Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
En 1912, un tout jeune homme quitte la Guyane pour poursuivre sa scolarité à Toulouse. Il est brillant, si brillant même qu'il finira par étudier et le droit et les lettres avec le même succès.
A 25 ans, il obtient son doctorat en droit, avec les félicitations du jury. A 35 ans, il est élu député, puis devient ministre. La seconde guerre mondiale se profile : tout parlementaire qu'il est, il n'hésite pas un instant et s'engage dans la Marine, puis entre en Résistance.
Cet homme d'exception s'appelle Gaston Monnerville. A la Libération, il deviendra Président du Sénat et pendant près de 21 ans, il restera le 2e personnage de l'Etat. Et s'il n'avait pas quitté volontairement le Petit Luxembourg, c'est lui qui aurait occupé l'Elysée à la démission du Général de Gaulle.
Voilà, Mesdames et Messieurs, un parcours qui force l'admiration et qui, pourtant, reste trop souvent oublié. Aussi, permettez-moi de placer cette cérémonie sous le signe d'un boursier de Guyane et petit-fils d'esclave, devenu l'une des figures titulaires de notre République parce qu'il croyait en son talent et qu'il faisait confiance à l'université pour lui permettre de le déployer.
Et aujourd'hui, en inaugurant ce campus situé en plein coeur de sa ville natale, nous affichons ensemble la même confiance : car c'est bien sur l'université que nous comptons pour offrir à la jeunesse de Guyane les clefs de la réussite, les clefs de son avenir.
C'est pour elle que nous construisons pas à pas ce pôle universitaire guyanais et c'est pour elle que nous soutenons avec détermination l'affirmation d'une université d'Antilles-Guyane pluriterroriale, capable par sa taille et par son rayonnement, d'offrir aux étudiants de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique des filières d'excellence dans tous les domaines.
Je dis bien des « filières d'excellence ». Car c'est bien là tout l'enjeu : miser sur les atouts et les identités de chacun des pôles de cette grande université pour proposer des formations de qualité à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la Licence, du Master et du Doctorat.
Cet objectif, c'est l'évidence, ni la Guyane ni la Guadeloupe ni la Martinique ne pourront les atteindre seules, alors qu'ensemble, elles ont tout pour y parvenir. Vos forces sont complémentaires et je suis heureuse, Monsieur le Président Saffache, que vous construisiez dans le dialogue un projet scientifique et pédagogique pour votre université.
Un projet qui s'appuie sur les atouts de chacun de ces 3 pôles et de ces 3 territoires pour affirmer une ambition commune : celle de faire de l'UAG la première université de l'espace amazonien et caribéen.
L'Etat, vous le savez, est au rendez-vous de cette très belle ambition. Il l'est ici, en Guyane, où il investit plus de 20 millions d'euros pour accueillir sur ce nouveau campus de Troubiran ces jeunes guyanais qui sont chaque année plus nombreux à rejoindre les bancs de l'université. Et il l'est aussi pour l'UAG tout entière, avec un budget en hausse de 33 % depuis 2007. Cet investissement sans précédent le démontre, nous sommes bien décidés, je suis bien décidée à accompagner et à soutenir votre université pour lui permettre de prendre son essor.
Cela passe par des moyens supplémentaires, bien sûr et ils sont là. Mais cela suppose aussi d'être à vos côtés dans la préparation du passage à l'autonomie de l'UAG. Vous avez d'ores et déjà engagé un effort remarquable pour consolider votre université. Les résultats sont visibles, même si sur certains points, elle reste encore fragile. Je voulais vous le redire aujourd'hui : nous vous épaulerons pour vous permettre d'accéder dans de bonnes conditions aux nouvelles libertés et aux nouvelles responsabilités qui seront bientôt les vôtres.
C'est mon devoir et ma responsabilité. Je crois au rayonnement de l'UAG. Je sais qu'elle est appelée à un grand avenir, en devenant l'étendard de la science et de la culture francophone dans l'un des espaces les plus dynamiques et les plus prometteurs du monde. Ce fleuron qui est en train de naître, je suis déterminée à le voir s'épanouir dans les meilleures conditions.
Je le suis d'autant plus qu'avec l'UAG, Mesdames et Messieurs, vous êtes en train d'inventer un nouveau modèle. Ici en Guyane, comme en Guadeloupe et en Martinique, vous êtes des précurseurs : cette université confédérale que vous êtes en train de construire, c'est en effet l'exemple même des universités en réseaux que j'espère voir fleurir en métropole.
Car dans le droit fil de l'autonomie, les universités multiplient partout les coopérations et les partenariats d'un nouveau genre pour mettre en commun leurs forces et les démultiplier en misant sur leurs complémentarités naturelles. Vous êtes l'avant-garde de ce mouvement. C'est pourquoi il est essentiel que vous preniez ensemble le temps de définir les modalités d'organisation d'une UAG qui sera résolument multipolaire.
Je sais, Monsieur le Président Alexandre, que vous avez souhaité nourrir cette réflexion, en confiant au Professeur Emile Blamont une mission d'analyse des atouts et des fragilités du pôle guyanais. J'en suis très heureuse, car il n'y a pas d'ambition possible pour l'UAG et ses différents pôles sans une vision claire et lucide de la situation actuelle, des progrès accomplis et des défis que nous devrons surmonter. De tous ces points, nous devons débattre librement, en y associant la communauté la plus large possible, pour parvenir à un projet solide et partagé. La région y tiendra bien évidemment toute sa place.
Pour une raison très simple, c'est que cet engagement est le signe d'une volonté : celle de faire du pôle universitaire guyanais l'un des moteurs du développement moteur de votre région. Et vous avez raison : car votre territoire a toutes les cartes en main pour rayonner plus encore.
Et le premier de ces atouts, c'est la jeunesse guyanaise, une jeunesse qui doit trouver au sein de l'UAG les voies de son épanouissement. Je le dis très clairement : le temps où un Gaston Monnerville n'avait pas d'autre choix que rejoindre un lycée de métropole est bel et bien révolu. Je veux que chaque jeune Guyanais ait le choix et qu'il puisse, s'il le souhaite, poursuivre sa scolarité jusqu'à son terme dans l'espace amazonien et caribéen.
C'est tout l'esprit de la réforme des universités, qui donne les moyens à nos établissements de définir de vraies priorités de recherche et de formation en lien étroit avec leurs territoires, pour garantir une insertion rapide aux étudiants, répondre aux besoins du tissu économique et booster la création d'emplois.
Cette stratégie est cruciale : cruciale pour l'UAG, cruciale pour le pôle guyanais, mais cruciale aussi pour la Guyane, qui, parce qu'elle est en plein essor, a des besoins très spécifiques.
A mes yeux, la première mission du pôle guyanais, c'est de former les cadres qui seront demain les acteurs et même les leaders de votre essor : des cadres pour le secteur privé, bien sûr, et c'est pour cela que le développement des filières supérieures technologiques et des licences professionnelles en lien avec le centre spatial guyanais, bien sûr, mais aussi avec l'ensemble des entreprises est une véritable priorité stratégique.
Mais je pense aussi aux cadres intellectuels et scientifiques qui feront la Guyane de demain : à cette terre de jeunesse, il faut toujours plus de professeurs, des professeurs qui auront été formés ici, à Cayenne, au contact de la recherche en train de se faire.
Sans ces professeurs, vous ne pourrez pas faire émerger ces cadres. Et sans enseignants-chercheurs et chercheurs, il n'y aura pas de professeurs. Tout l'enjeu, aujourd'hui, c'est bien d'entrer dans ce cercle vertueux qui fait rimer transmission et qualification. Et la meilleure manière d'y parvenir, c'est d'affirmer une vraie politique de gestion de ressources humaines et de tirer pleinement parti du potentiel scientifique d'un territoire à nul autre pareil.
Les domaines dans lesquels la recherche guyanaise excelle ne doivent en effet rien au hasard. Ils sont le miroir de l'identité de cette région exceptionnelle : songez à ce dialogue des civilisations, qui loin d'être une idée purement abstraite, est ici devenu une réalité vivante et féconde.
Dans quel autre territoire peut-on tout à la fois rencontrer tant de cultures différentes tout en gardant de s'isoler pour étudier, loin de toute activité humaine, la forêt tropicale à l'état pur, comme le font les étudiants, les enseignants-chercheurs et les chercheurs de la station CNRS des Nouragues ?
Oui, songez un instant à la richesse de la faune et de la flore de Guyane, qui en font un observatoire privilégié de la biodiversité terrestre tout autant que maritime. Comment dans ces conditions, s'étonner du rôle direct que vous jouez dans ce beau projet scientifique international qu'est l'ERA-Net Net-Biome, qui coordonne les forces scientifiques européennes dans ce domaine ?
Et songez enfin que c'est ce climat tropical qui vous a amené à construire des équipes de recherche particulièrement performantes autour de l'UAG et de vos CHU, notamment en épidémiologie, témoignant ainsi de votre volonté de relever les défis que fait aussi naître cet environnement d'exception.
Non, ce n'est pas un hasard si les organismes de recherche, que ce soit le CNRS, l'IFREMER ou d'IRD pour ne citer qu'eux, sont aussi nombreux à lancer des projets en Guyane, dans cette seule terre de France à nous ouvrir grandes les portes de l'Amazonie ou des étoiles. C'est pourquoi, ici encore plus qu'ailleurs, je souhaite que les organismes de recherche et les pôles universitaires se rencontrent et que l'université devienne le lieu où les étudiants se forment au contact des meilleurs scientifiques.
Ces atouts scientifiques hors norme, ils doivent à l'évidence nourrir la stratégie du pôle guyanais. Ils sont la clef de son rayonnement régional : j'en veux pour preuve l'accord que j'aurais le privilège de signer dans quelques minutes sur le campus de Montabo.
Autour de la biodiversité amazonienne, ce sont en effet les forces de l'UAG, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'université fédérale de l'Etat de l'Amapa. Quelle autre université française pourrait se targuer d'avoir établi des liens aussi profonds avec le Brésil, ce géant dont l'éveil fascine partout dans le monde ?
Et pour les étudiants de l'UAG, ces partenariats qui se multiplient se traduiront demain par l'ouverture de masters internationaux qui, je peux vous le garantir, attireront bientôt des étudiants français et étrangers venus de toute la région pour y suivre des formations d'excellence uniques en leur genre. Et c'est pour cette raison qu'à mes yeux, le pôle universitaire guyanais a tout pour devenir la base avancée du génie français dans les Amériques.
Une époque s'achève, une autre commence. Longtemps, la métropole avait du mal à concevoir que la Guyane puisse regarder ailleurs que vers elle. Il en va tout autrement aujourd'hui : à présent, c'est la métropole qui se tourne vers la Guyane, vers la Martinique et vers la Guadeloupe et, avec elles, vers l'espace amazonien et caribéen.
C'est tout le sens de cette année des outre-mer, que le Président de la République a placé sous le double signe du rayonnement international de la France et de l'essor de ses territoires ultramarins.
Ce basculement historique, nous sommes en train de le vivre et l'UAG y est appelée à tenir un rôle décisif : parce qu'elle est l'un des moteurs de ce « développement endogène » qu'évoquait le Chef de l'Etat en invitant les outre-mer à jouer sans complexe de tous leurs atouts ; et parce qu'avec une université pluriterritoriale forte, vous ferez rayonner l'intelligence française dans un des espaces les plus dynamiques du monde.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, vous avez raison d'être ambitieux pour l'UAG, ambitieux pour la Guyane, ambitieux pour la France.
Vous pouvez comptez sur mon engagement et mon soutien à vos côtés, comme je compte sur votre énergie, sur votre enthousiasme et sur votre créativité pour qu'ensemble, nous soyons au rendez-vous de cette très belle ambition.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 24 février 2011