Texte intégral
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, Christine Lagarde étant retenue à Bercy en raison de la réunion des ministres des Finances du G20, le Premier ministre m'a fait l'honneur de me désigner pour présenter devant vous la position du gouvernement sur la proposition de résolution relative à la coordination des politiques économiques au sein de l'Union européenne.
Le sujet soulevé est à l'honneur du Sénat, car il pose des questions essentielles : l'avenir de la Zone euro, la nécessité de politiques économiques au service de la croissance, l'impératif du contrôle démocratique...
Permettez-moi de faire, tout d'abord, une remarque d'ordre général.
Bien que l'observation de l'évolution des finances publiques des pays de la Zone euro fasse apparaître une situation plutôt moins dégradée en Europe que dans d'autres grandes économies avancées, comme celles des Etats-Unis et du Japon, l'Europe a dû faire face, depuis janvier 2010, à une crise de défiance à répétition de la part des marchés financiers, qui vise, tour à tour, l'un ou l'autre des Etats membres, et nous a contraints à réagir vigoureusement.
Bien entendu, nous devons rester vigilants. Les tensions persistent sur les marchés financiers, alors que la Zone euro, et notamment la France, présente des fondamentaux solides et s'est placée sur une trajectoire de consolidation de ses finances publiques. Par ailleurs, la stabilité financière de la Zone euro continue à être remise en cause, en raison de la crise de liquidités que traversent plusieurs Etats vulnérables.
Q - (A propos de l'incertitude régnant sur les marchés concernant la crédibilité de la Zone euro)
R - Face à cette divergence entre la réalité économique et la perception des marchés, nous avons tous un devoir de fermeté absolue pour réaffirmer notre détermination à défendre la stabilité de la Zone euro, notre solidarité avec les Etats membres les plus vulnérables et notre engagement intangible vers la consolidation budgétaire. En effet, le défaut n'est pas une option, tout simplement parce qu'il n'est pas une solution.
Le président de la République a déclaré à Davos, il y a quelques semaines : «Je peux vous assurer que, aussi bien Mme Merkel que moi-même, jamais, vous m'entendez jamais, nous ne laisserons tomber l'euro. Jamais».
Je vais maintenant répondre point par point aux questions que vous avez soulevées.
Premièrement, vous indiquez que «la situation économique et sociale de l'Europe ainsi que les mesures prises ou envisagées contreviennent manifestement» aux «engagements des Etats européens dans les traités convenus entre eux et les actes pris pour leur application dans les domaines économique, social, financier et monétaire».
Je ne comprends pas très bien cette affirmation. La crise de 2007-2008, importée des Etats-Unis, s'impose à nous : c'est une réalité ! Je ne vois pas en quoi elle serait contraire aux traités, avec lesquels elle n'a pas grand rapport ; elle a à voir avec la réalité économique du monde.
Nous devons plutôt nous demander, Monsieur Collin, si l'Europe s'en est plutôt mieux sortie grâce à la construction européenne, ou non. Le précédent de la crise de 1929, caractérisé par l'éparpillement des ripostes nationales à la crise, montre bien que l'Europe a agi comme un écran de protection pour l'ensemble de nos sociétés.
Grâce à l'Europe, depuis le début de la crise économique et financière survenue il y a trois ans, nos Etats - et notamment la France, qui était chargée de la présidence de l'Union européenne ! - ont pris, ensemble, des mesures qui nous ont permis d'en limiter les effets sur nos économies, et donc sur la vie de nos concitoyens. En outre, la France a oeuvré avec force pour que la réponse mondiale soit coordonnée dans le cadre d'une institution nouvelle, le G20, qui regroupe les grandes puissances établies et émergentes. Je trouve donc votre critique excessive.
Deuxièmement, vous insistez, à juste titre, sur la nécessité de respecter les processus démocratiques. Le vieux parlementaire que je suis ne peut que vous approuver. Cette exigence, loin d'être remise en cause, me semble pourtant largement mise en oeuvre.
M. Badré, grand partisan de l'Europe, sait bien que le Traité de Lisbonne a largement contribué à une prise de décision plus démocratique dans l'Union européenne ; M. Bel, lui-même, a évoqué les pouvoirs des parlementaires européens.
Tout d'abord, le rôle du Parlement européen, institution élue au suffrage universel direct, a été considérablement renforcé - certains d'ailleurs le déplorent, à l'instar de M. Chevènement ! -, notamment par l'extension de la procédure de codécision législative, qui donne au Parlement des pouvoirs législatifs comparables à ceux du Conseil des ministres, à près de cinquante nouveaux domaines. Par ailleurs, la participation directe des citoyens a été rendue possible par l'introduction dans le droit communautaire d'un droit d'initiative citoyenne. Celui-ci permet à un million de citoyens provenant d'un nombre significatif d'Etats membres de demander à la Commission de proposer un projet de texte législatif.
Les parlements nationaux sont également de plus en plus impliqués : le Parlement est déjà systématiquement saisi des projets de directives et de règlements européens, mais nous sommes allés encore plus loin.
J'attire votre attention sur une réforme fondamentale qui a été évoquée, à plusieurs reprises, par des orateurs de toutes sensibilités : le «semestre européen». Le principe est d'informer les parlements en amont des envois à Bruxelles des documents relatifs à la gouvernance économique de l'Union européenne et de la Zone euro.
Je précise, pour Mme Bricq, que le conseil pour les affaires économiques et financières, dit conseil ECOFIN, procède ensuite à l'examen des textes. L'ensemble de la procédure se déroule entre les mois d'avril et de juin ou juillet. Ces textes reviennent ensuite au niveau des Etats et font l'objet d'un vote des Parlements nationaux dans le cadre du projet de loi de finances. Ce vote intervient donc après la consultation en amont et l'examen des textes par les instances communautaires et le Conseil.
La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011 à 2014 prévoit ainsi que le projet de programme de stabilité sera adressé au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, afin que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent porter un regard conjoint sur la coordination des politiques européennes. Le principe est également de permettre une meilleure prise en compte des préconisations européennes, dans le strict respect des compétences de nos parlements respectifs, dans les grands choix de politique économique et budgétaire des Etats membres, et une meilleure articulation de la surveillance budgétaire avec celle des politiques de croissance, dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
Je voudrais également souligner le fait que le plan d'assistance à la Grèce - et je m'en souviens très bien, c'était il y a exactement un an -, de même que la création du Fonds européen de stabilité financière ont été discutés et votés ici même comme à l'Assemblée nationale. Permettez-moi de vous rappeler que c'est le 6 mai 2010, alors que nous célébrions en France le 60ème anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, qu'a été voté, à la quasi-unanimité des deux chambres, le plan d'assistance à la Grèce.
Un mois après, Messieurs Collin et Chevènement, vous vous absteniez cette fois de voter le Fonds européen de stabilité financière. Toutefois, Monsieur Collin, je note que vous affirmez soutenir ce plan, dont vous avez évoqué la possibilité dès 2009, et que vous en souhaitez aujourd'hui la pérennisation.
Par ailleurs, et c'est bien normal, vous avez auditionné Mme Lagarde voilà quelques semaines sur le plan d'assistance à l'Irlande. Nous sommes donc très loin de la «pensée unique» imposée par des conclaves fermés à toute critique, comme je l'ai lu dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution ! Une fois encore, je trouve que la réalité est quelque peu différente de ce que vous en faites.
Certes, on peut considérer que de tels mécanismes sont insuffisants, mais tout ce qui concernait la mise à disposition de financements sur la base de la solidarité financière en Europe a été décidé sur la base du vote souverain des parlements nationaux, en particulier du nôtre, ce qui, d'ailleurs, est tout à fait normal. Ces mécanismes seront maintenus.
Troisièmement, vous appelez à poursuivre les travaux en cours sur le mécanisme permanent de résolution de crise. Là encore, c'est précisément ce que nous faisons.
La crise nous a offert une leçon : la nécessité pressante de doter l'Union européenne d'un mécanisme permanent qui permette d'intervenir en cas de difficultés d'un Etat membre de la Zone euro.
Rappelez-vous : en mai 2010, les rendements exigés par les marchés avaient quasiment fermé aux Etats périphériques l'accès au marché obligataire et les menaçaient littéralement d'étranglement. Or, à l'époque, le traité interdisait à un Etat membre de venir au secours d'un Etat menacé à l'intérieur de la Zone euro. Qu'a-t-il été fait, sur l'initiative, là encore, du président de la République et de la France, en liaison avec l'Allemagne ? Un mécanisme de soutien a été littéralement inventé, un mécanisme exigeant et qui met en avant le principe de la solidarité. Là aussi, il me semble que la critique est un peu sévère, car ces mécanismes ont été inventés en réaction à la crise la plus grave qui ait eu lieu depuis les années 1920, ainsi que le rappelait M. Bel.
C'est dans ces conditions que Christine Lagarde et ses homologues ministres des finances de la Zone euro ont alors décidé de mettre en place, pour une durée de trois ans - le traité interdisait en effet à ce stade un système pérenne - un Fonds européen de stabilité financière destiné à refinancer des Etats membres de la Zone euro en difficulté, en leur apportant jusqu'à 440 milliards d'euros de financements sous forme de prêts ou de lignes de crédits.
Même si je sais qu'elle est critiquée, je voudrais également souligner le rôle positif qu'a joué la Banque centrale européenne, la BCE, sous l'autorité de son président, M. Trichet, dans la résolution de la crise.
En toute indépendance, la BCE a fait preuve d'un pragmatisme et d'une réactivité exemplaire, notamment en élargissant les actifs financiers éligibles à son refinancement, en maintenant ses guichets de liquidité exceptionnels et en intervenant sur le marché secondaire des titres d'Etat, ce qui était radicalement nouveau par rapport à ses positions précédentes. Son action a été déterminante dans la résistance de la Zone euro aux coups de boutoir des marchés financiers. Telle est la réalité.
Toutefois, une telle action de la BCE ne pouvait être pérenne ni menée de façon isolée : il était nécessaire que l'Union européenne mette en place un mécanisme permanent pour crédibiliser aux yeux des marchés la volonté des Etats membres de sauvegarder la monnaie unique européenne.
C'est pourquoi les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé d'instituer un mécanisme européen de stabilité pour les Etats membres de la Zone euro, qui se substituera à compter de la mi-2013 au dispositif mis en place en mai 2010 ; je note d'ailleurs - avec plaisir - que le président du groupe socialiste soutient cette initiative.
Les ministres des Finances de la Zone euro ont donc reçu comme mandat très clair du Conseil européen du 4 février 2011 de préciser les caractéristiques de ce futur mécanisme d'ici au mois de mars 2011, c'est-à-dire avant le prochain Conseil évoqué voilà quelques instants par Jean-Pierre Chevènement.
Sachez cependant qu'il est d'ores et déjà acquis que l'assistance devra s'inscrire dans un programme d'ajustement rigoureux, établi et suivi par le FMI et la Commission européenne en lien avec la BCE, et que la participation du secteur privé se fera au cas par cas, sans automaticité, en cohérence avec les procédures d'implication du secteur privé définies par le FMI.
Quatrièmement, nous partageons bien entendu votre souci d'une meilleure régulation des institutions responsables de la crise. Le défi aujourd'hui consiste à rétablir la confiance des ménages et des entreprises dans notre système financier. Pour cela, nous devons créer un cadre de supervision et de régulation solide.
Notre première priorité est de faire en sorte que les nouvelles autorités européennes de supervision financière et le nouveau Comité européen du risque systémique, en place depuis le 1er janvier 2011, soient dotés des moyens d'accomplir leur mission. Je signale d'ailleurs que ces institutions ont bien souvent été remodelées à l'initiative de la France, en liaison avec l'Allemagne. Elles ont désormais commencé leur travail.
Je souligne que les candidats à la présidence des autorités européennes de supervision ont été auditionnés par le Parlement européen, qui n'a pas manqué de demander et d'obtenir des assurances sur la parité et l'indépendance des dirigeants.
Notre seconde priorité consiste à fortifier les banques en renforçant notamment la qualité et la quantité de leurs fonds propres, tout en veillant à ne pas les pénaliser sur le plan de la compétitivité.
En tant que ministre du Commerce extérieur, permettez-moi de faire une petite parenthèse : nous devons prendre garde à ne pas être les seuls à imposer des règles extrêmement drastiques, car cela nous pénaliserait pour le financement de nos exportations par rapport à d'autres pôles de puissance ; à mon sens, c'est un point important.
Je souligne par ailleurs que les tests de résistance seront conduits avant l'été 2011 afin de vérifier la solidité de nos banques en cas de choc économique.
Notre dernière priorité sera la mise en oeuvre d'un environnement financier plus stable, plus solide et plus transparent. Cela concerne notamment : l'encadrement des ventes à découvert ; la nécessité d'assurer la transparence et la sécurité des marchés dérivés ; la désaccoutumance progressive des acteurs des marchés financiers, des régulateurs et des banques centrales des notations externes ; le fait de favoriser une plus grande concurrence dans l'industrie et de réduire les effets pro-cycliques des notations souveraines.
Il me semble que ces mesures en cours de réalisation satisfont l'une des propositions de votre projet de résolution, Monsieur Collin.
Cinquièmement, vous demandez l'instauration d'un cadre macroéconomique favorable à une croissance économique forte et durable. Un certain nombre d'intervenants ont abordé le sujet ce matin, d'ailleurs de façon fort intéressante. Cependant, il s'agit là non pas d'un débat institutionnel européen mais d'un débat politique, au demeurant noble et qui mérite d'être porté devant l'opinion.
Selon nous, un tel objectif est déjà en partie réalisé.
Permettez-moi de vous rappeler que c'est à l'initiative du président de la République que le concept de gouvernement économique européen s'est imposé en Europe, et ce auprès non pas de l'ensemble des membres de l'Union européenne mais des seuls membres de la Zone euro. Les Etats membres de l'Union européenne qui bénéficient de la clause de l'opting-out sur la monnaie unique ne sauraient en effet se trouver autour de la table du Conseil lorsqu'il est question de politique économique commune à l'intérieur de la zone monétaire.
Six textes sur le renforcement de la gouvernance économique européenne sont actuellement à l'étude, en étroite coopération avec le Parlement européen. Ils concernent le renforcement de la surveillance budgétaire, la mise en place de règles minimales communes en matière de cadres budgétaires nationaux ou encore la création d'une surveillance des déséquilibres macroéconomiques entre les Etats de l'Union européenne.
Ce dernier volet permettra de réduire les risques de déséquilibres néfastes pour la viabilité économique de l'Europe. Nous devons remettre nos économies sur la voie de la convergence, condition indispensable au développement d'une croissance harmonieuse, forte et créatrice d'emplois qualifiés.
Ainsi que l'a souligné M. Humbert tout à fait justement, les crises ou les spéculations contre un certain nombre d'Etats à l'intérieur de la Zone euro ont pu avoir pour origine, certes, le manque de cohérence de la zone et l'absence de gouvernement économique - nous nous employons à y remédier -, mais également les politiques nationales menées par certains, des politiques pour le moins contestables, notamment en matière de déficits, surtout lorsqu'il s'est agi de dissimuler des déficits réels.
De tels phénomènes bien évidemment accélèrent les crises. Ce que nous essayons de mettre en place, ce sont des mécanismes de discipline communs permettant d'éviter leur développement. Concernant les causes du problème, il ne faut donc pas se tromper de cible.
Par ailleurs, dans la période de sortie de crise - et M. Chevènement a raison de le souligner -, la solution aux dettes et, plus largement, à la crise, c'est bien sûr la croissance. Mais c'est sur l'interrogation suivante que le débat politique intervient : comment s'organise la croissance ? Nous estimons pour notre part que la croissance doit être raisonnable et qu'elle doit passer par la maîtrise des déficits et une meilleure compétitivité. Je crains que pour certains des orateurs qui se sont exprimés ce matin la critique du « modèle allemand », la critique de l'ultralibéralisme - critique que je partage d'ailleurs sur certains points ne mène à une politique de facilité, de planche à billets, de «dette perpétuelle» - je cite l'expression de M. Chevènement -, de culture permanente des déficits intérieurs et extérieurs qui n'est pas la solution au problème de compétitivité posé à l'Europe.
Je suis désolé de vous le dire, l'Europe - et singulièrement la France - n'a pas vocation à rester un territoire d'expansion des puissances émergentes pour devenir en bout de course, selon la vision développée par M. Houellebecq dans son dernier roman, un territoire de vacances pour cadres chinois fatigués qui viendraient visiter nos restaurants et nos musées !
Telle n'est pas notre vision de la France ! Oui à la croissance, mais celle-ci passe par la résorption de nos déficits, une meilleure gestion de nos déficits publics et une politique d'exportation plus dynamique.
Sur ce dernier point, Madame Bricq, Monsieur Chevènement, Monsieur Bel, pardonnez-moi de vous le faire remarquer, la diabolisation du modèle allemand n'est pas la solution !
D'ailleurs - je le note au passage -, ce modèle tel qu'il existe aujourd'hui est le résultat de réformes nécessaires qui ont été menées par des chanceliers socialistes il y a dix ans.
Ce débat - au demeurant très intéressant - sur la politique économique me paraît tout de même assez éloigné de l'objectif de votre résolution : rien dans ce que nous mettons en place actuellement, dans le cadre de négociations franco-allemandes, ne condamne les peuples d'Europe à l'austérité ou à l'appauvrissement. Au contraire, il me semble que c'est la voix raisonnable qui nous permettra d'éviter de nouveaux chocs contre la monnaie commune.
Nous partageons la même monnaie, la même politique monétaire et nous réfléchissons ensemble à la réduction des écarts de compétitivité, à une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone, afin justement de faire converger nos modèles économiques et sociaux.
Vous souhaitez également une meilleure coordination en matière fiscale, tout en interdisant à l'avance à la France d'inscrire un objectif de maîtrise des déficits dans la Constitution ; M. Chevènement indiquait voilà quelques instants que c'était une régression. Mais en quoi les déficits constituent-ils un progrès ?
Q - (A propos du chômage qui progresserait plus que les déficits)
R - Au contraire, le progrès consiste justement à contrôler nos dépenses, à faire en sorte de ne pas lester les générations futures des déficits de fonctionnement des générations actuelles !
Pour répondre à la demande formulée par le président de la République le 21 juillet dernier, un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande devrait donc être présenté dans les tout prochains jours par la Cour des comptes. Au-delà de l'Allemagne, la France se bat depuis des années pour améliorer la coordination des politiques fiscales nationales et encourage notamment la Commission européenne à présenter une proposition de directive visant à établir une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés.
Cela vaut notamment pour l'Irlande, que nous voulons voir converger vers une moyenne européenne. Le projet devrait d'ailleurs être présenté par le commissaire à la fiscalité au mois de mars.
Sur la question des changes, que vous avez eu raison de soulever, je vous répondrai qu'il est en effet dans l'intérêt des Etats membres de la Zone euro d'avoir une devise stable car une volatilité des changes excessive aurait des implications négatives pour nos entreprises, nos agriculteurs, nos consommateurs, nos exportations. Les travaux sur la réforme du système monétaire international - une fois encore il s'agit d'une initiative de la France - débutent aujourd'hui même sous la Présidence française du G20, qui en a fait une de ses priorités.
Une solution globale doit être recherchée à un problème qui concerne non seulement l'euro, mais également la plupart des monnaies des économies développées et en développement, dans un monde marqué par des déséquilibres mondiaux importants. Nous devons, en effet, absolument éviter d'entrer dans une logique de surenchère sur les changes qui serait finalement préjudiciable à tous. Nous devons aussi apporter plus de stabilité aux perspectives macroéconomiques, par une croissance plus forte, plus équilibrée et plus durable. La question de la volatilité des changes sera abordée à travers les grands axes de réflexion que nous proposons sur la réforme du système monétaire international, à savoir : accroître la protection face à la volatilité des flux de capitaux, répondre de façon ordonnée au besoin de diversification des réserves de change, améliorer la coordination des politiques macro-économiques.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, telles sont les observations que je voulais formuler sur la présente proposition de résolution. Le gouvernement se réjouit de l'occasion qui nous a été donnée ce matin de débattre de l'évolution du travail accompli sur la crise, sur la consolidation de la Zone euro. Le débat sur la politique économique et les déficits est un débat noble, mais nous ne l'épuiserons pas aujourd'hui.
Pour l'ensemble des raisons invoquées, le gouvernement se prononce pour le rejet de cette proposition de résolution.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2011
Le sujet soulevé est à l'honneur du Sénat, car il pose des questions essentielles : l'avenir de la Zone euro, la nécessité de politiques économiques au service de la croissance, l'impératif du contrôle démocratique...
Permettez-moi de faire, tout d'abord, une remarque d'ordre général.
Bien que l'observation de l'évolution des finances publiques des pays de la Zone euro fasse apparaître une situation plutôt moins dégradée en Europe que dans d'autres grandes économies avancées, comme celles des Etats-Unis et du Japon, l'Europe a dû faire face, depuis janvier 2010, à une crise de défiance à répétition de la part des marchés financiers, qui vise, tour à tour, l'un ou l'autre des Etats membres, et nous a contraints à réagir vigoureusement.
Bien entendu, nous devons rester vigilants. Les tensions persistent sur les marchés financiers, alors que la Zone euro, et notamment la France, présente des fondamentaux solides et s'est placée sur une trajectoire de consolidation de ses finances publiques. Par ailleurs, la stabilité financière de la Zone euro continue à être remise en cause, en raison de la crise de liquidités que traversent plusieurs Etats vulnérables.
Q - (A propos de l'incertitude régnant sur les marchés concernant la crédibilité de la Zone euro)
R - Face à cette divergence entre la réalité économique et la perception des marchés, nous avons tous un devoir de fermeté absolue pour réaffirmer notre détermination à défendre la stabilité de la Zone euro, notre solidarité avec les Etats membres les plus vulnérables et notre engagement intangible vers la consolidation budgétaire. En effet, le défaut n'est pas une option, tout simplement parce qu'il n'est pas une solution.
Le président de la République a déclaré à Davos, il y a quelques semaines : «Je peux vous assurer que, aussi bien Mme Merkel que moi-même, jamais, vous m'entendez jamais, nous ne laisserons tomber l'euro. Jamais».
Je vais maintenant répondre point par point aux questions que vous avez soulevées.
Premièrement, vous indiquez que «la situation économique et sociale de l'Europe ainsi que les mesures prises ou envisagées contreviennent manifestement» aux «engagements des Etats européens dans les traités convenus entre eux et les actes pris pour leur application dans les domaines économique, social, financier et monétaire».
Je ne comprends pas très bien cette affirmation. La crise de 2007-2008, importée des Etats-Unis, s'impose à nous : c'est une réalité ! Je ne vois pas en quoi elle serait contraire aux traités, avec lesquels elle n'a pas grand rapport ; elle a à voir avec la réalité économique du monde.
Nous devons plutôt nous demander, Monsieur Collin, si l'Europe s'en est plutôt mieux sortie grâce à la construction européenne, ou non. Le précédent de la crise de 1929, caractérisé par l'éparpillement des ripostes nationales à la crise, montre bien que l'Europe a agi comme un écran de protection pour l'ensemble de nos sociétés.
Grâce à l'Europe, depuis le début de la crise économique et financière survenue il y a trois ans, nos Etats - et notamment la France, qui était chargée de la présidence de l'Union européenne ! - ont pris, ensemble, des mesures qui nous ont permis d'en limiter les effets sur nos économies, et donc sur la vie de nos concitoyens. En outre, la France a oeuvré avec force pour que la réponse mondiale soit coordonnée dans le cadre d'une institution nouvelle, le G20, qui regroupe les grandes puissances établies et émergentes. Je trouve donc votre critique excessive.
Deuxièmement, vous insistez, à juste titre, sur la nécessité de respecter les processus démocratiques. Le vieux parlementaire que je suis ne peut que vous approuver. Cette exigence, loin d'être remise en cause, me semble pourtant largement mise en oeuvre.
M. Badré, grand partisan de l'Europe, sait bien que le Traité de Lisbonne a largement contribué à une prise de décision plus démocratique dans l'Union européenne ; M. Bel, lui-même, a évoqué les pouvoirs des parlementaires européens.
Tout d'abord, le rôle du Parlement européen, institution élue au suffrage universel direct, a été considérablement renforcé - certains d'ailleurs le déplorent, à l'instar de M. Chevènement ! -, notamment par l'extension de la procédure de codécision législative, qui donne au Parlement des pouvoirs législatifs comparables à ceux du Conseil des ministres, à près de cinquante nouveaux domaines. Par ailleurs, la participation directe des citoyens a été rendue possible par l'introduction dans le droit communautaire d'un droit d'initiative citoyenne. Celui-ci permet à un million de citoyens provenant d'un nombre significatif d'Etats membres de demander à la Commission de proposer un projet de texte législatif.
Les parlements nationaux sont également de plus en plus impliqués : le Parlement est déjà systématiquement saisi des projets de directives et de règlements européens, mais nous sommes allés encore plus loin.
J'attire votre attention sur une réforme fondamentale qui a été évoquée, à plusieurs reprises, par des orateurs de toutes sensibilités : le «semestre européen». Le principe est d'informer les parlements en amont des envois à Bruxelles des documents relatifs à la gouvernance économique de l'Union européenne et de la Zone euro.
Je précise, pour Mme Bricq, que le conseil pour les affaires économiques et financières, dit conseil ECOFIN, procède ensuite à l'examen des textes. L'ensemble de la procédure se déroule entre les mois d'avril et de juin ou juillet. Ces textes reviennent ensuite au niveau des Etats et font l'objet d'un vote des Parlements nationaux dans le cadre du projet de loi de finances. Ce vote intervient donc après la consultation en amont et l'examen des textes par les instances communautaires et le Conseil.
La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011 à 2014 prévoit ainsi que le projet de programme de stabilité sera adressé au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, afin que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent porter un regard conjoint sur la coordination des politiques européennes. Le principe est également de permettre une meilleure prise en compte des préconisations européennes, dans le strict respect des compétences de nos parlements respectifs, dans les grands choix de politique économique et budgétaire des Etats membres, et une meilleure articulation de la surveillance budgétaire avec celle des politiques de croissance, dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
Je voudrais également souligner le fait que le plan d'assistance à la Grèce - et je m'en souviens très bien, c'était il y a exactement un an -, de même que la création du Fonds européen de stabilité financière ont été discutés et votés ici même comme à l'Assemblée nationale. Permettez-moi de vous rappeler que c'est le 6 mai 2010, alors que nous célébrions en France le 60ème anniversaire de la Déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, qu'a été voté, à la quasi-unanimité des deux chambres, le plan d'assistance à la Grèce.
Un mois après, Messieurs Collin et Chevènement, vous vous absteniez cette fois de voter le Fonds européen de stabilité financière. Toutefois, Monsieur Collin, je note que vous affirmez soutenir ce plan, dont vous avez évoqué la possibilité dès 2009, et que vous en souhaitez aujourd'hui la pérennisation.
Par ailleurs, et c'est bien normal, vous avez auditionné Mme Lagarde voilà quelques semaines sur le plan d'assistance à l'Irlande. Nous sommes donc très loin de la «pensée unique» imposée par des conclaves fermés à toute critique, comme je l'ai lu dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution ! Une fois encore, je trouve que la réalité est quelque peu différente de ce que vous en faites.
Certes, on peut considérer que de tels mécanismes sont insuffisants, mais tout ce qui concernait la mise à disposition de financements sur la base de la solidarité financière en Europe a été décidé sur la base du vote souverain des parlements nationaux, en particulier du nôtre, ce qui, d'ailleurs, est tout à fait normal. Ces mécanismes seront maintenus.
Troisièmement, vous appelez à poursuivre les travaux en cours sur le mécanisme permanent de résolution de crise. Là encore, c'est précisément ce que nous faisons.
La crise nous a offert une leçon : la nécessité pressante de doter l'Union européenne d'un mécanisme permanent qui permette d'intervenir en cas de difficultés d'un Etat membre de la Zone euro.
Rappelez-vous : en mai 2010, les rendements exigés par les marchés avaient quasiment fermé aux Etats périphériques l'accès au marché obligataire et les menaçaient littéralement d'étranglement. Or, à l'époque, le traité interdisait à un Etat membre de venir au secours d'un Etat menacé à l'intérieur de la Zone euro. Qu'a-t-il été fait, sur l'initiative, là encore, du président de la République et de la France, en liaison avec l'Allemagne ? Un mécanisme de soutien a été littéralement inventé, un mécanisme exigeant et qui met en avant le principe de la solidarité. Là aussi, il me semble que la critique est un peu sévère, car ces mécanismes ont été inventés en réaction à la crise la plus grave qui ait eu lieu depuis les années 1920, ainsi que le rappelait M. Bel.
C'est dans ces conditions que Christine Lagarde et ses homologues ministres des finances de la Zone euro ont alors décidé de mettre en place, pour une durée de trois ans - le traité interdisait en effet à ce stade un système pérenne - un Fonds européen de stabilité financière destiné à refinancer des Etats membres de la Zone euro en difficulté, en leur apportant jusqu'à 440 milliards d'euros de financements sous forme de prêts ou de lignes de crédits.
Même si je sais qu'elle est critiquée, je voudrais également souligner le rôle positif qu'a joué la Banque centrale européenne, la BCE, sous l'autorité de son président, M. Trichet, dans la résolution de la crise.
En toute indépendance, la BCE a fait preuve d'un pragmatisme et d'une réactivité exemplaire, notamment en élargissant les actifs financiers éligibles à son refinancement, en maintenant ses guichets de liquidité exceptionnels et en intervenant sur le marché secondaire des titres d'Etat, ce qui était radicalement nouveau par rapport à ses positions précédentes. Son action a été déterminante dans la résistance de la Zone euro aux coups de boutoir des marchés financiers. Telle est la réalité.
Toutefois, une telle action de la BCE ne pouvait être pérenne ni menée de façon isolée : il était nécessaire que l'Union européenne mette en place un mécanisme permanent pour crédibiliser aux yeux des marchés la volonté des Etats membres de sauvegarder la monnaie unique européenne.
C'est pourquoi les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé d'instituer un mécanisme européen de stabilité pour les Etats membres de la Zone euro, qui se substituera à compter de la mi-2013 au dispositif mis en place en mai 2010 ; je note d'ailleurs - avec plaisir - que le président du groupe socialiste soutient cette initiative.
Les ministres des Finances de la Zone euro ont donc reçu comme mandat très clair du Conseil européen du 4 février 2011 de préciser les caractéristiques de ce futur mécanisme d'ici au mois de mars 2011, c'est-à-dire avant le prochain Conseil évoqué voilà quelques instants par Jean-Pierre Chevènement.
Sachez cependant qu'il est d'ores et déjà acquis que l'assistance devra s'inscrire dans un programme d'ajustement rigoureux, établi et suivi par le FMI et la Commission européenne en lien avec la BCE, et que la participation du secteur privé se fera au cas par cas, sans automaticité, en cohérence avec les procédures d'implication du secteur privé définies par le FMI.
Quatrièmement, nous partageons bien entendu votre souci d'une meilleure régulation des institutions responsables de la crise. Le défi aujourd'hui consiste à rétablir la confiance des ménages et des entreprises dans notre système financier. Pour cela, nous devons créer un cadre de supervision et de régulation solide.
Notre première priorité est de faire en sorte que les nouvelles autorités européennes de supervision financière et le nouveau Comité européen du risque systémique, en place depuis le 1er janvier 2011, soient dotés des moyens d'accomplir leur mission. Je signale d'ailleurs que ces institutions ont bien souvent été remodelées à l'initiative de la France, en liaison avec l'Allemagne. Elles ont désormais commencé leur travail.
Je souligne que les candidats à la présidence des autorités européennes de supervision ont été auditionnés par le Parlement européen, qui n'a pas manqué de demander et d'obtenir des assurances sur la parité et l'indépendance des dirigeants.
Notre seconde priorité consiste à fortifier les banques en renforçant notamment la qualité et la quantité de leurs fonds propres, tout en veillant à ne pas les pénaliser sur le plan de la compétitivité.
En tant que ministre du Commerce extérieur, permettez-moi de faire une petite parenthèse : nous devons prendre garde à ne pas être les seuls à imposer des règles extrêmement drastiques, car cela nous pénaliserait pour le financement de nos exportations par rapport à d'autres pôles de puissance ; à mon sens, c'est un point important.
Je souligne par ailleurs que les tests de résistance seront conduits avant l'été 2011 afin de vérifier la solidité de nos banques en cas de choc économique.
Notre dernière priorité sera la mise en oeuvre d'un environnement financier plus stable, plus solide et plus transparent. Cela concerne notamment : l'encadrement des ventes à découvert ; la nécessité d'assurer la transparence et la sécurité des marchés dérivés ; la désaccoutumance progressive des acteurs des marchés financiers, des régulateurs et des banques centrales des notations externes ; le fait de favoriser une plus grande concurrence dans l'industrie et de réduire les effets pro-cycliques des notations souveraines.
Il me semble que ces mesures en cours de réalisation satisfont l'une des propositions de votre projet de résolution, Monsieur Collin.
Cinquièmement, vous demandez l'instauration d'un cadre macroéconomique favorable à une croissance économique forte et durable. Un certain nombre d'intervenants ont abordé le sujet ce matin, d'ailleurs de façon fort intéressante. Cependant, il s'agit là non pas d'un débat institutionnel européen mais d'un débat politique, au demeurant noble et qui mérite d'être porté devant l'opinion.
Selon nous, un tel objectif est déjà en partie réalisé.
Permettez-moi de vous rappeler que c'est à l'initiative du président de la République que le concept de gouvernement économique européen s'est imposé en Europe, et ce auprès non pas de l'ensemble des membres de l'Union européenne mais des seuls membres de la Zone euro. Les Etats membres de l'Union européenne qui bénéficient de la clause de l'opting-out sur la monnaie unique ne sauraient en effet se trouver autour de la table du Conseil lorsqu'il est question de politique économique commune à l'intérieur de la zone monétaire.
Six textes sur le renforcement de la gouvernance économique européenne sont actuellement à l'étude, en étroite coopération avec le Parlement européen. Ils concernent le renforcement de la surveillance budgétaire, la mise en place de règles minimales communes en matière de cadres budgétaires nationaux ou encore la création d'une surveillance des déséquilibres macroéconomiques entre les Etats de l'Union européenne.
Ce dernier volet permettra de réduire les risques de déséquilibres néfastes pour la viabilité économique de l'Europe. Nous devons remettre nos économies sur la voie de la convergence, condition indispensable au développement d'une croissance harmonieuse, forte et créatrice d'emplois qualifiés.
Ainsi que l'a souligné M. Humbert tout à fait justement, les crises ou les spéculations contre un certain nombre d'Etats à l'intérieur de la Zone euro ont pu avoir pour origine, certes, le manque de cohérence de la zone et l'absence de gouvernement économique - nous nous employons à y remédier -, mais également les politiques nationales menées par certains, des politiques pour le moins contestables, notamment en matière de déficits, surtout lorsqu'il s'est agi de dissimuler des déficits réels.
De tels phénomènes bien évidemment accélèrent les crises. Ce que nous essayons de mettre en place, ce sont des mécanismes de discipline communs permettant d'éviter leur développement. Concernant les causes du problème, il ne faut donc pas se tromper de cible.
Par ailleurs, dans la période de sortie de crise - et M. Chevènement a raison de le souligner -, la solution aux dettes et, plus largement, à la crise, c'est bien sûr la croissance. Mais c'est sur l'interrogation suivante que le débat politique intervient : comment s'organise la croissance ? Nous estimons pour notre part que la croissance doit être raisonnable et qu'elle doit passer par la maîtrise des déficits et une meilleure compétitivité. Je crains que pour certains des orateurs qui se sont exprimés ce matin la critique du « modèle allemand », la critique de l'ultralibéralisme - critique que je partage d'ailleurs sur certains points ne mène à une politique de facilité, de planche à billets, de «dette perpétuelle» - je cite l'expression de M. Chevènement -, de culture permanente des déficits intérieurs et extérieurs qui n'est pas la solution au problème de compétitivité posé à l'Europe.
Je suis désolé de vous le dire, l'Europe - et singulièrement la France - n'a pas vocation à rester un territoire d'expansion des puissances émergentes pour devenir en bout de course, selon la vision développée par M. Houellebecq dans son dernier roman, un territoire de vacances pour cadres chinois fatigués qui viendraient visiter nos restaurants et nos musées !
Telle n'est pas notre vision de la France ! Oui à la croissance, mais celle-ci passe par la résorption de nos déficits, une meilleure gestion de nos déficits publics et une politique d'exportation plus dynamique.
Sur ce dernier point, Madame Bricq, Monsieur Chevènement, Monsieur Bel, pardonnez-moi de vous le faire remarquer, la diabolisation du modèle allemand n'est pas la solution !
D'ailleurs - je le note au passage -, ce modèle tel qu'il existe aujourd'hui est le résultat de réformes nécessaires qui ont été menées par des chanceliers socialistes il y a dix ans.
Ce débat - au demeurant très intéressant - sur la politique économique me paraît tout de même assez éloigné de l'objectif de votre résolution : rien dans ce que nous mettons en place actuellement, dans le cadre de négociations franco-allemandes, ne condamne les peuples d'Europe à l'austérité ou à l'appauvrissement. Au contraire, il me semble que c'est la voix raisonnable qui nous permettra d'éviter de nouveaux chocs contre la monnaie commune.
Nous partageons la même monnaie, la même politique monétaire et nous réfléchissons ensemble à la réduction des écarts de compétitivité, à une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone, afin justement de faire converger nos modèles économiques et sociaux.
Vous souhaitez également une meilleure coordination en matière fiscale, tout en interdisant à l'avance à la France d'inscrire un objectif de maîtrise des déficits dans la Constitution ; M. Chevènement indiquait voilà quelques instants que c'était une régression. Mais en quoi les déficits constituent-ils un progrès ?
Q - (A propos du chômage qui progresserait plus que les déficits)
R - Au contraire, le progrès consiste justement à contrôler nos dépenses, à faire en sorte de ne pas lester les générations futures des déficits de fonctionnement des générations actuelles !
Pour répondre à la demande formulée par le président de la République le 21 juillet dernier, un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande devrait donc être présenté dans les tout prochains jours par la Cour des comptes. Au-delà de l'Allemagne, la France se bat depuis des années pour améliorer la coordination des politiques fiscales nationales et encourage notamment la Commission européenne à présenter une proposition de directive visant à établir une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés.
Cela vaut notamment pour l'Irlande, que nous voulons voir converger vers une moyenne européenne. Le projet devrait d'ailleurs être présenté par le commissaire à la fiscalité au mois de mars.
Sur la question des changes, que vous avez eu raison de soulever, je vous répondrai qu'il est en effet dans l'intérêt des Etats membres de la Zone euro d'avoir une devise stable car une volatilité des changes excessive aurait des implications négatives pour nos entreprises, nos agriculteurs, nos consommateurs, nos exportations. Les travaux sur la réforme du système monétaire international - une fois encore il s'agit d'une initiative de la France - débutent aujourd'hui même sous la Présidence française du G20, qui en a fait une de ses priorités.
Une solution globale doit être recherchée à un problème qui concerne non seulement l'euro, mais également la plupart des monnaies des économies développées et en développement, dans un monde marqué par des déséquilibres mondiaux importants. Nous devons, en effet, absolument éviter d'entrer dans une logique de surenchère sur les changes qui serait finalement préjudiciable à tous. Nous devons aussi apporter plus de stabilité aux perspectives macroéconomiques, par une croissance plus forte, plus équilibrée et plus durable. La question de la volatilité des changes sera abordée à travers les grands axes de réflexion que nous proposons sur la réforme du système monétaire international, à savoir : accroître la protection face à la volatilité des flux de capitaux, répondre de façon ordonnée au besoin de diversification des réserves de change, améliorer la coordination des politiques macro-économiques.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, telles sont les observations que je voulais formuler sur la présente proposition de résolution. Le gouvernement se réjouit de l'occasion qui nous a été donnée ce matin de débattre de l'évolution du travail accompli sur la crise, sur la consolidation de la Zone euro. Le débat sur la politique économique et les déficits est un débat noble, mais nous ne l'épuiserons pas aujourd'hui.
Pour l'ensemble des raisons invoquées, le gouvernement se prononce pour le rejet de cette proposition de résolution.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2011