Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les grands axes de la politique culturelle pour 2011, notamment la protection du patrimoine culturel, la création culturelle et la mise en place de la loi Hadopi, Paris le 25 janvier 2011.

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Circonstance : Voeux à la presse le 25 janvier 2011

Texte intégral


Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois afin de vous présenter mes voeux sincères et chaleureux pour l'année 2011. J'ai décidé de les placer sous le signe des diversités de notre société et de la promotion de la diversité culturelle, à l'heure du numérique.
Mondialisation et tournant numérique sont en effet aujourd'hui, chacun le sent, deux mutations majeures de la création et des pratiques culturelles. La mondialisation de l'économie et la révolution numérique favorisent incontestablement la circulation de ce qu'on appelle les biens et services culturels. Cependant, il est largement avéré que les mécanismes en vigueur ne jouent pas nécessairement en faveur de relations culturelles équilibrées. Les impératifs de rentabilité du marché entrent en contradiction avec le souhait de donner aux créateurs la possibilité de se faire connaître et de donner au public le choix d'une véritable offre culturelle diversifiée. Je veux faire de 2011, pour notre action, l'année de la diversité. Le rythme de ratification de la Convention de l'UNESCO signée en 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est un signal particulièrement encourageant dans ce sens. La convention, dont la France a été une ardente avocate, pose les bases multilatérales d'un respect mutuel entre sphère culturelle et sphère économique, dont l'interdépendance doit être gérée de manière équilibrée.
Ce choix politique a des incidences majeures en matière de politique du livre, en matière de régulation des médias et de la communication, en matière de fiscalité au service de la création. Ce choix politique, c'est aussi un choix ambitieux au regard de l'Europe de la culture et du rôle que nous devons jouer auprès des institutions communautaires.
Faire de 2011 l'année de la diversité pour notre Ministère, c'est aussi prendre davantage en considération l'état réel de la société française, sa créativité et son dynamisme. Je suis en effet persuadé que nous disposons des leviers et des outils pour participer à la réduction des inégalités d'accès à la culture, avec l'appui du riche tissu des associations - anciennes ou nouvelles - qui travaillent au quotidien avec les publics. Cela passe par une ambition renouvelée en matière de démocratisation culturelle et de développement des publics de la culture.
De manière générale, face à l'ampleur des défis qui nous attendent, je me réjouis de vous rappeler que nous avons obtenu le " dégel " de nos crédits. Le Président de la République nous conforte ainsi pleinement dans notre action.
I. Je souhaite que 2011 soit l'année de la promotion des diversités
A mon initiative, vous le savez, le ministère s'est engagé depuis plusieurs mois dans un travail de réflexion et de synthèse sur la démocratisation culturelle, cette ambition qui l'a accompagné dès sa création en 1959, cette ambition qui n'est jamais achevée, cette ambition qui doit sans cesse être réinventée et adaptée.
Ce sera l'objet du Forum Culture 2011 qui sera organisé à La Villette le 4 février prochain. On disait le Ministère de la Culture affaibli, il réfléchit ; on le disait fragilisé, il s'invente de nouveaux horizons. Qui pourrait douter de la volonté de répondre aux nouvelles réalités de la société française du début du XXIe siècle : individualisation des pratiques culturelles ; inégalités d'accès persistantes, notamment dans les quartiers sensibles, dans le monde rural ; fractures sociales et générationnelles et risque du " communautarisme culturel ", pointés si fortement par les travaux des sociologues ; visibilité croissante de la diversité de la société française, immense réservoir de talents et d'ouverture au monde. Ce sont ces réalités que doit affronter le Forum national, sans idées préconçues et sans a priori. Je ne souhaite pas remettre en cause ce qui est au coeur de l'action patiente et continue des pouvoirs publics depuis la création de ce Ministère. Ce que je souhaite, c'est que nous mettions en avant les bonnes pratiques, les expertises des acteurs culturels de terrain, le travail des associations pour rapprocher l'offre culturelle et la demande des citoyens.
Je voudrais répondre à la campagne de communication de la Fédération des aveugles de France, " Faut-être qui aujourd'hui pour être bien vu ? ". C'est un sujet qui me mobilise et me préoccupe particulièrement.
Je voudrais souligner les engagements du Ministère de la Culture dans le domaine de l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements publics, des musées et dans le domaine de l'offre audiovisuelle.
En ce qui concerne l'accès aux programmes télévisuels, je veillerai tout particulièrement à ce que nous tenions les objectifs fixés par la loi de février 2005. Il s'agit bien d'adapter la totalité des programmes du groupe France Télévisions par le développement du sous-titrage à destination des personnes sourdes et malentendantes et, au delà, de l'audiodescription à destination des personnes aveugles et malvoyantes. Nous avons signé en 2010 les Contrats d'objectifs et de moyens (COM) de l'INA et de Radio France ; dans le cadre de la négociation cette année du Contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, je sais pouvoir compter sur l'engagement de Rémy Pflimlin - en particulier sur ces sujets.
Dans de nombreux musées, dans de nombreuses bibliothèques, des dispositifs existent : parcours multisensoriels, lectures partagées dans le noir, visites commentées en langue des signes, visites en braille. Nous devons être plus volontaristes, en lien avec les ministères compétents sur ces sujets. Offrir à chacun, dans son individualité, dans sa singularité, dans son humanité, une culture mieux partagée, telle doit être notre ambition.
De manière générale, toucher tous les publics, c'est valoriser tous les nouveaux outils culturels dont on peut disposer. Je pense, dans le domaine de la presse, aux web-magazines, aux médias des quartiers, aux fanzines. Ils sont un outil de la citoyenneté, ils sont les vecteurs d'une presse d'information qui répond aux attentes du lectorat d'aujourd'hui. Dans le domaine de la promotion de la diversité, je souhaite que le Ministère de la Culture et de la Communication soit davantage force de proposition. Le " creuset français " s'est nourri de l'apport de toutes ces expressions culturelles : la France est plus que jamais un " pays monde " et c'est une chance.
La représentation de la diversité dans les médias doit être accentuée : tous les constats, tous les rapports rendus sur cette question en attestent. Je compte m'impliquer personnellement pour accélérer le mouvement dans ce domaine, à travers notamment le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, ou encore à travers le renforcement du fonds " Images de la diversité " du CNC. La mobilisation d'établissements comme le Quai Branly, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ou l'organisation de grands évènements fédérateurs comme " Le grand Ramdam " doit servir cette ambition.
La diversité c'est aussi la promotion des cultures ultra-marines avec l'année des Outre-mer français. Le ministère de la Culture et de la Communication sera particulièrement engagé. Nous allons donc mettre en oeuvre le plan d'action annoncé aux Antilles et en Guyane qui s'appuie sur la formation, la construction d'équipements culturels emblématiques, le développement de la lecture publique et la promotion de la diversité linguistique. A cet égard, je porte une attention toute particulière aux Etats généraux du multilinguisme, qui se tiendront à Cayenne en 2011. L'effort budgétaire de 7 millions d'euros supplémentaires pour l'outre-mer décidé en 2010 sera reconduit en 2011. Afin de mieux répondre aux attentes de ces territoires, je me rendrai à Mayotte et à la Réunion au printemps 2011 et probablement en Nouvelle Calédonie à la fin de l'été 2011.
II En 2011, je porterai également une grande ambition pour nos politiques patrimoniales.
Nous avons, dans ce domaine, beaucoup accompli lors de l'année qui vient de s'écouler. Je pense notamment au maintien des crédits des monuments historiques, à l'attention portée au patrimoine privé, ou encore au " plan Musées ".
Mettre en valeur notre patrimoine, ce n'est pas seulement nourrir le " culte des monuments ", entretenir la religion des vieilles pierres, c'est aussi renforcer l'attractivité de nos territoires et de nos établissements. La notion de Patrimoines - au pluriel - est à cet égard significative : le patrimoine n'est pas figé, il est ouvert sur les dynamiques de la société, il se façonne et se construit dans le présent. C'est dans cette démarche que s'inscrit la charte que j'ai signée l'an dernier avec la secrétaire d'Etat à l'écologie, Chantal Jouanno pour mieux inscrire la mise en valeur des sites français du Patrimoine mondial dans une logique de développement durable.
A cet égard je me permets de souligner que l'intégration de l'architecture au ministère est désormais acquise Je veux être le Ministre des architectes, dès leur " naissance " si j'ose dire et tout au long de leur carrière. J'entends notamment être attentif au poids économique de la profession dans le secteur de la construction, mais aussi favoriser la connaissance de l'architecture et sa diffusion. Je me suis personnellement engagé pour installer au Palais de Tokyo l'Atelier international du Grand Paris, dont le comité scientifique se compose des architectes-urbanistes de la consultation internationale. Il sont désormais force de propositions et de synthèse sur les grands problèmes soulevés par le Grand Paris et permettent d'éclairer les choix des acteurs du développement de la Région-Capitale. Cela participe de mon ambition pour une " intelligence du paysage " tournée à la fois vers le patrimoine à léguer et le futur à inventer.
Parmi les 10 musées les plus visités au monde, 4 sont des musées français. Je voudrais à cet égard souligner quelques chiffres de fréquentation remarquable : plus de 8,5 millions au Louvre, plus de trois millions de visiteurs au musée d'Orsay, plus de 1,3 million de visiteurs au quai Branly. Je veux aussi signaler le succès historique de la rétrospective Monet au Grand Palais avec plus de 900 000 visiteurs Je ne doute pas que la fusion récente RMN/Grand Palais permettra de favoriser encore plus le rayonnement international de cet établissement. Tous ces signaux sont plus que positifs et traduisent la très bonne santé de nos grands établissements publics. Cette dynamique, j'ai décidé de l'amplifier et c'est la raison de l'importance, par exemple que j'attache au projet de rénovation du musée Picasso - dont le programme est désormais validé.
Mais le paysage français des musées, c'est aussi la formidable " mosaïque " des 1200 musées de France présents en région, qui sont autant de territoires méconnus et de lieux où sommeillent des trésors : c'est le sens du " plan Musées " que j'ai annoncé à la fin de l'année 2010 : il permettra sur trois ans d'accompagner les travaux et la rénovation de 79 musées en région.
Plusieurs grands projets patrimoniaux marqueront l'année 2011. Le Musée d'arts et de civilisations de la Méditerranée (MUCEM) est le projet culturel emblématique de la coopération entre les " deux rives " de la Méditerranée. Ancré au coeur de Marseille-Provence-Capitale européenne de la Culture en 2013, le MuCEM bénéficiera d'un magnifique bâtiment dessiné par Rudy Ricciotti et de la " nouvelle vie " du Fort Saint Jean autour d'une exposition-promenade et d'un jardin méditerranéen de 15 000 m2 en libre accès pour tous les Marseillais. Qu'il s'agisse de la promenade paysagère ou du contenu culturel du Fort, je me suis personnellement très impliqué sur le sujet. Avant la fin de l'année, l'établissement public sera créé, le projet muséographique validé, les premiers espaces du Fort Saint Jean accessibles. A l'ère de ce que Marc Augé appelle les " non lieux " et de l'uniformisation des pratiques et des lieux de loisirs, je suis persuadé que le Ministère de la Culture et de la Communication doit porter une grande ambition pour la préservation et la valorisation des paysages.
J'ai décidé l'ouverture du jardin des Archives, qui s'inscrit pleinement dans cette ambition, pour juin 2011. L'aménagement de ce nouveau lieu de rencontre entre histoire et création sera confié à un paysagiste de renom, Louis Benech.
Je sais qu'un conflit long, trop long, a mobilisé une partie du personnel des Archives nationales. J'ai reçu les personnels, j'ai écouté et entendu leurs attentes, j'ai garanti en terme de financement et d'emplois l'avenir des Archives nationales. Mon directeur de cabinet et moi-même avons beaucoup oeuvré pour rassurer les agents sur tous ces points.
En outre, je me réjouis de la livraison du gros oeuvre du bâtiment de Pierrefitte dessiné par Massimiliano Fuksas. 2011 marquera la fin de la construction de ce site, dont nous devons être fiers. Avec 66 000 m², ce sera le centre le plus vaste et le plus moderne d'Europe : il fait entrer les archives nationales de notre pays dans le 21e siècle et dans le Grand Paris. Qui peut donc faire croire que je serais le " fossoyeur des archives " alors même que j'ai particulièrement oeuvré pour obtenir la poursuite de ce chantier. Je crois vraiment être le protecteur des Archives nationales et de leur mission au service de la mémoire de notre pays.
Enfin, je voudrais évoquer le Centre national de Conservation des Patrimoines à Cergy Pontoise, tout à la fois réserves pour les musées nationaux, mais aussi centre de formation aux métiers des patrimoines, et centre de restauration et de recherche. Cela fait partie des chantiers sur lesquels nous avons, avec l'ensemble des acteurs du Ministère et les collectivités concernés, beaucoup travaillé. En 2011, nous pourrons en décider les contours précis. C'est vers ce type d'établissement qu'il faut tendre, c'est ce type d'approche pluridisciplinaire que j'entends promouvoir.
Car aujourd'hui le patrimoine, tout comme l'histoire, ne sont pas à mes yeux des " valeurs refuges " : dans une société de l'hyper-présent, ils constituent un bien commun qui donne le sens et la profondeur dont nous avons besoin. Aujourd'hui, le devoir d'histoire nous oblige : Sans patrimoine et sans histoire, un pays s'abîme dans l'oubli de lui-même. Ce combat je le fais mien, notamment à travers le projet de Maison de l'Histoire de France, dont je souhaite que le Comité d'orientation scientifique installé il y a peu définisse librement et sereinement le discours et les contenus. Je me suis vous le savez personnellement investi sur ce dossier et ce Comité est le fruit d'une très large consultation que j'ai conduite au cours des derniers mois.
III. Je souhaite porter une ambition artistique et culturelle forte pour le spectacle vivant et la création
La dernière étude réalisée par l'Office nationale de Diffusion artistique (ONDA) nous le montre : le spectacle vivant est l'un des secteurs les plus dynamiques de notre pays, un secteur où spectacles et compagnies s'exportent remarquablement. La vitalité des musiques actuelles que j'ai pu constater au MIDEM le week-end dernier mais aussi les productions françaises - je pense notamment aux arts de la rue, aux arts du cirque, au jazz et aux musiques du monde - qui sont notamment promues par le réseau culturel français à l'étranger le démontrent amplement. Mais je sais que subsistent des fragilités en ce qui concerne les marges artistiques. Les conférences régionales du spectacle vivant, qui se sont poursuivies tout au long de l'année 2010, ont permis de partager des diagnostics et d'approfondir la réflexion sur les enjeux des années à venir. Nous devons maintenant aller de l'avant et construire : je souhaite que 2011 soit une année de réalisations et d'objectifs renouvelés.
C'est pourquoi j'entends conduire au cours de l'année qui vient une étude approfondie sur la question des financements et des ressources - au-delà des subventions qui relèvent du budget du ministère - nécessaires au développement de ce secteur. Le modèle vertueux du CNC, qui a permis de stimuler la création cinématographique et de favoriser sa diffusion, tout en structurant et en responsabilisant les professionnels, doit éclairer cette réflexion.
Je n'oublie pas le domaine des arts plastiques et le chantier de rénovation du Palais de Tokyo qui donnera naissance à une sorte de factory à la française, au service des artistes, pour mieux faire face au défi de la globalisation des arts plastiques.
Il apportera une nouvelle dynamique à l'égard du marché de l'art, sujet sur lequel je me suis beaucoup engagé au cours des derniers mois, en travaillant avec le réseau des galeristes et en organisant une importante table ronde à l'occasion de la FIAC. Répondre à ce défi cela passe par l'ensemble de la mobilisation des acteurs, notamment les FRAC, sur lesquels il faut que nous engagions une réflexion à l'occasion de leurs trente ans, mais aussi de notre réseau d'influence internationale.
Au-delà des grands événements attendus en 2011 - notamment Anish Kapoor à Monumenta - je veux faire jouer tous les leviers pour aider les jeunes talents et les jeunes créateurs, notamment à travers le soutien apporté aux lieux de travail et de résidence. Je l'ai fait, il y a quelques jours, dans le domaine de la mode avec l'initiative " Jeunes talents " conduite avec le magazine Elle. Je souhaite poursuivre cette démarche dans le domaine de la création, des arts visuels, des métiers d'art, du design afin de tirer profit de l'excellence de nos formations dans ces secteurs pointus où la French touch a plus que jamais un sens. C'est le sens du fonds d'avance négocié avec l'Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) et la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent pour les galeries d'art, qui consacre l'entrée de ces acteurs du marché de l'art dans le champ des industries culturelles.
Favoriser cette créativité passe également par la réforme des enseignements artistiques et je porte une attention toute particulière à la transition vers le standard européen LMD et à la constitution de nouveaux pôles de formation (EPCC).
La création visuelle, c'est aussi le continent immense des jeux vidéos. Je souhaite que mon ministère renforce son action en faveur de ce secteur très créatif, dont la filière doit être encouragée et consolidée. Une réflexion de fond sera menée sur le statut juridique du jeu vidéo, qui est aujourd'hui incertain et mal défini. J'ai demandé qu'on étudie la mise en place d'un fonds de garantie pour le jeu vidéo, comme il en existe pour le cinéma. Il permettra d'accompagner les investissements, notamment des petites entreprises indépendantes.
IV L'ambition numérique doit être placée au service de la diversité culturelle
Pour ma part, je suis convaincu que la création et la diffusion des oeuvres relèvent du domaine des " investissements d'avenir ". La révolution numérique nous offre une chance historique d'en démultiplier les effets, par les opportunités qu'elle offre de rapprocher la création de ses publics. On pourrait en dire autant de la musique en ligne pour les concerts, de la vidéo à la demande pour les salles de cinéma - plus fréquentées que jamais en 2010, avec plus de 206 millions d'entrées.
J'ai mis en place deux plans ambitieux : le premier concerne la numérisation du parc de salles, qui va mobiliser 125 millions d'euros de subventions du Centre national du cinéma et de l'image animée sur trois ans. Toutes les salles de cinéma, y compris celles situées en milieu rural jusqu'aux circuits itinérants, pourront ainsi se numériser et bénéficier des avantages du numérique.
Le CNC rénové et modernisé dans ses structures et aussi dans son financement doit voir désormais ses recettes consolidées et ses besoins de financement évalués pour les années à venir. Il doit maintenant mieux accompagner la numérisation de toute la filière du cinéma et de l'audiovisuel et développer ses intervention dans les contenus destinés à Internet et vers le jeu vidéo.
Ce sera la tâche d'une mission que je lance, en accord avec Christine Lagarde et François Baroin et qui sera conduite par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires culturelles.
C'est la logique qui préside à l'adoption du décret SMAD ainsi que la proposition de loi sur le Livre numérique qui a été votée au Sénat. Il s'agit bien de placer le numérique au service de la diversité de l'offre culturelle.
De manière plus générale, pour aider les créateurs et les entreprises des industries culturelles à relever le défi du marché global, j'ai obtenu l'an dernier que leurs projets puissent bénéficier d'un montant de 750 Meuros au titre des investissements d'avenir. Ce programme est aujourd'hui bien engagé et j'y ai veillé étroitement sur chaque projet important, en lien avec René Ricol. L'un des premiers projets aidés dans le domaine culturel par le Fonds pour la société numérique (FSN) devrait concerner la numérisation des livres indisponibles du XXe siècle. Ainsi l'ensemble de ces savoirs, pour l'instant perdu, redeviendra accessible à tous. Au-delà c'est tout notre patrimoine écrit, en particulier grâce à la BNF, qui devrait être rapidement numérisé et mis en ligne. Le deuxième projet permettra de numériser et d'offrir en ligne plus de 3 000 longs métrages - c'est presque un doublement de l'offre légale de films. D'autres projets qui concernent la photographie mais également la presse, à travers la mise en place d'un kiosque numérique de la presse, relèvent pleinement, eux-aussi, de la logique des investissements d'avenir.
Vous l'avez compris, je souhaite faire en sorte que le numérique soit une solution et non un obstacle pour la création et la diversité culturelle. Si l'on veut, pour reprendre les termes du Président de la République, contribuer à " civiliser internet ", il nous faut endiguer les effets parfois destructeurs de la révolution numérique. Je pense à la rémunération des créateurs qui subissent de plein fouet le prix du piratage de leurs oeuvres, autrement dit l'expropriation de leurs droits. Nous avons beaucoup oeuvre dans ce domaine et je souhaite que 2011 soit l'année des réalisations.
La mise en place de l'Hadopi a été un acte fondateur. J'ai veillé à la mise en oeuvre des préconisations de la mission " Création et Internet ", au premier rang desquelles la Carte musique, et les 13 engagements que j'ai pris avec les acteurs de la filière. Nous nous sommes ainsi dotés des outils qui, très bientôt je l'espère, permettront à toute la filière musicale de " sortir la tête de l'eau ".
Aujourd'hui pourtant, loin de l'échec annoncé par certains, et de la catastrophe technologique prophétisée, l'Hadopi est une institution en ordre de marche. Elle adresse d'ores et déjà des recommandations : plus de 100 000 internautes ont été " rappelés à la loi " en quelques semaines.
C'est une institution qui monte en puissance rapidement, c'est une institution qui invente jour après jour la " pédagogie de la responsabilité " à l'ère numérique voulue par le législateur.
La Carte musique a été elle aussi l'un des chantiers majeurs de l'année écoulée. Il s'agit à mes yeux d'une mesure essentielle de soutien et d'accompagnement de la filière musicale vers le numérique. Elle contribuera, j'en ai la conviction, et les professionnels le confirment tous, à réhabituer les jeunes amateurs de musique à se tourner vers une offre légale désormais abondante et attractive. Avec 50 000 cartes vendues, nous avons la confirmation que la carte musique fonctionne. Ce résultat est cependant en dessous de nos espérances. Aussi j'ai demandé à mes services de travailler très rapidement à l'amélioration du site internet, afin de le rendre plus simple et plus ergonomique. Je vais engager une vaste campagne de communication, des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires et de nouvelles facilités d'accès, notamment pour les téléphones portables.
Dans le domaine de l'information et des médias, l'ambition de la diversité des expressions et le maintien du pluralisme guide également mon action pour l'année à venir. A l'issue d'une large concertation avec la profession, j'ai annoncé la transformation du système des aides à la presse afin d'assurer dans la durée la pérennité et la stabilité économique des titres. L'un des enjeux actuels est celui de la diffusion. C'est pourquoi je préciserai dans les prochaines semaines les contours d'un plan de soutien conséquent aux diffuseurs de presse. Je souhaite travailler dans les meilleurs délais avec la profession et j'envisage de mettre en place - dans un périmètre qu'il convient encore de finaliser - pour 2011 une aide exceptionnelle aux diffuseurs. Dans la perspective de cette mesure d'urgence à laquelle nous devrions consacrer un minimum de 10 millions d'euros, je souhaite porter une attention toute particulière aux kiosquiers et aux diffuseurs, durement touchés par les grèves de décembre.
C'est ce principe d'équité territoriale qui me guide également dans le passage au tout numérique pour la télévision, qui marque l'année 2011. Bien que notre culture des écrans voie ses supports se démultiplier, la télévision reste le média de masse de référence, qui touche tous les foyers et toutes les générations. La mutation technologique qui s'opère actuellement est aussi importante que le passage du noir et blanc à la couleur ; elle va multiplier l'offre de programmes et va nous permettre de tirer le meilleur profit de la convergence des médias. Dans cette phase de transition, il est essentiel que personne ne soit laissé au bord du chemin ; je pense en particulier aux personnes âgées, aux foyers modestes, aux zones rurales éloignées. L'année 2011 est une année charnière en France et en Outre-mer et je serai particulièrement attentif à ce que nous réussissions pleinement cette transition.
La télévision c'est aussi, bien sûr, un acteur essentiel de notre projection à l'international. Je pense d'abord à l'Europe et à la nouvelle équipe qui va prendre la tête d'ARTE, ce fleuron qui doit continuer à jouer son rôle d'aiguillon et de découvreur de talents, autour de Véronique Cayla. Je pense à la poursuite de la réforme de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF) qui doit faire l'objet de toutes nos attentions pour garantir le climat de sérénité et de professionnalisme qu'elle requiert. Je pense enfin à la nécessité de repenser les relations entres créateurs, producteurs et diffuseurs, afin que les fictions françaises gagnent un public plus large et puissent mieux s'exporter.
Quand je pense par exemple au succès des séries télévisées, ce nouveau genre narratif dans lequel les producteurs et scénaristes français doivent pouvoir trouver toute leur place, je prends la mesure de ce que la notion de " diversité culturelle " implique pour les acteurs privés, pour les créateurs mais aussi pour la puissance publique. Cette promotion passe par un renforcement des outils juridiques dont nous disposons et par une stabilisation des normes internationales, à propos de laquelle il convient de faire entendre notre voix. Dans notre travail quotidien, notre dialogue avec Bruxelles et les institutions communautaires est constant. Je me réjouis d'avoir engagé un dialogue très constructif avec la vice-présidente de la Commission en charge du numérique, Nelly Kroes et avec la Commissaire Vassiliou. Je ne parle pas simplement de la question des aides d'Etat et de la concurrence, mais aussi du projet d'une TVA à prix réduit sur les biens et services culturels en ligne. La mission confiée à Jacques Toubon va pouvoir concrétiser cet objectif qui nécessite un travail de persuasion et de conviction de nos partenaires européens. En Europe, la fiscalité et le droit doivent s'adapter au plus vite aux évolutions technologiques par lesquelles nous ne devons pas nous laisser dépasser.
Au niveau européen comme au niveau international, en lien avec mes collègues du gouvernement, je veux placer la promotion de la diversité culturelle au coeur de notre action et de notre positionnement, tant en termes de droit commercial que de droit de la propriété intellectuelle. Elle doit pouvoir s'appuyer sur des actions de valorisation qui doivent éviter l'écueil des postures défensives : je pense notamment à la langue française et à la promotion de la diversité linguistique. Et je me réjouis de vous annoncer la mise en place prochaine, avec le CNL, la Délégation générale à la langue française, le CNRS et l'Institut français, d'un programme de traduction massif vers l'anglais de la production française dans le domaine des sciences humaines, afin que les débat d'idées internationaux puissent continuer à s'écrire au pluriel, car comme le disait Jean-Jacques Rousseau dans une formule de l'Emile que le Président Abdou Diouf apprécie particulièrement, " Les têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte des idiomes ".
Si nous ne voulons pas que promotion de la diversité culturelle se résume à un vain mot ou à un appel éphémère aux bonnes volontés, nous nous devons d'engager au plus haut niveau la discussion sur l'avenir du droit d'auteur. C'est le sens de la demande que m'a faite le Président de la République pour organiser un sommet ministériel sur cette question à l'occasion de la présidence française du G20. En effet, pour l'invention des modèles économiques de demain, la France se doit non seulement d'être présente, mais également d'être exemplaire sur les valeurs qu'elle veut promouvoir et sur lesquelles elle s'est engagée. Je ne crois pas à un " bug made in France ", je ne crois pas aux capitulations. Face à la numérisation sauvage des livres, face à la mise en péril de la rémunération de tous les créateurs, il est urgent de mobiliser tous nos partenaires sans délais et je compte m'y impliquer personnellement.
Dans la grande transformation que connaissent les modèles économiques de la culture et de la communication, la préservation du dynamisme et de l'inventivité de nos entrepreneurs passe aussi par le dialogue et le travail de prospective. Je pense à l'étude mené par le Département d'Etudes et de Prospective de mon ministère dans le programme Culture et médias 2030. Je pense également au dialogue avec la société civile et les acteurs du secteur privé que nous menons au sein du Forum d'Avignon. Je pense enfin au Groupe d'intérêt scientifique (GIS) que je vais très prochainement installer sur Culture, médias et numérique. Sur tous ces points, se tourner vers l'avenir c'est savoir anticiper, c'est se donner les moyens de choisir entre ce que nous désirons et ce que nous ne pouvons pas subir. Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 26 janvier 2011