Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : Le ministre de la Ville est sur le plateau de « La matinale », M. Leroy. Il est l'un des deux centristes qui a fait son entrée au gouvernement. Fidèle d'H. Morin, il a emboîté le pas de J.-L. Borloo désormais. Successeur de F. Amara qui a échoué avec son Plan banlieue, il récupère un dossier lourd, mais pas le budget qui va avec. On a juste envie de lui souhaiter bonne chance, M. Leroy, et bienvenue.
Merci. Bonjour.
C. Roux : Bonjour.
Il a toujours autant de talent, Cyril.
M. Biraben : Oui !
C. Roux : Toujours !
M. Biraben : Merci pour lui.
C. Roux : Il y a des choses qui ne changent pas.
C'est vrai.
C. Roux : Alors, oui, votre arrivée, « bon courage » disait Maïtena pour votre arrivée au gouvernement, avec un dossier sensible pour commencer, pour cette première interview de ministre, puisque l'enquête sur l'attentat de Karachi a rebondi après le témoignage de l'ancien ministre de la Défense, C. Millon. La question qui se pose ce matin c'est : faut-il lever le secret défense pour faire tout le clair sur cette affaire ?
Ecoutez, c'est au Premier ministre à en décider, à prendre la décision. Je suis ministre de la Ville, vous comprenez que je n'intervienne pas sur une affaire qui est en cours de procédure judiciaire. Ce n'est pas mon rôle.
C. Roux : Effectivement, on peut s'en sortir comme ça, on peut considérer aussi que vous êtes...
... non, non, on ne peut pas s'en sortir, c'est une éthique.
C. Roux : ... que vous pouvez avoir envie que toute la lumière soit faite sur cette histoire. Par exemple, F. Bayrou disait, hier, que c'était une affaire qui empoisonne la vie politique depuis des années, et qui est nécessaire d'en finir.
F. Bayrou est dirigeant d'un parti politique, le MoDem. Je suis ministre de la République. Un ministre de la République ne commente pas les décisions de justice, et certainement pas les procédures judiciaires en cours.
C. Roux : Ce sera votre règle en la matière ?
Toujours !
C. Roux : C'est après le recadrage de N. Sarkozy en Conseil des ministres sur ce qu'il a demandé aux membres du Gouvernement, à savoir une solidarité ?
Non, ce n'est pas un problème... C. Roux, vous me connaissez bien, je n'ai pas besoin d'être recadré, pas plus moi que les autres ministres qui sont autour de la table du Conseil des ministres. Je pense qu'on a besoin de retrouver un peu d'éthique, effectivement, en politique, voilà. Chacun son job. Moi, le mien, c'est la politique de la ville, les quartiers sensibles, je ne suis pas garde des Sceaux, ni ministre de la Justice, c'est mon ami M. Mercier qui le devient. Donc, voilà, chacun à sa place.
M. Biraben : Alors, parlons-en de la ville, justement.
C. Roux : Oui, puisque vous êtes un ministre de combat, c'est F. Fillon qui l'a dit...
... ça, c'est certain !
C. Roux : Votre combat à vous ça va être un combat que vous allez mener sur un dossier délicat, difficile, qui est le dossier de la ville. Vous succédez à F. Amara sur ce sujet. A votre avis pourquoi a-t-elle échoué à imposer son Plan banlieue ?
Attendez, je ne vous dirai pas que F. Amara a échoué, et je vais vous dire pourquoi je ne le dirai pas. Je n'aime pas bien quand un ministre, un maire, même un président de conseil général ou régional, arrive et s'amuse à dire : « vous allez voir, avec moi, ça va être formidable, qu'est-ce que c'était nul et moche avant ». Ça n'a pas de sens. Et ça en a encore moins dans la politique de la Ville. Vous savez, depuis le premier poste du ministère de la Ville qui était occupé par M. Delebarre, socialiste, avec Y. Dauge, socialiste, qui était le premier délégué interministériel à la Ville, il y a une continuité. Je vais vous expliquer une chose, pourquoi ? Je connais bien ce dossier de la politique de la Ville, je le connais très bien, j'ai beaucoup travaillé sur ces questions. Et moi, je sais une chose, c'est que sur les questions urbaines, qui sont de véritables questions de civilisation, le temps du projet ne correspond pas au temps médiatique, c'est un temps long. Il y a sans doute des opérations qui vont voir le jour qui ont été pilotées par Fadela, et d'autres qui ont été même pilotées par son prédécesseur.
C. Roux : Donc, vous nous dites qu'elle a réussi à imposer son Plan banlieue ? Puisque vous ne voulez pas nous dire qu'elle a échoué, vous considérez qu'elle a fait avancer durablement la politique de la ville ?
On ne me fera pas polémiquer avec F. Amara, et puis je suis plutôt un homme de combat, je n'aime pas regarder dans les rétroviseurs, j'aime bien regarder devant, dans le pare-brise, et avancer.
C. Roux : On va quand même essayer de vous positionner puisque vous dites qu'en gros, tout se vaut sur le dossier de la ville.
Je n'ai pas dit que tout se valait.
C. Roux : En tout cas, que ça c'est dans la durée.
Non mais, je ne suis pas... voilà. Je vais vous expliquer une chose : la politique de la ville, si on veut la réussir on doit travailler avec l'ensemble des maires, les associations, il y a un tissu associatif riche, les habitants, voilà, et nos concitoyens. Et donc, la politique de la Ville c'est ni droite ni gauche, je vais vous dire, ce n'est même pas centriste, voilà. Et moi, j'ambitionne de travailler dans le consensus national sur cette question et je suis heureux de voir que j'ai été bien accueilli à gauche, à droite et au centre, je ne vais pas vous révéler tous les petits mots que j'ai reçus à l'Assemblée nationale, mais surtout les bancs.
C. Roux : Est-ce que vous vous considérez comme un ministre de la banlieue ?
Je me considère comme un ministre de la ville. Et moi, qui suis un laïc républicain, je pense de toutes mes fibres que l'intégration sera républicaine ou ne sera pas. Vous savez, dans ces quartiers le taux de chômage est nettement plus élevé que la moyenne nationale. Il y a toute une série de critères de ségrégation urbaine et sociale qui sont vraiment difficiles. Et je suis heureux que le Premier ministre et le président de la République aient décidé en plus de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, en plus de l'Agence nationale de cohésion sociale, de me confier l'important dossier du Grand Paris.
C. Roux : Important dossier. Est-ce que l'équivalent sera en face un important budget pour le Ministère de la Ville ? F. Amara - encore une fois, pardonnez-moi, mais elle était à votre place il n'y a pas si longtemps - a expliqué à quel point c'était difficile d'imposer ses arbitrages à Matignon, à quel point elle avait eu du mal, c'est là qu'elle avait eu ses propos à propos de F. Fillon, le traitant de « bourgeois de la Sarthe » qui ne comprenait pas donc la banlieue. Est-ce que vous aurez les marges de manoeuvre financières ? Est-ce que vous êtes assuré du soutien du Premier ministre ?
Je suis assuré du soutien du Premier ministre, je le rencontre d'ailleurs cet après-midi, et du président de la République qui tous deux ont envie effectivement qu'on mette le paquet, qu'on mette les moyens sur la politique de la ville. Mais je vais vous dire une chose très importante, moi, j'ai mis en oeuvre le premier plan en France à l'échelle de tout un département, c'était dans les Hauts-de-Seine, avec C. Pasqua, un vrai plan d'harmonisation sociale et urbaine. Et je vais vous dire une chose qui va peut-être vous surprendre : la politique de la ville ce n'est pas qu'une affaire de « Bébête show », ce n'est pas qu'une affaire de moyens financiers lourds. Il faut dépenser mieux. Il faut arrêter en France, on est toujours à dépenser plus. C'est l'argent public, c'est l'argent du contribuable. Et on est dans une crise grave, financière et économique grave. Il faut dépenser mieux. Avec mon cabinet, avec l'équipe que je suis en train de mettre en place, je vous assure que je prends à bras-le-corps les dossiers. Réinvitez-moi d'ici quelques mois et vous le verrez, on prendra des initiatives. Ca ne veut pas dire forcément plus d'argent public. Il faut arrêter avec ça.
C. Roux : On a compris qu'il n'y en a plus d'argent public !
C'est très bien votre remarque, c'est parce qu'il n'y a plus d'argent public que nous avons besoin et qu'il est utile de le gérer mieux.
C. Roux : Est-ce que vous allez travailler avec les socialistes sur la politique de la ville ? Oui ?
Mais attendez, je vais travailler avec les socialistes, je vais travailler avec les communistes, ou quand il y a un maire écologiste... Je travaillerai avec eux.
C. Roux : M. Leroy, la question, parce qu'il y a eu des propositions des socialistes concernant la ville.
Tant mieux, je m'en réjouis.
C. Roux : Une des propositions intéressantes, c'est l'idée émise par M. Aubry de réintroduire de la proximité dans les villes, des commerces de proximité avec une loi SRU pour imposer un quota, d'une certaine manière, de commerces de proximité. Est-ce que vous êtes favorable, oui ou non ?
Ecoutez, ça c'est typiquement socialiste. Je vais travailler... très intéressante votre intervention.
C. Roux : Décidément !
M. Biraben : C'est bien !
Ca ne m'étonne pas de M. Aubry. M. Aubry, c'est toujours des quotas, c'est toujours carré, on est toujours dans la critique, etc. Vous savez, les maires socialistes, d'ailleurs M. Aubry devrait davantage sur la politique de la ville comme sur d'autres sujets se rapprocher des maires socialistes, vraiment, parce qu'il n'y a pas un maire socialiste qui vous dira qu'il faut des quotas de commerces de proximité, ça n'a pas de sens. De la même façon qu'on ne décrète pas l'emploi. Ce sont les chefs d'entreprise qui créent l'emploi. Vous voyez, vous, un décret au Journal Officiel de la République pour décréter des quotas de commerces de proximité. Ca m'étonne d'elle parce que à l'époque elle avait mis une fondation qui était très intéressante, la fondation Agir contre l'exclusion, et je suis surpris de cette proposition que je ne connaissais pas, que je découvre.
C. Roux : Donc, il y a 41 propositions.
J'ai bien fait de venir à « La matinale ».
C. Roux : Voilà !
Quarante et un : c'est un chiffre que j'aime bien, c'est le Loir et Cher. (.../...)
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 décembre 2010