Interview de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat chargé des anciens combatttants, dans "Le Parisien" du 4 mai 2001, sur les aveux du général Aussaresses sur sa pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Fallait-il attendre les aveux du général Aussaresses pour découvrir que les Français ont torturé en Algérie ?
Jean-Pierre Masseret : Non. Ce n'est pas une découverte. En Algérie c'était la guerre. Et la guerre s'appuie parfois sur la folie. Ce qui est surprenant, c'est la manière dont s'exprime le général Aussaresses : cette délectation avec laquelle il l'évoque est très choquante. Ses confessions appellent l'indignation et la condamnation. Elles dépassent la raison et la décence.
Le pouvoir politique de l'époque était-il informé ?
Vraisemblablement. On peut imaginer qu'il avait connaissance de ces faits. Certains s'y sont opposés, d'autres y ont peut-être consenti. André Rousselet affirme aujourd'hui que Mitterrand s'opposait à ces exactions. S'il s'y opposait, c'est qu'il était au courant.
Quelles suites donner à ces révélations ?
L'essentiel est aujourd'hui de rechercher la vérité. C'est le travail des historiens.
Pas celui de la justice ?
Si la justice veut se saisir de cette affaire, et qu'il existe un moyen, pourquoi pas. Il se trouvera bien quelqu'un pour décider que les choses ne peuvent pas en rester là, sur le terrain judiciaire. A mon avis, cet officier risque gros.
Y compris une sanction militaire, même si ce général est à la retraite ?
Aussaresses mérite une sanction et cela relève du ministre de la Défense. De tels actes, tellement loin de nos valeurs, ne peuvent pas rester impunis. Ce serait choquant, troublant, vis-à-vis de la jeunesse notamment.
Mais ne pensez-vous pas que la question touche plus largement l'Etat français ?
Non. La torture est condamnable, bien évidemment. Mais ce que je retiens des aveux du général, c'est que ces actes barbares ne concernent qu'une poignée de personnes. Il ne faut pas mettre dans le même sac tous les officiers, les appelés du contingent et les politiques. Quelques individus agissaient de la sorte, en s'octroyant des droits qui ne leur étaient aucunement conférés.
La France n'aurait donc pas à faire acte de repentance ?
Non. Ce n'est pas une question de repentance. Il y a des faits : aux historiens de travailler dessus.
Propos recueillis par Henri Vernet