Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France-Info le 21 décembre 2010, sur la situation des aéroports face à l'épisode neigeux et les objectifs concernant le développement de la filière photovoltaïque.

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Média : France Info

Texte intégral

B. Thomasson.- Ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement. Hier, à ce même micro, à votre place, le secrétaire d'État chargé des Transports, T. Mariani, confirmait que c'est inadmissible de passer la nuit à errer dans un aéroport sans aucune information. Or, ce fut encore le cas cette nuit. Entre hier matin et ce matin, il ne s'est rien passé ? Déjà, est-ce qu'on sait combien de personnes cette nuit ont dormi à Roissy ?
 
Cette nuit, 3.000 personnes environ ont dormi à Roissy.
 
Encore 3.000 !
 
Et 400 à Orly. Et puis quelques centaines en gare, à Paris, parce qu'on a eu des problèmes aussi sur l'Eurostar. Il faut bien faire la part des choses entre les problèmes techniques qu'on a d'acheminement, dont certains sont vraiment assez indépassables, parce que la neige impose des reports, des retards, et quand on est en flux tendu dans un aéroport comme Roissy, il y a un moment où il y a forcément des annulations, surtout quand les autres aéroports européens sont fermés.
 
Francfort depuis 5 h ce matin et jusqu'à 9 h à nouveau.
 
Que certains avions, comme ça été le cas ce week-end pour les avions qui devaient atterrir à Heathrow sont détournés chez nous, et que ces gens ne peuvent plus repartir. Donc, ils sont là dans l'aéroport. Donc, ça peut arriver qu'il y ait des personnes bloquées dans l'aéroport. En revanche, ce qu'on a observé, en effet, avec T. Mariani, c'est un défaut d'information. Et ça, on doit pouvoir...
 
La faute à qui ?
 
...on doit pouvoir l'améliorer. En théorie, les compagnies sont responsables de l'information des passagers, de l'information et de l'assistance aux passagers. Là, il y en a qui ont été débordées. Notamment du fait de la fermeture d'autre aéroports européens qui font à la fois que des avions ont été détournés chez nous et, par ailleurs, que des gens qui devaient partir de Paris n'ont pas pu partir vers d'autres aéroports. Au passage, c'est aussi une des raisons pour laquelle la situation n'est pas encore résorbée ce matin, c'est comme il y a d'autres aéroports européens qui sont fermés, il y a certains départs qui ne peuvent pas se faire, pas forcément du fait de la situation à Roissy, mais du fait de la fermeture ailleurs.
 
Sur l'information, comme on le voit bien, le chaos entre les compagnies, les voyagistes, les aéroports, vous ne pouvez pas, le Gouvernement, l'Etat, prendre les choses en main et dire, voilà, « nous on coordonne tout ça et puis on informe », quoi ?
 
Eh bien, on va regarder justement, on va regarder dans la suite de cet épisode ce qu'on peut faire en matière d'information. Je ne voudrais pas qu'on se substitue à la responsabilité des compagnies. Les compagnies ont une responsabilité quand un voyageur est en galère quelque part, ont une responsabilité d'assistance, d'information, de trouver un autre moyen d'acheminement, mais en revanche c'est vrai que sur la coordination de l'information je pense qu'on peut mieux faire.
 
On vient de parler de la neige, on va parler du soleil à présent. Le 9 décembre dernier, le Gouvernement a décidé de suspendre pour trois mois l'obligation par EDF de racheter l'énergie solaire créée par des panneaux sur des entreprises ou des bâtiments publics. Précisons que les particuliers ne sont pas concernés. Pourquoi cette marche arrière ?
 
Alors, d'abord, comme vous le précisez, parce que parfois ça n'a pas été bien entendu, les équipements de moins de 3 kilowatts, c'est-à-dire en fait jusqu'à 30 m² de panneaux, ne sont pas concernés.
 
Oui, les particuliers ne sont pas touchés, c'est les entreprises, petites entreprises.
 
Et les projets qui sont très avancés ne sont pas touchés non plus. Le sujet c'est les projets qui sont dans la file d'attente. Pourquoi ? En fait, il y a une bulle spéculative qui s'est créée autour du photovoltaïque. On a des projets qui sont tout à fait légitimes et puis on en a d'autres qui sont devenus supports à spéculation financière, avec des réservations en quelque sorte de tarifs d'achat et l'élaboration de produits financiers assez sophistiqués sur cette base-là.
 
Pourquoi spéculation ?
 
Attendez. Et par ailleurs, du côté du grenelle, on est en passe d'atteindre nos objectifs, et même de les dépasser largement en matière de volume de panneaux photovoltaïques. En revanche, nos objectifs en matière environnementaux et nos objectifs en matière d'emploi, de filières industrielles en France, eux, ne sont pas atteints. Aujourd'hui, en fait, ce qui se passe c'est que 90 % des panneaux installés en France viennent de Chine. On n'a pas été assez stricts probablement sur les critères d'intégration au bâti, on n'a pas assez anticipé la baisse très forte du prix des panneaux chinois qui font qu'en fait tout le monde s'est tourné vers les panneaux chinois. Bref, on est entré dans un système dans lequel les volumes étaient au rendez-vous, on faisait de plus en plus d'installations de panneaux photovoltaïques en France, mais on en faisait avec des panneaux chinois qui produisent 1,8 fois plus de CO2 qu'un panneau fabriqué en France, et qui ne profitent pas de la manière dont on voudrait à la création d'une filière industrielle nationale en matière de photovoltaïque.
 
La filière qui dit 20 000 emplois sont menacés, donc avec ce moratoire.
 
Il y a aujourd'hui, un certain nombre de sociétés qui sont dans l'installation de panneaux photovoltaïques, en général, encore une fois, très peu dans la fabrication parce que on n'a pas vraiment réussi à créer une filière photovoltaïque.
 
Et la spéculation se fait...
 
Même si on a les technologies. Comprenez-moi, on a les technologies, on a des technologies sophistiquées en matière de photovoltaïque, mais aujourd'hui ce n'est pas celles-là qui sont installées. Et donc, aujourd'hui, on a des emplois dans l'installation mais on n'a pas la filière complète qu'on voudrait. Alors, je comprends que le moratoire pose des problèmes aux entreprises qui sont dans l'installation. Moi, j'aurais voulu qu'on puisse faire le tri en quelque sorte entre les bons projets et les moins bons projets. Juridiquement, ce n'est pas possible. On ne peut pas choisir en quelque sorte, même en mettant en oeuvre des critères. Ca aurait fragile. Et donc, il a fallu suspendre l'ensemble des projets qui n'étaient pas encore arrivés à maturité pour se mettre autour de la table, pas longtemps, trois mois. Les discussions ont commencé, ça a commencé hier, se mettre autour de la table...
 
C'était tendu, hier.
 
Mais je comprends que ce soit tendu. Mais comprenez qu'aujourd'hui si toutes la colonne, la file d'attente qui s'est créée sur le photovoltaïque passe, c'est pour 90 % des panneaux chinois. Des panneaux chinois dont le fonctionnement coûtera deux milliards par an pendant vingt ans sur la facture EDF du contribuable, qui donc augmentera de 5 % pour subventionner l'industrie chinoise. Le grenelle de l'environnement ça n'est pas une augmentation de la facture EDF de 5 % pour subventionner l'industrie chinoise. Le grenelle de l'environnement ça doit être de l'emploi vert en France, voilà. Je veux m'organiser pour que ce soit de l'emploi vert en France, et c'est pour ça qu'on a dû suspendre, et je comprends que ça ne soit pas agréable pour les entreprises en question.
 
Vous parliez de spéculation parce que évidemment il y a des subventions qui sont liées à ce développement du vert, du solaire, des éoliennes, etc. du développement de l'énergie durable. Est-ce que le gouvernement freine un peu en raison du coût de ces subventions ?
 
Non. Ce qu'on essaie de faire...
 
Parce que l'éolien aussi est freiné. Il y avait des parcs éoliens qui sont prévus au large, on ne les voit toujours pas venir.
 
Ca, c'est un arbitrage qui doit être rendu dans les prochaines semaines pour le lancement d'un appel à projet sur l'éolien offshore. Ca va se faire. Ce qu'on essaie de faire, c'est de faire en sorte que ça profite à de l'emploi et à l'activité en France. Le grenelle de l'environnement c'est pas la France qui est client d'équipements d'énergie renouvelable qui sont fatalement fabriqués ailleurs. Je ne fais pas du protectionnisme déplacé. Qu'il y ait des équipements fabriqués en Europe et qu'on... mais il n'y a pas de fatalité à ce que tous nos panneaux photovoltaïques soient importés de Chine.
 
Viennent de Chine, on a bien compris.
 
Surtout que nos technologies en matière de photovoltaïque sont beaucoup plus intéressantes. En France, on a des vraies technologies, simplement aujourd'hui elles sont un peu plus chères, et probablement nos critères d'intégration au bâti n'ont pas été suffisants pour orienter la demande vers ces technologies-là.
 
N. Kosciusko-Morizet, un mot sur le prêt à taux zéro que vous allez lancer début janvier. De quoi s'agit-il ?
 
Oui, avec B. Apparu, début janvier, on lance une nouvelle version du prêt à taux zéro.
 
Là, c'est votre casquette Logement.
 
Le prêt à taux zéro+. En fait, c'est une fusion de dispositifs existants pour faire en sorte que plus de Français puissent en profiter, tous les primo accédants. On vise un rythme de plus 350.000/an. C'est un prêt à taux zéro qui sera amélioré dans les zones les plus tendues, par exemple en Ile de France, où il sera concentré sur le logement neuf, mais différencié aussi dans les zones moins tendues, par exemple en région où on pourra aller vers de la rénovation du logement ancien. C'est un prêt aussi qui sera modulé en fonction de la qualité énergétique du logement, et ça c'est important. Je prends l'exemple du crédit d'impôt. Les banques ne tenaient pas en compte la qualité énergétique du logement. Or, votre capacité de remboursement elle est modifiée par l'importance de vos charges. Quand vous achetez très propre, quand vous achetez vert, vous avez plus de moyens de remboursement derrière, on en tient compte dans le prêt à taux zéro+. Il est lancé début janvier, rendez-vous dans vos banques pour faire une simulation.
 
On en reparlera. J'ai trente secondes pour une dernière question. Les députés seront sanctionnés s'ils manquent de transparence sur leur patrimoine. L'amendement de C. Jacob, le patron du groupe UMP, qui souhaitait éviter ces sanctions, a été rejeté dans la nuit avec un vrai tollé des députés. C. Jacob a-t-il eu raison de déposer cet amendement et pourquoi ?
 
Moi, je trouve normal qu'il y ait une exemplarité particulière qui soit demandée aux députés.
 
Donc, mauvaise idée de C. Jacob ?
 
Il faudrait parler avec lui de la motivation de son amendement. Je ne l'ai pas fait, mais moi je trouve normal qu'il y ait une exemplarité particulière, voilà. Quand on est parlementaire, on doit pouvoir se soumettre à des exigences supérieures à celles qui touchent les citoyens normaux. Ça me semble logique.
 
N. Kosciusko-Morizet, premiers pas difficiles en tout cas pour C. Jacob, nouveau patron des députés UMP. Et vous, vous êtes ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports, et du Logement.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 décembre 2010