Texte intégral
Q - Comment analysez-vous la récente vague d'immigration tunisienne en Italie ?
R - Elle ne m'a pas surpris. Il se crée un appel d'air lorsqu'un régime, ses contraintes et ses contrôles tombent. «L'autre côté » est vu comme un eldorado, mais l'avenir des Tunisiens est en Tunisie.
Q - Comment les en convaincre ?
R - L'Europe doit, et va, les aider. Mais en Tunisie, et non à Lampedusa. Le temps des commentaires est terminé. Collectivement, nous n'avons peut-être pas réagi assez vite, mais le temps de l'action est venu. Nous devons développer une vraie coopération, une réelle solidarité et appuyer la transition, avec une obligation de résultat. C'est le message que je vais porter en Tunisie avec Christine Lagarde. L'Union européenne doit arrêter de courir derrière l'actualité.
Q - C'est-à-dire, selon vous, mieux assurer la surveillance de ses frontières ?
R - Je préfère parler de «protection», mais il faut, c'est vrai, passer à la vitesse supérieure et j'ai décidé de le faire avec Brice Hortefeux. Nous vivons un paradoxe intenable, un mélange de tout à l'Europe et de chacun pour soi. Les frontières sont européennes, donc collectives, mais lorsqu'une crise survient, le discours, c'est : «Débrouillez-vous tout seuls». La pression de 80 % des clandestins se concentre sur quelques pays, comme l'Italie, l'Espagne, Malte et la Pologne. Il faut les aider à faire face.
Q - Les remèdes ?
R - D'abord, mieux utiliser l'agence Frontex. En Grèce, le déploiement européen a permis de faire passer de 300 à 100 le nombre de passages quotidiens. Nous allons agir en Italie aussi. Il faut renforcer les capacités opérationnelles de Frontex et imaginer, par exemple, que l'agence puisse cofinancer les achats d'hélicoptères ou de bateaux par certains Etats membres avec, en échange, une possibilité de les utiliser, durant une période donnée, pour des opérations européennes.
Il faut, par ailleurs, que les gardes-frontières nationaux cessent de travailler de manière isolée. Développons un vrai travail d'équipe, européen et intégré. Pourquoi pas un «Erasmus» dans ce domaine aussi et, même si cette idée dérange, à terme des gardes-frontières européens ? Troisièmement, nos échanges de données sont insuffisants, et nous manquons d'une approche globale. Or, il faut défendre, en bloc, des frontières actuellement émiettées.
Q - C'est le système Schengen de «l'Europe sans frontières» que vous remettez en cause ?
R - C'est tout l'inverse. Je dis qu'il faut défendre l'approche européenne de la question des frontières. Je crois à la capacité de l'Europe de nous protéger. Et, pour cela, à l'instar de ce que l'on vient de faire pour l'euro, s'interroger sur le mode de gouvernance du système Schengen, basé sur des critères trop artificiels : le nombre de caméras ou de voitures mis en place ne signifie rien... Il ne faut pas de critères de moyens, mais de résultats.
Q - Visez-vous la Roumanie et la Bulgarie ?
R - Reconnaissons le travail que ces pays ont accompli, mais admettons que, lorsqu'on évoque des trafics d'armes, de drogue ou d'êtres humains, on ne peut traiter cela à la légère. Des décisions d'élargissement trop rapides de Schengen seraient mauvaises pour la crédibilité de l'Union, et se retourneraient contre les pays concernés. Désormais, nous devons construire avec ces Etats des plans d'action sérieux, permettant d'endiguer la corruption et d'améliorer l'efficacité de leur système judiciaire.
Q - Comment envisagez-vous la suite du dossier des Roms et des polémiques entre Paris et la Commission ?
R - Là aussi, face à un problème européen, la solution est européenne. La polémique et les critiques sont derrière nous. Plus de 10 milliards d'euros, censés favoriser une meilleure intégration de cette minorité, sont sur la table, mais moins de 10 % de ce montant sont utilisés ! Développons des mécanismes bonus-malus, pour aider ou pénaliser les régions et les municipalités selon qu'elles veulent, ou non, accomplir des efforts d'intégration.
Q - La collaboration avec la commissaire Viviane Reding reste-t-elle possible après les critiques qu'elle a formulées ?
R - La page est tournée. Nous soutenons les projets de la Présidence hongroise pour affronter un défi historique car, jusqu'ici, jamais l'Europe n'a été capable d'apporter les réponses nécessaires pour le sort de la minorité rom, trop souvent oubliée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2011
R - Elle ne m'a pas surpris. Il se crée un appel d'air lorsqu'un régime, ses contraintes et ses contrôles tombent. «L'autre côté » est vu comme un eldorado, mais l'avenir des Tunisiens est en Tunisie.
Q - Comment les en convaincre ?
R - L'Europe doit, et va, les aider. Mais en Tunisie, et non à Lampedusa. Le temps des commentaires est terminé. Collectivement, nous n'avons peut-être pas réagi assez vite, mais le temps de l'action est venu. Nous devons développer une vraie coopération, une réelle solidarité et appuyer la transition, avec une obligation de résultat. C'est le message que je vais porter en Tunisie avec Christine Lagarde. L'Union européenne doit arrêter de courir derrière l'actualité.
Q - C'est-à-dire, selon vous, mieux assurer la surveillance de ses frontières ?
R - Je préfère parler de «protection», mais il faut, c'est vrai, passer à la vitesse supérieure et j'ai décidé de le faire avec Brice Hortefeux. Nous vivons un paradoxe intenable, un mélange de tout à l'Europe et de chacun pour soi. Les frontières sont européennes, donc collectives, mais lorsqu'une crise survient, le discours, c'est : «Débrouillez-vous tout seuls». La pression de 80 % des clandestins se concentre sur quelques pays, comme l'Italie, l'Espagne, Malte et la Pologne. Il faut les aider à faire face.
Q - Les remèdes ?
R - D'abord, mieux utiliser l'agence Frontex. En Grèce, le déploiement européen a permis de faire passer de 300 à 100 le nombre de passages quotidiens. Nous allons agir en Italie aussi. Il faut renforcer les capacités opérationnelles de Frontex et imaginer, par exemple, que l'agence puisse cofinancer les achats d'hélicoptères ou de bateaux par certains Etats membres avec, en échange, une possibilité de les utiliser, durant une période donnée, pour des opérations européennes.
Il faut, par ailleurs, que les gardes-frontières nationaux cessent de travailler de manière isolée. Développons un vrai travail d'équipe, européen et intégré. Pourquoi pas un «Erasmus» dans ce domaine aussi et, même si cette idée dérange, à terme des gardes-frontières européens ? Troisièmement, nos échanges de données sont insuffisants, et nous manquons d'une approche globale. Or, il faut défendre, en bloc, des frontières actuellement émiettées.
Q - C'est le système Schengen de «l'Europe sans frontières» que vous remettez en cause ?
R - C'est tout l'inverse. Je dis qu'il faut défendre l'approche européenne de la question des frontières. Je crois à la capacité de l'Europe de nous protéger. Et, pour cela, à l'instar de ce que l'on vient de faire pour l'euro, s'interroger sur le mode de gouvernance du système Schengen, basé sur des critères trop artificiels : le nombre de caméras ou de voitures mis en place ne signifie rien... Il ne faut pas de critères de moyens, mais de résultats.
Q - Visez-vous la Roumanie et la Bulgarie ?
R - Reconnaissons le travail que ces pays ont accompli, mais admettons que, lorsqu'on évoque des trafics d'armes, de drogue ou d'êtres humains, on ne peut traiter cela à la légère. Des décisions d'élargissement trop rapides de Schengen seraient mauvaises pour la crédibilité de l'Union, et se retourneraient contre les pays concernés. Désormais, nous devons construire avec ces Etats des plans d'action sérieux, permettant d'endiguer la corruption et d'améliorer l'efficacité de leur système judiciaire.
Q - Comment envisagez-vous la suite du dossier des Roms et des polémiques entre Paris et la Commission ?
R - Là aussi, face à un problème européen, la solution est européenne. La polémique et les critiques sont derrière nous. Plus de 10 milliards d'euros, censés favoriser une meilleure intégration de cette minorité, sont sur la table, mais moins de 10 % de ce montant sont utilisés ! Développons des mécanismes bonus-malus, pour aider ou pénaliser les régions et les municipalités selon qu'elles veulent, ou non, accomplir des efforts d'intégration.
Q - La collaboration avec la commissaire Viviane Reding reste-t-elle possible après les critiques qu'elle a formulées ?
R - La page est tournée. Nous soutenons les projets de la Présidence hongroise pour affronter un défi historique car, jusqu'ici, jamais l'Europe n'a été capable d'apporter les réponses nécessaires pour le sort de la minorité rom, trop souvent oubliée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2011