Conférence de presse conjointe de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères et européennes, et M. Antonio Patriota, ministre brésilien des affaires étrangères, sur la coopération bilatérale et le partenariat stratégique franco-brésilien, l'appui de la France à la candidature du Brésil comme membre permanent du futur Conseil de sécurité de l'ONU réformé et la situation en Libye, Brasilia le 22 février 2011.

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Circonstance : Voyage de Michèle Alliot-Marie au Brésil les 21 et 22 février 2011

Texte intégral

Antônio Patriota, Ministre des Affaires Etrangères brésilien :
« Bonjour à tous. Je souhaiterais tout d'abord exprimer notre grande satisfaction, pour moi personnellement et pour le gouvernement brésilien, de recevoir la ministre Michèle Alliot-Marie, à Brasilia, lors d'une visite qui vient très peu de temps après les débuts de l'administration Dilma Rousseff. C'est une occasion de réaffirmer notre partenariat stratégique, partenariat stratégique qui vient de boucler ces cinq premières années, un partenariat qui implique des engagements d'un grand intérêt pour le Brésil, pour le futur de son développement technologique.
Ce qui caractérise la France, dans cette relation, c'est sa disposition à transférer sa technologie, une disposition qui est très bien accueillie et qui est = nous avons déjà pu le constater sur de nombreux projets qui sont en cours= effective et réelle. Au-delà de la coopération dans les domaines de la Défense, nous avons également évoqué notre coopération dans le domaine de l'énergie et un possible engagement de la France dans les énormes événements que constitueront la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques. La France elle-même, il ne faut pas l'oublier, a organisé une Coupe du Monde il y a peu de temps.
La Présidence française du G-20, qui est évidemment quelque chose d'important, vient de conclure à Paris une réunion des ministres des Finances et a pris en compte des éléments importants du point de vue du Brésil, d'une manière qui nous laisse espérer que ce sera l'occasion d'un rapprochement de nos positions et d'une convergence, également autour des thèmes de la gouvernance globale. La France est un pays, conjointement avec le Royaume-Uni, qui appuie une réforme du Conseil de Sécurité et l'arrivée de nouveaux membres permanents, et qui a déjà manifesté = cela a de nouveau été fait par la ministre Alliot-Marie= son appui, entre autres au Brésil et à l'Inde, comme membres du futur Conseil de Sécurité réformé. Et c'est également sur ce thème que nous avons l'intention de poursuivre une coopération très étroite.
En tant que membre du Conseil de Sécurité, le Brésil a cette année un siège non-permanent, et durant ce mois, comme vous le savez, la Présidence du Conseil. Nous ne pouvons donc éviter d'examiner brièvement quelques thèmes qui sont à l'agenda. En particulier ont été inscrites aujourd'hui des consultations informelles sur la situation en Libye, une situation qui nous préoccupe beaucoup. Nous sommes en contact avec différentes entreprises brésiliennes qui emploient des Brésiliens, afin que nous puissions évacuer du pays ceux qui souhaitent partir. C'est un sujet que nous sommes en train de traiter ici, en liaison avec notre ambassade à Tripoli, mais également par l'intermédiaire de notre ambassadeur à New-York.
Nous avons également parlé comme cela se doit de coopération transfrontalière et de l'inauguration du pont sur l'Oyapock. Cela devrait avoir lieu en mai de cette année et ce sera une occasion supplémentaire pour une rencontre de haut niveau, je l'espère, et pour des opportunités de nouvelles coopération bilatérale chaque fois qu'une occasion se présentera dans le monde. Il existe déjà un dialogue sur ce thème et nous souhaitons l'approfondir.
Je souhaite redire la joie qui est la nôtre d'avoir Michèle Alliot-Marie parmi nous. Elle sera reçue dans quelques instants par la présidente Dilma Rousseff, ce qui sera également une occasion de développer d'autres thèmes.
Michèle Alliot-Marie, Ministre des Affaires étrangères et européennes :
Merci cher collègue et cher ami,
Je veux d'abord vous dire combien j'ai été heureuse d'être une nouvelle fois au Brésil et remercier tous les interlocuteurs, et en particulier António Patriota, de la chaleur comme de l'intérêt des entretiens que j'ai eu au cours de ces deux journées. Deux journées qui ont été effectivement très denses et qui vont se terminer avec l'entretien que la présidente a bien voulu m'accorder. Ce sera une fois de plus l'occasion de dire combien le Brésil est un pays qui compte énormément pour la France.
Nous avons une relation qui est tout à fait particulière, qui fait partie de l'histoire et qui se renforce encore avec le partenariat stratégique global que nous évoquions tout à l'heure. Nous souhaitons que cette relation continue à se développer dans l'avenir, sur le plan des relations entre nos deux pays, sur le plan des relations que nous pouvons entretenir entre nos deux continents et plus globalement dans l'action commune que nos pouvons mener au niveau international pour que les valeurs que nous avons en commun, celle de la démocratie, celle du respect des droits de l'Homme, celle du respect des autres Etats, celle de la paix, puissent être par notre volonté, notre action commune, étendue au plus grand nombre de pays communs.
Nous avons largement discuté de ces sujets et effectivement de la conséquence logique qui nous parait devoir être tirée de cette relation, par exemple dans le cadre de la nouvelle gouvernance que nous souhaitons pour l'ensemble du monde et au sein de laquelle le Brésil doit être amené à jouer un rôle tout à fait essentiel. Il est évident qu'aujourd'hui, le Conseil de Sécurité de l'ONU ignore un certain nombre de pays qui jouent un rôle essentiel dans le monde, dont le Brésil, et vous le savez, la France plaide avec continuité et avec force pour que Brésil puisse avoir un siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU, c'est la moindre des choses.
Par ailleurs, dans le cadre de la Présidence du Conseil de Sécurité qu'occupe le Brésil pour l'instant, et encore pour quelques jours, et dans le cadre de la Présidence Française du G-8 et du G-20 que nous occupons encore pour quelques mois, nous allons renforcer encore notre dialogue permanent sur les grands sujets qui sont ceux de l'agenda du G-8 et de l'agenda du G-20.
Nous allons également continuer de renforcer notre partenariat stratégique, je n'y reviendrais pas puisque Antônio l'a très largement évoqué tout à l'heure. C'est bien un partenariat global, c'est-à-dire qu'il touche à l'ensemble des sujets, aussi bien des sujets relatifs aux problématiques de l' environnement, aux problématiques économiques, aux problématiques de la Défense, avec c'est vrai, et c'est parfois essentiel, le volet des transferts de technologies réels que nous mettons en oeuvre avec le Brésil comme avec nul autre pays. Nous avons d'ailleurs l'intention de continuer notre relation dans tous les domaines, y compris des domaines nouveaux qui peuvent être le spatial, qui peuvent être l'énergie nucléaire, qui peuvent être tous les problèmes relatifs à l'environnement.
Je crois que ce que nous avons échangé entre nous existe à tout niveau. Ce matin, j'ai pu voir le ministre de la Défense, hier j'ai rencontré les chefs d'entreprises brésiliens de São Paulo et des chefs d'entreprises français, et tous ont cette même volonté d'agir en commun, de développer encore nos relations. Il est bien entendu que dans nos relations bilatérales comme dans nos relations internationales, nous échangeons intimement et c'est ainsi effectivement que nous avons aussi évoqué d'autres problèmes du monde qui nous préoccupent, et en particulier le problème de la Libye. Nous avons marqué ensembles nos préoccupations à l'égard de la situation, nos préoccupations à l'égard de nos ressortissants et nous allons éventuellement essayer de nous aider les uns les autres pour permettre à ceux de nos ressortissants qui le souhaitent de pouvoir quitter la Libye. Et nous avons surtout marqué notre profonde préoccupation face à un déchainement de violence qui est tout à fait inadmissible. Et nous avons demandé et nous demandons ensembles que la violence prenne fin, c'est un impératif aujourd'hui et nous sommes très attachés à ce point.
Muito obrigado.
Questions :
Journaliste d'O Estado de São Paulo : Ministre Patriota, Madame la ministre française, je souhaiterais savoir si, parmi les sujets abordés, il y a eu quelques allusions à un possible achat par la France de combustibles nucléaires brésiliens. Et également, sur la question des avions de chasse, je voudrais savoir si la réduction de R$ 50 milliards dans le budget de l'Etat ne va pas constituer un obstacle dans la résolution de ce dossier. Enfin, sur la Libye, nous souhaiterions connaitre les préoccupations du gouvernement brésilien et la manière dont vont être évacués les Brésiliens qui sont là-bas ?
Réponse du ministre Antônio Patriota : Ecoutez, sur les deux premiers sujets, je n'ai rien de réellement nouveau à vous dire, cela n'a pas fait l'objet de discussions approfondies. En ce qui concerne les avions de chasse, vous le savez, il existe des coupes budgétaires et la Présidente souhaite réfléchir sur ce dossier. Il y a une réelle compréhension des trois concurrents sur ces délais et ce besoin de réflexion de la part du Brésil.
Maintenant, sur la situation en Libye, nous sommes confrontés à des difficultés pour obtenir des autorisations de survol et d'atterrissage sur l'aéroport de Tripoli. Certaines entreprises brésiliennes ont des employés dans le pays, dont tous ne sont pas brésiliens, mais qui souhaitent quitter la Libye, et qui pourront partir soit par avion, dès que nous aurons les autorisations, soit par bateau. Nous examinons également la possibilité d'affréter un bateau depuis l'Italie pour Tripoli et Benghazi.
Je répète ce que j'ai dit hier : l'usage de la violence contre des manifestants désarmés est inadmissible et inacceptable, et c'est une situation particulièrement préoccupante dans le contexte des évènements qui se déroulent dans le monde arabe. Nous accompagnons la situation en Egypte qui, comparativement, a été beaucoup plus calme. Les manifestants égyptiens n'ont pas eu à affronter de répression militaire violente comme c'est le cas en Libye.
C'est une situation préoccupante qui fait l'objet d'une réunion du Conseil de Sécurité aujourd'hui, et également d'une motion au Conseil des droits de l'Homme à Genève, qui se réunira pour examiner la situation en Libye.
Réponse de la ministre Michèle Alliot-Marie : Puisque vous êtes de São Paulo, je vais vous dire que j'ai rencontré hier M. SKAS, Président de la Fédération des Industries de São Paulo, j'ai rencontré également le Maire de São Paulo, j'ai rencontré les principales entreprises françaises, plus précisément leur dirigeants qui se trouvent à São Paulo, et je suis également allée à l'Université pour discuter avec le recteur, les étudiants.
Dans tous ces endroits, nous avons bien entendu évoqué les différents aspects de notre partenariat stratégique et notamment, aussi bien à São Paulo qu'aujourd'hui avec Antônio ou avec le ministre de la Défense, nous avons notamment parlé d'un certain nombre de choses qui sont en cours comme le transfert de technologie qui concerne par exemple le marché des sous-marins et également le marché des hélicoptères.
Nous avons un certain nombre de projets et bien entendu, nous sommes parfaitement conscients que la présidente vient juste de prendre ses fonctions et donc à partir de là, il est tout-à-fait normal qu'elle prenne le temps de s'imprégner du dossier de la même façon qu'il est normal qu'elle ait un certain nombre de préoccupations financières et budgétaires. Donc nous comprenons qu'elle ait besoin de temps pour le faire. Ceci dit, il n'empêche que pour nous, notre proposition d'un avion de combat Rafale est la meilleure proposition, celle qui correspond le mieux aux préoccupations et aux besoins du Brésil. Nous l'avons répété, ce que nous proposons pour les Rafales, nous avons démontré avec les sous-marins ou avec les hélicoptères que nous tiendrons nos engagements, que nous transfèrerons, si c'est l'avion qui est retenu, la totalité de la technologie Rafale, ce qui permettra ensuite au Brésil d'être autonome pour pouvoir faire les adaptations éventuelles dont il a besoin et également pour pouvoir, s'il le souhaite, vendre cet appareil adapté à d'autres pays. Et ça, nous sommes le seul pays qui, compte tenu de la qualité de la relation que nous avons avec le Brésil, accepte de le faire. Aucun autre pays ne fait ce transfert.
En ce qui concerne la Libye, je n'y reviendrais pas sinon pour dire, pour rassurer les Brésiliens comme les Français qui ont des proches qui se trouvent en Libye, que pour l'instant, il n'y a eu aucun geste ou aucun acte contre des étrangers. C'est un peu rassurant mais il est évident que quand il y a autant de violence, il y a effectivement un risque qui puisse y avoir des dégâts collatéraux, et c'est la raison pour laquelle, les uns comme les autres, nous mettons tout en oeuvre pour que les personnes qui souhaitent rentrer puissent effectivement le faire. Et nous avons effectivement discuté ensembles de la façon dont nous pouvions éventuellement nous entraider mutuellement. Nous avons deux avions français qui ont reçu l'autorisation de se poser à Tripoli. Et il est évident que nous les mettons également à la disposition des Brésiliens.
Question du journaliste du Monde : C'est très bien, vous avez commencé à répondre à la question que je voulais vous poser : Sur le Rafale, que vous connaissez bien puisqu'il paraît que vous avez volé deux fois déjà à bord (Ministre : quatre fois), que vous ont jusqu'à maintenant répondu vos interlocuteurs brésiliens à ce sujet ?
Réponse de la ministre Michèle Alliot-Marie : Et bien ce qu'ils ont précisément répondu, effectivement, c'est que le Rafale était un avion qui les intéressait aussi bien de part sa technologie que de part les transferts de technologies que nous proposions, et que la présidente, que je comprends parfaitement, d'une part avait des exigences budgétaires sur l'année 2011 et d'autre part souhaitait voir le dossier, ce qui est normal.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 février 2011