Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le rôle et les fonctions de la Commission de régulation de l'énergie, Paris le 17 février 2011.

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Circonstance : Installation de la nouvelle Commission de régulation de l'énergie, à Paris le 17 février 2011

Texte intégral

Monsieur le Président, Messieurs les Commissaires,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous féliciter pour vos nominations au sein de la Commission de Régulation de l'Énergie. Ces nominations sont une marque de reconnaissance de vos compétences et de votre expérience professionnelle, et de la confiance que vous accordent les pouvoirs publics.
Je souhaite profiter de cette occasion pour dresser avec vous les perspectives du secteur énergétique pour les années qui viennent, car la CRE sera amenée à y jouer un rôle déterminant.
Nous sommes dans une période charnière de l'histoire de l'énergie en France. L'ère du monopole d'État et des tarifs imposés laisse place progressivement à un nouveau paradigme, celui du marché ouvert, concurrentiel mais régulé.
Face à ce défi, le Gouvernement et le Parlement ont souhaité faire évoluer l'organisation et le rôle de la CRE.
1. La composition et le fonctionnement de la CRE sont aujourd'hui redéfinis.
D'une part, nous avons souhaité un collège resserré, gage d'efficacité, de cohérence de la doctrine et d'équité. Le choix qui a été finalement arrêté d'un collège de 5 membres, contre 9 auparavant, permettra, j'en suis sûr, ce fonctionnement efficace.
De plus, il est important de souligner que chaque membre du collège a le devoir de s'investir pleinement dans une action qui nécessite une vraie maîtrise technique et une compréhension fine des enjeux. La loi précise ainsi non seulement que vous êtes nommés en raison de vos qualifications dans les domaines juridiques, économiques et techniques, mais elle prévoit aussi que vous exercez vos fonctions à temps plein, ce qui n'était pas le cas dans la configuration précédente du collège.
Aucun d'entre vous ne représente plus ès qualité un intérêt catégoriel particulier. Cette indépendance est la meilleure garantie d'une régulation équitable, à l'abri des conflits d'intérêts. Votre commission n'a pas vocation à être un lieu de confrontation des intérêts particuliers mais un lieu de réflexion, d'analyse et de décision pour une régulation juste et efficace, exercée dans l'intérêt général.
Indépendance ne signifie pas isolement. Il est absolument essentiel que votre collège soit à l'écoute de l'ensemble des parties prenantes. Je pense bien sûr aux professionnels des secteurs électriques et gaziers, aux consommateurs, particuliers et industriels, mais aussi aux organisations syndicales, aux collectivités territoriales, aux associations et organisations non gouvernementales.
La loi NOME reflète cette préoccupation, en prévoyant que, dans le cadre de la préparation de vos décisions les plus importantes, vous consulterez le Conseil supérieur de l'énergie, où toutes ces parties-prenantes sont représentées. Le décret correspondant est actuellement en préparation dans les services, et je souhaite qu'il soit publié avant l'été.
2. La CRE va jouer un rôle de plus en plus déterminant dans le développement du marché de l'énergie.
Le prix de l'énergie est un atout compétitif pour notre pays. Je citerai deux chiffres : l'électricité est 50% moins cher en France pour les entreprises qu'en Allemagne et 90% moins chère pour les ménages.
Cette situation s'explique par le choix qu'a fait la France d'attribuer le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire historique au consommateur final.
L'ouverture de nos marchés énergétiques doit contribuer à rendre nos opérateurs du gaz et de l'électricité plus performants. Mais elle impose de trouver des modes de fixation du prix de l'énergie qui permettent de maintenir ce principe.
Laisser le marché fixer les prix se traduirait nécessairement par un alignement sur les prix européens sensiblement plus élevés et donc par le transfert du bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire français du consommateur au producteur d'électricité. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'un système régulé, qui fait désormais de la CRE la garante de la compétitivité de nos marchés.
Nous franchissons un cap important avec la loi NOME et la mise en place de l'accès régulé des fournisseurs alternatifs à l'électricité produite par le parc nucléaire historique d'EDF, l'ARENH. Ce mécanisme vise en effet, précisément, à adapter notre système de régulation à l'ouverture de notre marché électrique tout en maintenant à chaque consommateur le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire français.
La CRE sera responsable de la gestion de ce mécanisme : il s'agira d'assurer un fonctionnement efficace et juste, sans effet d'aubaine. Par exemple, c'est la CRE qui calculera et attribuera les droits d'ARENH et corrigera ex post leur juste allocation. A moyen terme, vous aurez la responsabilité de proposer le prix de l'ARENH et les tarifs réglementés ; la juste fixation de ces tarifs est la clef de voute du dispositif.
J'ai l'honneur de vous saisir dès aujourd'hui pour avis sur un premier projet de décret d'application de la loi NOME, qui pose toute l'architecture de l'ARENH. Plus précisément, il fixe le mécanisme de calcul et d'attribution des droits de chacun. Ce texte permet de répondre aux questions fondamentales des fournisseurs : « Á qui et comment dois-je envoyer mes demandes ? Comment sont calculés mes droits ? Sous quelles modalités l'ARENH m'est-il attribué ? Quel type de contrôle est exercé par la CRE ? »
Je tiens à insister sur trois aspects particulièrement importants de ce décret :
- Le mécanisme que nous définissons constitue une incitation aux économies d'énergie à la pointe de la consommation puisque les droits à ARENH sont calculés sur les heures creuses : les fournisseurs seront donc incités à ce que leurs clients déplacent leur consommation sur ces plages.
- Le système incite les acteurs à effectuer leurs prévisions de droits à ARENH de la façon la plus juste possible : les fournisseurs qui surévalueront de façon volontaire leurs droits seront pénalisés.
- Ce mécanisme n'exclut en rien que se nouent des partenariats industriels permettant à des fournisseurs alternatifs ou des clients de bénéficier de tarifs calculés sur des bases différentes ; l'ARENH n'est qu'un droit.
Je vous soumettrai par la suite les autres principaux textes relatifs à l'ARENH.
Par ailleurs, la transposition du 3ème paquet relatif au marché intérieur de l'électricité et du gaz va conduire à vous confier des responsabilités accrues en termes de régulation des réseaux. Un projet d'ordonnance de transposition sera transmis au Conseil d'Etat vers la fin du mois. Parmi ces nouveaux domaines de compétence, je tiens à souligner le rôle accru de la CRE en termes de contrôle de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport (la CRE aura désormais la responsabilité certifier cette indépendance), ainsi que le contrôle des investissements sur le réseau.
Vous serez aussi désormais en situation de pleine responsabilité pour fixer le tarif d'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité : je n'aurai plus un droit systématique d'approuver la proposition tarifaire de votre Commission. Il est cependant prévu que vos décisions en la matière devront être prises dans le respect des orientations de la politique énergétique de notre pays ; il m'appartiendra de demander une nouvelle délibération si j'estime que ce n'est pas le cas.
3. L'action de la CRE dépasse le strict cadre du fonctionnement des marchés.
Les décisions de votre commission auront une influence en particulier sur la sécurité d'approvisionnement de la France, la transition énergétique ou encore les économies d'énergie.
L'action de la CRE doit donc s'inscrire dans le cadre d'un échange avec les autres parties prenantes de cette politique. C'est la raison pour laquelle, en particulier, la présence d'un commissaire du gouvernement est importante. Je nommerai un nouveau commissaire du gouvernement dans les semaines qui viennent. Je souhaite que vos rapports soient les meilleurs possibles, dans le respect de l'indépendance de chacun.
Le déploiement des compteurs communicants en France est pour moi un dossier emblématique qui illustre bien la portée de l'action de la CRE au-delà du cadre du bon fonctionnement des marchés.
La mise en place de ces compteurs est en effet une étape importante de la stratégie française en matière de développement de « réseaux intelligents », qui contribueront à la maîtrise de la consommation électrique française et à l'insertion des énergies renouvelables dans le réseau électrique.
C''est un projet structurant pour le système électrique. S''il ne résout pas tout, il est néanmoins indispensable au développement de nouveaux services, notamment de maîtrise de la demande en énergie.
La loi prévoit que la CRE soit force de proposition dans la mise en place des nouveaux dispositifs de comptage et le décret du 31 août 2010 précise que la CRE doit mener une évaluation de l''expérimentation actuellement menée dans le cadre du projet « Linky » d'ERDF. Il est important que l''élaboration du bilan de l''expérimentation que vous allez mener s'effectue en étroite coordination avec les travaux du Comité de suivi que je mets en place. La généralisation des compteurs évolués et le succès de leur déploiement vont dépendre de ces travaux.
Monsieur le Président, Messieurs les Commissaires, je vous remercie d'avoir accepté ces responsabilités au service de notre système énergétique et de l'intérêt général. Il me reste à présent à vous laisser entamer vos travaux.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 21 février 2011