Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à une question sur les opérations de sauvetage lors de prises d'otages à l'étranger, à l'Assemblée nationale le 11 janvier 2011.

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Circonstance : Question posée par M. François Loncle, député (PS) du Val d'Oise lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 11 janvier 2011

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député François Loncle,
La France est bouleversée par l'assassinat de Vincent et d'Antoine. Deux jeunes Français, deux jeunes Français généreux, deux jeunes Français heureux de vivre, heureux de partager, réunis en vue d'un mariage, le mariage d'Antoine avec Rakia, une jeune Nigérienne. Quel symbole ! Celui d'une humanité rassemblée, celui d'un monde sans frontières ethniques et sans frontières culturelles. Je voudrais présenter à la famille, aux proches des victimes, le témoignage de la compassion et de l'amitié fraternelle de la Nation toute entière.
Monsieur Loncle, je voudrais vous remercier et remercier toutes les formations politiques de notre pays qui ont choisi de faire preuve de solidarité dans l'épreuve que nous traversons. Je vais vous parler, simplement : quand on prend une décision aussi lourde que celle que nous avons prise avec le Président de la République et le ministre de la Défense, les responsables de nos armées, et qu'à l'issue de cette décision nous connaissons le drame que nous venons de connaître, eh bien cela nous a fait chaud au coeur d'entendre dès dimanche matin plusieurs responsables de l'opposition manifester un grand sens des responsabilités et un grand sens de l'intérêt général. Il aurait été tellement facile d'exploiter cette situation, vous ne l'avez pas fait, c'est tout à votre honneur, c'est à l'honneur des responsables politiques, et c'est à l'honneur de notre pays.
Je voudrais ajouter en plus que c'est la meilleure réponse à apporter à la violence des terroristes, car ce qui est visé dans toutes ces attaques, ce n'est pas le Gouvernement français, c'est la France, c'est plus largement la démocratie, ce sont les valeurs que nous représentons. Et en faisant preuve d'une grande unité nationale, je pense que nous contribuons beaucoup à combattre ce terrorisme et à accroître la sécurité de nos concitoyens à travers le monde.
Monsieur Loncle, je veux vous répondre clairement, comme je l'ai fait hier : nous n'avons pas changé de stratégie et la France ne veut pas, se refuse à entrer dans une logique binaire. A chaque prise d'otages, nous étudions les possibilités de monter une opération de sauvetage, et à chaque fois nous essayons d'évaluer quelles sont les chances de réussir cette opération.
Je veux vous rappeler que nous avons conduit des opérations de sauvetage parmi les premiers, contre les pirates somaliens. Lorsque les 2 journalistes ont été enlevés en Afghanistan, nous avons pendant plusieurs jours mis en place les moyens nécessaires pour conduire une opération de sauvetage, que malheureusement nous n'avons pas pu réaliser, compte tenu de la situation. Et enfin, lorsque les Français ont été enlevés à Arlit, nous avons tenté une opération, en tous cas nous avons préparé une opération de sauvetage, mais nous n'avons pas pu repérer les véhicules des ravisseurs qui se sont évanouis dans le désert, et donc cette opération n'a pas pu être conduite. Je veux dire par là que pour nous, il ne peut pas y avoir une attitude de principe seulement. Bien sûr, nous défendons d'abord, les valeurs qui sont les nôtres et nous refusons le chantage des terroristes, mais en même temps, nous sommes attachés à la vie de nos concitoyens et chaque fois que cela est nécessaire, nous engageons des discussions pour assurer leur sécurité.
Enfin, quant à la coopération avec les pays de la région, je veux dire que l'attitude du Gouvernement nigérien a été exemplaire. C'est d'ailleurs une des raisons qui nous a conduit à décider de cette opération, en soutien à la demande du Gouvernement nigérien. Il faut aider les gouvernements de cette région qui ont énormément de difficultés à affronter, en raison en particulier de la pauvreté, il faut les aider à consolider l'Etat de droit, parce que si les forces terroristes gagnent du terrain au Sahel, alors c'est la souveraineté même, c'est-à-dire l'existence de ces Etats qui est menacée. Et avec l'Union européenne, nous avons entrepris une démarche commune pour augmenter notre effort, notre effort en matière de développement et notre effort en matière de sécurité à l'égard de ces pays.Source http://www.gouvernement.fr, le 12 janvier 2011