Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'autonomie universitaire, le développement et le rayonnement des territoires d'outre mer, Pointe à Pitre le 17 février 2011.

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Circonstance : Inauguration d'un bâtiment d'enseignement supérieur à Pointe à Pitre le 17 février 2011

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose, je veux vous dire combien je ressens de joie et d'enthousiasme au moment de m'adresser à vous. Car c'est la première fois que je viens sur le campus de Fouillole, ici à Pointe-à-Pitre, à la rencontre de communauté universitaire antillaise. Et c'est pour moi une très grande fierté de découvrir aux côtés de son président que je remercie pour son accueil si chaleureux, cette belle, cette très belle Université des Antilles et de la Guyane.
Je veux vous dire aussi que l'occasion qui m'est donnée par l'inauguration de ce très beau bâtiment revêt pour moi une portée singulière. Car c'est ici, sur ce campus, que l'on ressent le mieux combien la Guadeloupe regorge de talents, d'opportunités, d'atouts inestimables pour l'avenir.
En venant à Fouillole tout à l'heure, je me faisais la réflexion en effet que le message que je porte dans toutes les régions et dans toutes les universités de France, résonnerait ici avec une force particulière.
Je dis souvent que l'enseignement supérieur et la recherche ne sont pas seulement une priorité pour la nation, qu'ils sont aussi, et peut être même surtout, le ferment du développement et du rayonnement de chacun de nos territoires.
Cette conviction est d'ailleurs le fil rouge de toutes les réformes que j'ai engagées depuis bientôt quatre ans, en commençant bien entendu par la première d'entre elles : l'autonomie des universités.
Qu'est-ce-que l'autonomie des universités en effet, si ce n'est la confiance faite aux acteurs locaux pour tirer parti des atouts de leur territoire ? Et c'est bien ainsi que l'ont entendu la grande majorité des universités de France qui sont passées aujourd'hui aux responsabilités élargies, et qui définissent grâce à elles des projets pédagogiques et scientifiques adaptées aux réalités et aux besoins de leur environnement.
Eh bien, ma conviction profonde, mesdames et messieurs, c'est que la réforme des universités offre à l'UAG au travers de ses pôles, Guadeloupéen, Martiniquais et Guyanais, le cadre dont elle a besoin pour construire sa stratégie de développement pluri territoriale.
Car la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, plus qu'un simple instrument juridique, est un outil puissant de décentralisation : de décentralisation concrète et avancée qui doit permettre aux Antillais et aux Guyanais d'investir pleinement sur ce qui fait leurs forces : leur identité géographique, économique et culturelle, leurs étudiants, leurs chercheurs, et bien entendu leur université pluri territoriale.
Bien sûr, définir une telle stratégie est une entreprise de longue haleine. Pour la mener à terme, chacun doit donc assumer pleinement son rôle.
Celui de l'Etat est d'accompagner jusqu'au bout les universités dans leur volonté d'autonomie, en leur donnant les moyens financiers, administratifs et humains de construire leurs projets et de le faire dans la durée.
A ce titre, l'Université des Antilles et de la Guyane a vu depuis quatre ans son budget augmenter de plus de 33 %, soit une augmentation supérieure à la moyenne nationale qui est, elle, de 22 %.
A ce soutien financier sans précédent, s'est ajouté, vous le savez, un effort inédit en faveur de l'immobilier universitaire antillais et guyanais, à hauteur de 67 millions d'euros, dont 28 pour la seule Guadeloupe. Dans le cadre du Contrat de projets Etat-Région ou de l'enveloppe destinée au CROUS, ces crédits ont permis de financer notamment les travaux d'aménagement sur le campus de Fouillole, dont le bâtiment d'enseignement que nous inaugurons aujourd'hui, ou le bâtiment de recherche qui ouvrira bientôt ses portes.
J'ajoute qu'après l'agression qu'a connue l'université en automne dernier, j'ai demandé, suite à notre entretien, cher Pascal Saffache, qu'une clôture soit installée sur le campus de Fouillole afin de protéger nos étudiants et l'ensemble des personnels de l'établissement des agressions extérieures. Car la moindre des choses dans un Etat de droit républicain, c'est que la sécurité de tous les individus soit assurée, à fortiori celle de ses étudiants et de son corps enseignant.
J'ai donc veillé personnellement à ce que l'Etat prenne toute sa part dans le financement de cette clôture, à hauteur de 300 000 euros. Et je sais que les collectivités concernées ainsi que l'UAG auront à coeur de participer, aux côtés de l'Etat, à cet instrument indispensable à la sécurité du campus et de ceux qui le fréquentent.
Concernant l'immobilier universitaire, je veux dire enfin que le pôle guadeloupéen de l'UAG aura tout à gagner à ne pas éparpiller ses forces, mais à les concentrer sur les deux sites principaux que sont le campus de Fouillole et bien entendu. le campus du, Camp Jacob à Basse-Terre que l'Etat finance à hauteur de 12 millions d'euros, C'est la raison pour laquelle je ne saurais trop vous inciter à chercher des solutions de proximité pour tous vos projets d'agrandissement de l'université, en explorant, autant que faire se peut, les opportunités foncières dans l'environnement direct de ces deux sites.
Chacun pourra ainsi le constater : l'Etat est déterminé à suivre de très près l'essor de ce grand pôle universitaire ultramarin qu'est l'UAG et à en faire un moteur de croissance et de développement pour les territoires de France en Amérique.
Et l'excellente nouvelle pour l'avenir de cette très belle ambition, c'est que non seulement votre communauté universitaire la partage, mais que tout indique qu'elle en a fait une priorité pour les années qui viennent.
Je pense en particulier à la mobilisation des personnels de l'Université autour de l'appel à projet « économie numérique » du programme des Investissements d'avenir. Une candidature qui devrait permettre de renforcer encore l'unité de l'université et la cohésion de ses trois pôles territoriaux.
Et je pense bien entendu, Monsieur le Président, au passage à l'autonomie, pour lequel vous vous êtes fortement impliqué pour lever une à une les difficultés, les inquiétudes aussi qui accompagnent naturellement l'exercice de ces nouvelles responsabilités.
C'est la raison pour laquelle je tenais tout particulièrement à vous remercier aujourd'hui pour le travail remarquable que vous avez accompli tout au long de ces derniers mois, que ce soit en matière de gestion des ressources humaines ou d'assainissement des finances de votre établissement.
Ces remerciements, ils vont aussi, à travers vous, à l'ensemble des équipes et des personnels que vous dirigez à la tête de l'UAG. Et ils sont, croyez-le bien, d'autant plus sincères que je suis parfaitement consciente de la difficulté de la tâche qui est la leur, à fortiori dans une université répartie sur trois territoires, séparés entre eux par la mer et plusieurs centaines de kilomètres.
Mais désormais les résultats sont là : grâce à votre engagement, et malgré le long chemin qu'il reste à parcourir, l'UAG sera bel et bien au rendez-vous de l'autonomie en 2012.
Et de cela, nous devons, mesdames et messieurs, tout particulièrement nous réjouir. Car une université autonome, c'est une université forte, une université qui rayonne et qui participe directement à la stratégie de développement de son territoire.
Vous le savez, mesdames et messieurs, la réflexion stratégique concernant l'Outre-mer, la STRATOM, figure parmi les toutes premières étapes de mise en oeuvre de la Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation que nous avons définie au niveau national. Eh bien, ma conviction, c'est que l'UAG doit être au coeur de cette stratégie, tout simplement, et des grands axes de recherche qu'elle recouvre.
Car c'est cela, à mes yeux, le sens profond de la réforme des universités : redécouvrir à la faveur de l'autonomie toutes les potentialités qui sont en germe dans nos territoires.
Et aux Antilles comme ailleurs, aux Antilles plus qu'ailleurs, ces potentialités sont immenses, et vos atouts inestimables.
Car les Antilles c'est un environnement marin, c'est une biodiversité, c'est un patrimoine naturel, sans équivalent dans l'espace français.
Les Antilles, c'est aussi une culture, une histoire, un métissage qui participent directement à la vitalité et au rayonnement de notre pays.
C'est enfin une vie intellectuelle et scientifique qui a pris corps ici et noué son destin à celui de ces territoires. Je pense en particulier aux projets de recherche de très haut niveau qui sont menés dans quelques uns des domaines les plus porteurs de la science contemporaine : les énergies renouvelables, l'étude des risques naturels, et en particulier sismiques, avec l'Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe, ou encore la biodiversité marine ou terrestre, avec cette unité mixte de recherche qui s'est constituée autour de l'étude de la biologie de la Mangrove.
Je n'oublie pas non plus les mathématiques, un domaine où la Guadeloupe excelle tout particulièrement, grâce aux chercheurs du laboratoire LAMIA notamment, qui mettent leur savoir-faire et leur talent, au service du développement durable.
A qui douterait du reste de l'attractivité scientifique de l'Outre-mer, il suffirait de rappeler que La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane participent ensemble à un très beau projet scientifique international : l'ERA-Net Net-Biome qui s'est donné comme objectif de coordonner les forces scientifiques de l'Outre-mer européen dans le domaine de la biodiversité tropicale et subtropicale.
Parmi les innombrables ressources des territoires antillais, je n'oublie pas non plus l'importance du tourisme que le Président de la République a lui-même soulignée, lors de sa venue récente en Guadeloupe, en exprimant le souhait notamment de la mise en place d'un master spécialisé.
Ces atouts économiques, cette diversité naturelle, ces talents humains doivent non seulement inspirer, mais nourrir la stratégie scientifique et pédagogique de l'Université des Antilles et de la Guyane.
Cette conviction, je me réjouis de constater, monsieur le Président, qu'elle guide votre politique à la tête de l'UAG. Je pense en particulier aux objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés pour encourager le rapprochement de l'université avec les entreprises locales, que ce soit au travers du développement des bourses CIFRE ou la création d'une fondation privée.
De la même façon, l'UAG aura tout à gagner à se rapprocher davantage des organismes de recherche présents aux Antilles. Du reste, j'ai vivement encouragé les grandes Alliances thématiques qui structurent désormais notre paysage de recherche d'agir dans ce sens et de vous accompagner dans l'élaboration de vos projets collaboratifs.
De manière générale, je ne peux que vous encourager à multiplier les liens et les partenariats avec l'environnement économique et scientifique de cette université : des liens qui, en retour, renforceront non seulement son potentiel de recherche, mais apporteront la meilleure des réponses à la douloureuse question du chômage des jeunes.
Car la création d'emploi, c'est dans les universités qu'elle se prépare, dans les filières les plus innovantes, les plus porteuses. Mais je veux le dire aussi, cela suppose, cela exige en amont que celles-ci soient identifiées, avec rigueur et précision.
Car c'est là, le plus grand des défis qu'il faudra relever : définir un projet scientifique et pédagogique qui tienne compte des forces et des atouts propres à chacun des trois territoires que couvre l'Université des Antilles et de la Guyane, tout en développant une stratégie d'ensemble qui renforce leur cohérence et leur complémentarité.
Ces filières innovantes, c'est à vous qu'il revient de les sélectionner, mais ce dont je suis convaincue, c'est qu'elles devront s'appuyer sur une véritable politique de recherche, capable d'entrainer derrière elle l'ensemble d'un cycle de formation : de la licence jusqu'au doctorat.
De la licence au doctorat : permettez-moi d'insister sur ce point car il me parait capital. Il n'y a pas d'université puissante sans école doctorale attractive. C'est la clef du rayonnement de votre université, et c'est aussi la meilleure réponse que l'on puisse apporter à cette espèce de fatalité qui pèse sur l'Outre-mer qui fait qu'un étudiant après la Licence soit obligé de poursuivre ses études en métropole, ou pire, de les arrêter.
Dans le sillage des Etats généraux de l'Outre-mer et de ce grand rendez-vous que fut l'organisation du tout premier Conseil interministériel de l'Outre-mer, le Président de la République, relayant la volonté profonde qui s'est exprimée au sein de la communauté ultramarine, a, vous le savez, largement insisté sur la notion de « développement endogène ».
Eh bien le développement endogène, cela commence par donner aux étudiants guyanais et antillais la possibilité de construire leur parcours universitaire là où ils le souhaitent : aux Antilles, en Guyane ou en métropole.
C'est la raison pour laquelle nous devons bâtir des cycles complets de formation. Je pense aux études de médecine en particulier. J'ai engagé le Ministère dont j'ai la charge à autoriser l'UAG à ouvrir une 4ème année de médecine en Guadeloupe. Ce sera le cas, vous le savez, dès la rentrée prochaine. Je souhaite désormais que l'on puisse aller rapidement au terme du processus, en installant la 5ème et la 6ème année de médecine sur les différents points d'appui que sont les CHU. Dans cette perspective, je vous informe que le Ministère encouragera, à la prochaine révision des effectifs, le renfort des CHU antillais et guyanais par l'arrivée de deux nouveaux PU-PH.
Construire des cycles entiers de formation, cela veut dire aussi : partir des savoirs fondamentaux pour viser l'excellence.
Car c'est la meilleure manière non seulement d'encourager et de valoriser nos meilleurs étudiants, mais de tirer vers le haut l'ensemble de notre système de formation.
Et dans ce domaine aussi, je sais que vous ne manquez ni d'ambition ni de projets, que ce soit pour renforcer vos filières universitaires, au travers notamment de master conjoints avec les établissements métropolitains, comme avec la prestigieuse HEC, ou pour accueillir sur vos campus antillais des écoles d'ingénieurs comme vous souhaitez le faire ici à Fouillole.
Alors bien entendu, le but n'est pas de décourager les étudiants antillais à rejoindre la métropole, mais simplement de leur laisser le choix. Le choix de réussir leurs études en Guadeloupe dans des filières fortes et structurées ou d'effectuer dans les meilleures conditions possibles leur mobilité en métropole.
Je veux dire à ce sujet que j'ai demandé aux différents CROUS de mieux informer les étudiants ultramarins, en amont de leur mobilité, des différents dispositifs d'aide dont ils peuvent bénéficier, comme les bourses et le passeport mobilité.
Quant aux élèves des classes préparatoires antillaises, je souhaite qu'ils puissent continuer à passer leurs épreuves ici, sans avoir à se rendre en métropole, et ce y compris pour les concours de l'ENS et de Polytechnique. Car c'est d'abord cela l'égalité des chances dans notre République : donner à chacun les mêmes possibilités, où qu'il vive, où qu'il étudie.
Enfin mesdames et messieurs, je voudrais vous dire que cette stratégie à la fois locale et pluri territoriale que nous évoquons depuis tout à l'heure, ne doit pas être exclusive, tout au contraire, d'une ouverture sur le monde.
Au coeur de l'arc caribéen, au bord du continent américain, la Guadeloupe, la Martinique bénéficient d'un environnement exceptionnel, un environnement de croissance et d'opportunités, à proximité de grandes puissances émergentes ou confirmées.
Et là encore, ma conviction c'est que l'UAG doit jouer les tout premiers rôles dans le rayonnement des Antilles au sein de l'aire Amériques. Ce fut d'ailleurs l'une des conclusions majeures des Etats Généraux de l'Outre-mer et du Conseil interministériel qui leur a donnés suite. Avec un objectif : renforcer l'attractivité des universités de l'Outre-mer français en s'appuyant sur des partenariats avancés et ambitieux avec les universités étrangères.
Dans cette optique, le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, a lancé, vous le savez, à la fin de l'année dernière, un appel à projets auprès de l'ensemble des universités ultramarines.
Je sais combien l'UAG a mobilisé ses effectifs pour répondre à cet appel à projets, en lançant ici l'idée d'un Master Didactique des langues et des cultures en partenariat avec une université colombienne, là un Master Economie avec le Venezuela, là encore un Master de la Mer en collaboration avec le Mexique et le Panama.
Cette ouverture au monde et aux traditions scientifiques étrangères apporte une preuve supplémentaire de l'ambition qui traverse désormais l'UAG. Une université forte de ses trois pôles guadeloupéen, martiniquais et guyanais. Une université qui ose et qui avance avec audace dans la construction de l'espace caribéen et amazonien.
Et de cela aussi, je tenais à vous féliciter, Monsieur le Président, et féliciter à travers vous l'ensemble de la communauté universitaire des Antilles et de la Guyane.
Car dans ce vaste mouvement de mondialisation qui emporte les économies, les cultures, les peuples, et qui s'accélère chaque jour davantage, l'avenir de notre pays, la France reposera pour une bonne part sur la vitalité de ses sciences et le rayonnement de ses territoires ultramarins. Au carrefour de ces deux ambitions, l'émergence d'un pôle universitaire ultramarin au coeur de l'Amérique, est donc une excellente nouvelle pour la place de la France dans le monde.
Cette conviction, je sais que le Président de la République la partage pleinement, lui qui a lancé ici même il y a quelques semaines l' « Année des Outre-mer ». Et je souhaite que chacun des enseignants, chacun des chercheurs, chacun des étudiants de cette très belle université où nous sommes réunis la fasse sienne en ce début d'année 2011.
Car ce sont eux qui détiennent désormais les clefs de la maison France en Amérique.
Je compte sur leur énergie, je compte sur leur enthousiasme, je compte sur leur créativité. Vous pouvez comptez sur mon engagement et mon soutien à vos côtés.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 24 février 2011