Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur l'attribution du label de Grande cause nationale 2001 à la lutte contre la solitude, à Paris le 22 décembre 2010.

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Circonstance : Lancement du label Grande cause nationale 2011 - Lutte contre la solitude, à Paris le 22 décembre 2010

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je voudrais remercier tous les membres du collectif d'associations d'avoir répondu à mon invitation à quelques jours des fêtes de Noël.
C'est vrai qu'au moment des fêtes, on parle souvent de ceux qui n'ont personne avec qui les célébrer.
Vous êtes de ceux qui leur accordent une attention infaillible tout au long de l'année ; c'est pourquoi je suis heureux de vous accueillir à Matignon pour vous aider à mieux faire connaître votre combat.
Chacun à votre manière, vous militez pour déloger le sentiment insidieux de solitude des coeurs qui en souffrent. Parce que la solitude est bien une souffrance.
Qu'elle soit vécue dans la résignation, dans la tristesse ou dans la honte, c'est une blessure intime et c'est une maladie pour notre société. Une maladie souvent secrète qui échappe à nos regards distraits; une maladie silencieuse couverte par le vacarme de nos vies contemporaines.
Par votre travail quotidien, vous rappelez qu'au coeur de notre projet de société, il y a les liens de fraternité qui cimentent la nation. Cette vision humaniste, nous l'avons en partage.
Elle n'est pas seulement du ressort des pouvoirs publics, car pour gagner du terrain sur l'indifférence, nous avons besoin de l'engagement de chacun.
Pour que votre appel résonne à la conscience de nos concitoyens, pour que nos voix portent au-delà des murs de l'exclusion, le gouvernement a choisi de relayer votre message.
Et j'ai estimé nécessaire et juste que le combat mené par vos 24 associations contre la solitude soit élevé au rang de Grande cause nationale en 2011.
L'enjeu le méritait.
Vous l'avez dit vous-même, près d'un tiers des français souffre d'une expérience de vie solitaire et douloureuse. Et il était temps de reconnaître l'ampleur de ce mal social qui continue de nous échapper. Par définition, la solitude couve à l'abri des regards et elle se cantonne dans des retranchements.
La densité des moyens de communication est souvent un atout, mais en même temps, elle brouille les pistes en offrant une hyper-connexion qui peut faire illusion. La démultiplication de liens désincarnés n'a jamais brisé une solitude comme peuvent le faire un contact humain, une visite, une main tendue.
On peut être intégré à des réseaux sociaux ou engagé dans des discussions virtuelles, et en même temps se sentir seul, se sentir terriblement seul. C'est la grande leçon de nos sociétés modernes: les plus isolés ne sont pas forcément les plus délaissés, et les plus connectés ne sont pas forcément les mieux entourés.
Nos grandes villes abritent d'innombrables solitaires anonymes. Bien des observateurs ont dénoncé dans la dissolution des liens «la plus grande pauvreté de notre temps.»
Comment admettre qu'au coeur de nos sociétés, certains aient le sentiment terrifiant de n'exister pour personne ? Comment comprendre que tout près de nous certaines souffrances n'éclatent au grand jour qu'au moment de leur issue dramatique ?
Pourtant, tout cela n'est pas inévitable.
Ensemble en 2011, nous voulons bouleverser les habitudes et faire grandir l'humanité dans le regard que nous réservons aux hommes et aux femmes qui vivent autour de nous. La souffrance solitaire se nourrit de sa propre discrétion: eh bien, il faut l'exposer !
Le terreau de toutes les solitudes, c'est l'indifférence : il faut la combattre !
Contre l'oubli et l'inattention, il faut réveiller notre capacité d'indignation.
Face à l'humanité blessée chez un autre, il faut se sentir concerné par des peines qui nous sont épargnées. C'est la définition même de l'engagement, c'est la définition même du civisme.
C'est aussi la solution la plus directe, la plus éthique et la plus pratique à un mal qui n'a pas sa place ou qui ne devrait pas avoir sa place dans notre République.
La fraternité est le troisième pilier de notre devise républicaine.
Sans doute parce qu'elle paraît s'imposer d'elle même, avons-nous tendance à la tenir pour évidente. Et pourtant, elle mérite aussi qu'on la stimule, qu'on la conquière, et qu'on l'encourage.
Certes, il n'est pas toujours facile d'identifier un déficit douloureux de lien humain. Et il n'est pas facile d'appréhender la profondeur du mal-être, engendré par une rupture, une disparition, un licenciement. Mais on peut, avec un peu d'attention, prévenir la spirale qui risque de mener au repli sur soi, ou à l'exclusion, ou à la déshérence.
Le sondage TNS-Sofres publié par le journal La Croix en mai dernier a permis de mettre en lumière la diversité des personnes seules. Loin des clichés, il a révélé que la solitude n'est pas seulement le lot des seules personnes âgées. A côté des personnes handicapées et des personnes sans emploi, on sait maintenant qu'il faut ajouter un jeune sur trois parmi les moins de 25 ans, ainsi qu'un pourcentage très élevé de femmes actives.
Le combat contre la solitude concerne l'ensemble des acteurs de notre société, au premier rang, l'Etat.
A travers l'emploi, d'abord, qui reste le principal vecteur de responsabilité, de dignité, d'estime de soi même. Nous venons de vivre une crise, nous avons concentré, autant que possible, nos efforts sur le maintien dans l'emploi et sur le renforcement du lien avec le monde du travail. Je ne prétends pas que nous ayons réussi en tout, et certainement pas au niveau que l'on aurait voulu faire, mais la France, il faut le reconnaître, a mieux tenu le choc de la récession que beaucoup de ses partenaires européens. Nos amortisseurs sociaux ont été utilisés de façon maximale.
Nous veillons aussi à améliorer continuellement le service public de l'hébergement et l'accès au logement pour les personnes sans abris. J'ai lancé en 2008 le Chantier national prioritaire de la prise en charge des personnes sans abri ou mal logées, dont la dynamique s'est prolongée dans la Stratégie nationale de prise en charge des personnes.
Au-delà des solutions d'hébergement d'urgence, nous avons mis en place pour les personnes issues de la rue un parcours vers un logement durable.
Parce qu'il fallait un accompagnement social renforcé et une offre immobilière accessible à leurs ressources. En 2007, ce Plan d'action pour les sans abris a fixé l'objectif de 12 000 places, dans des structures qu'on appelle «pensions de famille». Et en 2009, nous avons décidé que ce chiffre serait augmenté pour atteindre les 15 000 places d'ici 2012.
Aujourd'hui, 9 300 places qui sont déjà ouvertes. Donc il faut accélérer l'effort pour atteindre cet objectif
L'intérêt de ce programme d'accompagnement à la vie sociale, c'est sa capacité à rompre l'isolement des résidents: au sein des maisons, les personnes logées individuellement sont invitées à prendre part à des activités collectives, animées par des hôtes qui sont présents dans leur vie quotidienne.
Le cas des personnes âgées nous mobilise de façon toute particulière.
Pour les aider à continuer de vivre au milieu des autres générations, nous avons mené de 2007 à 2009 un Plan national destiné à valoriser les structures et les services les mieux adaptés aux attentes des aînés. Et vous le savez, nous sommes sur le point d'engager un grand débat sur la dépendance qui se déroulera tout au long du premier semestre de l'année 2011.
Et dans le cadre de ce débat, nous aurons à réfléchir à l'accueil et à l'accompagnement des personnes âgées. La question de l'isolement devra évidemment être abordée, et des propositions concrètes devront émerger.
Pour identifier les situations de détresse et agir au plus près des personnes, le travail de terrain mené par les associations est absolument décisif. Mieux que quiconque, vous savez quels besoins immédiats doivent être comblés, et quelles initiatives solidaires peuvent y remédier.
Je veux saluer votre engagement responsable et je veux saluer l'exemple que vous donnez à nos concitoyens. Et ce salut s'adresse à l'ensemble des associations qui, dans notre pays, contribue au maintien du lien social sous toutes ses formes.
Vous l'avez rappelé, en 2011 nous célébrerons l'année européenne du bénévolat et du volontariat. Pour encourager les jeunes à s'engager davantage sur des causes d'intérêt général auprès du monde associatif, le gouvernement a mis en place cette année le service civique, qui commence à démarrer et que nous voulons voir progresser.
Mesdames et messieurs,
Avec l'attribution du label de Grande cause nationale 2011 à la lutte contre la solitude, votre collectif, qui est fédéré par la Société Saint Vincent de Paul, va pouvoir faire appel à la générosité publique et organiser des campagnes de sensibilisation gratuite dans les médias publics.
Vous allez y gagner une forte visibilité. Votre cause, vos messages, en tout cas c'est notre voeu à tous, toucheront la Nation toute entière !
En déclinant au fil de l'année les différents champs d'action couverts par vos associations, vous allez dévoiler aux français les différents visages de la solitude. Vous leur montrerez comment un geste solidaire peut changer le destin d'un homme ou d'une femme dans la peine. Vous leur montrerez que dans le combat contre la solitude, chacun doit être vigilant et chacun peut être utile.
André Malraux parlait avec beaucoup de sensibilité - nous organisons des dialogue entre le Général de Gaulle et André Malraux - de l'espoir du solitaire, qui « n'est solitaire que parce que les hommes ne l'ont pas encore rejoint.»
Je forme le voeu que l'année 2011 voie les hommes et les femmes de notre pays se rejoindre.
Je forme aussi le voeu que votre exemple suscite des vocations.
Et je veux vous dire, avec tous les Ministres du gouvernement avec moi ce soir, que suis fier de porter avec vous ce projet, car redonner plus de sens au mot Fraternité, c'est une des plus belles ambitions que nous puissions avoir pour la France.Source http://www.gouvernement.fr, le 3 janvier 2011