Texte intégral
Madame la Vice-Présidente,
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
S'agissant de la Zone euro, nous devons prendre conscience du rôle important que nous jouons, les uns et les autres, en termes de climat de confiance, par rapport à la perception que les acteurs financiers, notamment les investisseurs, peuvent avoir de la solidité de la zone.
Savez-vous que le différentiel de déficit public relatif au produit intérieur brut est de 6,7 % pour l'Europe - c'est le chiffre prévisionnel pour 2010 - et de 10,2 % pour les Etats-Unis ? L'endettement, toutes collectivités confondues et particuliers inclus, s'élève, quant à lui, à 224 % du PIB dans la Zone euro et à 240 % aux Etats-Unis. Il est de 360 % pour le Japon. Quant au degré d'aggravation du déficit durant la crise, il est le double aux Etats-Unis de ce qu'il est dans la Zone euro.
Il faut avoir en mémoire ces réalités économiques et financières avant de se pencher avec compassion ou commisération sur le « grand malade » que serait la Zone euro. L'euro est une monnaie très solide, désirée et désirable.
Elle est solide, si l'on se rappelle que le taux d'émission, il y a dix ans, était de 1,16 dollar pour 1 euro, alors qu'il s'élève aujourd'hui à 1,38 dollar. Si un tel taux présente évidemment de gros inconvénients pour les entreprises, dont les coûts sont formulés en euros, la monnaie européenne, considérée sui generis, s'est, au cours des années, manifestement appréciée par rapport au dollar et au yen.
L'euro est désiré et désirable : il suffit de regarder la liste des pays qui souhaitent rejoindre la Zone euro - l'Estonie y est entrée le 1er janvier dernier - : ils en observent avec attention les évolutions les plus récentes.
Il faut se fonder sur la réalité économique avant de considérer, comme un grand banquier américain qui a pris récemment la présidence de Barclays, que l'euro, après avoir surmonté une maladie aiguë, est entré dans une phase de maladie chronique. Non, l'euro n'est pas entré dans une telle phase, et nous devons en être convaincus nous-mêmes avant de nous pencher sur les défaillances et les manquements de la Zone euro !
Les fondateurs de l'euro étaient, quant à eux, tous convaincus qu'au-delà de la création de la monnaie unique, qui est notre bien commun, il convenait d'aller vers une plus grande intégration sur les plans budgétaire et économique et vers une meilleure gouvernance de la zone. Malheureusement, nous n'avons pas mis en place cette deuxième étape dans des délais suffisamment rapides.
Il y a un an, les propos de M. Papandréou, Premier ministre de Grèce, selon lesquels son pays, souffrant d'un déficit de confiance, nécessitait des soins particuliers, ont déclenché, à leur tour, un déficit de confiance de la Zone euro elle-même. Laborieusement, certes, et après bien des hésitations, mais grâce à des efforts de conviction, déployés notamment par le président de la République, une première étape a consisté dans la mise en place d'un «paquet de sauvetage» rassemblant des pourvoyeurs de fonds selon un mécanisme de prêts intergouvernementaux, à hauteur de 110 milliards d'euros, dont 80 milliards ont été pris en charge par les partenaires de la Zone euro et 30 par le Fonds monétaire international. Ces accords - est-il besoin de le souligner ? - constituaient d'une certaine manière une transgression du principe de non-sauvetage d'un Etat en difficulté, inscrit dans le traité de Maastricht. C'est pourquoi les pays concernés ont, en contrepartie, posé des conditionnalités : le gouvernement grec a dû s'engager à prendre des mesures structurelles et conjoncturelles tendant à rétablir la situation de ses finances publiques d'ici à 2014. Je vous rappelle que nous fonctionnons toujours dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, qui engage chacun des Etats membres à contenir son déficit au-dessous de 3 % du PIB et de 60 % d'endettement. Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'en 2009 ces chiffres ont volé en éclats : presque tous les pays de la Zone euro, à l'exception de deux ou trois - l'un est nordique -, ont violé le pacte de stabilité et de croissance en crevant les deux plafonds, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'autre solution.
La crise de confiance qui a atteint la Grèce était bien plus grave : à trois reprises, en effet, le gouvernement d'Athènes a dû réviser ses prévisions de déficit et d'endettement, du fait des habitudes, prises depuis longtemps par la droite comme par la gauche, conduisant l'appareil statistique à rapporter des chiffres non conformes à la réalité.
Nous sommes passés à une deuxième étape, les 8, 9 et 10 mai 2010. En dépit de la mise en place du plan de soutien à la Grèce, les marchés ont continué d'être inquiets. Ils n'étaient pas convaincus de la pertinence du mécanisme mis en place pour la Grèce : c'est pourquoi le Conseil européen a demandé le 8 mai 2010 aux ministres de l'Economie et des Finances la mise en place, durant les 9 et 10 mai, non plus d'un mécanisme intergouvernemental, mais d'un pot commun appelé Fonds européen de stabilité financière. Grâce à l'agrégation de nos signatures, ce fonds a pour vocation d'emprunter sur les marchés à de bonnes conditions pour prêter à un Etat se trouvant dans une situation difficile. Mis en place dans la nuit du 9 au 10 mai, il a été doté de 440 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 60 milliards d'euros en provenance du Mécanisme européen de stabilité financière, mécanisme communautaire prévu par les traités et communément dédié au soutien des pays extérieurs à la Zone euro - ce fut le cas de la Hongrie, de la Lituanie ou de l'Ukraine, en accord avec le FMI. Il convient de surajouter à ces sommes un engagement du Fonds monétaire international, à hauteur de 50 % des concours financiers des Européens, l'enveloppe totale atteignant 750 milliards d'euros - mille milliards de dollars.
Le troisième épisode, ou «épisode irlandais», intervient à l'automne 2010 : à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière, trois des principales banques du pays, fortement adossées à des produits immobiliers et ayant déployé leurs réseaux en Europe centrale et en Europe de l'Est, voient l'ensemble de leurs actifs décoté de quelque 30 % : elles se trouvent dès lors dans une situation très difficile en termes de liquidités et de solvabilité. Le gouvernement irlandais décide de mettre en place un deuxième plan de soutien, qui comprend notamment la quasi-nationalisation du système bancaire. Le déficit public de l'Irlande atteignant 32 % de son PIB, la qualité de sa signature comme de sa dette souveraine sont immédiatement mises en cause. C'est pourquoi, au mois de novembre, afin de permettre à l'Irlande de faire face à ses échéances, l'Union européenne décide la mise en place d'un plan de soutien à hauteur de 85 milliards d'euros, provenant à la fois du Fonds européen de stabilité financière, du mécanisme communautaire, d'une contribution du Fonds monétaire international et d'une contribution volontaire de la Suède et du Royaume-Uni, lesquels, en tant que créanciers de l'Irlande, ont tout intérêt à participer à son renflouement. L'Irlande elle-même s'engage pour 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de son fonds de réserve des retraites.
De leur côté, les agences de notation se sont engagées à coter triple A le Fonds à condition que chaque fois que celui-ci lance un appel sur le marché, une partie des sommes soient affectées à des fonds propres à titre de garanties. En clair, cela signifie que les agences assurent le triple A au Fonds lui-même si la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg, à savoir cinq pays cotés triple A, mettent en garantie le différentiel de leurs contributions avec celles des autres pays.
Ce fonds a connu un succès phénoménal puisque, il y a seulement dix jours, émettant une première tranche de 5 milliards d'euros, l'appel a été sursouscrit huit ou neuf fois - soit à hauteur de 45 milliards d'euros -, ce qui ne s'était jamais vu d'une émission de produits souverains au cours des deux dernières années. Cela signifie que les investisseurs, y compris de long terme, ont confiance dans un instrument libellé en euros.
Telles sont les actions que nous avons menées, souvent dans l'urgence, parfois en transgressant les intentions initiales, dans le cadre d'un consensus laborieusement obtenu. En effet, pour le Parlement finlandais, par exemple, il n'était pas évident d'accepter le principe de soutenir des pays tels que la Grèce ou l'Irlande. Nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec le Fonds monétaire international et avec la Banque centrale européenne, dans le cadre d'un mécanisme de conditionnalités obligeant les bénéficiaires de l'aide à fournir des efforts.
C'est ainsi que la Grèce doit réduire son déficit public dans des conditions d'autant plus brutales que la période est courte - il s'agit pour elle de revenir sous la barre des 3 % d'ici à 2014. L'Irlande, quant à elle, doit faire preuve de la même rigueur et engager des réformes structurelles afin de passer sous la barre des 3 % en 2015.
Toutefois, il n'a pas été jugé opportun d'exiger de celle-ci le relèvement de son taux d'imposition sur les sociétés (IS) - il est actuellement de 12 % contre une moyenne de 25 % dans la Zone euro. Dans un premier temps, la France l'avait demandé et le Fonds monétaire international l'avait rejointe. L'examen des finances publiques, de la situation de l'économie et des facteurs d'attractivité du pays nous a conduits à reporter notre demande. En effet, demander à l'Irlande de ramener d'ici à 2015 son déficit de 32 % à 3 % tout en relevant son taux d'IS de 12 % à 20 %, voire à 25 %, aurait été en quelque sorte ajouter l'insulte à l'infamie, en tout cas lui couper les jambes à un moment où nous lui demandions de courir. Nous ne renonçons pas pour autant à notre souhait de voir ce pays rejoindre, à plus ou moins longue échéance, la norme européenne en matière d'IS.
S'agissant de l'amélioration de la gouvernance économique, le Conseil européen a demandé à son président, M. Herman Van Rompuy, de rassembler, durant l'été, un groupe de travail réunissant les ministres de l'Economie et des Finances de chaque pays en vue de proposer des mesures visant à passer de la simple gouvernance économique à des modes de gouvernement économique au sein de la Zone euro. Les points de départ de chacun de nos pays étant différents, la presse, notamment anglo-saxonne, s'est emparée avec joie de nos désaccords. Nous sommes toutefois arrivés à formuler des propositions. La Commission européenne a travaillé sur le même sujet et a fourni au président Van Rompuy des mesures qui sont reprises dans le cadre de six directives ou règlements, tendant notamment à améliorer la prévention macro-économique. Aujourd'hui, le pacte de stabilité et de croissance ne prévoit que deux indicateurs qui ne s'appliquent que si un pays franchit les critères. Nous avons proposé d'y ajouter un chapitre préventif, consistant à suivre les évolutions de chaque pays : des recommandations incitant un pays à rester dans les limites imposées par le pacte pourront être prises à son encontre.
En cas de non-respect des critères, nous nous sommes entendus, après un long débat, sur un mécanisme de sanctions quasi-automatiques, qui s'imposera également aux grands pays de l'Union européenne. Chacun se rappelle en effet que l'Allemagne et la France, en 2003 et 2004, s'étaient exonérées des règles du pacte de stabilité, ce qui avait mécontenté, à juste titre d'ailleurs, les autres pays de la Zone euro, qui, étant plus petits, restaient soumis à ces mêmes règles. Désormais, si les critères sont dépassés ou si les recommandations ne sont pas suivies d'effet après une période de mise en demeure, la sanction sera appliquée sauf si une majorité qualifiée des Etats considère que c'est en toute légitimité que le pays concerné n'a pas respecté ses engagements.
Nous avons également prévu de substituer un mécanisme permanent au Fonds européen de stabilité financière, qui viendra à expiration à la fin du mois de juin 2013, afin de répondre aux légitimes préoccupations des investisseurs, qui souscrivent à des obligations d'Etat pouvant aller jusqu'à trente ans, c'est-à-dire bien au-delà de la date d'expiration du Fonds. Nous finalisons le Mécanisme de stabilité européen, qui s'inspirera largement du Fonds de stabilité européen, tout en étant, je l'espère, plus flexible. Il devrait définir, ce qui n'est actuellement pas le cas, les conditions auxquelles les créanciers du secteur privé pourraient contribuer, au cas par cas et selon les principes du Fonds monétaire international, au sauvetage d'établissements bancaires, voire de pays.
Les mesures relatives à la régulation financière au sein de l'Union européenne visent également à renforcer la gouvernance économique : la supervision européenne au niveau des banques, des assurances et des marchés sera poursuivie. Une autorité de supervision arbitrera, sous la présidence de la Banque centrale européenne, les différends entre des autorités nationales. Le commissaire Michel Barnier, chargé du marché intérieur et des services financiers, suit attentivement ces dossiers, qui concernent notamment les agences de notation, lesquelles doivent être mieux réglementées, les ventes de gré à gré et un grand nombre d'instruments financiers, dont les «credit default swaps» (CDS).
Les programmes de stress tests, quant à eux, visent à tester la résistance des banques en cas d'aggravation de la situation économique ou financière, en vue de vérifier si la solidité de leurs capitaux propres et leur structure de bilan leur permettraient de résister. Ces tests de résistance bancaire, qui ont été menés une première fois au cours de l'été 2010, ont vu leur crédibilité écornée par les difficultés qu'ont connues à l'automne deux banques irlandaises. C'est pourquoi il appartiendra désormais à l'Autorité bancaire européenne, qui a été créée le 1er janvier dernier, de conduire ces tests, dont les critères seront validés par l'ensemble des autorités.
Définir des règles précises et harmonisées pour le secteur financier, s'accorder sur la discipline à observer et les sanctions à prendre en cas de manquement, mettre en place un mécanisme pérenne de stabilité financière, c'est bien, mais c'est insuffisant. Nous devons renforcer l'intégration et nous diriger vers un pacte de convergence et de compétitivité : du chemin reste à parcourir. La convergence doit concerner à la fois les plans fiscal et social, la mobilité des hommes et des capitaux et les politiques budgétaires de long terme, le tout étant de combler aussi rapidement que possible les écarts de compétitivité - par exemple entre l'Allemagne et l'Irlande - afin d'assurer la solidité de la Zone européenne.
Q - (A propos du taux d'imposition sur les sociétés applicable en Irlande, de la nouvelle gouvernance mondiale, de la Chine et sa monnaie).
R - S'agissant du taux d'IS de l'Irlande, il n'est pas possible de ne prendre en compte que la valeur faciale en oubliant, par exemple, la taille de l'assiette, qui peut, de plus, présenter des trous. Il est par exemple difficile de comparer les impôts sur les sociétés français et allemand : si notre taux d'IS est plus élevé que le taux allemand, en revanche notre assiette présente plein de trous, contrairement à l'assiette allemande, ce qui donne des pourcentages équivalents par rapport au PIB. Il faut donc s'attacher au taux réel de l'imposition.
Lorsque l'Irlande aura rétabli la situation de ses finances publiques, il conviendra, dans le cadre de l'objectif de convergence fiscale, de poser de nouveau la question de son IS, laquelle fâche les Irlandais : en effet, à chaque proposition de comparer les assiettes, nous assistons, de leur part, à une véritable levée de boucliers.
En ce qui concerne la Chine, la question est de savoir si ce pays peut trouver intérêt à laisser sa monnaie s'apprécier à un rythme plus rapide que le rythme actuel et à rejoindre le concert des devises s'échangeant librement sur les marchés. A mon sens, tous les pays y trouveraient leur intérêt, mais l'essentiel, je le répète, c'est que la Chine y trouve le sien. L'accès de la Chine aux droits de tirages spéciaux (DTS), assis sur un panier de monnaies incluant, et non excluant, le renminbi, devrait permettre de protéger les Chinois en cas de variations importantes, leurs réserves étant essentiellement dénommées en dollars. Nous travaillerons en ce sens dans le cadre du G20.
Q - (A propos de la réforme du système financier international et de l'évolution de la position de la Chine)
R - Je ne peux vous répondre : le faire serait mettre en échec la politique qui consiste à dégager un consensus sur l'analyse des difficultés et l'examen des pistes de sortie en vue de trouver des solutions concertées.
Il convient, pour faire évoluer le système, de définir un dénominateur commun, conforme à la fois à l'intérêt des Européens, des Américains et des pays émergents, qui seront ainsi mis à l'abri des mouvements fréquents de capitaux qui se réfugient là où les différentiels de taux d'intérêt et de taux de change rendent l'investissement attractif, et à celui des Chinois. Du reste, il faudrait déjà que ces derniers participent aux négociations sur les taux de change, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Monsieur le Président, vous avez évoqué les règles du commerce international. Aujourd'hui, l'OMC peut demander au FMI si telle ou telle politique de change constitue ou non un avantage comparatif légitime. Or ce point de passage entre les deux instances n'a encore jamais été emprunté. Il convient de le prendre en considération dans les négociations.
Monsieur Lecou, l'ambiance du G20 est studieuse. Quant aux travaux eux-mêmes, ils obéissent à un processus de décantation : les problèmes à résoudre sont préalablement examinés par les directeurs du Trésor, par les sherpas des chefs d'Etat, par les ministres des Finances et par les gouverneurs des banques centrales des Vingt pays avant d'arriver sur la table des chefs d'Etat et de gouvernement. Ces derniers ne traitent donc que des problèmes les plus cruciaux et définissent les grandes orientations politiques.
Mais ce processus de stratification a ses limites. Le risque, en effet, pour les chefs d'Etat et de gouvernement, au cours de leur réunion du mois de novembre, est de faire l'impasse sur des problèmes de fond qui auront été, en amont, technicisés, technocratisés et bureaucratisés à l'excès. La réunion au sommet ne finirait alors pas manquer de substance. Le président de la République aura à coeur d'éviter cet écueil afin que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent eux-mêmes aborder les débats fondamentaux. Une réunion des directeurs du Trésor s'est tenue à Paris il y a quinze jours, suivie, il y a une semaine, d'une réunion des sherpas.
Les 18 et 19 février, les vingt ministres des Finances, les vingt gouverneurs des banques centrales, les représentants des organisations financières internationales - FMI, Conseil de stabilité financière, Organisation mondiale du Commerce -, le directeur général de l'OCDE et le directeur général de l'Organisation internationale du Travail se retrouveront à Paris pour évoquer certains des grands thèmes figurant à l'agenda, qu'il s'agisse des travaux ouverts au cours des quatre derniers G20, notamment par les Coréens, ou des initiatives identifiées par le président de la République - la réforme du système monétaire international, la volatilité du prix des matières premières et la gouvernance mondiale. Il ne faut pas non plus oublier les «financements innovants», dédiés au développement et à la lutte contre le changement climatique, au rang desquels on trouve la taxation sur les transactions financières.
Afin de rendre le débat plus spontané, j'ai l'intention de demander aux participants à la réunion des 18 et 19 février prochains de ne pas lire leur texte, qui aura été préparé par d'excellents conseillers, mais d'intervenir «à chaud». Des écarts existent, il est vrai, entre les pays développés, dotés de grandes directions du Trésor et d'équipes composées d'excellents fonctionnaires capables de bien préparer les dossiers, et les pays en voie de développement, qui connaissent plus de difficultés, exception faite du Brésil et de la Chine, qui disposent, l'un comme l'autre, de grandes capacités, que ce soit sur le plan diplomatique ou en termes de recherche - la Chine restant souvent en arrière pour mieux observer le travail de ses partenaires.
Actuellement, le suivi des travaux du G20 est assuré par une «troïka» composée des présidences sortantes, en cours et à venir. Cette troïka, actuellement constituée de la Corée, de la France et du Mexique - qui présidera le G20 en 2012 -, assure la transition en évitant au pays entrant d'avoir à découvrir les dossiers.
Je ne suis pas favorable à un secrétariat composé de fonctionnaires dédiés : ne constituons pas de mille-feuille administratif ! Trois ou quatre personnes ayant pour mission de faire tourner la machine seraient amplement suffisantes.
Monsieur Myard, l'émission de 5 milliards d'euros a constitué la première tranche du paquet de 85 milliards à destination de l'Irlande.
Comme je l'ai déjà dit, les tests de résistance bancaire du mois de juillet 2010 ne sont pas crédibles en raison des difficultés qu'ont connues deux banques irlandaises. Cela signifie-t-il que les tests ont été mal conduits dans tous les pays de l'Union européenne ? Non. Dans l'immense majorité des pays, ils ont été menés avec un grand professionnalisme. Toutefois, en raison de leur manque de crédibilité auprès des investisseurs, il faut redresser la barre. Les prochains tests seront harmonisés et effectués sous le contrôle de l'Autorité bancaire européenne. Leurs champs d'application devront être transparents. Je propose de reprendre les critères appliqués par les Américains.
S'agissant de la monétisation de la dette américaine, vous avez raison : c'est le privilège du dollar.
Q - Cela renvoie surtout à la politique de la FED...
R - ...qui s'appuie sur la devise de référence.
Q - Cela a toujours été le cas !
R - Vous avez raison. Cela dit, nous ne pouvons que nous réjouir du retour de la croissance aux Etats-Unis. La simple annonce de l'utilisation du «Quantitative easing 2» (QE2), à concurrence de 600 milliards de dollars - tout n'a pas encore été engagé -, a participé de cette reprise. Si sa croissance atteignait 3 % ou 3,5 % en 2011, l'économie américaine, qui reste la première du monde, pourrait en «tirer» de nombreuses autres. Il est vrai toutefois que la politique mise en oeuvre par les Etats-Unis ne peut satisfaire des pays comme le Brésil, la Corée, le Mexique ou l'Indonésie.
Vous avez également évoqué l'intervention de la BCE sur les marchés secondaires, le 14 mai 2010 : si le Mécanisme européen de stabilité, que nous prévoyons de mettre en place, pouvait intervenir à la fois sur les marchés primaire et secondaire, cela éviterait à la Banque centrale européenne d'avoir à transgresser ses principes. Il faut espérer que les produits qu'elle a achetés arriveront à maturité à de meilleures conditions que celles auxquelles elle les a acquis.
Q - (A propos de la convergence fiscale et sociale des Etats membres, des négociations commerciales du Cycle de Doha, de l'exposition financière des banques françaises en Grèce, de l'efficacité des accords pour r??guler les paradis fiscaux, de la régulation du marché des matières premières et de la taxe sur les transactions financières)
R - Monsieur Christ, la convergence fiscale est un chantier de longue haleine car les difficultés sont immenses. Ainsi, l'objectif de convergence entre la France et l'Allemagne en matière d'impôts sur les sociétés ou sur le patrimoine exige des études techniques très ardues : il faut en effet examiner à la fois les assiettes, les répartitions, les rapports entre prélèvements et contributions, d'une part, et bénéfices et avantages, d'autre part. Ce chantier réclame une détermination d'autant plus grande que la règle de l'unanimité, qui s'impose en matière fiscale au sein de l'Union européenne, constitue une difficulté supplémentaire.
Monsieur Kucheida, les Etats n'ont pas eu d'autre choix que de se substituer aux banques. Ils ont dû fournir leur garantie, parfois des liquidités et, dans les cas les plus graves, entrer au capital avant de récupérer le capital prêté ou les prêts consentis, ainsi que les intérêts pour le risque pris à la place des établissements bancaires.
Les Etats sont évidemment à la merci de ceux qui les financent - banques ou investisseurs au sens large, qui comprennent les banques centrales - : on dépend toujours de son prêteur. C'est la raison pour laquelle il convient de redresser la trajectoire de la dette. M. Woerth, lorsqu'il était ministre du Budget, et moi-même avons milité en ce sens. M. Baroin continue de le faire à mes côtés. Je ne veux pas que la France se trouve dans la situation d'autres pays membres de la Zone euro en grande difficulté, à la fois otages des investisseurs et à la merci de leurs partenaires.
En matière de lutte contre les paradis fiscaux, je vous remercie, Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères, d'avoir permis l'adoption de vingt-cinq conventions ou avenants facilitant l'échange d'informations. Il faut poursuivre dans cette voie : six cents accords ont été signés par le monde depuis que le président de la République, à l'occasion du G20 de Londres, a exigé, pour poursuivre la réunion, que tous se mettent d'accord sur l'objectif de lutter contre les juridictions non coopératives.
Il convient évidemment que ces accords soient appliqués : c'est la raison pour laquelle le président de la République a demandé au Groupe d'évaluation des juridictions non coopératives, présidé par M. François d'Aubert, qui s'occupe, au sein de l'OCDE, de la mise en oeuvre des accords signés, d'accélérer ses travaux pour que nous puissions disposer au mois de novembre d'un compte rendu d'activités comportant, outre le nombre d'avenants ou de conventions, l'état de leur ratification et de leur transposition dans le droit positif des Etats concernés, ainsi que le bilan en termes de respect des engagements pris. C'est ainsi qu'Eric Woerth et moi-même avons négocié avec les autorités suisses un avenant à la convention fiscale franco-suisse. Il a été transposé dans nos deux législations. Il appartient au Groupe d'évaluation de vérifier que l'Etat sollicité fournit bien les informations demandées, à titre indicatif, auprès de certaines banques.
L'OCDE a publié, il y a trois jours, sa «liste grise» mise à jour : elle inclut désormais Panama, Trinidad-et-Tobago, les Bahamas et l'Ile Maurice.
La question du crédit à la consommation est très importante à mes yeux et j'ai dû convaincre ma propre administration, car le Trésor n'avait pas l'habitude de travailler sur des questions relatives aux consommateurs. Nous l'avons profondément réformé, afin d'éradiquer la publicité mensongère et tapageuse, concernant notamment des crédits dits renouvelables comportant une part d'amortissement. Les décrets d'application seront tous publiés au 1er septembre prochain. L'objectif est d'assainir le crédit à la consommation, qui reste indispensable aux yeux de nos concitoyens. J'ai fait ce que j'ai pu pour proscrire les excès et les abus, dont trop de nos concitoyens dans le besoin ont été les victimes.
Madame Karamanli, il convient de trouver une juste mesure entre le taux exorbitant auquel l'Etat en difficulté serait soumis s'il se refinançait lui-même sur les marchés et le taux auquel les Etats ou le Fonds européen de stabilité empruntent pour le secourir : une petite prime de risque de 0,5 % n'a rien d'excessif : elle permet de rémunérer la prise de garantie. Nous nous calons, du reste, sur le Fonds monétaire international. Sans tirer honteusement profit de l'Etat en difficulté, nous lui faisons passer le message qu'il doit assainir ses finances publiques.
S'agissant du Cycle de Doha, j'ai déjà dit ce que je pensais du mode de négociation et de conclusion des accords, qui est voué à l'échec puisqu'un seul pays peut bloquer toutes les négociations pour défendre un intérêt précis. Il ne s'agit pas pour autant de renoncer. Mais une grande partie du travail peut être réalisée par les négociateurs au niveau des green rooms, des groupes de pays et des ministres du commerce. Toutefois, il appartiendra, sur le plan politique, aux chefs d'Etat et de gouvernement de conclure le Cycle de Doha.
Monsieur Piron, l'action que nous menons dans le cadre du G20, de l'Europe ou, encore, de l'Autorité des marchés financiers, que la loi de régulation bancaire et financière a dotée d'un degré d'autorité et de moyens supplémentaires tout en étendant son champ d'intervention, vise à assurer une plus grande transparence et à améliorer la réglementation. J'ai évoqué, avec M. Jean-Pierre Jouyet, les problèmes liés, plus encore qu'à la sophistication, aux évolutions technologiques. Je pense évidemment au high frequency trading, qui conduit à des transactions en nanosecondes : high frequency trading et shadow banking system font partie de l'agenda français du G20, car ces pratiques visent à détourner le mécanisme de supervision des banques. Il faut des pratiques précises reposant sur des principes suffisamment généraux pour couvrir l'ensemble des intervenants et des opérations.
Par ailleurs, il est vrai que la politique fiscale pratiquée par les pays anglo-saxons, sauf en Floride pour des raisons multiples et variées, conduit à soumettre l'immobilier à une fiscalité plus lourde que les actifs délocalisables. Je souhaite que vous continuiez à vous pencher sur le sujet au sein du groupe de réflexion auquel vous appartenez.
S'agissant de l'impôt irlandais sur les sociétés, la France avait à ses côtés le Fonds monétaire international : les autres Européens ont été convaincus par notre collègue irlandais, Brian Lenihan, que le relèvement du taux d'IS ferait prendre un double risque : tout d'abord politique, le Premier ministre, M. Brian Cowen, ayant déclaré qu'il faudrait lui passer sur le corps ; ensuite économique, le relèvement du taux provoquant le départ d'un grand nombre d'investisseurs à un moment où l'Irlande en avait le plus grand besoin pour assurer notamment l'emploi.
Madame Aurillac, alors qu'il y a un an, on se serait moqué de nous s'agissant de la volatilité du prix des matières premières, le président de la République a été visionnaire puisque le prix du quintal de blé ou le cours de l'aluminium ont doublé en l'espace de dix-huit mois. Quant au pétrole, le baril de light crude oil atteint 103 dollars sur le marché londonien.
C'est la raison pour laquelle l'exigence de transparence doit être accompagnée de mesures portant sur les marchés physiques : elles doivent concerner l'information et les stocks de réserves et prévoir des mécanismes d'assurance raisonnable pour permettre aux producteurs, notamment aux agriculteurs, ainsi qu'aux consommateurs, de se prémunir contre le risque de trop grande volatilité. Ce sont les pays les moins développés qui en souffrent le plus : ils ont intérêt à ce que l'objectif poursuivi par le président de la République soit atteint.
Concernant les marchés financiers, il conviendra de déterminer si la spéculation qui est exercée sur les sous-jacents relatifs aux matières premières joue un rôle aggravant, voire très aggravant, anticipateur ou consécutif. Le débat est ouvert. Il faudra rapprocher les données et les analyses.
Monsieur Diefenbacher, je pense que les autorités chinoises sont convaincues qu'elles doivent faire un effort de transparence en matière bancaire : le fait que le président Hu Jintao appelle à tempérer l'activité sur les marchés immobiliers afin d'éviter la spéculation et l'inflation en est la preuve.
Le marché, vous avez raison, n'est pas la seule solution : il faut l'encadrer et le réguler, pour éviter les manipulations dues aux mécanismes d'offre et de demande.
Je persiste à penser que la taxation sur les transactions financières est une source possible de financements innovants. Les Etats réunis à Copenhague se sont engagés à trouver, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an pour aider les pays les moins développés à lutter contre les effets du changement climatique. En l'état actuel des finances publiques, aucun Etat n'a de ligne disponible pour répondre à cet engagement. Des financements innovants sont donc nécessaires : on peut penser à une taxe sur les conteneurs, à des redevances sur l'utilisation des corridors aériens ou des routes maritimes, ou - pourquoi pas ? - à la taxation sur les transactions financières.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2011
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
S'agissant de la Zone euro, nous devons prendre conscience du rôle important que nous jouons, les uns et les autres, en termes de climat de confiance, par rapport à la perception que les acteurs financiers, notamment les investisseurs, peuvent avoir de la solidité de la zone.
Savez-vous que le différentiel de déficit public relatif au produit intérieur brut est de 6,7 % pour l'Europe - c'est le chiffre prévisionnel pour 2010 - et de 10,2 % pour les Etats-Unis ? L'endettement, toutes collectivités confondues et particuliers inclus, s'élève, quant à lui, à 224 % du PIB dans la Zone euro et à 240 % aux Etats-Unis. Il est de 360 % pour le Japon. Quant au degré d'aggravation du déficit durant la crise, il est le double aux Etats-Unis de ce qu'il est dans la Zone euro.
Il faut avoir en mémoire ces réalités économiques et financières avant de se pencher avec compassion ou commisération sur le « grand malade » que serait la Zone euro. L'euro est une monnaie très solide, désirée et désirable.
Elle est solide, si l'on se rappelle que le taux d'émission, il y a dix ans, était de 1,16 dollar pour 1 euro, alors qu'il s'élève aujourd'hui à 1,38 dollar. Si un tel taux présente évidemment de gros inconvénients pour les entreprises, dont les coûts sont formulés en euros, la monnaie européenne, considérée sui generis, s'est, au cours des années, manifestement appréciée par rapport au dollar et au yen.
L'euro est désiré et désirable : il suffit de regarder la liste des pays qui souhaitent rejoindre la Zone euro - l'Estonie y est entrée le 1er janvier dernier - : ils en observent avec attention les évolutions les plus récentes.
Il faut se fonder sur la réalité économique avant de considérer, comme un grand banquier américain qui a pris récemment la présidence de Barclays, que l'euro, après avoir surmonté une maladie aiguë, est entré dans une phase de maladie chronique. Non, l'euro n'est pas entré dans une telle phase, et nous devons en être convaincus nous-mêmes avant de nous pencher sur les défaillances et les manquements de la Zone euro !
Les fondateurs de l'euro étaient, quant à eux, tous convaincus qu'au-delà de la création de la monnaie unique, qui est notre bien commun, il convenait d'aller vers une plus grande intégration sur les plans budgétaire et économique et vers une meilleure gouvernance de la zone. Malheureusement, nous n'avons pas mis en place cette deuxième étape dans des délais suffisamment rapides.
Il y a un an, les propos de M. Papandréou, Premier ministre de Grèce, selon lesquels son pays, souffrant d'un déficit de confiance, nécessitait des soins particuliers, ont déclenché, à leur tour, un déficit de confiance de la Zone euro elle-même. Laborieusement, certes, et après bien des hésitations, mais grâce à des efforts de conviction, déployés notamment par le président de la République, une première étape a consisté dans la mise en place d'un «paquet de sauvetage» rassemblant des pourvoyeurs de fonds selon un mécanisme de prêts intergouvernementaux, à hauteur de 110 milliards d'euros, dont 80 milliards ont été pris en charge par les partenaires de la Zone euro et 30 par le Fonds monétaire international. Ces accords - est-il besoin de le souligner ? - constituaient d'une certaine manière une transgression du principe de non-sauvetage d'un Etat en difficulté, inscrit dans le traité de Maastricht. C'est pourquoi les pays concernés ont, en contrepartie, posé des conditionnalités : le gouvernement grec a dû s'engager à prendre des mesures structurelles et conjoncturelles tendant à rétablir la situation de ses finances publiques d'ici à 2014. Je vous rappelle que nous fonctionnons toujours dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, qui engage chacun des Etats membres à contenir son déficit au-dessous de 3 % du PIB et de 60 % d'endettement. Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'en 2009 ces chiffres ont volé en éclats : presque tous les pays de la Zone euro, à l'exception de deux ou trois - l'un est nordique -, ont violé le pacte de stabilité et de croissance en crevant les deux plafonds, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'autre solution.
La crise de confiance qui a atteint la Grèce était bien plus grave : à trois reprises, en effet, le gouvernement d'Athènes a dû réviser ses prévisions de déficit et d'endettement, du fait des habitudes, prises depuis longtemps par la droite comme par la gauche, conduisant l'appareil statistique à rapporter des chiffres non conformes à la réalité.
Nous sommes passés à une deuxième étape, les 8, 9 et 10 mai 2010. En dépit de la mise en place du plan de soutien à la Grèce, les marchés ont continué d'être inquiets. Ils n'étaient pas convaincus de la pertinence du mécanisme mis en place pour la Grèce : c'est pourquoi le Conseil européen a demandé le 8 mai 2010 aux ministres de l'Economie et des Finances la mise en place, durant les 9 et 10 mai, non plus d'un mécanisme intergouvernemental, mais d'un pot commun appelé Fonds européen de stabilité financière. Grâce à l'agrégation de nos signatures, ce fonds a pour vocation d'emprunter sur les marchés à de bonnes conditions pour prêter à un Etat se trouvant dans une situation difficile. Mis en place dans la nuit du 9 au 10 mai, il a été doté de 440 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 60 milliards d'euros en provenance du Mécanisme européen de stabilité financière, mécanisme communautaire prévu par les traités et communément dédié au soutien des pays extérieurs à la Zone euro - ce fut le cas de la Hongrie, de la Lituanie ou de l'Ukraine, en accord avec le FMI. Il convient de surajouter à ces sommes un engagement du Fonds monétaire international, à hauteur de 50 % des concours financiers des Européens, l'enveloppe totale atteignant 750 milliards d'euros - mille milliards de dollars.
Le troisième épisode, ou «épisode irlandais», intervient à l'automne 2010 : à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière, trois des principales banques du pays, fortement adossées à des produits immobiliers et ayant déployé leurs réseaux en Europe centrale et en Europe de l'Est, voient l'ensemble de leurs actifs décoté de quelque 30 % : elles se trouvent dès lors dans une situation très difficile en termes de liquidités et de solvabilité. Le gouvernement irlandais décide de mettre en place un deuxième plan de soutien, qui comprend notamment la quasi-nationalisation du système bancaire. Le déficit public de l'Irlande atteignant 32 % de son PIB, la qualité de sa signature comme de sa dette souveraine sont immédiatement mises en cause. C'est pourquoi, au mois de novembre, afin de permettre à l'Irlande de faire face à ses échéances, l'Union européenne décide la mise en place d'un plan de soutien à hauteur de 85 milliards d'euros, provenant à la fois du Fonds européen de stabilité financière, du mécanisme communautaire, d'une contribution du Fonds monétaire international et d'une contribution volontaire de la Suède et du Royaume-Uni, lesquels, en tant que créanciers de l'Irlande, ont tout intérêt à participer à son renflouement. L'Irlande elle-même s'engage pour 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de son fonds de réserve des retraites.
De leur côté, les agences de notation se sont engagées à coter triple A le Fonds à condition que chaque fois que celui-ci lance un appel sur le marché, une partie des sommes soient affectées à des fonds propres à titre de garanties. En clair, cela signifie que les agences assurent le triple A au Fonds lui-même si la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg, à savoir cinq pays cotés triple A, mettent en garantie le différentiel de leurs contributions avec celles des autres pays.
Ce fonds a connu un succès phénoménal puisque, il y a seulement dix jours, émettant une première tranche de 5 milliards d'euros, l'appel a été sursouscrit huit ou neuf fois - soit à hauteur de 45 milliards d'euros -, ce qui ne s'était jamais vu d'une émission de produits souverains au cours des deux dernières années. Cela signifie que les investisseurs, y compris de long terme, ont confiance dans un instrument libellé en euros.
Telles sont les actions que nous avons menées, souvent dans l'urgence, parfois en transgressant les intentions initiales, dans le cadre d'un consensus laborieusement obtenu. En effet, pour le Parlement finlandais, par exemple, il n'était pas évident d'accepter le principe de soutenir des pays tels que la Grèce ou l'Irlande. Nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec le Fonds monétaire international et avec la Banque centrale européenne, dans le cadre d'un mécanisme de conditionnalités obligeant les bénéficiaires de l'aide à fournir des efforts.
C'est ainsi que la Grèce doit réduire son déficit public dans des conditions d'autant plus brutales que la période est courte - il s'agit pour elle de revenir sous la barre des 3 % d'ici à 2014. L'Irlande, quant à elle, doit faire preuve de la même rigueur et engager des réformes structurelles afin de passer sous la barre des 3 % en 2015.
Toutefois, il n'a pas été jugé opportun d'exiger de celle-ci le relèvement de son taux d'imposition sur les sociétés (IS) - il est actuellement de 12 % contre une moyenne de 25 % dans la Zone euro. Dans un premier temps, la France l'avait demandé et le Fonds monétaire international l'avait rejointe. L'examen des finances publiques, de la situation de l'économie et des facteurs d'attractivité du pays nous a conduits à reporter notre demande. En effet, demander à l'Irlande de ramener d'ici à 2015 son déficit de 32 % à 3 % tout en relevant son taux d'IS de 12 % à 20 %, voire à 25 %, aurait été en quelque sorte ajouter l'insulte à l'infamie, en tout cas lui couper les jambes à un moment où nous lui demandions de courir. Nous ne renonçons pas pour autant à notre souhait de voir ce pays rejoindre, à plus ou moins longue échéance, la norme européenne en matière d'IS.
S'agissant de l'amélioration de la gouvernance économique, le Conseil européen a demandé à son président, M. Herman Van Rompuy, de rassembler, durant l'été, un groupe de travail réunissant les ministres de l'Economie et des Finances de chaque pays en vue de proposer des mesures visant à passer de la simple gouvernance économique à des modes de gouvernement économique au sein de la Zone euro. Les points de départ de chacun de nos pays étant différents, la presse, notamment anglo-saxonne, s'est emparée avec joie de nos désaccords. Nous sommes toutefois arrivés à formuler des propositions. La Commission européenne a travaillé sur le même sujet et a fourni au président Van Rompuy des mesures qui sont reprises dans le cadre de six directives ou règlements, tendant notamment à améliorer la prévention macro-économique. Aujourd'hui, le pacte de stabilité et de croissance ne prévoit que deux indicateurs qui ne s'appliquent que si un pays franchit les critères. Nous avons proposé d'y ajouter un chapitre préventif, consistant à suivre les évolutions de chaque pays : des recommandations incitant un pays à rester dans les limites imposées par le pacte pourront être prises à son encontre.
En cas de non-respect des critères, nous nous sommes entendus, après un long débat, sur un mécanisme de sanctions quasi-automatiques, qui s'imposera également aux grands pays de l'Union européenne. Chacun se rappelle en effet que l'Allemagne et la France, en 2003 et 2004, s'étaient exonérées des règles du pacte de stabilité, ce qui avait mécontenté, à juste titre d'ailleurs, les autres pays de la Zone euro, qui, étant plus petits, restaient soumis à ces mêmes règles. Désormais, si les critères sont dépassés ou si les recommandations ne sont pas suivies d'effet après une période de mise en demeure, la sanction sera appliquée sauf si une majorité qualifiée des Etats considère que c'est en toute légitimité que le pays concerné n'a pas respecté ses engagements.
Nous avons également prévu de substituer un mécanisme permanent au Fonds européen de stabilité financière, qui viendra à expiration à la fin du mois de juin 2013, afin de répondre aux légitimes préoccupations des investisseurs, qui souscrivent à des obligations d'Etat pouvant aller jusqu'à trente ans, c'est-à-dire bien au-delà de la date d'expiration du Fonds. Nous finalisons le Mécanisme de stabilité européen, qui s'inspirera largement du Fonds de stabilité européen, tout en étant, je l'espère, plus flexible. Il devrait définir, ce qui n'est actuellement pas le cas, les conditions auxquelles les créanciers du secteur privé pourraient contribuer, au cas par cas et selon les principes du Fonds monétaire international, au sauvetage d'établissements bancaires, voire de pays.
Les mesures relatives à la régulation financière au sein de l'Union européenne visent également à renforcer la gouvernance économique : la supervision européenne au niveau des banques, des assurances et des marchés sera poursuivie. Une autorité de supervision arbitrera, sous la présidence de la Banque centrale européenne, les différends entre des autorités nationales. Le commissaire Michel Barnier, chargé du marché intérieur et des services financiers, suit attentivement ces dossiers, qui concernent notamment les agences de notation, lesquelles doivent être mieux réglementées, les ventes de gré à gré et un grand nombre d'instruments financiers, dont les «credit default swaps» (CDS).
Les programmes de stress tests, quant à eux, visent à tester la résistance des banques en cas d'aggravation de la situation économique ou financière, en vue de vérifier si la solidité de leurs capitaux propres et leur structure de bilan leur permettraient de résister. Ces tests de résistance bancaire, qui ont été menés une première fois au cours de l'été 2010, ont vu leur crédibilité écornée par les difficultés qu'ont connues à l'automne deux banques irlandaises. C'est pourquoi il appartiendra désormais à l'Autorité bancaire européenne, qui a été créée le 1er janvier dernier, de conduire ces tests, dont les critères seront validés par l'ensemble des autorités.
Définir des règles précises et harmonisées pour le secteur financier, s'accorder sur la discipline à observer et les sanctions à prendre en cas de manquement, mettre en place un mécanisme pérenne de stabilité financière, c'est bien, mais c'est insuffisant. Nous devons renforcer l'intégration et nous diriger vers un pacte de convergence et de compétitivité : du chemin reste à parcourir. La convergence doit concerner à la fois les plans fiscal et social, la mobilité des hommes et des capitaux et les politiques budgétaires de long terme, le tout étant de combler aussi rapidement que possible les écarts de compétitivité - par exemple entre l'Allemagne et l'Irlande - afin d'assurer la solidité de la Zone européenne.
Q - (A propos du taux d'imposition sur les sociétés applicable en Irlande, de la nouvelle gouvernance mondiale, de la Chine et sa monnaie).
R - S'agissant du taux d'IS de l'Irlande, il n'est pas possible de ne prendre en compte que la valeur faciale en oubliant, par exemple, la taille de l'assiette, qui peut, de plus, présenter des trous. Il est par exemple difficile de comparer les impôts sur les sociétés français et allemand : si notre taux d'IS est plus élevé que le taux allemand, en revanche notre assiette présente plein de trous, contrairement à l'assiette allemande, ce qui donne des pourcentages équivalents par rapport au PIB. Il faut donc s'attacher au taux réel de l'imposition.
Lorsque l'Irlande aura rétabli la situation de ses finances publiques, il conviendra, dans le cadre de l'objectif de convergence fiscale, de poser de nouveau la question de son IS, laquelle fâche les Irlandais : en effet, à chaque proposition de comparer les assiettes, nous assistons, de leur part, à une véritable levée de boucliers.
En ce qui concerne la Chine, la question est de savoir si ce pays peut trouver intérêt à laisser sa monnaie s'apprécier à un rythme plus rapide que le rythme actuel et à rejoindre le concert des devises s'échangeant librement sur les marchés. A mon sens, tous les pays y trouveraient leur intérêt, mais l'essentiel, je le répète, c'est que la Chine y trouve le sien. L'accès de la Chine aux droits de tirages spéciaux (DTS), assis sur un panier de monnaies incluant, et non excluant, le renminbi, devrait permettre de protéger les Chinois en cas de variations importantes, leurs réserves étant essentiellement dénommées en dollars. Nous travaillerons en ce sens dans le cadre du G20.
Q - (A propos de la réforme du système financier international et de l'évolution de la position de la Chine)
R - Je ne peux vous répondre : le faire serait mettre en échec la politique qui consiste à dégager un consensus sur l'analyse des difficultés et l'examen des pistes de sortie en vue de trouver des solutions concertées.
Il convient, pour faire évoluer le système, de définir un dénominateur commun, conforme à la fois à l'intérêt des Européens, des Américains et des pays émergents, qui seront ainsi mis à l'abri des mouvements fréquents de capitaux qui se réfugient là où les différentiels de taux d'intérêt et de taux de change rendent l'investissement attractif, et à celui des Chinois. Du reste, il faudrait déjà que ces derniers participent aux négociations sur les taux de change, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Monsieur le Président, vous avez évoqué les règles du commerce international. Aujourd'hui, l'OMC peut demander au FMI si telle ou telle politique de change constitue ou non un avantage comparatif légitime. Or ce point de passage entre les deux instances n'a encore jamais été emprunté. Il convient de le prendre en considération dans les négociations.
Monsieur Lecou, l'ambiance du G20 est studieuse. Quant aux travaux eux-mêmes, ils obéissent à un processus de décantation : les problèmes à résoudre sont préalablement examinés par les directeurs du Trésor, par les sherpas des chefs d'Etat, par les ministres des Finances et par les gouverneurs des banques centrales des Vingt pays avant d'arriver sur la table des chefs d'Etat et de gouvernement. Ces derniers ne traitent donc que des problèmes les plus cruciaux et définissent les grandes orientations politiques.
Mais ce processus de stratification a ses limites. Le risque, en effet, pour les chefs d'Etat et de gouvernement, au cours de leur réunion du mois de novembre, est de faire l'impasse sur des problèmes de fond qui auront été, en amont, technicisés, technocratisés et bureaucratisés à l'excès. La réunion au sommet ne finirait alors pas manquer de substance. Le président de la République aura à coeur d'éviter cet écueil afin que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent eux-mêmes aborder les débats fondamentaux. Une réunion des directeurs du Trésor s'est tenue à Paris il y a quinze jours, suivie, il y a une semaine, d'une réunion des sherpas.
Les 18 et 19 février, les vingt ministres des Finances, les vingt gouverneurs des banques centrales, les représentants des organisations financières internationales - FMI, Conseil de stabilité financière, Organisation mondiale du Commerce -, le directeur général de l'OCDE et le directeur général de l'Organisation internationale du Travail se retrouveront à Paris pour évoquer certains des grands thèmes figurant à l'agenda, qu'il s'agisse des travaux ouverts au cours des quatre derniers G20, notamment par les Coréens, ou des initiatives identifiées par le président de la République - la réforme du système monétaire international, la volatilité du prix des matières premières et la gouvernance mondiale. Il ne faut pas non plus oublier les «financements innovants», dédiés au développement et à la lutte contre le changement climatique, au rang desquels on trouve la taxation sur les transactions financières.
Afin de rendre le débat plus spontané, j'ai l'intention de demander aux participants à la réunion des 18 et 19 février prochains de ne pas lire leur texte, qui aura été préparé par d'excellents conseillers, mais d'intervenir «à chaud». Des écarts existent, il est vrai, entre les pays développés, dotés de grandes directions du Trésor et d'équipes composées d'excellents fonctionnaires capables de bien préparer les dossiers, et les pays en voie de développement, qui connaissent plus de difficultés, exception faite du Brésil et de la Chine, qui disposent, l'un comme l'autre, de grandes capacités, que ce soit sur le plan diplomatique ou en termes de recherche - la Chine restant souvent en arrière pour mieux observer le travail de ses partenaires.
Actuellement, le suivi des travaux du G20 est assuré par une «troïka» composée des présidences sortantes, en cours et à venir. Cette troïka, actuellement constituée de la Corée, de la France et du Mexique - qui présidera le G20 en 2012 -, assure la transition en évitant au pays entrant d'avoir à découvrir les dossiers.
Je ne suis pas favorable à un secrétariat composé de fonctionnaires dédiés : ne constituons pas de mille-feuille administratif ! Trois ou quatre personnes ayant pour mission de faire tourner la machine seraient amplement suffisantes.
Monsieur Myard, l'émission de 5 milliards d'euros a constitué la première tranche du paquet de 85 milliards à destination de l'Irlande.
Comme je l'ai déjà dit, les tests de résistance bancaire du mois de juillet 2010 ne sont pas crédibles en raison des difficultés qu'ont connues deux banques irlandaises. Cela signifie-t-il que les tests ont été mal conduits dans tous les pays de l'Union européenne ? Non. Dans l'immense majorité des pays, ils ont été menés avec un grand professionnalisme. Toutefois, en raison de leur manque de crédibilité auprès des investisseurs, il faut redresser la barre. Les prochains tests seront harmonisés et effectués sous le contrôle de l'Autorité bancaire européenne. Leurs champs d'application devront être transparents. Je propose de reprendre les critères appliqués par les Américains.
S'agissant de la monétisation de la dette américaine, vous avez raison : c'est le privilège du dollar.
Q - Cela renvoie surtout à la politique de la FED...
R - ...qui s'appuie sur la devise de référence.
Q - Cela a toujours été le cas !
R - Vous avez raison. Cela dit, nous ne pouvons que nous réjouir du retour de la croissance aux Etats-Unis. La simple annonce de l'utilisation du «Quantitative easing 2» (QE2), à concurrence de 600 milliards de dollars - tout n'a pas encore été engagé -, a participé de cette reprise. Si sa croissance atteignait 3 % ou 3,5 % en 2011, l'économie américaine, qui reste la première du monde, pourrait en «tirer» de nombreuses autres. Il est vrai toutefois que la politique mise en oeuvre par les Etats-Unis ne peut satisfaire des pays comme le Brésil, la Corée, le Mexique ou l'Indonésie.
Vous avez également évoqué l'intervention de la BCE sur les marchés secondaires, le 14 mai 2010 : si le Mécanisme européen de stabilité, que nous prévoyons de mettre en place, pouvait intervenir à la fois sur les marchés primaire et secondaire, cela éviterait à la Banque centrale européenne d'avoir à transgresser ses principes. Il faut espérer que les produits qu'elle a achetés arriveront à maturité à de meilleures conditions que celles auxquelles elle les a acquis.
Q - (A propos de la convergence fiscale et sociale des Etats membres, des négociations commerciales du Cycle de Doha, de l'exposition financière des banques françaises en Grèce, de l'efficacité des accords pour r??guler les paradis fiscaux, de la régulation du marché des matières premières et de la taxe sur les transactions financières)
R - Monsieur Christ, la convergence fiscale est un chantier de longue haleine car les difficultés sont immenses. Ainsi, l'objectif de convergence entre la France et l'Allemagne en matière d'impôts sur les sociétés ou sur le patrimoine exige des études techniques très ardues : il faut en effet examiner à la fois les assiettes, les répartitions, les rapports entre prélèvements et contributions, d'une part, et bénéfices et avantages, d'autre part. Ce chantier réclame une détermination d'autant plus grande que la règle de l'unanimité, qui s'impose en matière fiscale au sein de l'Union européenne, constitue une difficulté supplémentaire.
Monsieur Kucheida, les Etats n'ont pas eu d'autre choix que de se substituer aux banques. Ils ont dû fournir leur garantie, parfois des liquidités et, dans les cas les plus graves, entrer au capital avant de récupérer le capital prêté ou les prêts consentis, ainsi que les intérêts pour le risque pris à la place des établissements bancaires.
Les Etats sont évidemment à la merci de ceux qui les financent - banques ou investisseurs au sens large, qui comprennent les banques centrales - : on dépend toujours de son prêteur. C'est la raison pour laquelle il convient de redresser la trajectoire de la dette. M. Woerth, lorsqu'il était ministre du Budget, et moi-même avons milité en ce sens. M. Baroin continue de le faire à mes côtés. Je ne veux pas que la France se trouve dans la situation d'autres pays membres de la Zone euro en grande difficulté, à la fois otages des investisseurs et à la merci de leurs partenaires.
En matière de lutte contre les paradis fiscaux, je vous remercie, Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères, d'avoir permis l'adoption de vingt-cinq conventions ou avenants facilitant l'échange d'informations. Il faut poursuivre dans cette voie : six cents accords ont été signés par le monde depuis que le président de la République, à l'occasion du G20 de Londres, a exigé, pour poursuivre la réunion, que tous se mettent d'accord sur l'objectif de lutter contre les juridictions non coopératives.
Il convient évidemment que ces accords soient appliqués : c'est la raison pour laquelle le président de la République a demandé au Groupe d'évaluation des juridictions non coopératives, présidé par M. François d'Aubert, qui s'occupe, au sein de l'OCDE, de la mise en oeuvre des accords signés, d'accélérer ses travaux pour que nous puissions disposer au mois de novembre d'un compte rendu d'activités comportant, outre le nombre d'avenants ou de conventions, l'état de leur ratification et de leur transposition dans le droit positif des Etats concernés, ainsi que le bilan en termes de respect des engagements pris. C'est ainsi qu'Eric Woerth et moi-même avons négocié avec les autorités suisses un avenant à la convention fiscale franco-suisse. Il a été transposé dans nos deux législations. Il appartient au Groupe d'évaluation de vérifier que l'Etat sollicité fournit bien les informations demandées, à titre indicatif, auprès de certaines banques.
L'OCDE a publié, il y a trois jours, sa «liste grise» mise à jour : elle inclut désormais Panama, Trinidad-et-Tobago, les Bahamas et l'Ile Maurice.
La question du crédit à la consommation est très importante à mes yeux et j'ai dû convaincre ma propre administration, car le Trésor n'avait pas l'habitude de travailler sur des questions relatives aux consommateurs. Nous l'avons profondément réformé, afin d'éradiquer la publicité mensongère et tapageuse, concernant notamment des crédits dits renouvelables comportant une part d'amortissement. Les décrets d'application seront tous publiés au 1er septembre prochain. L'objectif est d'assainir le crédit à la consommation, qui reste indispensable aux yeux de nos concitoyens. J'ai fait ce que j'ai pu pour proscrire les excès et les abus, dont trop de nos concitoyens dans le besoin ont été les victimes.
Madame Karamanli, il convient de trouver une juste mesure entre le taux exorbitant auquel l'Etat en difficulté serait soumis s'il se refinançait lui-même sur les marchés et le taux auquel les Etats ou le Fonds européen de stabilité empruntent pour le secourir : une petite prime de risque de 0,5 % n'a rien d'excessif : elle permet de rémunérer la prise de garantie. Nous nous calons, du reste, sur le Fonds monétaire international. Sans tirer honteusement profit de l'Etat en difficulté, nous lui faisons passer le message qu'il doit assainir ses finances publiques.
S'agissant du Cycle de Doha, j'ai déjà dit ce que je pensais du mode de négociation et de conclusion des accords, qui est voué à l'échec puisqu'un seul pays peut bloquer toutes les négociations pour défendre un intérêt précis. Il ne s'agit pas pour autant de renoncer. Mais une grande partie du travail peut être réalisée par les négociateurs au niveau des green rooms, des groupes de pays et des ministres du commerce. Toutefois, il appartiendra, sur le plan politique, aux chefs d'Etat et de gouvernement de conclure le Cycle de Doha.
Monsieur Piron, l'action que nous menons dans le cadre du G20, de l'Europe ou, encore, de l'Autorité des marchés financiers, que la loi de régulation bancaire et financière a dotée d'un degré d'autorité et de moyens supplémentaires tout en étendant son champ d'intervention, vise à assurer une plus grande transparence et à améliorer la réglementation. J'ai évoqué, avec M. Jean-Pierre Jouyet, les problèmes liés, plus encore qu'à la sophistication, aux évolutions technologiques. Je pense évidemment au high frequency trading, qui conduit à des transactions en nanosecondes : high frequency trading et shadow banking system font partie de l'agenda français du G20, car ces pratiques visent à détourner le mécanisme de supervision des banques. Il faut des pratiques précises reposant sur des principes suffisamment généraux pour couvrir l'ensemble des intervenants et des opérations.
Par ailleurs, il est vrai que la politique fiscale pratiquée par les pays anglo-saxons, sauf en Floride pour des raisons multiples et variées, conduit à soumettre l'immobilier à une fiscalité plus lourde que les actifs délocalisables. Je souhaite que vous continuiez à vous pencher sur le sujet au sein du groupe de réflexion auquel vous appartenez.
S'agissant de l'impôt irlandais sur les sociétés, la France avait à ses côtés le Fonds monétaire international : les autres Européens ont été convaincus par notre collègue irlandais, Brian Lenihan, que le relèvement du taux d'IS ferait prendre un double risque : tout d'abord politique, le Premier ministre, M. Brian Cowen, ayant déclaré qu'il faudrait lui passer sur le corps ; ensuite économique, le relèvement du taux provoquant le départ d'un grand nombre d'investisseurs à un moment où l'Irlande en avait le plus grand besoin pour assurer notamment l'emploi.
Madame Aurillac, alors qu'il y a un an, on se serait moqué de nous s'agissant de la volatilité du prix des matières premières, le président de la République a été visionnaire puisque le prix du quintal de blé ou le cours de l'aluminium ont doublé en l'espace de dix-huit mois. Quant au pétrole, le baril de light crude oil atteint 103 dollars sur le marché londonien.
C'est la raison pour laquelle l'exigence de transparence doit être accompagnée de mesures portant sur les marchés physiques : elles doivent concerner l'information et les stocks de réserves et prévoir des mécanismes d'assurance raisonnable pour permettre aux producteurs, notamment aux agriculteurs, ainsi qu'aux consommateurs, de se prémunir contre le risque de trop grande volatilité. Ce sont les pays les moins développés qui en souffrent le plus : ils ont intérêt à ce que l'objectif poursuivi par le président de la République soit atteint.
Concernant les marchés financiers, il conviendra de déterminer si la spéculation qui est exercée sur les sous-jacents relatifs aux matières premières joue un rôle aggravant, voire très aggravant, anticipateur ou consécutif. Le débat est ouvert. Il faudra rapprocher les données et les analyses.
Monsieur Diefenbacher, je pense que les autorités chinoises sont convaincues qu'elles doivent faire un effort de transparence en matière bancaire : le fait que le président Hu Jintao appelle à tempérer l'activité sur les marchés immobiliers afin d'éviter la spéculation et l'inflation en est la preuve.
Le marché, vous avez raison, n'est pas la seule solution : il faut l'encadrer et le réguler, pour éviter les manipulations dues aux mécanismes d'offre et de demande.
Je persiste à penser que la taxation sur les transactions financières est une source possible de financements innovants. Les Etats réunis à Copenhague se sont engagés à trouver, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an pour aider les pays les moins développés à lutter contre les effets du changement climatique. En l'état actuel des finances publiques, aucun Etat n'a de ligne disponible pour répondre à cet engagement. Des financements innovants sont donc nécessaires : on peut penser à une taxe sur les conteneurs, à des redevances sur l'utilisation des corridors aériens ou des routes maritimes, ou - pourquoi pas ? - à la taxation sur les transactions financières.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2011