Texte intégral
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, je me félicite des conditions dans lesquelles ce débat sest déroulé tout au long de laprès-midi, dune manière qui honore lAssemblée nationale. Au nom du gouvernement, japporterai, sinon à la totalité, du moins à la plupart dentre vous des réponses aux préoccupations que vous avez exprimées.
Tout dabord, je vous remercie de partager cette passion pour lAfrique qui habite notre pays depuis longtemps et qui lhabitera longtemps encore.
Je comprends parfaitement le souhait du président Jean-Marc Ayrault que fût présent le ministre des Affaires étrangères et européennes. À lheure où nous sommes réunis, M. Juppé reçoit son homologue de lAfrique du Sud. En outre, le président de la République dAfrique du Sud et le président de la République française ont rendez-vous à dix-sept heures. Ce qui mavait amené à indiquer à lAssemblée nationale que, si elle le souhaitait, le débat pouvait être organisé différemment afin de permettre au ministre des Affaires étrangères dy participer. LAssemblée na pas souhaité modifier - ce qui me paraît tout à fait légitime - lorganisation de ses travaux. M. Juppé nayant pas, cependant, le don dubiquité, vous devrez vous contenter du ministre chargé de la Coopération, ce dont je mexcuse auprès de vous.
Comme pour vous, lAfrique représente pour le gouvernement un continent absolument essentiel. Il sagit dun continent davenir, vous êtes très nombreux à lavoir souligné. Cest un thème majeur de la diplomatie française. Toutefois, il est évident que la nature des enjeux a profondément évoluée.
Notre échange devait, je pense, se concentrer plus particulièrement sur lAfrique subsaharienne, mais lactualité nous conduit à appréhender le continent africain dans son ensemble, comme y ont insisté M. le Président Ayrault et M. Lecoq.
Cest pourquoi je souhaite demblée évoquer les bouleversements en cours sur la rive sud de la Méditerranée, qui portent en germe un espoir démocratique fort, que le gouvernement français souhaite voir aboutir rapidement et dans les meilleures conditions possibles pour le bonheur des peuples, qui le méritent.
Nous sommes face à un mouvement historique, sans doute relativement différent - nonobstant les points communs - selon les pays. Il nous appartient de laccompagner afin de conjurer toute régression.
Les changements intervenus en Tunisie et en Égypte, ceux qui sont en train davoir lieu en Libye et dans bien dautres pays, les revendications qui sexpriment dans toute la région, nécessitent dadapter nos interventions, notre coopération et nos partenariats.
Face à cette évolution historique, il convient - je tiens à le dire en réponse à certaines interventions -, de rester modeste. Faire des commentaires sur lhistoire en marche, cest plus facile après quavant !
En la matière, je peux vous assurer que le gouvernement français fait preuve dune grande humilité.
Dans ces pays où les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont majoritaires, la désespérance est tout autant nourrie du manque de débouchés professionnels des jeunes diplômés que des retards de développement proprement dits et des problèmes de gouvernance. Ces sociétés aspirent - et cest heureux - à plus de liberté, à une plus grande ouverture et au plein bénéfice des apports de la mondialisation.
Monsieur Hunault, 80 % des demandes des étudiants maghrébins sont satisfaites et donnent lieu à un visa de longue durée pour étudier en France. Nous ne souhaitons pas du tout que la France «pompe» les jeunes étudiants au détriment des pays concernés, nous sommes tout à fait favorables à ce quils retournent dans leurs pays ou dans dautres pour y exercer leurs talents, comme je lai constaté en visitant un remarquable institut de formation dans le domaine de leau et de lenvironnement au Burkina Faso.
Sagissant de la Tunisie et de lÉgypte, la transition est aujourdhui engagée. Cette transition est, par définition, difficile et risquée. Nous voyons bien ce qui se passe chaque jour en Tunisie. Il y a toujours des risques de violence - qui peuvent dailleurs être alimentés par des nostalgiques de lancien régime ou des provocateurs -, des risques économiques de désorganisation de lappareil productif et de chutes de recettes, notamment en Tunisie, et des risques politiques, en raison de limpatience des peuples, qui attendent depuis longtemps et qui craignent quon leur «capte» leur révolution.
La position de la France consiste à être aux côtés de nos amis, mais nous navons pas à leur dire ce quils doivent faire. Soyons à leur écoute, voyons avec eux quelles sont leurs priorités, pour que nous puissions mobiliser nos énergies, nos compétences, nos moyens, mais aussi ceux de lUnion européenne, de façon que la transition se déroule le mieux possible, avec en vue lorganisation de lavenir des peuples concernés.
Cest dailleurs la nouvelle vision de la politique africaine de la France. Je regrette que certains orateurs de lopposition aient une conception ancienne de la façon dont nous agissons. Jy reviendrai.
Christine Lagarde et Laurent Wauquiez se sont rendus à Tunis, et le ministre dÉtat a indiqué cet après-midi quil serait en Égypte samedi et dimanche. La France est présente sur le terrain dans les pays concernés, sans simposer, sans avoir la prétention de donner des leçons, mais simplement pour faire part de sa disponibilité, de son sens de lécoute et de lappui quelle apporte à ces pays.
Voilà ce que je souhaitais dire sur ces événements.
Mesdames et Messieurs les Députés, la France comme lUnion européenne nentendent pas rester sans agir. Notre coopération globale sefforce de soutenir la croissance et lemploi, daccompagner les mutations sociales, de renforcer la cohésion.
Les engagements de lAFD ont presque doublé sur trois ans dans ce secteur géographique. Ces engagements sont passés de 775 millions deuros de prêts en 2007 à 1,3 milliard deuros de prêts fin 2010.
Une facilité dinvestissement, par lintermédiaire de la FISEM, dotée de 250 millions deuros, a été créée par lAFD en 2009 pour appuyer les petites et moyennes entreprises.
La Caisse des dépôts a pris linitiative, avec dautres partenaires, de constituer un fonds de financement des projets dinfrastructures, doté de 385 millions deuros. Une part essentielle de ces crédits est consacrée à la fourniture en eau et électricité des populations tunisiennes et marocaines qui nen auraient pas encore aujourdhui.
LUnion européenne consent des prêts aux pays de la Méditerranée dans une proportion similaire - 1,3 milliard deuros par an - et accorde 1 milliard de dons au titre de sa politique de voisinage.
M. Ayrault ma interrogé sur la Libye. M. Juppé y est revenu pendant la séance des questions au gouvernement et jindique après lui que, face à la poursuite de la répression brutale et sanglante, nous ne restons pas inactifs. Je rappellerai la décision du Conseil de sécurité du 22 février ainsi que la réunion du Conseil des droits de lHomme du 25 février, et jappelle également votre attention sur le fait que lUnion européenne a pris ses responsabilités en adoptant un texte ouvrant la voie à des sanctions, telles que des gels de fonds. La fourniture déquipements de maintien de lordre est en cours de négociation. Nous souhaitons que tous ces dispositifs soient rapidement adoptés et appliqués.
Si ces mesures se révèlent insuffisantes pour obliger M. Kadhafi à cesser la répression et à partir, il faudra que la communauté internationale aille plus loin pour marquer sa détermination. Mais vous savez quelle est la position de la France quant à la perspective, évoquée par certains, dun recours à une opération militaire : il faut naturellement être extrêmement prudent. Là aussi, M. Juppé a apporté les réponses appropriées lors de la séance des questions au gouvernement de cet après-midi.
Laction de coopération que nous conduisons depuis des années avec nos partenaires européens vise à faire de la Méditerranée un espace économique attractif et à renforcer lintégration régionale, le développement social et le dialogue culturel au bénéfice des peuples. Telle est lambition de lUnion pour la Méditerranée. Un certain nombre dentre vous ont évoqué celle-ci. Le ministre dÉtat la déclaré au début de cet après-midi : il nous revient, à la lumière des évolutions qui se produisent sous nos yeux, de repenser le fonctionnement de lUnion pour la Méditerranée. Mais je crois que cétait une idée visionnaire et quil faut la reprendre ; il sagit simplement de ladapter aux circonstances pour donner les meilleures chances à ce secteur géographique de connaître, dans des conditions démocratiques satisfaisantes, des perspectives davenir réjouissantes pour tous ces peuples.
Jen viens à lAfrique sub-saharienne. Oui, Monsieur Yves Censi, je suis bien daccord avec vous : lEurope et lAfrique ont une communauté de destin. Nous navons pas attendu 2011 pour nous en apercevoir car cest pour la France une zone stratégique pour quatre raisons que je veux développer ici - le président de la Commission des Affaires étrangères y a dailleurs lui-même fait référence.
La relation entre la France et lAfrique est empreinte dune grande proximité culturelle. Elle est ancienne, chacun le sait, mais la force de ces liens est très actuelle : elle sinscrit dans lidentité nationale - je rappelle que 10 % de la population française peut revendiquer des origines africaines, et cest très bien ainsi - et dans lidentité africaine à travers le rayonnement de la langue française, que vous avez vous-même évoqué, Monsieur Censi. Lavenir de la francophonie se joue prioritairement en Afrique. Aussi, je suis désolé que, dans certaines conférences internationales, les représentants de la France ne sexpriment pas dans la langue de Molière. Je peux vous assurer que je ferai remonter le taux dintervention en français car il faut donner lexemple. Pour ce qui concerne le gouvernement, toutes les discussions avec nos homologues se déroulent en français.
À léchéance de quelques décennies, le nombre de locuteurs francophones devrait doubler. Dores et déjà, le premier espace francophone est, avant même la France, la République démocratique du Congo. Je sais bien les soupçons qui naissent dans les esprits dès quil sagit des intentions de la France quant à lAfrique sub-saharienne, mais les rapports inégaux appartiennent à un passé révolu. Le changement de politique en la matière est réel, on peut le constater et le mesurer tous les jours. Je le rappelle en particulier à vous, Monsieur Cochet, car je ne me reconnais ni dans vos propos ni dans la définition que vous avez donnée de la politique française en matière de coopération, en particulier depuis 2007 et a fortiori en 2011. Je tiens à vous dire que cet ancien modèle, sur lequel vous avez insisté au début de votre intervention, ne correspond plus à la réalité, ni à lévolution de la société, ni à lorganisation même des rapports qui doivent exister entre les États. Cest pourquoi la France et lAfrique peuvent redéfinir leurs relations afin de contribuer, dans un monde qui bouge tous les jours, dans ce que lon appelle la globalisation, à lémergence dun monde plus équilibré.
Jai entendu prononcer le mot : «ingérence». Lheure est non pas à lingérence, mais à lécoute, à léchange, au partage, sans que nous ne soyons jamais indifférents aux grandes mutations que connaît le continent. Cest cette approche du président de la République qui permet un nouvel élan, un nouvel avenir pour la relation franco-africaine. Oui, nous le savons, lAfrique est notre amie, mais cest aussi notre voisine, à quatorze kilomètres de nos côtes. LEurope a donc besoin dune Afrique forte. À cet égard, je suis bien daccord avec ce qua dit M. Bacquet et beaucoup dautres parmi vous.
LAfrique, M. Remiller la rappelé, a dépassé un milliard dhabitants. Et ce chiffre pourrait doubler dici à 2050. Mais depuis cinq ans, cela a aussi été relevé, elle connaît un taux de croissance économique en moyenne de 5 % à 6 %. Cest tout de même un signe qui est plutôt positif que négatif. Nen faisons évidemment pas un évènement miraculeux, mais soyons tout de même lucides sur ce point.
Voisine, disais-je, lAfrique alimente quelques-uns des principaux défis pour notre sécurité, que ce soit le terrorisme dans le Sahel, le trafic de drogue, qui est en expansion, ou encore les flux migratoires. Notre ligne stratégique, politique et diplomatique a été clairement affichée, et à plusieurs reprises par les pouvoirs publics, singulièrement par le Premier ministre et par le président de la République. Elle est, je vous laffirme, Mesdames, Messieurs les Députés, adaptée aux nouveaux enjeux du continent. Je nen veux pour preuve que le discours du Cap, en février 2008, dans lequel le président de la République a fixé les orientations de notre politique africaine ; nous avons refondé notre relation vers un partenariat dégal à égal, respectueux et décomplexé. Monsieur Lecoq, je tiens à vous assurer que je partage sur ce point ce que vous avez dit.
Nous ne nous désengageons pas de ce continent. Nous voulons accompagner lAfrique en croissance, créatrice dentreprises et génératrice demplois. Cest très important. Mais il en va de même que lAfrique soit francophone, anglophone, lusophone ou arabophone. Linitiative du Cap vise à mobiliser 10 milliards deuros sur cinq ans en faveur du secteur privé en Afrique grâce à la mise en place de fonds dinvestissement et de fonds de garantie pour les PME et grâce au triplement du capital de PROPARCO. Cette politique permet déjà au Burkina Faso dêtre aujourdhui le premier exportateur de coton en Afrique de lOuest et à la Mauritanie de financer 14 % de son produit intérieur brut par la production minière. Voilà des exemples quil faut tout de même rappeler. Le président Ayrault suggérait de mettre en place un moratoire sur les subventions agricoles. Je note pour commencer que cette proposition nest pas facile à concrétiser parce quelle doit sinscrire dans un contexte multilatéral et global, que ce soit au niveau de lUnion européenne ou de lOrganisation mondiale du commerce.
Ensuite, je pose la question à lAssemblée nationale : serait-ce bien le moment ? Je rappelle que le prix des matières premières agricoles flambe, et je me demande donc si cest bien le moment de réduire en Europe les incitations à la production. Et puis, nous serons tous daccord là-dessus, en raison même de lévolution prévisible de la démographie en Afrique, il faudra que la production agricole, pour pouvoir nourrir le milliard dhabitants supplémentaires, augmente de 70 %.
En outre, nous révisons et rendons publics nos accords de partenariat de défense en vue dacter notre changement dapproche : les soldats français ne doivent plus être entraînés dans des conflits internes. Nous avons élargi notre action vers les pays pré-émergents sans jamais renier nos amitiés traditionnelles. En ce moment même, la visite dÉtat à Paris du président de lAfrique du Sud, M. Zuma, concrétise la relation privilégiée que nous entretenons avec ce grand partenaire, dans le cadre de la redéfinition de notre politique étrangère en Afrique sub-saharienne.
Monsieur Remiller, vous avez évoqué la question du défi énergétique pour ce pays. Ce sujet va être abordé avec les Sud-Africains dans la perspective de loffre nucléaire française. Vous en êtes peut-être inquiet, Monsieur Cochet, mais nous, nous en sommes plutôt satisfaits. Le groupe G20 Développement, coprésidé par la France, constitue à cet égard une opportunité exceptionnelle pour échanger nos connaissances et défendre avec ce pays des sujets tels que lénergie, les infrastructures ou la sécurité alimentaire. Nous sommes déterminés à faire de la Présidence française du G8 et du G20 loccasion dun plaidoyer fort en faveur dune plus grande association de lAfrique dans la gestion des enjeux mondiaux. Cela implique une réflexion sur la place de ce continent dans la gouvernance mondiale. À ce sujet, vous savez, Mesdames, Messieurs les Députés, que la France soutient avec beaucoup dardeur la présence de lAfrique parmi les membres du Conseil permanent de sécurité. Le président de la République la redit au sommet de lUnion africaine, à Addis-Abeba. De plus, je rappelle quavec notre soutien, lAfrique a obtenu en 2008 une chaise au conseil dadministration de la Banque mondiale, quun plan daction en faveur du développement est porté par tous les membres du G20 et quune réflexion est menée sur les besoins de financement du développement, sur les Objectifs du Millénaire du développement et la protection des biens publics mondiaux, évalués aujourdhui à 300 milliards deuros. Lampleur et lurgence de ces besoins militent pour la recherche de moyens nouveaux alloués à laide publique au développement. Mais ces moyens nouveaux ne doivent pas se substituer à ceux qui existent ; ils doivent être stables, prévisibles et additionnels. Pour quils puissent produire leurs effets, il faut quils soient assis sur une assiette mondiale et, aussi bizarre que cela puisse paraître à certains - mais cela ne me paraît pas bizarre -, le gouvernement est daccord avec M. Asensi : il est tout à fait normal que ceux qui profitent le plus de la mondialisation contribuent à réunir les financements nouveaux qui nous sont nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux du continent africain.
Troisièmement, les actes que nous avons posés sont en cohérence avec notre ligne politique, comme le prouvent les positions que nous avons adoptées sur les dossiers de premier plan : pas dingérence, mais pas dindifférence. Nous favorisons lapproche interrégionale, continentale ou internationale dans la gestion des transitions et des crises, pour la promotion de la démocratie et de lÉtat de droit. LUnion africaine et les communautés économiques régionales - la CDAO, la SADC, la CEEAC - sont de plus en plus prégnantes et prennent la main dans la résolution des crises. Ainsi, la CDAO a joué un rôle déterminant au Liberia et en Sierra Leone. De même, en Somalie, lUnion africaine et la force de maintien de la paix agissent. Il faut se féliciter de lappropriation par le continent africain de son destin. La France soutient tout à fait cet engagement de plus en plus fort. Lenjeu, nous le connaissons et nous le partageons : cest lenracinement de la démocratie en Afrique. À cet égard, nous constatons des évolutions plus ou moins positives selon les pays. Quoi quil en soit, nous uvrons tous pour que progresse la démocratie, cest-à-dire lÉtat de droit qui sappuie sur un environnement sécuritaire stable et des perspectives dévolution économique et sociale positives pour les populations.
Comme le monde arabe, lAfrique subsaharienne vit aussi une période historique et porteuse despérance. Parmi les pays qui connaissent actuellement une période de transition sur le plan politique, citons Madagascar où la SADC est en première ligne afin de parvenir à une sortie de crise «malgacho-malgache», cest-à-dire réalisée par et pour les Malgaches. Nous soutenons cette approche pragmatique, réaliste et la feuille de route qui a été présentée à toutes les mouvances politiques par lancien président du Mozambique, M. Chissano. Nous espérons quelle pourra être signée rapidement par le plus grand nombre possible de formations politiques.
Citons aussi le Niger où le premier tour des élections présidentielles sest tenu dans le calme.
Citons encore la Guinée Conakry qui, après plus de cinquante ans de coups dÉtat successifs, sest dotée dun président démocratiquement élu, en grande partie grâce aux efforts déployés par la CEDEAO et lOIF. Si la France doit se montrer ferme à légard de ceux qui font obstacle à lexpression du peuple, elle doit aussi être présente quand il sagit de donner une prime à la démocratie, tout en portant un il attentif sur le parachèvement du processus électoral.
Notons quau Soudan le référendum sest déroulé dans des conditions satisfaisantes. La période de transition vers la création dun nouveau pays - le cinquante-quatrième sur le continent - se passe bien pour le moment. Soyons prudents, mais aussi heureux et audacieux face à ces évolutions.
Dans les pays en crise, nous entendons poursuivre avec beaucoup de vigueur lexercice de notre politique : défendre lÉtat de droit. Comment ne pas citer la Côte dIvoire, au premier rang de ces pays ? Ce qui se passe en Côte dIvoire est très important, et pas seulement pour les Ivoiriens : treize élections présidentielles vont se tenir au cours de lannée 2011 en Afrique et lévolution de la situation en Côte dIvoire ne sera pas sans répercussions dans tel ou tel pays.
La France appuie toutes les démarches diplomatiques engagées dans ce pays. Je reconnais bien volontiers que, jusquà ce jour, elles nont pas produit les effets escomptés. La dernière en date, décidée lors de lassemblée générale de lUnion africaine, a consisté à missionner cinq chefs dÉtat - notamment Jacob Zuma et Mohamed Ould Abdel Aziz, les présidents respectifs de lAfrique du Sud et de la Mauritanie. Nayant pas abouti dans le délai dun mois qui avait été fixé, le panel des cinq chefs dÉtat sest vu octroyer un mois supplémentaire. Espérons quil puisse parvenir à une solution car, pour nous comme pour la communauté internationale, les résultats du second tour des élections présidentielles en Côte dIvoire ne sauraient être remis en question. On ne peut pas laccepter. Il ne saurait y avoir dambiguïté sur le sujet : M. Ouattara est le seul président élu démocratiquement de la Côte dIvoire.
Les parlementaires nen doutent sûrement pas : il ny a aucun déshonneur à perdre des élections - en démocratie, cela tourne - ; en revanche, il y a déshonneur à ne pas respecter le résultat des élections. Nous sommes là au cur du débat. Face à cette situation denlisement, des sanctions financières ont été prises à légard de certaines personnes, et des mesures économiques sont adoptées en ce moment même. Il est vrai que lon répugne toujours à appliquer de telles mesures économiques parce quelles assèchent la vie économique du pays et que les habitants en sont les premières victimes : les entreprises licencient leur personnel, lapprovisionnement nest plus suffisant, etc. Compte tenu de ce quil a déjà subi depuis dix ans, le peuple ivoirien na pas besoin de cette nouvelle épreuve. Par votre intermédiaire, je voudrais que la France, exécutif et législatif réunis, manifeste sa solidarité à légard de tous les habitants de la Côte dIvoire.
Je tiens à condamner les affrontements et la violence qui sont parfaitement inadmissibles. Dans certains quartiers dAbidjan - celui dAbobo en particulier -, il y a beaucoup de violences, la tension est extrême et la situation peut encore se dégrader à tout instant. Il faut vraiment faire très attention.
Par ailleurs, nous renforçons nos partenariats avec les pays et les organisations afin de lutter contre certaines menaces. Dans la bande sahélo-saharienne, les actions dAQMI ont ciblé plus particulièrement notre pays. La représentation nationale ne peut avoir oublié lassassinat de nos deux jeunes compatriotes au mois de janvier. Si trois de nos otages ont heureusement été libérés à la fin de la semaine dernière, il en reste encore quatre dans cette zone, en plus des deux journalistes enlevés en Afghanistan et dun autre compatriote en Somalie. Ayons une pensée pour ces sept otages et leurs familles.
Cest une vraie menace que nous prenons tous très au sérieux, en sachant que la réponse ne peut être seulement sécuritaire. Il doit y avoir un lien entre la politique de développement et la sécurité. Il faut aussi que les États concernés puissent réinstaller leur présence, peut-être dune manière plus marquante, dans le nord de ce secteur géographique. Il faut aussi que lon puisse créer de vrais pôles de développement et relancer lagriculture et lélevage, comme certains dentre vous lont évoqué.
La France est engagée aux côtés de ces pays et de ceux de la sous-région pour combattre le terrorisme et accompagner le développement. Mesdames, Messieurs les Députés, je veux vous rappeler que, depuis 2008, nous avons consacré environ 350 millions deuros au développement de cette seule zone, grâce notamment à lAgence française de développement qui constitue un formidable outil de notre politique.
Je noublie pas le soutien que nous apportons à lUnion africaine en Somalie dans ses actions de lutte contre tous les trafics. Sur ces questions dintérêt commun, nous plaidons pour la mise en place de politiques concertées, qui mobilisent des fonds européens - je sais quil sagit dune préoccupation de lAssemblée nationale. La France joue son rôle dans la mobilisation de lUnion européenne sur les enjeux africains et elle obtient des résultats concrets.
Notre pays a fait de réelles propositions sur des sujets majeurs : il a été à lorigine de lopération EUFOR au Tchad et au nord de la République centrafricaine, du lancement de lopération navale Atalante au large des côtes somaliennes à compter de 2008 et de la création de la mission EUTM qui forme les troupes somaliennes en Ouganda.
Atalante a permis de réduire le nombre dattaques de pirates, même si lon en a dénombré encore quarante au cours des premiers mois de lannée 2010. Ces opérations sont doublées dun appui de lUnion européenne à lÉtat de droit et au développement économique : 215 millions deuros y ont été consacrés depuis 2009.
Cest aussi la Présidence française de lUnion européenne qui a permis au dossier sahélien denregistrer des avancées. À notre initiative, huit ministres européens ont cosigné une lettre demandant à Mme Ashton lélaboration dune stratégie politique de lUnion européenne au Sahel. La France a très largement contribué à lélaboration de la réflexion au niveau de lUnion européenne. Nous espérons que la Haute représentante, Mme Ashton, pourra présenter la stratégie Sahel de lUnion européenne lors du conseil des ministres des affaires étrangères du 21 mars prochain. En tout cas, nous faisons pression pour que cette date puisse être préservée.
Quatrième et dernier point : face à ces nouveaux enjeux, nous avons tenu nos engagements et adapté nos aides. Laide publique au développement reste un outil dinfluence capital. Elle recouvre une dimension majeure de notre politique étrangère. Je précise à M. Asensi quelle ne baisse pas, quelle a même été préservée et atteint actuellement dix milliards deuros. Nous avons tenu nos promesses en sanctuarisant notre aide publique au développement qui représente 0,5 % du revenu national brut, contre 0,3 % en moyenne dans lOCDE
Q - Cest faux ! Il faut enlever Wallis-et-Futuna et laide aux réfugiés !
R - Mais non, Monsieur Bacquet, le taux de 0,5 % de la France se compare au taux de 0,3 % de lOCDE. Nous sommes donc largement au-dessus de la moyenne et si vous voulez bien me laisser terminer
Q - Ce ne sont pas les mêmes critères !
R - Les mêmes critères sont appliqués par tous, vous ne pouvez pas les combattre ou les retenir selon que cela vous arrange ou non. Nous nous sommes engagés à atteindre un taux de 0,7 % et nous ny sommes pas encore, nous le savons très bien.
Nous sommes passés dune politique daide à une politique globale fondée sur le respect mutuel. LAfrique - qui reçoit 60 % de notre aide - demeure notre priorité. Cet engagement est durable ; nous entendons le maintenir et si possible laccentuer. La France se distingue des autres grands donateurs qui consacrent en moyenne un tiers de leur aide à lAfrique. Précisons que nous allouons plus de la moitié de nos subventions à quatorze pays pauvres prioritaires.
Sagissant des aspects sectoriels, nous maintenons le cap afin de favoriser latteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement et de réduire la pauvreté. Dans le secteur de la santé, nous allons contribuer à hauteur de 500 millions deuros additionnels à lamélioration de la santé maternelle et infantile.
Par ailleurs, la France est le deuxième bailleur du Fonds mondial de lutte contre le sida, avec un versement annuel de 300 millions deuros qui va être porté à 360 millions deuros. Si des malversations ont été découvertes dans la gestion de ce fonds, je relève quelles ont été détectées par ses propres organismes de contrôle, puis rendues publiques, ce qui témoigne de progrès en matière de transparence.
Aujourdhui, 7 millions ont déjà été récupérés, et le Fonds est en train de se doter de procédures de contrôle financier encore beaucoup plus rigoureuses.
La France est le premier bailleur dans le secteur de léducation et accueille chaque année environ 100.000 étudiants africains. Sur le terrain, lAgence Française de Développement consacre plus du tiers de ses dons à léducation de base et à la formation professionnelle.
Dans le secteur agricole et de la sécurité alimentaire, nous allons consacrer, entre 2008 et 2012, un milliard deuros en direction de lAfrique subsaharienne.
Nous soutenons également lAfrique en croissance. Jai mentionné linitiative du Cap. Je signerai demain, au nom de notre pays, avec les représentants dAfrique du Sud un document cadre de partenariat - DCP - sur la période 2011-2013 dun montant dun milliard deuros concernant les infrastructures, le développement urbain, la formation professionnelle et le développement durable.
Enfin, comme le souhaite le Parlement, nous accentuons le rééquilibrage au profit dune plus grande visibilité de la dimension bilatérale. Je confirme ce que jai dit devant la Commission des Affaires étrangères, lorsquelle a bien voulu me recevoir : en 2010, la part du bilatéral était à 55 %. Nous entendons la porter à 65 % dici à 2013. Cela passe par une hausse des subventions, une augmentation des bonifications et une nouvelle clé de répartition au niveau européen.
Monsieur Hunault, vous avez absolument raison : nous devons tout faire pour lutter contre la corruption, qui est un véritable cancer qui ronge de nombreux pays. Cette semaine, se tient à Paris la Conférence de lInitiative pour la Transparence dans les Industries extractives, que jirai moi-même clôturer demain. Cet exemple montre que nous sommes actifs.
Jarrive à ma conclusion, Mesdames, Messieurs les Députés, en mexcusant davoir abusé de votre patience, voire de votre impatience.
Des bouleversements politiques, économiques et démographiques sopèrent sous nos yeux. Oui, lAfrique est bien le continent du XIXème siècle, celui qui construit son destin à sa mesure et à celle du monde, celui où va se jouer pour une part lavenir de notre pays et celui de lEurope. Selon que nous saurons accompagner ces mutations, elles peuvent être facteurs de risques ou dimmenses opportunités. Je suis sûr que, sur tous les bancs, nous voulons en faire un facteur dopportunités. Nous avons pris, tous ensemble, le parti découter les aspirations de la jeunesse. Nous adoptons une approche pragmatique, fondée sur le respect mutuel. Nous voulons rester modestes, humbles - ce qui ne veut pas dire dénués dambitions - face aux défis qui soffrent à nous. Nous cherchons à nous doter doutils flexibles. Nous rejetons les idées préconçues qui sont souvent paralysantes. Notre approche tient compte de la souveraineté des États, des réalités du terrain, des besoins exprimés par les peuples et des droits de lHomme. Cette politique dinfluence, nous la menons au quotidien grâce à une diplomatie de grande qualité.
Je veux rendre hommage à nos diplomates qui se consacrent, jour après jour, avec passion et dévouement, à leur très noble mission. Il faut faire très attention avant de jeter le discrédit sur les diplomates parce quils participent, pour une large part, à la réflexion et à laction de la France pour aujourdhui et pour demain. Il faut donc les encourager.
Adaptons-nous, soyons mobiles, soyons réactifs par rapport aux événements et aux évolutions qui se font jour, sans jamais perdre de vue, Monsieur Lecoq, les valeurs humanistes que nous avons en partage, que nous défendons tous et auxquelles nous tenons tant : le droit et la liberté, lappropriation africaine, le respect de chacun dans sa diversité, la solidarité fraternelle avec les peuples, la dignité des êtres humains. Voilà un vrai programme. Voilà un vrai projet politique. Les seuls éléments sur lesquels nous pouvons diverger, ce sont finalement les moyens pour tendre vers cet idéal. Ainsi, nous servirons la France. Ainsi, nous serons à la hauteur des enjeux pour lAfrique. Faisons en sorte que les deux se conjuguent harmonieusement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2011
Tout dabord, je vous remercie de partager cette passion pour lAfrique qui habite notre pays depuis longtemps et qui lhabitera longtemps encore.
Je comprends parfaitement le souhait du président Jean-Marc Ayrault que fût présent le ministre des Affaires étrangères et européennes. À lheure où nous sommes réunis, M. Juppé reçoit son homologue de lAfrique du Sud. En outre, le président de la République dAfrique du Sud et le président de la République française ont rendez-vous à dix-sept heures. Ce qui mavait amené à indiquer à lAssemblée nationale que, si elle le souhaitait, le débat pouvait être organisé différemment afin de permettre au ministre des Affaires étrangères dy participer. LAssemblée na pas souhaité modifier - ce qui me paraît tout à fait légitime - lorganisation de ses travaux. M. Juppé nayant pas, cependant, le don dubiquité, vous devrez vous contenter du ministre chargé de la Coopération, ce dont je mexcuse auprès de vous.
Comme pour vous, lAfrique représente pour le gouvernement un continent absolument essentiel. Il sagit dun continent davenir, vous êtes très nombreux à lavoir souligné. Cest un thème majeur de la diplomatie française. Toutefois, il est évident que la nature des enjeux a profondément évoluée.
Notre échange devait, je pense, se concentrer plus particulièrement sur lAfrique subsaharienne, mais lactualité nous conduit à appréhender le continent africain dans son ensemble, comme y ont insisté M. le Président Ayrault et M. Lecoq.
Cest pourquoi je souhaite demblée évoquer les bouleversements en cours sur la rive sud de la Méditerranée, qui portent en germe un espoir démocratique fort, que le gouvernement français souhaite voir aboutir rapidement et dans les meilleures conditions possibles pour le bonheur des peuples, qui le méritent.
Nous sommes face à un mouvement historique, sans doute relativement différent - nonobstant les points communs - selon les pays. Il nous appartient de laccompagner afin de conjurer toute régression.
Les changements intervenus en Tunisie et en Égypte, ceux qui sont en train davoir lieu en Libye et dans bien dautres pays, les revendications qui sexpriment dans toute la région, nécessitent dadapter nos interventions, notre coopération et nos partenariats.
Face à cette évolution historique, il convient - je tiens à le dire en réponse à certaines interventions -, de rester modeste. Faire des commentaires sur lhistoire en marche, cest plus facile après quavant !
En la matière, je peux vous assurer que le gouvernement français fait preuve dune grande humilité.
Dans ces pays où les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont majoritaires, la désespérance est tout autant nourrie du manque de débouchés professionnels des jeunes diplômés que des retards de développement proprement dits et des problèmes de gouvernance. Ces sociétés aspirent - et cest heureux - à plus de liberté, à une plus grande ouverture et au plein bénéfice des apports de la mondialisation.
Monsieur Hunault, 80 % des demandes des étudiants maghrébins sont satisfaites et donnent lieu à un visa de longue durée pour étudier en France. Nous ne souhaitons pas du tout que la France «pompe» les jeunes étudiants au détriment des pays concernés, nous sommes tout à fait favorables à ce quils retournent dans leurs pays ou dans dautres pour y exercer leurs talents, comme je lai constaté en visitant un remarquable institut de formation dans le domaine de leau et de lenvironnement au Burkina Faso.
Sagissant de la Tunisie et de lÉgypte, la transition est aujourdhui engagée. Cette transition est, par définition, difficile et risquée. Nous voyons bien ce qui se passe chaque jour en Tunisie. Il y a toujours des risques de violence - qui peuvent dailleurs être alimentés par des nostalgiques de lancien régime ou des provocateurs -, des risques économiques de désorganisation de lappareil productif et de chutes de recettes, notamment en Tunisie, et des risques politiques, en raison de limpatience des peuples, qui attendent depuis longtemps et qui craignent quon leur «capte» leur révolution.
La position de la France consiste à être aux côtés de nos amis, mais nous navons pas à leur dire ce quils doivent faire. Soyons à leur écoute, voyons avec eux quelles sont leurs priorités, pour que nous puissions mobiliser nos énergies, nos compétences, nos moyens, mais aussi ceux de lUnion européenne, de façon que la transition se déroule le mieux possible, avec en vue lorganisation de lavenir des peuples concernés.
Cest dailleurs la nouvelle vision de la politique africaine de la France. Je regrette que certains orateurs de lopposition aient une conception ancienne de la façon dont nous agissons. Jy reviendrai.
Christine Lagarde et Laurent Wauquiez se sont rendus à Tunis, et le ministre dÉtat a indiqué cet après-midi quil serait en Égypte samedi et dimanche. La France est présente sur le terrain dans les pays concernés, sans simposer, sans avoir la prétention de donner des leçons, mais simplement pour faire part de sa disponibilité, de son sens de lécoute et de lappui quelle apporte à ces pays.
Voilà ce que je souhaitais dire sur ces événements.
Mesdames et Messieurs les Députés, la France comme lUnion européenne nentendent pas rester sans agir. Notre coopération globale sefforce de soutenir la croissance et lemploi, daccompagner les mutations sociales, de renforcer la cohésion.
Les engagements de lAFD ont presque doublé sur trois ans dans ce secteur géographique. Ces engagements sont passés de 775 millions deuros de prêts en 2007 à 1,3 milliard deuros de prêts fin 2010.
Une facilité dinvestissement, par lintermédiaire de la FISEM, dotée de 250 millions deuros, a été créée par lAFD en 2009 pour appuyer les petites et moyennes entreprises.
La Caisse des dépôts a pris linitiative, avec dautres partenaires, de constituer un fonds de financement des projets dinfrastructures, doté de 385 millions deuros. Une part essentielle de ces crédits est consacrée à la fourniture en eau et électricité des populations tunisiennes et marocaines qui nen auraient pas encore aujourdhui.
LUnion européenne consent des prêts aux pays de la Méditerranée dans une proportion similaire - 1,3 milliard deuros par an - et accorde 1 milliard de dons au titre de sa politique de voisinage.
M. Ayrault ma interrogé sur la Libye. M. Juppé y est revenu pendant la séance des questions au gouvernement et jindique après lui que, face à la poursuite de la répression brutale et sanglante, nous ne restons pas inactifs. Je rappellerai la décision du Conseil de sécurité du 22 février ainsi que la réunion du Conseil des droits de lHomme du 25 février, et jappelle également votre attention sur le fait que lUnion européenne a pris ses responsabilités en adoptant un texte ouvrant la voie à des sanctions, telles que des gels de fonds. La fourniture déquipements de maintien de lordre est en cours de négociation. Nous souhaitons que tous ces dispositifs soient rapidement adoptés et appliqués.
Si ces mesures se révèlent insuffisantes pour obliger M. Kadhafi à cesser la répression et à partir, il faudra que la communauté internationale aille plus loin pour marquer sa détermination. Mais vous savez quelle est la position de la France quant à la perspective, évoquée par certains, dun recours à une opération militaire : il faut naturellement être extrêmement prudent. Là aussi, M. Juppé a apporté les réponses appropriées lors de la séance des questions au gouvernement de cet après-midi.
Laction de coopération que nous conduisons depuis des années avec nos partenaires européens vise à faire de la Méditerranée un espace économique attractif et à renforcer lintégration régionale, le développement social et le dialogue culturel au bénéfice des peuples. Telle est lambition de lUnion pour la Méditerranée. Un certain nombre dentre vous ont évoqué celle-ci. Le ministre dÉtat la déclaré au début de cet après-midi : il nous revient, à la lumière des évolutions qui se produisent sous nos yeux, de repenser le fonctionnement de lUnion pour la Méditerranée. Mais je crois que cétait une idée visionnaire et quil faut la reprendre ; il sagit simplement de ladapter aux circonstances pour donner les meilleures chances à ce secteur géographique de connaître, dans des conditions démocratiques satisfaisantes, des perspectives davenir réjouissantes pour tous ces peuples.
Jen viens à lAfrique sub-saharienne. Oui, Monsieur Yves Censi, je suis bien daccord avec vous : lEurope et lAfrique ont une communauté de destin. Nous navons pas attendu 2011 pour nous en apercevoir car cest pour la France une zone stratégique pour quatre raisons que je veux développer ici - le président de la Commission des Affaires étrangères y a dailleurs lui-même fait référence.
La relation entre la France et lAfrique est empreinte dune grande proximité culturelle. Elle est ancienne, chacun le sait, mais la force de ces liens est très actuelle : elle sinscrit dans lidentité nationale - je rappelle que 10 % de la population française peut revendiquer des origines africaines, et cest très bien ainsi - et dans lidentité africaine à travers le rayonnement de la langue française, que vous avez vous-même évoqué, Monsieur Censi. Lavenir de la francophonie se joue prioritairement en Afrique. Aussi, je suis désolé que, dans certaines conférences internationales, les représentants de la France ne sexpriment pas dans la langue de Molière. Je peux vous assurer que je ferai remonter le taux dintervention en français car il faut donner lexemple. Pour ce qui concerne le gouvernement, toutes les discussions avec nos homologues se déroulent en français.
À léchéance de quelques décennies, le nombre de locuteurs francophones devrait doubler. Dores et déjà, le premier espace francophone est, avant même la France, la République démocratique du Congo. Je sais bien les soupçons qui naissent dans les esprits dès quil sagit des intentions de la France quant à lAfrique sub-saharienne, mais les rapports inégaux appartiennent à un passé révolu. Le changement de politique en la matière est réel, on peut le constater et le mesurer tous les jours. Je le rappelle en particulier à vous, Monsieur Cochet, car je ne me reconnais ni dans vos propos ni dans la définition que vous avez donnée de la politique française en matière de coopération, en particulier depuis 2007 et a fortiori en 2011. Je tiens à vous dire que cet ancien modèle, sur lequel vous avez insisté au début de votre intervention, ne correspond plus à la réalité, ni à lévolution de la société, ni à lorganisation même des rapports qui doivent exister entre les États. Cest pourquoi la France et lAfrique peuvent redéfinir leurs relations afin de contribuer, dans un monde qui bouge tous les jours, dans ce que lon appelle la globalisation, à lémergence dun monde plus équilibré.
Jai entendu prononcer le mot : «ingérence». Lheure est non pas à lingérence, mais à lécoute, à léchange, au partage, sans que nous ne soyons jamais indifférents aux grandes mutations que connaît le continent. Cest cette approche du président de la République qui permet un nouvel élan, un nouvel avenir pour la relation franco-africaine. Oui, nous le savons, lAfrique est notre amie, mais cest aussi notre voisine, à quatorze kilomètres de nos côtes. LEurope a donc besoin dune Afrique forte. À cet égard, je suis bien daccord avec ce qua dit M. Bacquet et beaucoup dautres parmi vous.
LAfrique, M. Remiller la rappelé, a dépassé un milliard dhabitants. Et ce chiffre pourrait doubler dici à 2050. Mais depuis cinq ans, cela a aussi été relevé, elle connaît un taux de croissance économique en moyenne de 5 % à 6 %. Cest tout de même un signe qui est plutôt positif que négatif. Nen faisons évidemment pas un évènement miraculeux, mais soyons tout de même lucides sur ce point.
Voisine, disais-je, lAfrique alimente quelques-uns des principaux défis pour notre sécurité, que ce soit le terrorisme dans le Sahel, le trafic de drogue, qui est en expansion, ou encore les flux migratoires. Notre ligne stratégique, politique et diplomatique a été clairement affichée, et à plusieurs reprises par les pouvoirs publics, singulièrement par le Premier ministre et par le président de la République. Elle est, je vous laffirme, Mesdames, Messieurs les Députés, adaptée aux nouveaux enjeux du continent. Je nen veux pour preuve que le discours du Cap, en février 2008, dans lequel le président de la République a fixé les orientations de notre politique africaine ; nous avons refondé notre relation vers un partenariat dégal à égal, respectueux et décomplexé. Monsieur Lecoq, je tiens à vous assurer que je partage sur ce point ce que vous avez dit.
Nous ne nous désengageons pas de ce continent. Nous voulons accompagner lAfrique en croissance, créatrice dentreprises et génératrice demplois. Cest très important. Mais il en va de même que lAfrique soit francophone, anglophone, lusophone ou arabophone. Linitiative du Cap vise à mobiliser 10 milliards deuros sur cinq ans en faveur du secteur privé en Afrique grâce à la mise en place de fonds dinvestissement et de fonds de garantie pour les PME et grâce au triplement du capital de PROPARCO. Cette politique permet déjà au Burkina Faso dêtre aujourdhui le premier exportateur de coton en Afrique de lOuest et à la Mauritanie de financer 14 % de son produit intérieur brut par la production minière. Voilà des exemples quil faut tout de même rappeler. Le président Ayrault suggérait de mettre en place un moratoire sur les subventions agricoles. Je note pour commencer que cette proposition nest pas facile à concrétiser parce quelle doit sinscrire dans un contexte multilatéral et global, que ce soit au niveau de lUnion européenne ou de lOrganisation mondiale du commerce.
Ensuite, je pose la question à lAssemblée nationale : serait-ce bien le moment ? Je rappelle que le prix des matières premières agricoles flambe, et je me demande donc si cest bien le moment de réduire en Europe les incitations à la production. Et puis, nous serons tous daccord là-dessus, en raison même de lévolution prévisible de la démographie en Afrique, il faudra que la production agricole, pour pouvoir nourrir le milliard dhabitants supplémentaires, augmente de 70 %.
En outre, nous révisons et rendons publics nos accords de partenariat de défense en vue dacter notre changement dapproche : les soldats français ne doivent plus être entraînés dans des conflits internes. Nous avons élargi notre action vers les pays pré-émergents sans jamais renier nos amitiés traditionnelles. En ce moment même, la visite dÉtat à Paris du président de lAfrique du Sud, M. Zuma, concrétise la relation privilégiée que nous entretenons avec ce grand partenaire, dans le cadre de la redéfinition de notre politique étrangère en Afrique sub-saharienne.
Monsieur Remiller, vous avez évoqué la question du défi énergétique pour ce pays. Ce sujet va être abordé avec les Sud-Africains dans la perspective de loffre nucléaire française. Vous en êtes peut-être inquiet, Monsieur Cochet, mais nous, nous en sommes plutôt satisfaits. Le groupe G20 Développement, coprésidé par la France, constitue à cet égard une opportunité exceptionnelle pour échanger nos connaissances et défendre avec ce pays des sujets tels que lénergie, les infrastructures ou la sécurité alimentaire. Nous sommes déterminés à faire de la Présidence française du G8 et du G20 loccasion dun plaidoyer fort en faveur dune plus grande association de lAfrique dans la gestion des enjeux mondiaux. Cela implique une réflexion sur la place de ce continent dans la gouvernance mondiale. À ce sujet, vous savez, Mesdames, Messieurs les Députés, que la France soutient avec beaucoup dardeur la présence de lAfrique parmi les membres du Conseil permanent de sécurité. Le président de la République la redit au sommet de lUnion africaine, à Addis-Abeba. De plus, je rappelle quavec notre soutien, lAfrique a obtenu en 2008 une chaise au conseil dadministration de la Banque mondiale, quun plan daction en faveur du développement est porté par tous les membres du G20 et quune réflexion est menée sur les besoins de financement du développement, sur les Objectifs du Millénaire du développement et la protection des biens publics mondiaux, évalués aujourdhui à 300 milliards deuros. Lampleur et lurgence de ces besoins militent pour la recherche de moyens nouveaux alloués à laide publique au développement. Mais ces moyens nouveaux ne doivent pas se substituer à ceux qui existent ; ils doivent être stables, prévisibles et additionnels. Pour quils puissent produire leurs effets, il faut quils soient assis sur une assiette mondiale et, aussi bizarre que cela puisse paraître à certains - mais cela ne me paraît pas bizarre -, le gouvernement est daccord avec M. Asensi : il est tout à fait normal que ceux qui profitent le plus de la mondialisation contribuent à réunir les financements nouveaux qui nous sont nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux du continent africain.
Troisièmement, les actes que nous avons posés sont en cohérence avec notre ligne politique, comme le prouvent les positions que nous avons adoptées sur les dossiers de premier plan : pas dingérence, mais pas dindifférence. Nous favorisons lapproche interrégionale, continentale ou internationale dans la gestion des transitions et des crises, pour la promotion de la démocratie et de lÉtat de droit. LUnion africaine et les communautés économiques régionales - la CDAO, la SADC, la CEEAC - sont de plus en plus prégnantes et prennent la main dans la résolution des crises. Ainsi, la CDAO a joué un rôle déterminant au Liberia et en Sierra Leone. De même, en Somalie, lUnion africaine et la force de maintien de la paix agissent. Il faut se féliciter de lappropriation par le continent africain de son destin. La France soutient tout à fait cet engagement de plus en plus fort. Lenjeu, nous le connaissons et nous le partageons : cest lenracinement de la démocratie en Afrique. À cet égard, nous constatons des évolutions plus ou moins positives selon les pays. Quoi quil en soit, nous uvrons tous pour que progresse la démocratie, cest-à-dire lÉtat de droit qui sappuie sur un environnement sécuritaire stable et des perspectives dévolution économique et sociale positives pour les populations.
Comme le monde arabe, lAfrique subsaharienne vit aussi une période historique et porteuse despérance. Parmi les pays qui connaissent actuellement une période de transition sur le plan politique, citons Madagascar où la SADC est en première ligne afin de parvenir à une sortie de crise «malgacho-malgache», cest-à-dire réalisée par et pour les Malgaches. Nous soutenons cette approche pragmatique, réaliste et la feuille de route qui a été présentée à toutes les mouvances politiques par lancien président du Mozambique, M. Chissano. Nous espérons quelle pourra être signée rapidement par le plus grand nombre possible de formations politiques.
Citons aussi le Niger où le premier tour des élections présidentielles sest tenu dans le calme.
Citons encore la Guinée Conakry qui, après plus de cinquante ans de coups dÉtat successifs, sest dotée dun président démocratiquement élu, en grande partie grâce aux efforts déployés par la CEDEAO et lOIF. Si la France doit se montrer ferme à légard de ceux qui font obstacle à lexpression du peuple, elle doit aussi être présente quand il sagit de donner une prime à la démocratie, tout en portant un il attentif sur le parachèvement du processus électoral.
Notons quau Soudan le référendum sest déroulé dans des conditions satisfaisantes. La période de transition vers la création dun nouveau pays - le cinquante-quatrième sur le continent - se passe bien pour le moment. Soyons prudents, mais aussi heureux et audacieux face à ces évolutions.
Dans les pays en crise, nous entendons poursuivre avec beaucoup de vigueur lexercice de notre politique : défendre lÉtat de droit. Comment ne pas citer la Côte dIvoire, au premier rang de ces pays ? Ce qui se passe en Côte dIvoire est très important, et pas seulement pour les Ivoiriens : treize élections présidentielles vont se tenir au cours de lannée 2011 en Afrique et lévolution de la situation en Côte dIvoire ne sera pas sans répercussions dans tel ou tel pays.
La France appuie toutes les démarches diplomatiques engagées dans ce pays. Je reconnais bien volontiers que, jusquà ce jour, elles nont pas produit les effets escomptés. La dernière en date, décidée lors de lassemblée générale de lUnion africaine, a consisté à missionner cinq chefs dÉtat - notamment Jacob Zuma et Mohamed Ould Abdel Aziz, les présidents respectifs de lAfrique du Sud et de la Mauritanie. Nayant pas abouti dans le délai dun mois qui avait été fixé, le panel des cinq chefs dÉtat sest vu octroyer un mois supplémentaire. Espérons quil puisse parvenir à une solution car, pour nous comme pour la communauté internationale, les résultats du second tour des élections présidentielles en Côte dIvoire ne sauraient être remis en question. On ne peut pas laccepter. Il ne saurait y avoir dambiguïté sur le sujet : M. Ouattara est le seul président élu démocratiquement de la Côte dIvoire.
Les parlementaires nen doutent sûrement pas : il ny a aucun déshonneur à perdre des élections - en démocratie, cela tourne - ; en revanche, il y a déshonneur à ne pas respecter le résultat des élections. Nous sommes là au cur du débat. Face à cette situation denlisement, des sanctions financières ont été prises à légard de certaines personnes, et des mesures économiques sont adoptées en ce moment même. Il est vrai que lon répugne toujours à appliquer de telles mesures économiques parce quelles assèchent la vie économique du pays et que les habitants en sont les premières victimes : les entreprises licencient leur personnel, lapprovisionnement nest plus suffisant, etc. Compte tenu de ce quil a déjà subi depuis dix ans, le peuple ivoirien na pas besoin de cette nouvelle épreuve. Par votre intermédiaire, je voudrais que la France, exécutif et législatif réunis, manifeste sa solidarité à légard de tous les habitants de la Côte dIvoire.
Je tiens à condamner les affrontements et la violence qui sont parfaitement inadmissibles. Dans certains quartiers dAbidjan - celui dAbobo en particulier -, il y a beaucoup de violences, la tension est extrême et la situation peut encore se dégrader à tout instant. Il faut vraiment faire très attention.
Par ailleurs, nous renforçons nos partenariats avec les pays et les organisations afin de lutter contre certaines menaces. Dans la bande sahélo-saharienne, les actions dAQMI ont ciblé plus particulièrement notre pays. La représentation nationale ne peut avoir oublié lassassinat de nos deux jeunes compatriotes au mois de janvier. Si trois de nos otages ont heureusement été libérés à la fin de la semaine dernière, il en reste encore quatre dans cette zone, en plus des deux journalistes enlevés en Afghanistan et dun autre compatriote en Somalie. Ayons une pensée pour ces sept otages et leurs familles.
Cest une vraie menace que nous prenons tous très au sérieux, en sachant que la réponse ne peut être seulement sécuritaire. Il doit y avoir un lien entre la politique de développement et la sécurité. Il faut aussi que les États concernés puissent réinstaller leur présence, peut-être dune manière plus marquante, dans le nord de ce secteur géographique. Il faut aussi que lon puisse créer de vrais pôles de développement et relancer lagriculture et lélevage, comme certains dentre vous lont évoqué.
La France est engagée aux côtés de ces pays et de ceux de la sous-région pour combattre le terrorisme et accompagner le développement. Mesdames, Messieurs les Députés, je veux vous rappeler que, depuis 2008, nous avons consacré environ 350 millions deuros au développement de cette seule zone, grâce notamment à lAgence française de développement qui constitue un formidable outil de notre politique.
Je noublie pas le soutien que nous apportons à lUnion africaine en Somalie dans ses actions de lutte contre tous les trafics. Sur ces questions dintérêt commun, nous plaidons pour la mise en place de politiques concertées, qui mobilisent des fonds européens - je sais quil sagit dune préoccupation de lAssemblée nationale. La France joue son rôle dans la mobilisation de lUnion européenne sur les enjeux africains et elle obtient des résultats concrets.
Notre pays a fait de réelles propositions sur des sujets majeurs : il a été à lorigine de lopération EUFOR au Tchad et au nord de la République centrafricaine, du lancement de lopération navale Atalante au large des côtes somaliennes à compter de 2008 et de la création de la mission EUTM qui forme les troupes somaliennes en Ouganda.
Atalante a permis de réduire le nombre dattaques de pirates, même si lon en a dénombré encore quarante au cours des premiers mois de lannée 2010. Ces opérations sont doublées dun appui de lUnion européenne à lÉtat de droit et au développement économique : 215 millions deuros y ont été consacrés depuis 2009.
Cest aussi la Présidence française de lUnion européenne qui a permis au dossier sahélien denregistrer des avancées. À notre initiative, huit ministres européens ont cosigné une lettre demandant à Mme Ashton lélaboration dune stratégie politique de lUnion européenne au Sahel. La France a très largement contribué à lélaboration de la réflexion au niveau de lUnion européenne. Nous espérons que la Haute représentante, Mme Ashton, pourra présenter la stratégie Sahel de lUnion européenne lors du conseil des ministres des affaires étrangères du 21 mars prochain. En tout cas, nous faisons pression pour que cette date puisse être préservée.
Quatrième et dernier point : face à ces nouveaux enjeux, nous avons tenu nos engagements et adapté nos aides. Laide publique au développement reste un outil dinfluence capital. Elle recouvre une dimension majeure de notre politique étrangère. Je précise à M. Asensi quelle ne baisse pas, quelle a même été préservée et atteint actuellement dix milliards deuros. Nous avons tenu nos promesses en sanctuarisant notre aide publique au développement qui représente 0,5 % du revenu national brut, contre 0,3 % en moyenne dans lOCDE
Q - Cest faux ! Il faut enlever Wallis-et-Futuna et laide aux réfugiés !
R - Mais non, Monsieur Bacquet, le taux de 0,5 % de la France se compare au taux de 0,3 % de lOCDE. Nous sommes donc largement au-dessus de la moyenne et si vous voulez bien me laisser terminer
Q - Ce ne sont pas les mêmes critères !
R - Les mêmes critères sont appliqués par tous, vous ne pouvez pas les combattre ou les retenir selon que cela vous arrange ou non. Nous nous sommes engagés à atteindre un taux de 0,7 % et nous ny sommes pas encore, nous le savons très bien.
Nous sommes passés dune politique daide à une politique globale fondée sur le respect mutuel. LAfrique - qui reçoit 60 % de notre aide - demeure notre priorité. Cet engagement est durable ; nous entendons le maintenir et si possible laccentuer. La France se distingue des autres grands donateurs qui consacrent en moyenne un tiers de leur aide à lAfrique. Précisons que nous allouons plus de la moitié de nos subventions à quatorze pays pauvres prioritaires.
Sagissant des aspects sectoriels, nous maintenons le cap afin de favoriser latteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement et de réduire la pauvreté. Dans le secteur de la santé, nous allons contribuer à hauteur de 500 millions deuros additionnels à lamélioration de la santé maternelle et infantile.
Par ailleurs, la France est le deuxième bailleur du Fonds mondial de lutte contre le sida, avec un versement annuel de 300 millions deuros qui va être porté à 360 millions deuros. Si des malversations ont été découvertes dans la gestion de ce fonds, je relève quelles ont été détectées par ses propres organismes de contrôle, puis rendues publiques, ce qui témoigne de progrès en matière de transparence.
Aujourdhui, 7 millions ont déjà été récupérés, et le Fonds est en train de se doter de procédures de contrôle financier encore beaucoup plus rigoureuses.
La France est le premier bailleur dans le secteur de léducation et accueille chaque année environ 100.000 étudiants africains. Sur le terrain, lAgence Française de Développement consacre plus du tiers de ses dons à léducation de base et à la formation professionnelle.
Dans le secteur agricole et de la sécurité alimentaire, nous allons consacrer, entre 2008 et 2012, un milliard deuros en direction de lAfrique subsaharienne.
Nous soutenons également lAfrique en croissance. Jai mentionné linitiative du Cap. Je signerai demain, au nom de notre pays, avec les représentants dAfrique du Sud un document cadre de partenariat - DCP - sur la période 2011-2013 dun montant dun milliard deuros concernant les infrastructures, le développement urbain, la formation professionnelle et le développement durable.
Enfin, comme le souhaite le Parlement, nous accentuons le rééquilibrage au profit dune plus grande visibilité de la dimension bilatérale. Je confirme ce que jai dit devant la Commission des Affaires étrangères, lorsquelle a bien voulu me recevoir : en 2010, la part du bilatéral était à 55 %. Nous entendons la porter à 65 % dici à 2013. Cela passe par une hausse des subventions, une augmentation des bonifications et une nouvelle clé de répartition au niveau européen.
Monsieur Hunault, vous avez absolument raison : nous devons tout faire pour lutter contre la corruption, qui est un véritable cancer qui ronge de nombreux pays. Cette semaine, se tient à Paris la Conférence de lInitiative pour la Transparence dans les Industries extractives, que jirai moi-même clôturer demain. Cet exemple montre que nous sommes actifs.
Jarrive à ma conclusion, Mesdames, Messieurs les Députés, en mexcusant davoir abusé de votre patience, voire de votre impatience.
Des bouleversements politiques, économiques et démographiques sopèrent sous nos yeux. Oui, lAfrique est bien le continent du XIXème siècle, celui qui construit son destin à sa mesure et à celle du monde, celui où va se jouer pour une part lavenir de notre pays et celui de lEurope. Selon que nous saurons accompagner ces mutations, elles peuvent être facteurs de risques ou dimmenses opportunités. Je suis sûr que, sur tous les bancs, nous voulons en faire un facteur dopportunités. Nous avons pris, tous ensemble, le parti découter les aspirations de la jeunesse. Nous adoptons une approche pragmatique, fondée sur le respect mutuel. Nous voulons rester modestes, humbles - ce qui ne veut pas dire dénués dambitions - face aux défis qui soffrent à nous. Nous cherchons à nous doter doutils flexibles. Nous rejetons les idées préconçues qui sont souvent paralysantes. Notre approche tient compte de la souveraineté des États, des réalités du terrain, des besoins exprimés par les peuples et des droits de lHomme. Cette politique dinfluence, nous la menons au quotidien grâce à une diplomatie de grande qualité.
Je veux rendre hommage à nos diplomates qui se consacrent, jour après jour, avec passion et dévouement, à leur très noble mission. Il faut faire très attention avant de jeter le discrédit sur les diplomates parce quils participent, pour une large part, à la réflexion et à laction de la France pour aujourdhui et pour demain. Il faut donc les encourager.
Adaptons-nous, soyons mobiles, soyons réactifs par rapport aux événements et aux évolutions qui se font jour, sans jamais perdre de vue, Monsieur Lecoq, les valeurs humanistes que nous avons en partage, que nous défendons tous et auxquelles nous tenons tant : le droit et la liberté, lappropriation africaine, le respect de chacun dans sa diversité, la solidarité fraternelle avec les peuples, la dignité des êtres humains. Voilà un vrai programme. Voilà un vrai projet politique. Les seuls éléments sur lesquels nous pouvons diverger, ce sont finalement les moyens pour tendre vers cet idéal. Ainsi, nous servirons la France. Ainsi, nous serons à la hauteur des enjeux pour lAfrique. Faisons en sorte que les deux se conjuguent harmonieusement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 mars 2011