Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'apport de l'Agence française de développement et de son réseau à la stratégie d'influence de la France dans le monde, Paris le 27 janvier 2011.

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Circonstance : Ouverture de la "semaine du réseau" de l'Agence française de développement : allocution de Michèle Alliot-Marie à Paris le 27 janvier 2011

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Messieurs les Directeurs,
J'adresse à chacune et chacun d'entre vous mes meilleurs voeux pour l'année 2011. Des voeux de bonheur. Des voeux de réussite, pour vous, et pour notre action.
L'aide au développement est un volet essentiel de la politique étrangère de la France : une politique fondée sur des valeurs de solidarité, de générosité et d'ouverture aux peuples du monde, une politique consciente des intérêts de notre pays, des enjeux de sa présence et de son influence sur tous les continents.
En participant au financement du développement, l'Agence française de Développement traduit ces principes en réalités concrètes.
Mesdames et Messieurs,
A l'heure où la mondialisation transforme les enjeux de la diplomatie française, l'aide au développement prend une place centrale dans une stratégie d'influence rénovée et dynamisée.
En quelques décennies, les pays occidentaux ont perdu le monopole du récit de l'histoire du monde. Sur tous les continents, s'affirment des pôles démographiques, économiques, technologiques de plus d'un milliard d'habitants, comme aujourd'hui la Chine et l'Inde, demain l'Afrique.
De nouveaux acteurs s'imposent, organisations régionales et internationales, entreprises multinationales, organisations non gouvernementales. De grandes fondations, comme celle de Bill et Melinda Gates ou de l'Aga Khan sont devenues des acteurs incontournables du développement.
Mesdames et Messieurs,
Face aux enjeux de la mondialisation, diplomatie et aide au développement doivent marcher d'un même pas.
Parce qu'il n'y a pas de hiatus entre solidarité et influence, parce qu'il n'y pas de contradiction entre servir les autres et servir la France, notre politique de développement s'inscrit dans notre stratégie d'influence pour la France.
Parce l'efficacité exige une action ciblée, fondée sur une connaissance fine des enjeux et défis de chaque région du monde, le choix de nos priorités exige l'anticipation des dynamiques propres à chaque zone géographique.
Mesdames, Messieurs,
Notre politique de développement s'inscrit dans une approche volontariste de la diplomatie française. La France est attendue. Elle doit être entendue. Notre pays n'entend pas être le spectateur passif de la mondialisation.
Conduite par les valeurs qui sont les siennes, celles du dialogue, du respect des autres, de la démocratie, de la solidarité, du rôle de la puissance publique, la France contribue au règlement des conflits qui déstabilisent notre sécurité.
C'est vrai en Afrique. Au Sahel, l'actualité récente a montré tragiquement la nécessité du renforcement des capacités de sécurité des Etats concernés, mais aussi d'une politique de développement dynamique pour réduire le terreau favorable au terrorisme. C'est notre stratégie.
Au Proche-Orient, où je me suis rendue la semaine dernière, avec le Quartet, avec les pays de la région, la France s'efforce de renouer les fils de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Notre politique d'aide au développement renforce notre voix et inscrit notre action dans le temps long.
En Afghanistan et au Pakistan, la France s'engage pour la sécurité de tous. Je ne saurais trop insister sur le rôle de l'AFD en dans ces deux pays. En Afghanistan, votre agence contribue à l'électrification, au développement agricole, au travail des ONG sur le terrain. Au Pakistan, l'action menée dans le secteur de l'énergie favorise le développement et la lutte contre le réchauffement climatique. Les agents de l'AFD interviennent dans ces deux pays dans des conditions parfois difficiles. Je tiens à saluer leur engagement.
La France promeut une mondialisation régulée et respectueuse de chacun.
L'avènement de nouvelles puissances peut devenir un facteur d'équilibre, dès lors qu'il s'inscrit dans une cadre multilatéral rénové.
La Présidence française du G20 prône une gouvernance mondiale modernisée. La création du G20 a marqué notre volonté de mieux associer les puissances émergentes aux concertations internationales.
Les sujets retenus par la Présidence française soulignent notre volonté de répondre aux préoccupations des populations comme aux exigences de la stabilisation et de la pacification : la volatilité du prix des matières premières, la rénovation du système monétaire international, l'affirmation de la dimension sociale de la mondialisation.
L'action du G20 doit désormais s'inscrire en cohérence avec celle des Nations unies. C'est pourquoi, tout au long de cette année, la France entend dialoguer avec l'Assemblée générale et le Conseil économique et social de l'ONU et organiser des débats réguliers pour que chacun puisse exprimer ses vues.
Mesdames et Messieurs,
Nos ambitions internationales nous obligent à conforter les bases de notre influence. L'effort de modernisation des nos économies, le maintien d'un appareil de défense crédible y contribuent.
Le rayonnement de la France suppose aussi une politique d'influence mettant en oeuvre nos valeurs et prenant en compte nos intérêts, politiques, économiques, stratégiques. L'aide au développement s'inscrit dans cette perspective.
Pour en assurer l'efficacité, nous devons l'inscrire dans une démarche d'anticipation.
Les priorités géographiques de notre action doivent refléter notre vision prospective des enjeux régionaux.
Face aux défis de la mondialisation, notre politique de développement doit se projeter au-delà des cadres traditionnels de son action. En déployant l'expertise, le savoir-faire de plus d'un millier d'agents, l'Agence française de Développement s'impose comme un acteur mondial de la solidarité entre le Nord et le Sud.
Certes, l'Afrique sub-saharienne et le pourtour méditerranéen demeurent notre «coeur de cible».
Soutenir la croissance en Afrique est notre priorité, conformément à l'initiative lancée par le président de la République au Cap en 2008. Des signaux positifs sont à relever. Sur les dix dernières années, l'Afrique subsaharienne enregistre un taux de croissance économique moyen largement supérieur à celui des pays de l'OCDE. Un processus vertueux s'enclenche, malgré les soubresauts, les crises, les reculs. Il nous revient de l'accompagner.
En Méditerranée, la France et l'Europe doivent être présents au premier rang.
Je sais les efforts fournis par votre Agence dans tous des pays de la région, et particulièrement la Tunisie. La France est aux côtés du peuple tunisien. Le président de la République a annoncé un plan de solidarité. Nous pourrons nous appuyer sur le travail remarquable effectué par l'Agence française de Développement.
Au-delà, l'Union pour la Méditerranée nous aidera à rapprocher les populations des pays de la région, à travers le développement des solidarités concrètes entre nos pays. Nous devons aujourd'hui progresser sur la labellisation de projets UPM dans les domaines prioritaires pour la croissance : la protection civile, les énergies renouvelables à travers le Plan solaire méditerranéen, l'enseignement supérieur.
Au-delà de notre coeur de cible, nous devons conforter notre présence dans les grands pays émergents.
La solidarité n'implique pas la naïveté.
Depuis quelques années, l'Agence s'est engagée dans les grands pays émergents, à la demande de l'Etat, et notamment du ministère des Affaires étrangères. En contribuant au développement de ces pays, nous défendons ainsi nos intérêts présents et à venir.
Je n'ignore pas les questions que cela a suscitées. Je sais aussi l'apport fondamental de l'Agence française de Développement au rayonnement de la France dans l'ensemble de ces pays. Tous nos ambassadeurs me le confirment.
Pour conforter et pérenniser la présence de l'Agence dans les pays émergents, il est indispensable que nous réfléchissions ensemble aux enseignements que nous tirons de ces premières années. Les projets menés dans ces pays sont-ils pertinents ? Comment s'articulent-ils avec les intérêts français y compris économiques ? Ces questions sont posées. Nous devons y répondre ensemble, sans tabou ni a priori.
Mesdames et Messieurs,
Face aux enjeux de la politique de développement, une coopération plus étroite entre le Quai d'Orsay et l'Agence française de Développement est indispensable.
Nous devons renforcer nos échanges, du sommet jusqu'à la base, à Paris comme dans nos postes, où les directeurs d'agence doivent être associés et participer pleinement à l'action des ambassades. Nous devons inscrire notre dialogue dans la durée, en structurant nous davantage les échanges de personnels, afin de permettre aux deux maisons de mieux se connaître.
Notre politique de développement porte haut les valeurs de la France. En conjuguant ambition et réalisme, dialogue des sociétés et dialogue au sein des sociétés, valeurs démocratiques et modernisation sociale, nous avançons vers l'idéal qui guide notre action : construire, ensemble, une mondialisation à visage humain.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2011