Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées, leur insertion professionnelle et la scolarisation d'enfants handicapés, Paris le 18 janvier 2011.

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Circonstance : Cinquantenaire de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) à Paris le 18 janvier 2011

Texte intégral

Madame la présidente, chère Christel Prado,
Monsieur le directeur général de l'Unapei, cher Thierry Nouvel,
Monsieur le directeur général de la RATP, cher Pierre Mongin,
Madame la secrétaire générale de la Fondation RATP, chère Florence Rodet,
Mesdames, messieurs,
50 ans : il est des anniversaires qui témoignent du chemin accompli.
Un demi-siècle de combat.
Un demi-siècle d'engagement.
Un demi-siècle de mobilisation au service des personnes handicapées mentales et de leurs droits.
Pour la militante de longue date que je suis, c'est une grande joie de clore aujourd'hui avec vous cette cérémonie particulièrement émouvante.
Je note d'ailleurs avec plaisir que nous le faisons dans cet « espace du centenaire », qui atteste votre volonté d'inscrire votre action dans la durée pour mieux garantir sa pérennité.
Regarder vers l'avenir, c'est aussi rendre hommage au passé.
Du vôtre, vous pouvez être fiers.
C'est votre mouvement qui a créé le premier institut médico-éducatif (IME) en 1948.
Depuis lors, fidèles à l'esprit qui vous anime, vous continuez d'oeuvrer au quotidien pour accompagner les personnes handicapées et leurs familles.
Chaque jour, votre association innove pour accueillir 180 000 enfants et adultes handicapés au sein des 3 000 établissements et services médico-sociaux.
J'ai eu la joie de passer une partie de la journée de Noël dans l'un des établissements de votre association. Je peux témoigner de la qualité de l'accueil et de l'accompagnement qui y sont proposés et qui en font des lieux de vie fraternels, chaleureux, profondément humains.
Dans l'histoire de la lutte en faveur des personnes handicapées, chaque conquête vous doit tant !
Ainsi, vous avez activement participé à l'élaboration des grandes lois qui ont émaillé ces 50 dernières années et marqué nos mémoires : la loi de 1975, la loi de 2002 et la loi de 2005.
Pour les pouvoirs publics, vous avez toujours été un interlocuteur - je dirais même un partenaire - exigeant et constructif, soucieux de dépasser les divergences au nom de l'intérêt général.
C'est que vous agissez pour défendre des valeurs en lesquelles, comme moi, vous croyez profondément : la solidarité, l'attention portée à l'autre, le respect imprescriptible de la personne et de sa dignité.
A ce titre, vous avez contribué à libérer la parole pour faire en sorte que le handicap mental ne soit plus dissimulé au plus profond des secrets de famille.
Et pourtant, aujourd'hui encore, au XXIe siècle, le regard que nous portons sur les personnes handicapées, et notamment sur les personnes souffrant d'un handicap mental, hésite trop souvent entre le rejet et la compassion.
Or, les personnes handicapées mentales sont des personnes comme les autres.
Elles doivent pouvoir accéder à la citoyenneté, bénéficier de l'égalité des droits et des chances, et participer pleinement à notre pacte républicain.
A cet égard, le Gouvernement n'est pas resté inactif et nous pouvons nous enorgueillir d'avoir obtenu nombre d'avancées significatives.
En 2009, 187 500 enfants handicapés étaient scolarisés, ce qui représente 40% de plus qu'en 2005.
En 2012, l'allocation adulte handicapé (AAH) aura été revalorisée de 25% en cinq ans, soit un effort de la solidarité nationale de 1,4 milliard d'euros.
En 2008 et 2009, le nombre d'entreprises n'employant aucun travailleur handicapé a diminué de 78%, ce qui signifie que l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées s'est largement développé.
En 2008, le Président de la République a lancé un plan pluriannuel de création de 51 450 places en établissements et services pour les personnes handicapées, dont plus de 12 000 places pour l'accueil des enfants. Cela représente un investissement nouveau de 1,4 milliard d'euros. Au 31 décembre 2010, 73% des crédits ont déjà été notifiés aux agences régionales de santé en enveloppes anticipées.
Mais nous devons aller encore plus loin et, pour cela, vous pouvez compter sur la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement.
Récemment, le Premier ministre a confié une mission sur le sujet au député Jean-François Chossy. Ce dernier sera chargé, dans les six mois, de m'adresser des propositions pour faire évoluer les mentalités et changer le regard que, collectivement, nous portons sur les personnes handicapées.
Pour ma part, en tant que Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, je suis résolument à vos côtés, comme je l'ai toujours été, et je ferai en sorte que les choses évoluent encore.
Car, vous le savez, la lutte pour une meilleure reconnaissance des personnes handicapées et de leurs droits sont à l'origine même de mon engagement politique. J'entends la faire encore progresser.
C'est ainsi que je souhaite m'engager très fortement pour faire avancer les choses en matière de scolarisation des enfants et pour améliorer l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Vous avez choisi de faire de l'accessibilité le thème de ce 50e anniversaire.
Vous avez raison : l'accessibilité est la condition de tous les droits.
Tous les droits en découlent : le droit à la scolarisation, le droit à l'emploi, le droit à la culture, le droit à la citoyenneté.
Ainsi, rendre notre cité accessible, c'est diminuer les situations de handicap.
Naturellement, l'accessibilité doit être entendue au sens large : tous les handicaps sont concernés.
Je souhaite, aussi, qu'elle s'applique à tous les domaines : l'école, l'emploi, le sport, la culture, le tourisme, les loisirs, les transports.
Sur ce dernier point, dans le cadre de mon prochain déplacement à Berlin, j'irai voir concrètement ce que font nos voisins allemands en matière de transports en commun. Nous avons beaucoup à apprendre d'eux.
Mais, d'ores et déjà, je veux saluer l'action exemplaire de la RATP en la matière.
Cette accessibilité, cher Pierre Mongin, vous l'avez mise en oeuvre en partenariat avec les associations de personnes handicapées, dans le cadre d'un comité consultatif de l'accessibilité (CCA), où tous les handicaps sont représentés.
A chaque handicap, vous avez voulu apporter une réponse concrète.
Ainsi, depuis fin 2009, les 63 lignes du réseau Bus Paris sont accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Toutes les voitures des tramways ont un plancher plat et de plain-pied avec le quai. Et, pour les personnes aveugles et mal voyantes, sur vos 337 lignes, tous les bus sont équipés d'annonces sonores.
Et l'accessibilité ne doit plus être pensée sous le seul prisme des personnes handicapées.
Lorsque la RATP fait évoluer ses transports, cela profite en réalité à toutes et à tous :
- aux familles : quel père ou quelle mère n'a jamais rencontré de difficulté dans les transports en commun en se débattant avec une poussette, par exemple ?
- aux personnes âgées qui ont plus de mal à se déplacer. Nous savons d'ailleurs que ce phénomène va augmenter avec le vieillissement de la population et nous devons nous y préparer dès à présent ;
- et, d'une manière plus générale, à tous nos concitoyens, handicapés ou non handicapés, pour qui, trop souvent, trouver son chemin ou comprendre une signalétique peut relever de la gageure.
Et puis, quel confort de pouvoir disposer d'annonces sonores dans le tramway ! C'est l'occasion pour tout un chacun de se consacrer pleinement à la lecture ou au repos, sans avoir à surveiller son trajet.
Quelle chance de pouvoir bénéficier d'annonces visuelles ! Dans une ville où les trajets sont souvent longs, cela permet d'écouter de la musique avec un baladeur sans avoir à tendre l'oreille pour entendre une information.
En un mot, une ville plus accessible, c'est une ville plus conviviale, une ville plus agréable à vivre.
La politique du handicap, ce n'est pas une politique catégorielle ; c'est un projet de société.
C'est pourquoi l'échéance posée dans la loi d'une accessibilité totale en 2015 devra être respectée. Je n'accepterai aucun report, ni retard.
Cette année, pour mieux accompagner cette évolution, l'observatoire de l'accessibilité et de la conception universelle, que le Gouvernement a créé l'année dernière, va prendre toute sa dimension.
Il va devenir un centre de ressources chargé de rechercher, de répertorier, de valoriser et de diffuser les bonnes pratiques en matière d'accessibilité et de conception universelle. Il collectera aussi les documents utiles à la sensibilisation, à la formation ou à la définition d'une méthodologie dans le domaine.
En juin dernier, lors du festival « Ensemble, c'est tous ! », vous avez décerné des victoires de l'accessibilité pour récompenser les initiatives les plus innovantes. Là encore, soyez-en remerciés.
Nous aurons un grand rendez-vous cette année puisque se tiendra la deuxième conférence nationale du handicap. Nous aurons donc l'occasion de reparler ensemble de toutes ces questions.
Vous le savez, l'autre grand rendez-vous, pour Marie-Anne Montchamp et moi, c'est la réforme de la dépendance.
Je veux donc vous dire quelques mots sur la question de la convergence des politiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées.
Si cette convergence reste notre objectif, la priorité est bien, aujourd'hui, de traiter la perte d'autonomie des personnes âgées.
La réforme se limitera donc aux personnes âgées dépendantes.
Dans un contexte budgétaire tendu, c'est là la garantie que cette réforme ne se traduira pas par un recul des droits pour les personnes handicapées, recul qui aurait pu résulter d'une convergence vers le bas.
Pour autant, je veux le souligner avec force : nombre de problématiques sont transversales et je veux penser les choses de manière globale, pour faire résonner ensemble tous les champs de mon portefeuille ministériel.
Ainsi, les progrès permis par cette réforme de la dépendance bénéficieront directement aux personnes handicapées.
Je pense par exemple à l'aide à domicile, au rôle des aidants ou à la question de l'accessibilité que j'évoquais il y a un instant.
Je rappelle aussi que, comme nous toutes et nous tous, les personnes handicapées sont également confrontées à la problématique du vieillissement et de la perte d'autonomie liée à l'âge. J'entends donc que cette question soit abordée dans le débat.
Pour cela, j'ai souhaité que deux représentants du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) siègent dans chaque groupe de travail.
A l'occasion de ce cinquantenaire de l'Unapei, je veux vous exprimer toute ma considération et toute ma gratitude.
D'une révolte individuelle face à l'injustice, chacune et chacun d'entre vous a su faire un combat positif pour les autres.
D'un drame personnel, chacune et chacun d'entre vous a su tirer une exigence au service de la collectivité.
Avec énergie, avec courage, avec détermination, l'Unapei se mobilise depuis un demi-siècle pour bâtir une société plus harmonieuse, plus ouverte et plus attentive aux autres.
Une société qui, progressivement, apprend à envisager différemment la différence.
Une société qui saura donner aux personnes handicapées mentales toute la place qui doit leur revenir.
C'est le voeu que je forme avec vous pour cette année 2011 et pour les 50 ans à venir !Source http://www.unapei.org, le 14 février 2011