Interview de Mme Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à France 2 le 19 janvier 2011, sur la législation sur l'euthanasie, le climat social et les dépenses publiques en faveur de l'apprentissage.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
J. Wittenberg.- Bonjour à tous et bonjour à vous, N. Morano.
 
Bonjour.
 
Beaucoup de questions intéressent effectivement la ministre et aussi la nouvelle déléguée générale de l'UMP que vous êtes devenue. D'abord votre sentiment sur ce texte adopté par la commission du Sénat, la commission des lois au Sénat - on en parlait dans le journal - un texte qui vise à rendre légale l'euthanasie. Or, on sait que c'est un combat qui justement vous tient à coeur, vous, depuis longtemps, N. Morano. Donc qu'est-ce que vous en pensez ?
 
Comme vous le savez, j'étais en 2004 à l'origine avec G. Gorce, député socialiste, sur un texte important puisque c'est la loi sur la fin de vie et le droit des malades. Et ce texte apporte déjà évidemment des réponses très concrètes pour l'accompagnement des malades en fin de vie.
 
Là, celui-là va plus loin. Là, celui-là légalise l'euthanasie.
 
Celui-là légalise l'euthanasie. Pour ma part, j'avais pris position évidemment pour l'exception de l'euthanasie dans des situations très particulières, encadrée par une commission, et ce texte qui a été adoptée en commission des lois du Sénat à mon avis n'a pas beaucoup d'espoir de voir son examen à l'Assemblée nationale, donc d'être adopté avant la fin du quinquennat.
 
Pour quelles raisons ?
 
Parce que je pense qu'il y a un embouteillage législatif assez important et que je ne pense pas qu'il requiert l'adhésion au Parlement tout entier.
 
Une majorité de Français pourtant semble favorable à l'euthanasie. Pourquoi la France est-elle en retard ? Pourquoi finalement le législateur ne se met pas en conformité avec ce que semble vouloir une majorité de la population ?
 
Vous dites « en retard », non. Parce que la loi sur la fin de vie, encore une fois, apporte vraiment des solutions très concrètes avec la mise en place des soins palliatifs et également la possibilité de faire une injection de morphine telle qu'elle peut entraîner la mort dans le cadre du soulagement de la douleur, donc c'est un texte qui correspondait à l'attente des médecins, du corps médical mais aussi des familles. En revanche, je note que ce texte est insuffisamment connu et qu'il est nécessaire de le développer, de l'enseigner notamment en fac de médecine.
 
Il ne faut pas aller plus loin pour l'instant, donc.
 
Moi je suis toujours, évidemment, ouverte au débat et à faire avancer les choses parce que moi j'avais pris cette position sur des thématiques - enfin, sur des maladies très particulières ; je pense aux maladies neuro-dégénératives - parce que mourir étouffé c'est une angoisse permanente, donc l'exception d'euthanasie reste pour moi une conviction. À titre personnel, évidemment.
 
À l'autre bout de la vie, on a enregistré - on en a parlé hier - des chiffres records pour les naissances en France, 65 millions d'habitants. J'imagine que l'ancienne ministre de la Famille que vous êtes se félicite. Comment vous expliquez ce chiffre ?
 
D'abord que contrairement à tous les sondages qu'on nous assène quotidiennement, c'est une marque d'espoir envers l'avenir de nos concitoyens. Nous avons le taux de natalité encore le plus fort de toute l'Union européenne, plus de deux enfants par femme.
 
Pourquoi ?
 
Tout simplement parce que, encore une fois, je pense que nos concitoyens ont confiance à l'avenir. Faire des bébés, c'est parce qu'on a aussi confiance en l'avenir et puis parce que la France mène une politique familiale extrêmement généreuse. C'est en terme de produit intérieur brut le double que ce qu'y consacrent les autres pays européens et j'ai signé pour ma part 1,3 milliard d'euros supplémentaires pour développer des modes de garde dans ce pays. Et donc, voilà, je crois que nous l'accompagnons et c'est important. Donc bravo, je suis très contente de voir toutes ces naissances.
 
Il y a un paradoxe. Vous dites que les Français ont confiance en l'avenir ; un autre sondage la semaine dernière montrait qu'ils étaient les plus pessimistes d'Europe.
 
Oui, mais encore des sondages ! Oui mais voilà, ça dépend des questions qu'on vous pose, vous savez. Tout est vraiment très orienté donc arrêtons de toujours faire de la "sinistrose" une espèce de fil rouge de notre vie quotidienne. C'est quand même quelquefois insupportable.
 
Alors oublions les sondages et parlons des faits concrets. Il y a un climat social qui n'est pas apaisé en ce début d'année. J'en veux pour preuve ce matin la poursuite du marathon des voeux du Président de la République avec de nouveau une absence des syndicats enseignants cette fois-ci, après la CGT la semaine dernière. Comment vous expliquez finalement ce boycott et cette tension dans le climat social ?
 
Écoutez, une tension dans le climat social... Moi, dans mon secteur d'activité sur l'apprentissage, je reçois les partenaires sociaux très régulièrement ; nous avons d'ailleurs signé un accord hier - on y reviendra.
 
On va en parler. Mais là, le boycott des syndicats.
 
Mais je trouve ça regrettable, écoutez. Parce que la cérémonie des voeux, c'est un moment républicain d'échange, c'est une tradition républicaine et boycotter, ça ne sert à rien. Ça ne permet pas d'engager le dialogue. J'observe juste que le budget de l'Éducation nationale qui reste le plus élevé de celui de tous les budgets de la nation c'est 60 milliards d'euros et je crois qu'il nous faut vraiment réaliser la façon dont on concentre les moyens pour que les résultats de nos enfants soient là. C'est ça qui est important. Ce n'est pas de se dire : on est en train de rééquilibrer les postes en fonction de la démographie de nos enfants sur l'ensemble du territoire et la mise en adéquation avec le nombre de profs, mais les moyens concrets pour que nos enfants réussissent.
 
Alors la formation professionnelle, votre secteur, a-t-elle les moyens de se développer alors que N. Sarkozy, le Gouvernement, ne cessent de parler de réduction des dépenses publiques. Donc, comment vous faites pour concilier les deux ?
 
Mais on ne parle pas de réduction des déficits publics.
 
Des dépenses.
 
Des dépenses publiques comme vous le dites. Nous, on met les moyens là où il y en a besoin. Par exemple, nous mettons sur la table 500 millions d'euros à travers le grand emprunt pour créer des nouveaux CFA. On en a 1 200 sur le territoire, il faut adapter notre outil de formation. Il faut créer 15 000 places d'hébergement pour les jeunes qui choisissent l'apprentissage, dont on sait que c'est un des leviers majeurs pour l'emploi des jeunes. Et puis j'ai signé hier un accord avec X. Bertrand et les partenaires sociaux sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. C'est un budget de 800 millions d'euros, c'est 100 millions d'euros de la part de l'État et du FSE pour justement accompagner vers l'emploi des personnes qui sont en situation...
 
Ça se verra quand dans les chiffres du chômage qui pour l'instant continuent d'augmenter ?
 
Mais là ! Écoutez, les chiffres du chômage pour nous, vous savez, c'est là-dessus sur lequel on a l'oeil, parce que c'est là que nous devons avoir des résultats. Moi j'observe que les programmes passés avec le fonds paritaire dont je viens de vous parler ont permis la formation de 250 000 personnes et l'accompagnement de 100 000 personnes qui étaient en demande d'emploi. Donc nous allons continuer à travers les publics en situation de difficulté, à les accompagner vers l'emploi. C'est vraiment avec X. Bertrand la priorité du Gouvernement.
 
Un nouveau signal, en tout cas, vient d'être donné ou va peut-être être donné aux catégories les plus riches de la population puisque l'ISF pourrait être finalement réformé. On passerait d'un seuil de 800 000 euros à 4 millions d'euros avec une taxation de la plus-value sur la vente de la résidence principale. Y êtes-vous favorable ? Est-ce que c'est une bonne mesure ?
 
Mais pardon de parler toujours - enfin, on a l'impression qu'en France il y a des riches, il y a des pauvres, il n'y a pas la France.
 
C'est une réalité.
 
Non mais... Non, non, ce n'est pas une réalité. Je suis désolée de vous dire que les politiques qui sont menées doivent permettre de faire vivre tout le monde ensemble. Bien. J'observe que l'ISF n'existe plus en Europe à part chez nous. En revanche, que nous réfléchissions à une refonte de notre système fiscal nous paraît important. C'est là-dessus que F. Baroin est en train de travailler et fera des propositions au Président de la République sur justement la fiscalité du patrimoine. Alors attendons les propositions de F. Baroin et ensuite nous déciderons.
 
On a une minute pour deux questions. Vous avez entendu M. Le Pen, peut-être hier soir sur France 2, vous l'avez entendu lors de son discours ce week-end. Elle est créditée de 17 % dans un sondage BVA publié aujourd'hui ; c'est le même score que son père au moment de l'élection de 2002. Est-ce que vous craignez ce qu'on appelle un 21 avril à nouveau, à l'envers, en 2012 ?
 
Face à des discours incantatoires, il faut de l'action. Moi j'observe que, s'agissant de l'immigration qui reste quand même la majorité du discours de M. Le Pen, nous nous menons des politiques responsables et humaines à travers le pacte pour l'immigration au niveau européen qui a été engagé par N. Sarkozy lorsqu'il était Président de l'Union européenne et qui définissent vraiment des règles, et ça se voit en France à travers les chiffres dont nous disposons.
 
Il y a un danger M. Le Pen ? Est-ce qu'il y a un danger aujourd'hui électoral pour vous ?
 
Mais ce n'est pas une question de danger : c'est une question d'action. Moi, je suis membre du Gouvernement, je suis là pour agir et répondre concrètement à des situations. Je vois que le nombre de titres de séjour - je parle là de l'immigration régulière - a baissé de près de 4 %. J'observe aussi que s'agissant du regroupement familial, là aussi il y a un recul de plus de 12 %. Donc on est dans une gestion de l'immigration responsable, humaine et choisie. C'est ce que voulait le Président de la République. Ça, ce sont des réponses très concrètes.
 
Très bien, on vous a entendu. Merci beaucoup N. Morano.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 janvier 2011