Texte intégral
Interview Valérie Pécresse,
ministre de la Recherche et de lEnseignement supérieur
dans France Antilles - Edition Guyane 14 février 2011
- Où en est la renégociation du contrat pluriannuel avec lUAG ?
Notre objectif est le passage à lautonomie de luniversité après la signature du contrat effectuée dès 2010. Nous avons besoin dune université francophone, pluri-territoriale et en réseau entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. LUAG a été pionnière parce que son organisation est celle quaujourdhui, nous sommes en train de prôner comme modèle pour les universités en métropole. LUAG doit devenir un pôle francophone très attractif pour les étudiants dAmérique du Sud et du Nord. Mais pour passer à lautonomie, il reste encore du travail
- LUAG estelle prête au passage à lautonomie ?
Le président Saffache a fait un énorme travail de ce point de vue. Il a mis de lordre dans la gestion des ressources humaines et nous lui donnerons les moyens de vrais indicateurs dactivité, de performance et de résultats, avant de passer à lautonomie. Mais ça nécessite que nous nayons pas un système opaque, quil y ait une vraie transparence. LUAG va dabord entrer en phase daudit. Lautonomie, cest beaucoup plus de libertés et beaucoup plus de responsabilités. Luniversité doit devenir un outil de promotion et de valorisation du territoire. On a besoin de faire de cette université la base avancée de la francophonie, de la culture française, de lintelligence et du génie français dans la zone.
- LEtat aide-t-il suffisamment lUAG à ce passage ?
LUAG a été lune des grandes bénéficiaires de leffort de lEtat en faveur des universités. On a eu une hausse des moyens très forte, + 33 % depuis 2007 (contre + 22 % en moyenne en métropole), soit 3.78 millions supplémentaires. On a aussi réalisé un effort inédit en faveur de limmobilier universitaire, pour son extension et sa rénovation : 67 millions , avec notamment 18 millions en Martinique pour lextension de la bibliothèque et du restaurant universitaires, et 27 millions pour la Guadeloupe. De plus, jai débloqué au début de cette année 300 000 supplémentaires pour sécuriser le site de Fouillole. Je souhaite que les Collectivités locales viennent compléter cet effort.
- Aura-t-elle des moyens supplémentaires avec lautonomie ?
Lannée précédant le passage à lautonomie, luniversité fait lobjet dun accompagnement particulier, avec notamment une enveloppe de 50 000 pour récompenser les efforts des personnels qui se sont investis dans la démarche dautonomie. Lannée du passage, luniversité se voit transférer les moyens que payaient auparavant lEtat, comme la masse salariale par exemple. Elle bénéficie aussi dune augmentation de son enveloppe de primes dau moins 10 % afin de pouvoir mener une politique de ressources humaines dynamique.
- Où en est lappel à projets pour la mise en place de masters internationaux ?
Jai demandé à lUAG de travailler en lien avec les différents recteurs à la mise en place de masters internationaux. Jen ai parlé à mon homologue colombien qui est très demandeur, mais je souhaite aussi en parler aux universités américaines puisque je me rends aux Etats-Unis en avril. Il faut quon puisse en parler à tous les ambassadeurs des pays de la zone, et nous ferons un appel à projets pour mettre au point un certain nombre de diplômes conjoints.
- Selon vous quels liens doivent se tisser entre lUAG et Haïti ?
On la vu au moment du drame dHaïti. La solidarité a joué immédiatement et je me félicite de laccueil fait aux étudiants haïtiens. Nous avons débloqué des fonds du bureau daide durgence pour pouvoir organiser laccueil dans un master conjoint franco-haïtien déconomie-gestion. Mais il y avait déjà des diplômes conjoints entre Haïti et la Martinique. Il faut renforcer ces liens parce quil y a une histoire commune entre nos deux pays qui passe par une solidarité régionale. On a aussi accueilli beaucoup de jeunes Haïtiens en métropôle mais il est évident que les partenariats les plus simples et les plus faciles se feront dans les Caraïbes. Lenjeu derrière, et pour toute lUAG, cest la francophonie.
- Une nouvelle faculté de sciences humaines va être ouverte au camp Jacob à Basse-Terre. Ne va-t-elle pas concurrencer le campus de Schoelcher ?
Notre politique est de considérer que chaque île a sa spécificité, mais cela nempêche pas quon puisse avoir une recherche en lettres, en sciences humaines, en sciences sociales dans chaque territoire. Cest donc normal davoir un campus de sciences humaines en Guadeloupe. Nous recherchons une complémentarité de loffre et certainement pas une concurrence.
- Où en est lenseignement de la médecine ?
Nous avons donné le feu vert pour une 4e année de médecine à la rentrée 2011. Limplantation de la 4e année en Guadeloupe est logique mais en revanche pour les 5e et 6e années, lidée serait de les répartir en fonction des CHU. On est vraiment sur le registre de la complémentarité entre les deux sites. Je vais redéployer deux postes de praticien hospitalier professeur des universités en direction des Antilles, et, dès quon aura fini de mettre en place la 4e année, on fera une évaluation pour savoir quand on met en place un cursus complet. Quel que soit le territoire dimplantation, ce que nous recherchons, cest la formation sur place du personnel de santé. Alors, oui à laugmentation du numerus clausus et cest ce quon a fait depuis 4 ans, oui à la poursuite détudes médicales, oui aussi à louverture de passerelles entre les métiers paramédicaux et les métiers médicaux. Cest ce quon est en train de faire avec Xavier Bertrand. Linfirmière praticienne pourrait évoluer vers des délégations de gestes, de certains actes spécialisés pour répondre mieux aux besoins de soins.
- Le numérus clausus a été relevé et pourtant, des étudiants se plaignent quon les refuse à la faculté de médecine de Bordeaux par exemple
Luniversité est un outil stratégique de continuité territoriale. Dans une UAG qui rayonne, nous devons proposer des cursus dexcellence, de niveau international, qui attirent les étudiants antillais, guyanais mais aussi étrangers. LUAG doit être une base avancée de la France dans les zones Caraïbes et amazonienne.
- Le président de la Région Guadeloupe demandait la création dun IEP sur place. Le professeur de droit, Claude Emery sy opposait car il redoutait que cela ne vide la faculté de droit des meilleurs éléments
Il avait raison ! Il faut faire attention à ne pas vider luniversité quand elle a une filière qui marche bien au profit des écoles. Tout ça, ce sont des équilibres extrêmement complexes. En revanche, je pense quon doit pouvoir réussir à faire certains cursus à valeur ajoutée qui ne passent pas forcément par la création dun IEP. Jai eu cette discussion avec des élus antillais et avec Sciences-Po quand cette école envisageait une antenne aux Antilles
- En matière de classes préparatoires, êtes-vous satisfaites du nombre délèves et de classes ?
Les classes prépa et leur maintien aux Antilles sont un enjeu stratégique. Il faut que les meilleurs élèves puissent poursuivre leurs études sur place. Quant au nombre de classes prépa, leur taux de remplissage et leur taux de réussite, on fera le point. Mais tous les étudiants, de métropole comme doutre-mer, doivent avoir le même droit à laccès aux classes préparatoires.
- Comment expliquez-vous que luniversité française ne puisse accueillir des personnalités comme Edouard Glissant ou Maryse Condé alors que la City university of New York la fait ?
Les grands artistes devraient pouvoir enseigner à luniversité, au-delà même de savoir sil faut avoir un doctorat. Jai pris conscience de ça quand Tony Morrisson est venue à Paris IV. Elle a dit : « En France, je ne pourrais pas enseigner la littérature alors que je suis prof de littérature à Princeton. » Et elle est juste prix Nobel de littérature ! Je pense quil faudrait créer dans des universités autonomes des chaires pour accueillir des grands artistes qui ne sont pas docteurs. Je pense aux écrivains comme aux chefs dorchestre, mais aussi aux grands chefs dentreprises, aux experts socioprofessionnels. On est dans un système concurrentiel où lon doit rayonner de manière puissante en faisant rayonner lensemble de la culture française.
- Le passage à lautonomie permettra-t-il cette évolution ?
Une université autonome peut recruter qui elle veut sur des emplois de titulaires ou sur contrat à durée indéterminée, dans la limite de son plafond demploi. Ce sera très important pour lUAG parce quelle pourra puiser dans le vivier des professeurs étrangers beaucoup plus facilement.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 24 février 2011
ministre de la Recherche et de lEnseignement supérieur
dans France Antilles - Edition Guyane 14 février 2011
- Où en est la renégociation du contrat pluriannuel avec lUAG ?
Notre objectif est le passage à lautonomie de luniversité après la signature du contrat effectuée dès 2010. Nous avons besoin dune université francophone, pluri-territoriale et en réseau entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. LUAG a été pionnière parce que son organisation est celle quaujourdhui, nous sommes en train de prôner comme modèle pour les universités en métropole. LUAG doit devenir un pôle francophone très attractif pour les étudiants dAmérique du Sud et du Nord. Mais pour passer à lautonomie, il reste encore du travail
- LUAG estelle prête au passage à lautonomie ?
Le président Saffache a fait un énorme travail de ce point de vue. Il a mis de lordre dans la gestion des ressources humaines et nous lui donnerons les moyens de vrais indicateurs dactivité, de performance et de résultats, avant de passer à lautonomie. Mais ça nécessite que nous nayons pas un système opaque, quil y ait une vraie transparence. LUAG va dabord entrer en phase daudit. Lautonomie, cest beaucoup plus de libertés et beaucoup plus de responsabilités. Luniversité doit devenir un outil de promotion et de valorisation du territoire. On a besoin de faire de cette université la base avancée de la francophonie, de la culture française, de lintelligence et du génie français dans la zone.
- LEtat aide-t-il suffisamment lUAG à ce passage ?
LUAG a été lune des grandes bénéficiaires de leffort de lEtat en faveur des universités. On a eu une hausse des moyens très forte, + 33 % depuis 2007 (contre + 22 % en moyenne en métropole), soit 3.78 millions supplémentaires. On a aussi réalisé un effort inédit en faveur de limmobilier universitaire, pour son extension et sa rénovation : 67 millions , avec notamment 18 millions en Martinique pour lextension de la bibliothèque et du restaurant universitaires, et 27 millions pour la Guadeloupe. De plus, jai débloqué au début de cette année 300 000 supplémentaires pour sécuriser le site de Fouillole. Je souhaite que les Collectivités locales viennent compléter cet effort.
- Aura-t-elle des moyens supplémentaires avec lautonomie ?
Lannée précédant le passage à lautonomie, luniversité fait lobjet dun accompagnement particulier, avec notamment une enveloppe de 50 000 pour récompenser les efforts des personnels qui se sont investis dans la démarche dautonomie. Lannée du passage, luniversité se voit transférer les moyens que payaient auparavant lEtat, comme la masse salariale par exemple. Elle bénéficie aussi dune augmentation de son enveloppe de primes dau moins 10 % afin de pouvoir mener une politique de ressources humaines dynamique.
- Où en est lappel à projets pour la mise en place de masters internationaux ?
Jai demandé à lUAG de travailler en lien avec les différents recteurs à la mise en place de masters internationaux. Jen ai parlé à mon homologue colombien qui est très demandeur, mais je souhaite aussi en parler aux universités américaines puisque je me rends aux Etats-Unis en avril. Il faut quon puisse en parler à tous les ambassadeurs des pays de la zone, et nous ferons un appel à projets pour mettre au point un certain nombre de diplômes conjoints.
- Selon vous quels liens doivent se tisser entre lUAG et Haïti ?
On la vu au moment du drame dHaïti. La solidarité a joué immédiatement et je me félicite de laccueil fait aux étudiants haïtiens. Nous avons débloqué des fonds du bureau daide durgence pour pouvoir organiser laccueil dans un master conjoint franco-haïtien déconomie-gestion. Mais il y avait déjà des diplômes conjoints entre Haïti et la Martinique. Il faut renforcer ces liens parce quil y a une histoire commune entre nos deux pays qui passe par une solidarité régionale. On a aussi accueilli beaucoup de jeunes Haïtiens en métropôle mais il est évident que les partenariats les plus simples et les plus faciles se feront dans les Caraïbes. Lenjeu derrière, et pour toute lUAG, cest la francophonie.
- Une nouvelle faculté de sciences humaines va être ouverte au camp Jacob à Basse-Terre. Ne va-t-elle pas concurrencer le campus de Schoelcher ?
Notre politique est de considérer que chaque île a sa spécificité, mais cela nempêche pas quon puisse avoir une recherche en lettres, en sciences humaines, en sciences sociales dans chaque territoire. Cest donc normal davoir un campus de sciences humaines en Guadeloupe. Nous recherchons une complémentarité de loffre et certainement pas une concurrence.
- Où en est lenseignement de la médecine ?
Nous avons donné le feu vert pour une 4e année de médecine à la rentrée 2011. Limplantation de la 4e année en Guadeloupe est logique mais en revanche pour les 5e et 6e années, lidée serait de les répartir en fonction des CHU. On est vraiment sur le registre de la complémentarité entre les deux sites. Je vais redéployer deux postes de praticien hospitalier professeur des universités en direction des Antilles, et, dès quon aura fini de mettre en place la 4e année, on fera une évaluation pour savoir quand on met en place un cursus complet. Quel que soit le territoire dimplantation, ce que nous recherchons, cest la formation sur place du personnel de santé. Alors, oui à laugmentation du numerus clausus et cest ce quon a fait depuis 4 ans, oui à la poursuite détudes médicales, oui aussi à louverture de passerelles entre les métiers paramédicaux et les métiers médicaux. Cest ce quon est en train de faire avec Xavier Bertrand. Linfirmière praticienne pourrait évoluer vers des délégations de gestes, de certains actes spécialisés pour répondre mieux aux besoins de soins.
- Le numérus clausus a été relevé et pourtant, des étudiants se plaignent quon les refuse à la faculté de médecine de Bordeaux par exemple
Luniversité est un outil stratégique de continuité territoriale. Dans une UAG qui rayonne, nous devons proposer des cursus dexcellence, de niveau international, qui attirent les étudiants antillais, guyanais mais aussi étrangers. LUAG doit être une base avancée de la France dans les zones Caraïbes et amazonienne.
- Le président de la Région Guadeloupe demandait la création dun IEP sur place. Le professeur de droit, Claude Emery sy opposait car il redoutait que cela ne vide la faculté de droit des meilleurs éléments
Il avait raison ! Il faut faire attention à ne pas vider luniversité quand elle a une filière qui marche bien au profit des écoles. Tout ça, ce sont des équilibres extrêmement complexes. En revanche, je pense quon doit pouvoir réussir à faire certains cursus à valeur ajoutée qui ne passent pas forcément par la création dun IEP. Jai eu cette discussion avec des élus antillais et avec Sciences-Po quand cette école envisageait une antenne aux Antilles
- En matière de classes préparatoires, êtes-vous satisfaites du nombre délèves et de classes ?
Les classes prépa et leur maintien aux Antilles sont un enjeu stratégique. Il faut que les meilleurs élèves puissent poursuivre leurs études sur place. Quant au nombre de classes prépa, leur taux de remplissage et leur taux de réussite, on fera le point. Mais tous les étudiants, de métropole comme doutre-mer, doivent avoir le même droit à laccès aux classes préparatoires.
- Comment expliquez-vous que luniversité française ne puisse accueillir des personnalités comme Edouard Glissant ou Maryse Condé alors que la City university of New York la fait ?
Les grands artistes devraient pouvoir enseigner à luniversité, au-delà même de savoir sil faut avoir un doctorat. Jai pris conscience de ça quand Tony Morrisson est venue à Paris IV. Elle a dit : « En France, je ne pourrais pas enseigner la littérature alors que je suis prof de littérature à Princeton. » Et elle est juste prix Nobel de littérature ! Je pense quil faudrait créer dans des universités autonomes des chaires pour accueillir des grands artistes qui ne sont pas docteurs. Je pense aux écrivains comme aux chefs dorchestre, mais aussi aux grands chefs dentreprises, aux experts socioprofessionnels. On est dans un système concurrentiel où lon doit rayonner de manière puissante en faisant rayonner lensemble de la culture française.
- Le passage à lautonomie permettra-t-il cette évolution ?
Une université autonome peut recruter qui elle veut sur des emplois de titulaires ou sur contrat à durée indéterminée, dans la limite de son plafond demploi. Ce sera très important pour lUAG parce quelle pourra puiser dans le vivier des professeurs étrangers beaucoup plus facilement.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 24 février 2011