Interview de M. Maurice Leroy, ministre de la ville à Canal Plus le 18 novembre 2010, sur la politique urbaine, l'échec du Plan Banlieue et le budget du ministère de la ville.

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Média : Canal Plus

Texte intégral


 
 
 
M. Biraben  et C. Roux.-  M. Biraben : Le ministre de la Ville est sur le plateau de « La  matinale », M. Leroy. Il est l'un des deux centristes qui a fait son  entrée au gouvernement. Fidèle d'H. Morin, il a emboîté le pas de J.-L.  Borloo désormais. Successeur de F. Amara qui a échoué avec son Plan  banlieue, il récupère un dossier lourd, mais pas le budget qui va avec.  On a juste envie de lui souhaiter bonne chance, M. Leroy, et  bienvenue. 
 
Merci. Bonjour. 
 
C. Roux : Bonjour. 
 
Il a toujours autant de talent, Cyril. 
 
M. Biraben : Oui ! 
 
C. Roux : Toujours ! 
 
M. Biraben : Merci pour lui. 
 
C. Roux : Il y a des choses qui ne changent pas. 
 
C'est vrai. 
 
C. Roux : Alors, oui, votre arrivée, « bon courage » disait Maïtena pour  votre arrivée au gouvernement, avec un dossier sensible pour  commencer, pour cette première interview de ministre, puisque  l'enquête sur l'attentat de Karachi a rebondi après le témoignage de  l'ancien ministre de la Défense, C. Millon. La question qui se pose ce  matin c'est : faut-il lever le secret défense pour faire tout le clair sur  cette affaire ? 
 
Ecoutez, c'est au Premier ministre à en décider, à prendre la décision. Je suis  ministre de la Ville, vous comprenez que je n'intervienne pas sur une affaire  qui est en cours de procédure judiciaire. Ce n'est pas mon rôle. 
 
C. Roux : Effectivement, on peut s'en sortir comme ça, on peut  considérer aussi que vous êtes... 
 
... non, non, on ne peut pas s'en sortir, c'est une éthique. 
 
C. Roux : ... que vous pouvez avoir envie que toute la lumière soit faite  sur cette histoire. Par exemple, F. Bayrou disait, hier, que c'était une  affaire qui empoisonne la vie politique depuis des années, et qui est  nécessaire d'en finir. 
 
F. Bayrou est dirigeant d'un parti politique, le MoDem. Je suis ministre de la  République. Un ministre de la République ne commente pas les décisions de  justice, et certainement pas les procédures judiciaires en cours. 
 
C. Roux : Ce sera votre règle en la matière ? 
 
Toujours ! 
 
C. Roux : C'est après le recadrage de N. Sarkozy en Conseil des  ministres sur ce qu'il a demandé aux membres du Gouvernement, à  savoir une solidarité ? 
 
Non, ce n'est pas un problème... C. Roux, vous me connaissez bien, je n'ai  pas besoin d'être recadré, pas plus moi que les autres ministres qui sont  autour de la table du Conseil des ministres. Je pense qu'on a besoin de  retrouver un peu d'éthique, effectivement, en politique, voilà. Chacun son  job. Moi, le mien, c'est la politique de la ville, les quartiers sensibles, je ne  suis pas garde des Sceaux, ni ministre de la Justice, c'est mon ami  M. Mercier qui le devient. Donc, voilà, chacun à sa place. 
 
M. Biraben : Alors, parlons-en de la ville, justement. 
 
C. Roux : Oui, puisque vous êtes un ministre de combat, c'est F. Fillon  qui l'a dit... 
 
... ça, c'est certain ! 
 
C. Roux : Votre combat à vous ça va être un combat que vous allez  mener sur un dossier délicat, difficile, qui est le dossier de la ville. Vous  succédez à F. Amara sur ce sujet. A votre avis pourquoi a-t-elle échoué  à imposer son Plan banlieue ? 
 
Attendez, je ne vous dirai pas que F. Amara a échoué, et je vais vous dire  pourquoi je ne le dirai pas. Je n'aime pas bien quand un ministre, un maire,  même un président de conseil général ou régional, arrive et s'amuse à dire :  « vous allez voir, avec moi, ça va être formidable, qu'est-ce que c'était nul et  moche avant ». Ça n'a pas de sens. Et ça en a encore moins dans la politique  de la Ville. Vous savez, depuis le premier poste du ministère de la Ville qui  était occupé par M. Delebarre, socialiste, avec Y. Dauge, socialiste, qui était  le premier délégué interministériel à la Ville, il y a une continuité. Je vais vous  expliquer une chose, pourquoi ? Je connais bien ce dossier de la politique de  la Ville, je le connais très bien, j'ai beaucoup travaillé sur ces questions. Et  moi, je sais une chose, c'est que sur les questions urbaines, qui sont de  véritables questions de civilisation, le temps du projet ne correspond pas au  temps médiatique, c'est un temps long. Il y a sans doute des opérations qui  vont voir le jour qui ont été pilotées par Fadela, et d'autres qui ont été même  pilotées par son prédécesseur. 
 
C. Roux : Donc, vous nous dites qu'elle a réussi à imposer son Plan  banlieue ? Puisque vous ne voulez pas nous dire qu'elle a échoué, vous  considérez qu'elle a fait avancer durablement la politique de la ville ? 
 
On ne me fera pas polémiquer avec F. Amara, et puis je suis plutôt un  homme de combat, je n'aime pas regarder dans les rétroviseurs, j'aime bien  regarder devant, dans le pare-brise, et avancer. 
 
C. Roux : On va quand même essayer de vous positionner puisque vous  dites qu'en gros, tout se vaut sur le dossier de la ville. 
 
Je n'ai pas dit que tout se valait. 
 
C. Roux : En tout cas, que ça c'est dans la durée. 
 
Non mais, je ne suis pas... voilà. Je vais vous expliquer une chose : la  politique de la ville, si on veut la réussir on doit travailler avec l'ensemble des  maires, les associations, il y a un tissu associatif riche, les habitants, voilà, et  nos concitoyens. Et donc, la politique de la Ville c'est ni droite ni gauche, je  vais vous dire, ce n'est même pas centriste, voilà. Et moi, j'ambitionne de  travailler dans le consensus national sur cette question et je suis heureux de  voir que j'ai été bien accueilli à gauche, à droite et au centre, je ne vais pas  vous révéler tous les petits mots que j'ai reçus à l'Assemblée nationale, mais  surtout les bancs. 
 
C. Roux : Est-ce que vous vous considérez comme un ministre de la  banlieue ? 
 
Je me considère comme un ministre de la ville. Et moi, qui suis un laïc  républicain, je pense de toutes mes fibres que l'intégration sera républicaine  ou ne sera pas. Vous savez, dans ces quartiers le taux de chômage est  nettement plus élevé que la moyenne nationale. Il y a toute une série de  critères de ségrégation urbaine et sociale qui sont vraiment difficiles. Et je  suis heureux que le Premier ministre et le président de la République aient  décidé en plus de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, en plus de  l'Agence nationale de cohésion sociale, de me confier l'important dossier du  Grand Paris. 
 
C. Roux : Important dossier. Est-ce que l'équivalent sera en face un  important budget pour le Ministère de la Ville ? F. Amara - encore une  fois, pardonnez-moi, mais elle était à votre place il n'y a pas si  longtemps - a expliqué à quel point c'était difficile d'imposer ses  arbitrages à Matignon, à quel point elle avait eu du mal, c'est là qu'elle  avait eu ses propos à propos de F. Fillon, le traitant de « bourgeois de la  Sarthe » qui ne comprenait pas donc la banlieue. Est-ce que vous aurez  les marges de manoeuvre financières ? Est-ce que vous êtes assuré du  soutien du Premier ministre ?
 
  Je suis assuré du soutien du Premier ministre, je le rencontre d'ailleurs cet  après-midi, et du président de la République qui tous deux ont envie  effectivement qu'on mette le paquet, qu'on mette les moyens sur la politique  de la ville. Mais je vais vous dire une chose très importante, moi, j'ai mis en  oeuvre le premier plan en France à l'échelle de tout un département, c'était  dans les Hauts-de-Seine, avec C. Pasqua, un vrai plan d'harmonisation  sociale et urbaine. Et je vais vous dire une chose qui va peut-être vous  surprendre : la politique de la ville ce n'est pas qu'une affaire de « Bébête  show », ce n'est pas qu'une affaire de moyens financiers lourds. Il faut  dépenser mieux. Il faut arrêter en France, on est toujours à dépenser plus.  C'est l'argent public, c'est l'argent du contribuable. Et on est dans une crise  grave, financière et économique grave. Il faut dépenser mieux. Avec mon  cabinet, avec l'équipe que je suis en train de mettre en place, je vous assure  que je prends à bras-le-corps les dossiers. Réinvitez-moi d'ici quelques mois  et vous le verrez, on prendra des initiatives. Ca ne veut pas dire forcément  plus d'argent public. Il faut arrêter avec ça. 
 
C. Roux : On a compris qu'il n'y en a plus d'argent public ! 
 
C'est très bien votre remarque, c'est parce qu'il n'y a plus d'argent public  que nous avons besoin et qu'il est utile de le gérer mieux. 
 
C. Roux : Est-ce que vous allez travailler avec les socialistes sur la  politique de la ville ? Oui ? 
 
Mais attendez, je vais travailler avec les socialistes, je vais travailler avec les  communistes, ou quand il y a un maire écologiste... Je travaillerai avec eux. 
 
C. Roux : M. Leroy, la question, parce qu'il y a eu des propositions des  socialistes concernant la ville. 
 
Tant mieux, je m'en réjouis. 
 
C. Roux : Une des propositions intéressantes, c'est l'idée émise par  M. Aubry de réintroduire de la proximité dans les villes, des  commerces de proximité avec une loi SRU pour imposer un quota,  d'une certaine manière, de commerces de proximité. Est-ce que vous  êtes favorable, oui ou non ?
 
 Ecoutez, ça c'est typiquement socialiste. Je vais travailler... très intéressante  votre intervention. 
 
C. Roux : Décidément ! 
 
M. Biraben : C'est bien ! 
 
Ca ne m'étonne pas de M. Aubry. M. Aubry, c'est toujours des quotas, c'est  toujours carré, on est toujours dans la critique, etc. Vous savez, les maires  socialistes, d'ailleurs M. Aubry devrait davantage sur la politique de la ville  comme sur d'autres sujets se rapprocher des maires socialistes, vraiment,  parce qu'il n'y a pas un maire socialiste qui vous dira qu'il faut des quotas de  commerces de proximité, ça n'a pas de sens. De la même façon qu'on ne  décrète pas l'emploi. Ce sont les chefs d'entreprise qui créent l'emploi. Vous  voyez, vous, un décret au Journal Officiel de la République pour décréter des  quotas de commerces de proximité. Ca m'étonne d'elle parce que à l'époque  elle avait mis une fondation qui était très intéressante, la fondation Agir  contre l'exclusion, et je suis surpris de cette proposition que je ne connaissais  pas, que je découvre. 
 
C. Roux : Donc, il y a 41 propositions. 
 
J'ai bien fait de venir à « La matinale ». 
 
C. Roux : Voilà ! 
 
Quarante et un : c'est un chiffre que j'aime bien, c'est le Loir et Cher.  (.../...) 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2010