Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le rôle et les missions du Centre national du cinéma (CNC) et la politique en faveur du cinéma, Paris le 30 novembre 2010.

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Circonstance : Installation du Conseil d'administration du Centre national du cinéma et de l'image animée à Paris le 30 novembre 2010

Texte intégral


Madame la Présidente, chère Véronique Cayla
Mesdames et Messieurs,
Comme vous le savez mieux que moi, la tenue de ce premier conseil d'administration du Centre national du cinéma et de l'image animée est en soi un événement historique.
Il me permet d'ailleurs - si vous me permettez d'anticiper - d'annoncer pour 2011 la célébration des 65 ans de cet établissement qui est aujourd'hui, et depuis qu'André Malraux l'a ramené dans son giron, l'un des fleurons les plus beaux et les plus efficaces du Ministère de la Culture et de la Communication.
Evènement historique à double titre, donc, puisque l'établissement public s'est passé durant près de 65 ans d'organes de gouvernance (présidence, conseil d'administration), alors que tous les établissements de ce type en sont dotés.
Historique également, parce que l'instauration de cette nouvelle gouvernance est contemporaine d'une rénovation complète du cadre juridique et financier dans lequel le CNC évolue, et plus généralement des outils de la politique du cinéma, qui ont été modernisés par ordonnance l'an dernier et consignés dans un tout nouveau code du cinéma et de l'image animée.
Le Gouvernement a ainsi fait aboutir une réforme maintes fois évoquée, mais jamais réalisée.
Nombreuses ont été les esquisses d'organe de gouvernance du CNC qui se sont succédées dans son histoire. Ces avatars multiples ont porté les doux noms de « conseil paritaire », « conseil supérieur du cinéma », « commission consultative du cinéma », et jusqu'à récemment la commission professionnelle dite « commission Chavanne », qui était régulièrement consultée sur le budget et les grands axes stratégiques de l'établissement.
Ces élaborations successives révèlent bien la nature très particulière du CNC, qui tient à ses origines propres et aux circonstances historiques de sa création, lorsque en 1946 un ministre de l'information nommé Gaston Defferre, et sa conseillère pour le cinéma, Colette Audry, la dialoguiste de « La bataille du rail » décidèrent de créer au sein de l'Etat, une administration du cinéma, qui aura une structure « bicéphale ».
Le CNC, dès sa naissance en octobre 1946, est en effet à la fois une administration de l'Etat et une sorte de grande maison des professionnels du cinéma, où s'élaborent, dans la concertation permanente, les choix d'une politique du cinéma unique au monde et qui fera, au fil du temps, l'honneur de notre pays.
1946, c'est l'année de « La belle et la bête », de « La partie de campagne » et du plan Monnet, qui comporte un volet sur la modernisation du cinéma français. Preuve que, finalement, Jean Monnet, en France, avait bien commencé par la culture...
Particularité aussi parce que, naturellement, depuis qu'André Malraux a fait entrer les critères artistiques dans les modes d'attribution du soutien au cinéma avec l'avance sur recettes (déclinée depuis dans d'autres formes d'aides), les professionnels, en tant qu'experts et gens de l'art, sont étroitement associés aux choix du CNC et à sa politique d'aide, qu'une machine administrative, aussi bien gérée fut-elle, serait incapable d'assumer.
Mais je crois bon de rappeler que la création aujourd'hui d'un conseil d'administration au CNC est aussi la contrepartie d'une plus grande autonomie acquise récemment par cette belle maison du cinéma, qui est désormais en capacité de percevoir directement les taxes qui alimentent le fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et aux nouveaux médias numériques.
La normalisation de la gouvernance de l'établissement était, en effet, la condition de cette autonomie financière, et sera le gage de la transparence de sa gestion, que je souhaite la plus complète possible.
Cette modernisation du statut du CNC s'est faite néanmoins - et c'est très important- dans le respect de son originalité. Il s'agissait en effet de conforter l'établissement et à travers lui, un modèle dont la réussite est incontestée. Aux côtés du Conseil d'administration composé de représentants de l'Etat, de magistrats et de représentants du personnel, siègera aussi une instance consultative, l'héritière de la commission Chavanne, qui permettra à l'ensemble des professions artistiques et techniques qui oeuvrent dans le champ couvert par le CNC d'être toujours consultées sur la définition des grands orientations du Centre.
Dans le même esprit, le CNC va conserver son très atypique double statut d'Etablissement public et de service de l'Etat placé sous l'autorité du Ministre, selon les fonctions qu'il exerce et qui sont parfaitement complémentaires. C'est sans doute très original d'un point de vue théorique, mais c'est une recette qui a plus que fait ses preuves. Cette architecture remarquablement adaptée à ses missions est très clairement assurée juridiquement dans le nouveau code du cinéma et de l'image animée.
En tant qu'opérateur de l'Etat, le CNC a pour missions essentielles le soutien économique et l'observation des professions et activités ; le contrôle et la transparence des recettes d'exploitation des oeuvres ; et la conservation du patrimoine cinématographique. Ce sont les domaines dans lesquels le conseil d'administration arrêtera les choix de l'établissement.
Mais son président gardera aussi, sous l'autorité directe du Ministre, sa compétence pour l'élaboration de textes législatifs et réglementaires relatifs au cinéma et aux autres arts et industries de l'image animée, pour la délivrance d'autorisations d'exercice et le contrôle du respect de la réglementation applicable à tout le secteur du cinéma et de l'image animée.
Les champs d'intervention du Centre ont cependant considérablement évolué au fil de l'histoire, des avancées technologiques et des frontières de la politique culturelle de l'Etat. Le CNC est bien sûr toujours pleinement compétent sur le cinéma. Mais il accompagne désormais aussi la production audiovisuelle d'oeuvres patrimoniales, c'est-à-dire la fiction, le documentaire, ou encore l'animation. Et il s'est tourné, dans les années récentes, vers la vidéo d'abord, le jeu vidéo ensuite et désormais vers la production d'oeuvres pour tous les nouveaux supports de diffusion, en particulier l'Internet.
Le changement d'appellation du Centre symbolise donc cette évolution : le Centre national de la cinématographie est devenu le Centre national du cinéma et de l'image animée.
Le CNC est l'expression d'une politique publique volontariste et ambitieuse qui porte ses fruits, comme en attestent ses résultats récents.
Le parc des salles de cinéma, doté de plus de 5 400 écrans, reste par sa densité et sa qualité un lieu de culture extraordinairement attractif pour nos concitoyens. En témoigne la très bonne fréquentation qui va, en 2010 comme l'an dernier, largement dépasser le niveau historique des 200 millions d'entrées, et ainsi renouer avec le niveau de fréquentation des années 68, bien avant que la diffusion du cinéma à la télévision et sur les écrans individuels, ne devienne massive.
Car aller voir un film en salles est une pratique culturelle à nouveau plébiscitée par les français : le cinéma est de loin le premier loisir culturel puisque 63 % des français vont au moins une fois par an au cinéma (alors que 45,6 % fréquentent les musées, 41 % vont à des expositions, 39 % assistent à des concerts, 36,2 % fréquentent des bibliothèques et 26,3 % vont au théâtre).
C'est donc un art à la pointe de la démocratisation culturelle et de la « culture pour chacun ». Les dispositifs d'éducation au cinéma, dans les écoles, collèges et lycées - renforcés depuis peu par la cinémathèque virtuelle et numérique « ciné-lycées » - n'y sont pas étrangers, et font un travail remarquable qui cultive cette cinéphilie française qu'on nous envie partout dans le monde.
Ce sont 230 films en 2009 qui ont reçu l'agrément du CNC, pour plus d'un milliard d'euros d'investissement.
La part de marché des films français dans nos salles, qui oscille autour de 35 à 40 %, est à un niveau bien supérieur aux cinématographies nationales de nos voisins européens (en 2009 : l'Espagne est à 16 %; le Royaume-Uni à 16,5%; l' Italie à 23,4 %; et l' Allemagne à 27,4 %).
Notre politique patrimoniale qui associe intelligemment acteurs publics et privés est elle aussi saluée par tous nos partenaires étrangers.
Parmi les succès à porter au crédit du CNC, il y a également le développement d'un tissu d'entreprises dynamiques de production d'oeuvres audiovisuelles, particulièrement performantes en matière de documentaire et d'animation, et dont les programmes connaissent de vrais succès en France et de plus en plus à l'exportation.
L'animation, tout particulièrement, s'est solidement structurée, grâce à une filière qui va d'excellentes écoles françaises à une production de qualité. Cette dernière, au-delà des diffusions françaises, a su intégrer, en amont, des partenariats et donc des diffusions à travers le monde. Les outils de production technique et le savoir-faire des équipes en animation sont dès lors unanimement reconnus, et avec l'appui d'un crédit d'impôt bien calibré, conduisent aussi à ce que ce savoir-faire attire en France la production de films américains.
Cette dynamique audiovisuelle se prolonge désormais sur les nouveaux supports de diffusion à travers des web-documentaires, et plus récemment encore avec la web-fiction.
Dans ce contexte, les deux axes majeurs de notre action consistent à veiller constamment à la diversité et au renouvellement de la création, et à permettre à notre industrie d'images et à nos créateurs de maîtriser parfaitement les technologies numériques, qui se développent à grande vitesse.
Le budget que vous venez d'adopter répond bien à ces priorités. Grâce à la modernisation de ses ressources et au plan numérique qu'il met en oeuvre, le CNC est pleinement inscrit dans ce nouvel univers et nous pouvons considérer l'avenir avec optimisme. Nous allons mettre à profit la croissance très importante des ressources du Centre en 2011, qui ont - cela ne vous a pas échappé- attisé certaines convoitises, pour entreprendre la numérisation de l'ensemble du réseau de salles de cinéma. Cela permettra aux salles rurales comme aux circuits itinérants d'être dotés de la technologie numérique et de pouvoir ainsi garder leur liberté de programmation, et d'accroître leur public. Les seules lois du marché ne sauraient garantir cet objectif qui relève proprement d'une politique culturelle. L'effort a été chiffré à environ 125 Meuros sur trois ans et le budget 2011 y apportera une contribution importante.
C'est aussi la numérisation des films, qu'il s'agisse de permettre à la toute la production d'aujourd'hui l'accès au master numérique, gage de sa plus large diffusion, ou de la numérisation de notre patrimoine, en complément du programme de numérisation élaboré avec l'appui du commissariat général à l'investissement, que j'ai encore évoqué très récemment avec René Ricol.
Enfin c'est le renforcement de nos soutiens à la production et à sa diversité, notamment par une progression sensible des soutiens sélectifs, ou encore les aides à nos industries techniques - en pleine période de mutation et d'investissement, - et aux nouvelles images, notamment en 3D.
Pour relever ces défis, je sais que je peux compter sur l'ensemble du personnel du Centre, dont chacun connaît la compétence et l'attachement à ses missions, et maintenant sur les membres du Conseil d'administration. Je suis convaincu que vous aurez à coeur de vous inscrire dans la poursuite de la politique exemplaire que la France a su mener dans le domaine du cinéma, mais qui demande à être constamment adaptée et mise à jour. C'est ce précieux travail qui vous est confié. C'est une tâche exaltante et difficile mais je ne doute pas que vous la remplirez avec conscience et animés par l'amour du cinéma.
Avant de vous quitter, je souhaiterais rendre un hommage tout particulier à Véronique Cayla à qui revient le privilège- très mérité- d'être la première « Présidente » en exercice du CNC et de son conseil d'administration . Je tiens à la remercier pour l'entreprise considérable de rénovation de cet établissement qu'elle a menée au cours des cinq ans de son mandat, qui s'achèvera prochainement, puisqu'elle a accepté, - et je l'en remercie - la belle responsabilité que lui a confiée le Président de la République de veiller à la destinée d'ARTE, à compter du début de l'année 2011.
En saluant aujourd'hui l'institution que vous incarnez désormais, c'est aussi à Véronique et à ses équipes que je transmet un salut amical, chaleureux et très reconnaissant.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 décembre 2010