuite affecter ses voisins. Toutes les propositions conjointes vont dans le sens d'une surveillance fondée sur ces principes de bon sens avec un panorama macroéconomique plutôt qu'un spectre d'analyse trop étroit et nécessairement limité.
Pour ce qui est de l'information des parlements nationaux, nous sommes bien entendu ouverts, et l'expertise que vous avez su construire au niveau de la Commission est un bon gage de l'importance de cette juste information du Parlement européen sur les questions budgétaires.
Le président Poniatowski a insisté sur deux sujets. S'agissant de la bonne coordination entre l'échelon européen et la gestion du G8 et du G20, c'est bien entendu la volonté du président de la République, et nous avons commencé avec Christine Lagarde à poser des jalons pour le Parlement européen, pour la Commission, pour l'ensemble des Etats membres - je l'évoquais avec la présidence hongroise - et bien entendu, pour les parlements nationaux.
S'agissant du dialogue stratégique avec nos grands voisins, n'ayons pas peur d'avoir de l'ambition. Ce sont des relations extérieures qui comportent bien entendu une dimension européenne. Les améliorations récentes de nos relations avec la Russie en sont une incarnation. La volonté d'avancer sur l'UPM en est un exemple, et les efforts destinés à doter l'Union européenne d'un service de relations extérieures digne de ce nom va dans ce sens, et c'est aussi pour cela qu'il nous faut un budget 2011. Sinon, ce service qui aura à sa tête un diplomate français, ce qui est une grande victoire pour notre pays, ne sera pas doté d'ambitions suffisantes.
Sur tous ces sujets, je suis convaincu que l'Europe peut traverser la crise et en sortir avec des outils renforcés. Elle peut également retrouver les chemins d'une bonne et juste ambition européenne. Cette même conviction s'est retrouvée dans toutes vos interventions. Nous avons encore plus besoin de l'Europe après la crise qu'avant.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2010
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je suis naturellement très heureux et très honoré de m'exprimer devant la représentation nationale, trois semaines après que le président de la République a souhaité me confier la responsabilité des affaires européennes auprès de Michèle Alliot-Marie.
Mon intervention se situe dans un contexte de danger, de défis, mais dans lequel nous avons plus que jamais besoin de l'Europe et de la coopération entre les institutions européennes et les parlements nationaux. Je songe au Parlement européen et, au premier chef, à l'Assemblée nationale.
A cet égard, je tiens à saluer le travail du président de la commission des affaires européennes, Pierre Lequiller, qui s'est efforcé de rapprocher, dans le cadre du traité de Lisbonne, votre travail et celui des parlementaires européens.
Je vous présenterai bien entendu les principaux enjeux du prochain Conseil européen des 16 et 17 décembre. Mais je veux d'abord vous exposer les premières orientations permettant de relever les défis auxquels nous sommes confrontés en matière de politique européenne.
C'est animé de convictions profondément européennes que j'endosse mes responsabilités. En m'exprimant ici, j'ai naturellement une pensée pour celui qui fut le commissaire européen de la France avant Michel Barnier : Jacques Barrot, qui siégea longtemps à l'Assemblée nationale et qui nous a transmis ses convictions européennes.
Ensuite, je suis convaincu que, plus que jamais, nous avons besoin d'Europe : nous avons plus besoin d'elle après la crise qu'avant. Car, dans un univers où des entités géopolitiques massives nous font face - la Chine, l'Inde, où le président de la République était il y a peu en déplacement, le Brésil -, l'Europe est une question de bon sens. Elle l'est aussi parce que, dans les crises que nous traversons, elle doit être à la fois notre meilleur bouclier et notre meilleure épée.
Mais je suis également convaincu que l'Europe doit aussi évoluer : l'Europe de l'après-crise ne peut être semblable à celle d'avant. Trop souvent, par le passé, on a caricaturé l'Europe en la présentant comme le bras armé de la dérégulation.
En cette période de sortie de crise, nous avons besoin d'une Europe qui revendique sa capacité à protéger nos concitoyens et à s'affirmer sur la scène internationale et dans les échanges commerciaux, afin de protéger aussi nos emplois et d'aider nos entreprises à se développer. Il y aura donc, dans la phase qui s'ouvre aujourd'hui, de véritables opportunités à saisir.
Cela suppose en outre que la France joue pleinement son rôle, comme elle a su le faire au cours de la présidence française de l'Union européenne : en étant à la fois volontariste et animée du sens du collectif. C'est cet état d'esprit que je souhaite que nous retrouvions. A cette fin, il faut faire certains choix de méthode.
Il faut d'abord choisir délibérément une méthode de travail collective, qui consiste à collaborer avec les différentes institutions européennes. Nous avons besoin de la Commission, et nous avons besoin de travailler avec elle dans le respect et la confiance mutuelle, compte tenu surtout des nouveaux éléments récemment mis sur la table par le président Barroso ou par Michel Barnier.
De ce point de vue, n'opposons pas l'action intergouvernementale et la méthode communautaire. Ce sont de vieux débats, désormais tranchés. Quels que soient les sujets abordés, les deux voies ne sont pas exclusives l'une de l'autre : il faut articuler le choix d'une méthode de coopération entre les Etats dans certains domaines et celui de la méthode communautaire dans d'autres.
Un deuxième point de méthode concerne le Parlement européen, dont le siège est à Strasbourg - je tiens à le souligner devant la représentation nationale.
Nous tenons naturellement à défendre cette localisation du Parlement européen.
Le Parlement s'est affirmé dans le cadre du Traité de Lisbonne. Il pèse aujourd'hui de manière importante dans les débats européens. La France a besoin d'y exercer pleinement son influence et d'y renforcer notre place et notre travail commun. S'y ajoutent plusieurs choix en termes de coopération avec les différents Etats membres.
Tout récemment encore, à propos du budget, de la crise irlandaise ou de l'instauration de mécanismes pérennes concernant l'euro, la dynamique collective unissant la France et l'Allemagne s'est révélée absolument cruciale. Les choses avancent en Europe quand la France et l'Allemagne sont capables de se mettre d'accord et de dégager, quelles que soient nos positions respectives, le sens de l'intérêt général communautaire.
Je m'attacherai donc à renforcer notre relation avec l'Allemagne, qui est entrée dans une phase de maturité, quittant la période sentimentaliste des grandes déclarations pour celle où chacun de nos deux pays défend ses intérêts - ce qui est normal -, tout en étant capable de faire les compromis nécessaires pour dégager des projets communs. Le président de la République et Angela Merkel en ont encore donné la preuve tout récemment, à l'occasion de la crise de l'euro. Toutefois, cette relation ne peut être exclusive : notre pays doit s'efforcer de construire systématiquement des coalitions et des alliances permettant de travailler, autour de ce noyau dur, avec tous les pays de l'Union européenne.
A ce titre, je souhaite que nous nous investissions plus spécifiquement dans notre relation avec l'Europe centrale. Je sais que de nombreux parlementaires ici présents partagent ce point de vue. Cette relation est une source d'équilibre pour la France ; elle est importante à l'approche des présidences hongroise, puis polonaise ; et elle peut nous permettre de progresser ensemble sur plusieurs sujets déterminants - je songe notamment à la politique agricole commune, à laquelle nous travaillons conjointement, Bruno Le Maire et moi-même.
Nous veillerons donc plus particulièrement à construire des relations durables avec la Hongrie et la Pologne, c'est-à-dire avec les deux prochains pays qui prendront la présidence de l'Union. Je me suis rendu dès la semaine dernière à Budapest pour que nous réfléchissions ensemble à un agenda commun. Dans cette perspective, trois grandes priorités se dégagent pour l'année à venir.
La première - je l'ai évoquée -, c'est consolider l'image d'une Europe qui protège. Plusieurs éléments sont en train de changer en Europe, dont l'intégration du principe de réciprocité à notre politique commerciale et la prise en considération des services d'intérêt européen dans l'approche du marché intérieur telle qu'elle est développée par Michel Barnier. S'y ajoute la formulation de plusieurs principes simples. Ainsi, l'Europe ouvre 80 % de ses marchés publics à la concurrence internationale, alors que, pour la Chine ou le Brésil, ce pourcentage se réduit à néant ; l'Europe doit-elle donc conserver une conception du libre-échange compréhensible, mais parfois un peu naïve ? La priorité est de défendre nos emplois et nos industries, et de contribuer à faire émerger des champions industriels européens dans une concurrence devenue effrénée.
Deuxième priorité : veiller à une gestion apaisée de nos frontières et du processus d'élargissement. Par le passé, ce dernier a souvent dépendu de décisions purement politiques relevant de négociations internationales et de relations extérieures, au lieu de faire l'objet d'une évaluation fondée sur des critères objectifs.
De ce point de vue, l'année 2011 nous confrontera à une question majeure : la Roumanie et la Bulgarie peuvent-elles entrer dans l'Espace Schengen ? Il s'agit d'une décision essentielle : dès lors qu'elles y entrent, leur frontière devient notre frontière. Pour le dire autrement, en termes de gestion des flux migratoires, c'est une décision déterminante qui nous attend. Ce que dit la France, très simplement, c'est que, bien entendu, la Roumanie et la Bulgarie ne trouveront pas porte close, mais que des critères simples doivent être respectés.
Le premier, c'est que nous devons être sûrs de nos frontières. Or la Roumanie ne reconnaît pas de frontière avec la Moldavie, et des flux passent entre les deux pays, alors que nous reconnaissons une frontière avec la Moldavie. Cela pose un problème, qui fait pour l'instant obstacle à l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen.
Second problème : si nous leur confions nos frontières, il est légitime que nous ayons toutes les garanties nous assurant qu'elles sont bien gardées, par des douaniers en mesure d'exercer toute la vigilance que nous sommes en droit d'attendre. Or, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Un processus de surveillance de la situation en Roumanie et en Bulgarie est en cours, sous l'égide de la Commission européenne, qui s'intéresse notamment aux problèmes de corruption. Et, pour l'instant, le travail n'est pas satisfaisant.
Je le dis donc très clairement au nom du gouvernement français : nous ne mettrons pas le doigt dans un engrenage qui affaiblirait nos frontières et la capacité de l'Europe à gérer et à contrôler ses flux migratoires. J'espère que nous aurons sur ce point le soutien de la représentation nationale.
Par ailleurs, nous devons faire progresser concrètement l'Europe sur des sujets identifiables par tous nos compatriotes. Sur ce point, je veux vous livrer le fruit de ma réflexion. Les élus nationaux que vous êtes savent parfaitement que, pour tous les outils communautaires, nous avons basculé dans un système pesant, dont les processus d'instruction administrative peuvent eux-mêmes être très lourds et très coûteux, et compliquer l'inscription dans des projets européens, pour les élus locaux comme pour nos industries. C'est en quelque sorte le résultat de la crise qui a suivi la chute de la commission Santer et abouti à l'adoption de procédures de contrôle très exigeantes et très lourdes. En voici quelques illustrations simples.
Le recours aux fonds FSE est devenu très difficile et très coûteux en termes d'ingénierie administrative pour nos associations ou nos collectivités locales. N'y a-t-il pas matière à simplifier la procédure ?
Le fonds d'ajustement à la mondialisation, qui doit théoriquement bénéficier au tissu industriel, ce qui se révèle d'une très grande utilité dans la crise actuelle, est très difficile à mobiliser, voire quasiment impossible pour les PME. Nous vous proposons donc d'ouvrir une réflexion, portée conjointement par la Commission et plusieurs Etats membres, consistant à examiner les outils communautaires les uns après les autres pour voir comment simplifier les choses et alléger les contraintes de traitement administratives.
Cette initiative pourra s'accompagner d'un travail de réflexion sur nos normes car bien souvent, c'est le pouvoir réglementaire français qui surajoute aux règlements européens en étant plus royaliste que le roi. De ce point de vue, il faut sans doute revenir à quelque chose de plus simple, permettant d'avoir des normes adaptées à nos besoins en évitant tout excès de technocratie.
J'en viens au prochain Conseil européen. Plusieurs sujets seront abordés lors de ce Conseil, important et attendu. Il arrive à un moment où certains veulent tester la capacité de l'Europe à agir et à avancer. Il donnera l'occasion à l'Europe de montrer qu'elle sait être au rendez-vous en cette période de sortie de crise, en particulier pour ce qui est de l'euro.
En matière de politique économique, il va s'agir de mettre en oeuvre les orientations arrêtées lors de la réunion des 28 et 29 octobre. Je pense notamment à la mise en place d'un mécanisme pérenne de gestion des crises, qui constitue un signal fort.
Faisons un petit retour en arrière. Il y a un an et demi, l'euro n'était accompagné d'aucun mécanisme de gestion des crises : la gestion de la crise grecque a nécessité six mois de négociations. Aujourd'hui, non seulement l'Europe a été capable de prendre des décisions en quinze jours pour ce qui est de la crise irlandaise, mais elle bénéficiera aussi, grâce notamment au travail mené par le président de la République et Angela Merkel, d'un mécanisme pérenne de gestion de crise, qui s'accompagnera d'un accord sur les contours du futur mécanisme européen de stabilité.
Les consultations menées permettent de prévoir ce qui est un point décisif, notamment pour nos compatriotes : la participation du secteur privé. Personne ne comprendrait qu'après 2013, lorsqu'il y a des problèmes de créances et de dettes, le secteur privé ne soit pas mis à contribution dans la restauration de la solvabilité de la dette de tel ou tel Etat membre.
En matière de gouvernance économique, le Conseil européen a repris les conclusions du groupe Van Rompuy. L'examen des propositions législatives de la Commission a débuté au Conseil. Nous serons très attentifs à ce que ces conclusions soient reprises dans leur entier, et non pas seulement un tout petit spectre. De ce point de vue, je soutiens la proposition de Pierre Lequiller sur le gouvernement économique européen.
J'ajouterai un mot sur l'adoption du budget 2011, qui est pour moi très emblématique. Lorsque nous sommes arrivés, il y a quinze jours, l'écho était que l'Europe ne parviendrait pas à se doter d'un budget en 2011. Or la non-adoption de ce budget placerait le budget de la France en très grande difficulté. Songez seulement que cela se traduirait par un alourdissement de notre charge financière de deux milliards d'euros.
Dans ces conditions, un immense travail de coordination a été entrepris avec le Parlement européen, avec l'ensemble des Etats membres et avec la Commission pour essayer de dégager des positions de compromis. Aujourd'hui, je vous le dis, nous ne sommes pas très loin d'arriver à un accord qui permettra, pour 2011, de doter l'Europe d'un budget en ordre de bataille : il affirmera de vraies ambitions européennes tout en tenant compte des efforts que nous devons tous partager en matière de finances et de régulation budgétaire. Personne ne comprendrait qu'au moment où dans tous les Etats membres, les responsables politiques font des efforts, l'Europe ne partage pas elle aussi ces efforts. Concilier ambitions européennes et bonne gestion des crédits affectés au niveau européen, voilà une logique qui va dans le bon sens.
Nous devons aussi avoir conscience, en France comme au niveau communautaire, que sur le plan politique, c'est la fin des registres type liste au Père Noël. Tous les responsables doivent tirer des leçons. Une approche politique consistant à continuer à croire qu'en temps de crise, on peut faire des promesses coûteuses, est irresponsable.
La dynamique européenne et la crise nous conduisent tous à un devoir de responsabilité politique dans la bonne gestion des deniers publics.
Mesdames, Messieurs les Députés, je suis convaincu que nous sommes à un tournant. Jamais le besoin d'Europe, en cette période de sortie de crise, n'a été aussi important. Dans le même temps, le risque existe que certains caricaturent l'Europe et repeignent toutes ses actions en noir.
Nous avons donc besoin d'une mobilisation pour repartir à l'offensive sur le terrain européen, avancer sur la voie d'une Europe capable de mieux protéger l'ensemble de nos compatriotes, nos emplois et nos entreprises, réaffirmant ainsi la nécessité en cette période d'une Europe utile.
(...)
Tout en relevant la qualité des interventions des uns et des autres, et la précision sur ces questions européennes des différents orateurs, je vais essayer de répondre précisément aux questions soulevées.
Tout d'abord, je souhaite remercier M. Perruchot pour l'état très précis qu'il a restitué des progrès accomplis pour la protection de l'euro. Rappelons-nous du moment de la création de l'euro, le principal reproche était alors que nous n'avions pas de mécanisme permettant de faire face à une crise qui affecterait un Etat. Aujourd'hui, nous en avons un.
Vous avez rappelé la comparaison entre le mécanisme de soutien à l'Irlande et celui pour la Grèce. Six longs mois de négociations pour aboutir à une action dans le cas de la Grèce, quinze jours pour l'Irlande, avec une accélération due notamment à une implication personnelle du président, que je vous remercie de relever. Aujourd'hui, enfin, nous arrivons à la mise en place d'un mécanisme pérenne de gestion.
Vous avez raison, cette crise révèle les failles qui existaient dans notre mécanisme de gestion de l'euro. Nous sommes en train d'en sortir en tirant étape après étape les leçons qui nous permettent de renforcer la gestion de notre monnaie commune. C'est bien l'esprit de ce que nous sommes en train de faire. Lorsqu'il y a un incendie, il faut aller l'éteindre, mais il faut aussi en tirer les conséquences sur le mode de gestion global de notre monnaie commune.
Je reviendrai, en réponse aux autres questions qui ont été posées, sur les sujets de la gouvernance économique ou de la surveillance et de la régulation bancaire. Au fur et à mesure de cette épreuve, l'euro se renforce.
En réponse à l'intervention de M. Lecoq, s'agissant particulièrement de la gestion de notre budget et des interrogations concernant la souveraineté nationale en matière de budget européen, je suis convaincu que la mise en place du semestre européen ne met pas en péril la souveraineté nationale, bien au contraire. C'est une simple procédure d'information et de concertation en amont qui va nous permettre de progresser sur un point que M. Lequiller a relevé : éviter que nous décidions de stratégies européennes déconnectées de leur mise en oeuvre à l'échelon national. La stratégie de Lisbonne en a trop souffert. Ce que je souhaite, c'est que la stratégie Europe 2020, faite sur les bases des propositions que nous portons, soit aussi déclinée dans nos actions internes. Nous ne sommes pas seuls à partager cette conviction, puisque le groupe GDR a déposé une proposition de loi sur ce sujet, qui a recueilli 23 voix contre 410 votes défavorables. Cela montre bien que l'ensemble de la représentation nationale partage cette vision et considère que notre souveraineté nationale est préservée.
S'agissant de l'intervention de M. Herbillon sur les questions d'innovation et de recherche, il s'agit d'un domaine dans lequel l'Europe souffre d'un excès de contraintes et de régulations technocratiques. Il est trop difficile de bénéficier des outils au soutien de l'innovation et de la recherche qui s'adressent aux PME et à nos principaux organismes de recherche.
En la matière, la France veut d'abord se doter d'un fonds européen des brevets. Trop de nos brevets européens dorment et ne génèrent pas de déclinaisons économiques ou en termes d'emploi. Le Premier ministre a rappelé lors de sa déclaration de politique générale que ce fonds européen des brevets peut être utilisé de façon beaucoup plus offensive.
Ensuite, il faut pouvoir bénéficier de financements innovants et d'un fonds à destination de nos PME permettant de soutenir des innovations. Nous travaillons sur ce sujet avec Christine Lagarde, il y a beaucoup à gagner.
Dernier aspect, le brevet européen. C'est un sujet qui dort depuis vingt ans dans les cartons de l'Union européenne. Sur ce sujet, la détermination d'un certain nombre de pays est clairement affirmée. Nous sommes allés au bout de notre marge de négociation. Nous sommes allés au bout des efforts pour chercher des solutions de compromis entre les différents Etats. Pendant ce temps, nos entreprises attendent. Le brevet européen est un enjeu majeur, car c'est aujourd'hui aux Etats-Unis que vont nos brevets. Nous avons donc décidé de mettre en place une coopération renforcée qui nous permettra d'avancer et de placer chacun face à ses responsabilités. Nous espérons que de nombreux pays se joindront à nous et que nous pourrons enfin progresser, dès l'année prochaine, sur ce sujet qui a trop attendu.
Monsieur Caresche, je vous ferai deux réponses très précises. Concernant la participation des créanciers privés, vous avez parfaitement raison de souligner qu'elle n'était pas prévue. La mise en place du mécanisme pérenne de gestion de crise permet maintenant de prévoir systématiquement une participation des créanciers au cas par cas. Cette participation repose sur un outil qui est d'ailleurs utilisé au niveau du FMI, les clauses d'action collective, qui seront mises en oeuvre dans des modalités comparables. Ces clauses permettront d'éviter qu'une minorité de créanciers privés s'oppose à ce que nous ayons la participation dans le cadre d'un dispositif de solvabilité en cas de défaillance sur une créance d'Etat.
Ce dispositif nous permet de garantir la priorité de remboursement des Etats, et donc du contribuable. Et il assure la priorité de remboursement pour les créances et les emprunts qui ont été portés par les Etats avant les créances privées. Ce point est absolument déterminant, et nous assumons cette décision, prise conjointement par la France et l'Allemagne, et qui sera applicable à compter de 2013.
S'agissant du FMI, nous disposons d'un outil, puisque nous avons mis en place un fonds nous permettant de réagir aux crises. Vous l'avez dit, nous devons faire attention, dans ces périodes, à mener des politiques responsables. Chaque parole excessive - cela n'a pas été votre cas - peut nourrir l'anxiété, la peur irrationnelle, ou les attaques spéculatives. Ce fonds est correctement doté, il est solide, il nous permet de faire face. Ouvrir le sujet de nouveaux montants aujourd'hui, c'est désigner de nouvelles cibles et nous ne voulons pas aller dans cette direction.
Je voudrais souligner les propos du président Lequiller sur la coopération franco-allemande et ce qu'elle nous a permis de faire. Cette coopération commence par la comparaison des intérêts de chaque pays. Sur chaque sujet, nous dégageons des points de convergence et d'équilibre qui vont dans le sens de l'intérêt communautaire. Comme vous l'avez rappelé, ce fut le cas sur le budget 2011, sur l'Irlande, et sur le mécanisme de gestion pérenne des crises. Je pense que c'est ce qui fait la force de la relation franco-allemande en ce moment. Chacun respecte des intérêts qui ne sont pas forcément les siens, mais sur tous les sujets, à l'arrivée, une position commune émerge et permet de faire avancer l'Europe.
De ce point de vue, les positions qui vont être portées par M. Van Rompuy et au sein de la Commission reposent sur un principe assez simple : celui d'une révision la plus limitée possible du traité. Tout raffinement, toute volonté d'ouvrir une révision qui serait trop large se traduirait en effet par un processus de transposition lourd et difficile. Ce dont nous avons besoin, c'est de montrer de la détermination et de la rapidité. Il importe que l'Europe fasse très rapidement preuve de sa capacité à ajuster ses mécanismes et à faire face en défendant sa monnaie de façon conjointe. Evitons-nous des luxes de raffinement, et faisons une révision simple, limitée à quelques éléments très sobres, qui nous permette de nous doter ensuite de ce mécanisme de prévention des crises à l'avenir.
Vous avez relevé deux autres éléments, Monsieur Lequiller. Le renforcement de la régulation bancaire, tout d'abord. La crise irlandaise doit aussi nous interroger. L'Irlande remplissait parfaitement les critères de Maastricht. Les mailles du filet n'ont pas permis d'identifier les problèmes qui apparaissaient. Cela signifie que nous devons resserrer les mailles de ce filet pour éviter que ces crises rampantes puissent à nouveau surgir, en agissant sur deux volets. Le premier est la régulation bancaire. Celle-ci était insuffisante dans le cas de l'Irlande, et cela est l'objet du paquet «Barnier», que le commissaire a dévoilé. Le second volet est qu'il ne faut pas se contenter d'avoir pour critère le déficit ou le ratio dette sur PIB. Il faut une approche de bon sens consistant à se demander si le modèle économique, la pente de croissance suivie par un Etat, lui permet de rembourser ses dettes et de ne pas générer une crise qui va ensuite affecter ses voisins. Toutes les propositions conjointes vont dans le sens d'une surveillance fondée sur ces principes de bon sens avec un panorama macroéconomique plutôt qu'un spectre d'analyse trop étroit et nécessairement limité.
Pour ce qui est de l'information des parlements nationaux, nous sommes bien entendu ouverts, et l'expertise que vous avez su construire au niveau de la Commission est un bon gage de l'importance de cette juste information du Parlement européen sur les questions budgétaires.
Le président Poniatowski a insisté sur deux sujets. S'agissant de la bonne coordination entre l'échelon européen et la gestion du G8 et du G20, c'est bien entendu la volonté du président de la République, et nous avons commencé avec Christine Lagarde à poser des jalons pour le Parlement européen, pour la Commission, pour l'ensemble des Etats membres - je l'évoquais avec la présidence hongroise - et bien entendu, pour les parlements nationaux.
S'agissant du dialogue stratégique avec nos grands voisins, n'ayons pas peur d'avoir de l'ambition. Ce sont des relations extérieures qui comportent bien entendu une dimension européenne. Les améliorations récentes de nos relations avec la Russie en sont une incarnation. La volonté d'avancer sur l'UPM en est un exemple, et les efforts destinés à doter l'Union européenne d'un service de relations extérieures digne de ce nom va dans ce sens, et c'est aussi pour cela qu'il nous faut un budget 2011. Sinon, ce service qui aura à sa tête un diplomate français, ce qui est une grande victoire pour notre pays, ne sera pas doté d'ambitions suffisantes.
Sur tous ces sujets, je suis convaincu que l'Europe peut traverser la crise et en sortir avec des outils renforcés. Elle peut également retrouver les chemins d'une bonne et juste ambition européenne. Cette même conviction s'est retrouvée dans toutes vos interventions. Nous avons encore plus besoin de l'Europe après la crise qu'avant.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2010