Déclaration de M. Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes, notamment sur la gouvernance économique de la Zone euro et sur les relations entre l'Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée, au Sénat le 22 mars 2011.

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Circonstance : Débat préalable au Conseil européen des 24 et 25 mars 2011- réunion conjointe de la commission des affaires européennes, de la commission des finances et de la commission de l'économie, au Sénat le 22 mars 20011

Texte intégral


Je tiens tout d'abord à vous remercier, Monsieur le Président de la Commission des Affaires européennes, d'avoir organisé ce débat qui, s'il déroge quelque peu aux habitudes, revêt un grand intérêt, eu égard à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. En effet, ce dernier, il ne faut pas s'y tromper, aura une portée historique et marquera incontestablement un changement d'échelle pour la politique européenne, une rupture totale avec la situation antérieure et une affirmation de la volonté de progresser sur la voie de l'intégration communautaire.
Or, il y a six mois encore, nombreux étaient ceux qui considéraient que de telles avancées étaient hors d'atteinte. D'ailleurs, il n'est pas sûr que j'aurais moi-même parié, alors, sur la possibilité d'atteindre certains des résultats auxquels nous sommes parvenus et qui seront entérinés par le Conseil européen.
J'ai la conviction que nous avons plus que jamais besoin de l'Europe en cette période de sortie de crise.
À cet égard, je vais essayer de démontrer que les trois sujets sur la table offrent, au-delà des différences d'approche, au-delà des nuances qui existent entre les différents États membres et qu'il serait stupide de nier, autant d'illustrations d'une vraie démarche communautaire, manifestant le retour de l'Europe.
Le premier de ces sujets, sur lequel les avancées sont le plus patentes, recouvre toutes les décisions relatives à la création d'une gouvernance économique de la zone euro.
Sur ce plan, il faut se souvenir que, voilà deux ans, rien n'existait. Disposions-nous d'un fonds destiné à défendre l'euro ? Non ! Existait-il un système de gouvernement économique de la zone ? Aucunement, le sujet était même tabou… Était-il possible d'envisager le moindre travail d'approche en matière de convergence fiscale ? Nullement ! Bien des États membres se seraient alors dressés sur notre chemin. Était-il seulement loisible d'évoquer un renforcement de la coordination entre les dix-sept États de la zone euro ? Sur ce point encore, les difficultés semblaient insurmontables.
Il faut donc bien mesurer tout le chemin qui a été parcouru au terme d'une longue marche, commencée il y a deux ans. Les progrès enregistrés trouvent en partie leur source dans la crise de l'euro, dont l'Europe sort résolument par le haut, grâce à des avancées majeures pour la coordination économique entre les États et la défense de la monnaie commune.
Le volontarisme de la diplomatie française, la détermination du président de la République et le travail acharné accompli par Christine Lagarde, de concert avec nos partenaires, particulièrement l'Allemagne, ont permis ces avancées, que je vais maintenant détailler.
En premier lieu, nous allons nous doter d'un fonds de stabilité, qui nous permettra de défendre la zone euro dans la durée. Souvenez-vous : lors des débats sur le Traité de Maastricht, on s'était demandé ce qui arriverait si l'euro était attaqué. Les modalités de mobilisation de ce fonds de stabilité, qui s'élève à 700 milliards d'euros et permettra de prêter effectivement 500 milliards d'euros avec la meilleure notation possible, ont fait hier l'objet d'un accord précis. C'est une réponse aux spéculateurs qui ont voulu attaquer et fragiliser l'euro : l'euro sortira de la crise plus fort qu'il ne l'était auparavant !
En deuxième lieu, les efforts qui ont été accomplis par la Grèce, dont le gouvernement a fait preuve d'un sens des responsabilités exemplaire, vont être reconnus. Il est normal que nous envoyions un signal à l'opinion publique grecque, qui a consenti beaucoup de sacrifices. Dans cette perspective, la décision a été prise d'abaisser de cent points de base le taux de refinancement de l'économie grecque : l'Europe ne doit pas se montrer ingrate.
En troisième lieu, un pacte pour l'euro vient consacrer pour la première fois la notion de gouvernement économique européen, pour lequel la France plaide depuis longtemps. Jusqu'à présent, nos partenaires de la zone euro semblaient vivre dans l'illusion qu'une monnaie peut exister en apesanteur, sans être fondée sur une convergence économique et sociale entre les différents États concernés. L'une des leçons de la crise est qu'une monnaie ne peut exister artificiellement : elle doit reposer sur des sous-jacents économiques, sur une détermination des pays qui l'ont adoptée à avancer ensemble. Le pacte pour l'euro permet de franchir ce cap, en mettant en place pour la première fois un véritable gouvernement économique conjoint.
La diplomatie française a œuvré pour que ce pacte soit équilibré. Tel est bien le cas, car il couvre les différents champs, à savoir le nécessaire assainissement de nos dettes et de nos déficits, dont il faut absolument enrayer l'augmentation infernale, et le renforcement de la compétitivité offensive de l'Europe, ce qui suppose d'investir dans la recherche, l'innovation et les infrastructures, ainsi que d'améliorer les passerelles entre la formation des jeunes et l'emploi. Le texte a été considérablement enrichi par rapport à ce qu'il était voilà encore un mois ; la version actuelle est équilibrée, et prévoit même d'associer les partenaires sociaux à la réflexion, point qui me tenait à cœur. Cela n'était pas prévu initialement, mais l'association des partenaires sociaux au gouvernement économique, dans le cadre d'un sommet tripartite, représente elle aussi une avancée très positive.
En quatrième lieu, il a été décidé de travailler sur la convergence fiscale et l'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés. Qui pouvait croire, il y a encore quelques mois, que nous parviendrions à un tel résultat ? Il s'agit d'une véritable rupture dans l'histoire de la construction européenne. La question de la convergence fiscale n'était pas vraiment inscrite à l'ordre du jour européen, mais elle a été replacée au premier plan. Hier, le commissaire européen chargé de la politique fiscale a affirmé sa détermination à avancer sur ce dossier, afin que des harmonisations puissent intervenir rapidement, sans qu'il faille en passer par d'interminables négociations.
Dans le cadre du pacte pour l'euro, cette démarche s'accompagnera d'ailleurs de toute une réflexion sur les moyens de lutter contre l'évasion fiscale, sur la fiscalité du numérique et sur celle de l'énergie. Sur ces points aussi, le prochain Conseil nous permettra de faire un pas décisif.
Enfin, nous plaidions pour la création d'une taxe sur les transactions financières : le Conseil européen en entérinera le principe, une réflexion sur ce sujet et une étude d'impact devant être menées, afin d'évaluer les conséquences de la mise en place d'une telle taxe.
Tous ces éléments nous permettent de mesurer le chemin parcouru. Il s'agit d'une authentique victoire pour l'Europe et pour notre monnaie commune, d'une étape décisive pour le projet de construction européenne dans son ensemble. Je suis convaincu que, dans l'avenir, elle sera considérée comme un moment clé de l'approfondissement des synergies à l'échelon européen.
Ce travail a été accompli dans un temps très court, grâce à la détermination du couple franco-allemand, qui, n'ayons pas peur de le dire, a été amené à prendre les choses en main. Ainsi, des propositions conjointes ont été mises sur la table par la chancelière et par le président de la République. Il a ensuite fallu que les États partenaires puissent se les approprier collectivement. Je tiens à insister sur le fait que M. Van Rompuy a joué un rôle essentiel à cet égard. Il est peut-être des personnalités plus charismatiques et plus médiatiques, mais son sens du dialogue et de l'écoute nous a considérablement aidés à faire émerger un consensus autour de ces propositions. Son action a été déterminante dans cette période de transition.
Ce retour de l'Europe constitue donc, me semble-t-il, un premier motif de fierté.
J'en viens maintenant au deuxième enjeu du Conseil européen des 24 et 25 mars prochain : la refondation de nos relations avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Dans cette optique, deux messages complémentaires doivent être délivrés.
Tout d'abord, il importe de répondre à la situation d'urgence que connaît la Libye. Sur ce plan, je crois que nous pouvons être fiers du travail qui a été mené par la diplomatie française, sous l'égide d'Alain Juppé, afin d'éviter un massacre et un bain de sang à Benghazi. Pour autant, je ne nie nullement les différences d'appréciation existant entre les États membres de l'Union européenne, s'agissant notamment des opérations en cours. Certes, dans des domaines aussi importants que la politique étrangère ou la politique de défense, qui touchent à la souveraineté des États, il existe des divergences entre les pays européens, mais cela enlève-t-il toute portée aux avancées obtenues en matière de coopération européenne ? Sûrement pas ! Ainsi, les Européens ont été parmi les premiers à condamner le régime de Kadhafi et à vouloir mettre en place un embargo extrêmement strict sur la fourniture d'armes et de matériels de répression. Ils ont décidé la saisine des avoirs financiers du dirigeant libyen et entendu éviter que l'argent du pétrole puisse servir à financer ses armées. Je pourrais également évoquer la saisine de la Cour pénale internationale, la mise en place d'actions coordonnées au bénéfice des réfugiés et d'opérations humanitaires : toutes ces initiatives ont été portées par l'Union européenne, de façon réellement coordonnée.
Je le répète, certaines différences d'approche ont pu s'exprimer, mais il ne faut pas leur donner une importance excessive : dans l'optique du Conseil européen des 24 et 25 mars prochains, nous sommes parvenus à une déclaration commune par laquelle l'Union européenne soutient sans ambiguïté la mise en œuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies. En dépit de nos divergences, nous avons donc su adopter une position globalement commune sur un sujet délicat de politique internationale.
En ce qui concerne la question du partenariat de long terme pour la démocratie et la prospérité partagée au sud de la Méditerranée, l'enjeu est simple : il faut investir dans la démocratie, rapidement, de façon concrète et visible.
Deux jalons de ce nouveau partenariat seront posés par le biais du Conseil européen.
Il s'agit tout d'abord d'une reprogrammation rapide de l'aide financière de l'Union européenne. Chaque pays sera considéré spécifiquement et une prime sera accordée aux États qui se seront vigoureusement engagés dans une phase de transition au cours de la période considérée. Dans cette perspective, nous devons renforcer nos instruments financiers.
S'agissant de la Banque européenne d'investissement, la BEI, près de 150 millions d'euros disponibles au titre des mécanismes de remboursement anticipé ne sont pas mobilisés. Ils peuvent l'être sans fragiliser les assises financières de la BEI. N'attendons pas : ce mécanisme a déjà été utilisé pour l'Europe centrale, il pourrait être transposé sans aucune difficulté au bénéfice des pays de la rive sud de la Méditerranée.
Quant à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, il faut étudier comment étendre son champ d'action afin qu'elle puisse intervenir aussi sur la rive sud de la Méditerranée.
Enfin, nous proposons la création d'une banque euro-méditerranéenne d'investissement, qui permettrait d'afficher la priorité que nous entendons donner à la rive sud de la Méditerranée. N'oublions jamais cette constante de notre histoire : la France et l'Europe ont été prospères lorsque la Méditerranée était une zone de stabilité et de prospérité, comme l'a très bien montré Fernand Braudel.
La mise en œuvre de cette démarche passe par des projets concrets, tels le plan solaire méditerranéen, l'Office méditerranéen de la jeunesse, les autoroutes de la mer ou encore l'autoroute de l'Ouest, en Tunisie.
N'oublions pas non plus la gestion conjointe des flux migratoires. Une émigration massive ne serait bénéfique ni pour la Tunisie, ni pour l'Europe, ni pour le monde arabe. Cette question doit être envisagée conjointement, de façon responsable, sans antagonismes : nous devons ensemble faire en sorte que les règles régissant l'immigration sur le territoire de l'Union européenne soient respectées.
J'évoquerai enfin la situation au Japon et la problématique de la sûreté nucléaire.
Un Conseil Énergie exceptionnel a été convoqué hier à Bruxelles. Ce sujet a également été abordé lors du Conseil Affaires générales. Je soulignerai d'abord que nous ne partons pas de rien : l'Europe n'a jamais transigé sur les questions de sécurité nucléaire, et elle n'a pas attendu la crise japonaise pour adopter les standards les plus élevés en la matière.
Ainsi, en 2009, sous Présidence française, l'Union européenne a adopté une directive rendant contraignants des engagements pris au travers de la convention sur la sûreté nucléaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Ce fut la première étape d'un encadrement juridique commun.
Puis, au mois de novembre 2010, une proposition de directive sur la gestion sûre des déchets radioactifs et du combustible usé a été présentée par la Commission européenne.
Enfin, lors du dernier Conseil, qui s'est tenu le 4 février, c'est-à-dire avant le début des événements tragiques que connaît le Japon, nous avons plaidé, je le rappelle, pour que les plus hauts standards de sûreté nucléaire, issus des standards WENRA, soient immédiatement transposés et mis en application. Nous nous étions entretenus de ce sujet avec les membres de la Commission des Affaires européennes du Sénat.
Nous devons évidemment mener, à l'échelon européen, une action conjointe en matière d'audit et de mise en œuvre des tests de résistance. Personne ne comprendrait que les États membres agissent en ordre dispersé dans ce domaine. La France estime donc qu'il convient de mettre en place un cadre harmonisé en vue de réaliser en toute transparence un audit de chacune de nos centrales à l'aune de ce qui s'est passé au Japon : cet audit devra notamment porter sur les conséquences d'un séisme, d'une inondation, d'une rupture de l'alimentation en électricité, ainsi que sur les capacités de réaction lorsque le processus de refroidissement ne peut plus être maîtrisé. La volonté des États membres d'agir sur ce point dans un cadre européen harmonisé est unanime. Nous pouvons nous appuyer sur nos experts.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, sur toutes ces questions, quelles que soient les différences d'appréciation entre les États membres, le prochain Conseil aura une importance majeure pour la construction européenne. Il permettra notamment, sur les plans économique et financier, d'opérer un changement de dimension et de répondre à toutes les attaques spéculatives que nous avons subies depuis près de deux ans. Avec ce Conseil, l'Europe est de retour ; elle repasse à l'offensive et assure une vraie protection de son économie et de sa monnaie commune : je crois que nous pouvons en être fiers.
Q - (A propos du rôle des institutions européennes)
R - S'agissant de la construction européenne, il est clair que le Traité de Lisbonne permet de dépasser l'affrontement entre approche intergouvernementale et démarche fédéraliste, en distinguant les domaines relevant préférentiellement de l'une ou de l'autre. Il n'y a pas d'opposition entre ces deux perspectives : comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire à des parlementaires européens, adopter une méthode intergouvernementale ne revient pas à tourner le dos à l'intérêt général communautaire.
En l'occurrence, Monsieur le Président de la Commission des Finances, le choix a en effet été d'obtenir des avancées par le biais d'une démarche intergouvernementale. Il aurait été impossible d'aboutir au même résultat en se fondant sur une approche purement communautaire. Les États membres ont fait leur devoir et ont œuvré dans le sens de l'intérêt général communautaire : nul ne saurait s'en plaindre.
Quant à la Banque centrale européenne, elle a joué son rôle pendant la crise, de façon assez large et pragmatique, notamment en intervenant sur la dette souveraine. Son action a été utile, mais on ne peut lui demander d'aller au-delà, car elle doit garder son impartialité à l'égard des différents États membres ; c'est ce que l'on attend d'elle.
Q - (A propos des procédures en cas de déficits excessifs)
R - En ce qui concerne les procédures en cas de déficits excessifs, une période transitoire de trois ans a été accordée, pour une unique raison : tous les États membres ayant été secoués par la crise, il s'agit de leur permettre de purger leurs comptes et de solder les erreurs du passé avant d'intégrer le cadre qui a été défini. En d'autres termes, on donne aux États la possibilité de tourner la page d'une crise historique, pour ensuite pouvoir partir sur des bases saines.
Les sanctions seront-elles opérationnelles ? Comme vous l'avez souligné, Monsieur le Président de la Commission des Finances, le dilemme est le suivant : d'un côté, le bâton doit être suffisamment dur pour sanctionner efficacement certains comportements ; de l'autre, il ne doit pas l'être trop dans la mesure où il s'abat sur un pays en difficulté. En fait, il faut que la menace de la sanction soit dissuasive. De ce point de vue, les contraintes et les ajustements auxquels ont été soumis la Grèce, le Portugal ou l'Irlande ont tout de même marqué les esprits.
Pour le reste, le mécanisme de sanction permettra de distinguer le cas des États touchés de façon passagère par des crises macroéconomiques qui les dépassent. Par exemple, si le déficit budgétaire de la Finlande s'est élevé au-delà de la limite de 3 % du PIB, c'est seulement parce que l'économie de ce pays dépend étroitement de celle de la Russie, laquelle a subi en 2009-2010 un choc majeur. Pour autant, il n'y a eu ni dérive ni laxisme de la part du gouvernement finlandais.
La situation sera tout autre quand un gouvernement aura été jugé responsable d'un déficit budgétaire excessif. Dans un tel cas, la Commission européenne disposera de vingt jours pour proposer des sanctions, et le Conseil de dix jours pour s'y opposer. Une telle procédure ne pose aucun problème au regard du droit des traités.
Q - (A propos des déséquilibres macroéconomiques)
R - M. César a évoqué les déséquilibres macroéconomiques. Ce sujet est encore en discussion, mais il paraît évident que l'endettement privé doit être pris en compte, notamment dans le cas de l'Irlande.
Plus globalement, le paquet législatif - ce que l'on appelle les six mesures de M. Van Rompuy - manifeste la volonté de resserrer les mailles du filet, car on ne peut juger de la santé ou de la stabilité d'une économie sur le seul fondement de l'examen du ratio dette/PIB et du niveau du déficit : une économie ne se réduit pas à cela. Au regard de ces seuls critères, l'économie irlandaise apparaissait très solide, mais elle reposait sur une construction macroéconomique très fragile, notamment en raison de la surexposition du secteur bancaire.
Il sera désormais possible de révéler les déséquilibres macroéconomiques, d'identifier les économies fragiles parce que reposant sur un modèle macroéconomique non soutenable sur la durée.
En ce qui concerne la question du coût unitaire du travail, l'objectif est précisément de dénoncer les politiques nationales non coopératives. Cela étant, soyons lucides : nous ne pouvons, pour notre part, laisser dériver durablement, à coups de promesses illusoires, notre productivité et nos coûts salariaux. De ce point de vue, l'Allemagne a tout de même indiqué la voie de la responsabilité politique et montré que si l'on consent des efforts, on finit par en récolter les fruits.
Pour autant, la France a désormais engagé un réel effort d'assainissement de ses pratiques, notamment en renonçant à donner des «coups de pouce» au SMIC, ce qui avait des effets catastrophiques sur l'emploi des personnes les plus faiblement qualifiées. L'objectif est d'adopter une approche globale afin d'écarter les politiques nationales non coopératives.
Q -(à propos de la coordination des politiques fiscales et sociales)
R - La question de la coordination des politiques fiscales et sociales se rattache à cette problématique. L'objectif de M. Van Rompuy est que les États membres prennent chaque année un engagement chiffré sur ce point, qui donnera ensuite lieu à une évaluation. Nous aurons ainsi une vision d'ensemble de la situation de chaque État membre et pourrons mesurer si l'on se dirige ou non vers une convergence.
Une modification du Traité de Lisbonne est en effet nécessaire, mais tous les États se sont accordés sur le fait qu'elle devra être limitée et intervenir par la voie de la procédure simplifiée. Certains étaient tentés d'en profiter pour ouvrir la boîte de Pandore et débattre, par exemple, de la prise en compte des retraites dans les déficits et des réformes de transition qui peuvent être menées dans des pays comme la Pologne ou la Hongrie, mais il n'en sera rien. Le Parlement européen se prononcera sur cette question le 23 mars prochain.
Q - (à propos de la préservation des intérêts patrimoniaux de la France)
R - S'agissant de la préservation des intérêts patrimoniaux de la France, j'attends de disposer de tous les éléments nécessaires avant de vous apporter une réponse. Il en va de même pour la question des engagements en capital par tranches appelées et susceptibles d'être appelées, qui a constitué un point très important de la négociation d'hier. Excusez-moi, Monsieur le Rapporteur général, de ne pouvoir vous répondre précisément sur ces points dans l'immédiat.
Q - (à propos de la conditionnalité de la mise en œuvre de la solidarité des Etats membres)
R - En ce qui concerne les conditionnalités, il est hors de question d'accepter qu'un État puisse bénéficier de la solidarité de ses partenaires sans apporter de contrepartie. J'évoquerai à cet égard deux cas actuels.
La Grèce, qui s'est vu demander de mettre en œuvre un programme d'ajustement difficile, a rempli ses engagements, notamment en consentant des efforts en matière de rémunération des fonctionnaires ou de régimes de retraite. Il est normal que nous adressions en retour aux Grecs un signal positif, en l'occurrence un abaissement de 100 points de base du taux d'intérêt et des facilités de financement pour permettre à ce pays de sortir le plus rapidement possible la tête de l'eau. Les représentants de la Grèce se sont montrés très satisfaits, hier, de ces mesures.
À l'inverse, nous attendons un geste de l'Irlande. Ainsi, nous avons clairement signifié qu'une convergence des bases de l'impôt sur les sociétés devrait intervenir. Dans le cadre de l'agenda fiscal sera examinée la fameuse question du Double Irish Arrangement, dispositif fiscal qui permet à des sociétés multinationales de soustraire à l'impôt, en les faisant remonter vers des structures irlandaises, une large partie des bénéfices qu'elles réalisent ailleurs dans l'Union européenne. C'est grâce à ce dispositif que Google bénéficie d'un taux moyen d'imposition de 2,6 % ! Il est hors de question que nous laissions subsister ce genre de pratiques, et nous allons porter le fer sur ce point. Du reste, la position de la France et de l'Allemagne a été on ne peut plus claire : aucune facilité ne sera accordée au gouvernement irlandais si celui-ci ne modifie pas sa position à ce sujet.
Q - (à propos de Strasbourg)
R - C'est un vrai sujet européen !
Q - (à propos de Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe).
R - Tout à fait !
Q - (à propos du mécanisme européen de stabilité, du Conseil de l'Europe, du semestre européen).
R - Je vais tenter de répondre dans le peu de temps dont je dispose aux salves de questions qui m'ont été posées.
Permettez-moi tout d'abord d'apporter un complément d'information sur le mécanisme européen de stabilité. Ce dernier sera doté de 700 milliards d'euros, dont 620 milliards d'euros de garanties et 80 milliards d'euros de capital. Le système est identique à celui que nous avions adopté pour les garanties bancaires : dès lors qu'il s'agit de prêts, le budget de l'État bénéficie d'une contrepartie ; le mécanisme n'a donc aucun impact sur les déficits.
Je tiens à remercier M. Badré de sa question. En effet, le Conseil de l'Europe a un rôle déterminant à jouer s'agissant de l'engagement sur la rive sud de la Méditerranée. Le rapport du sénateur, par ailleurs membre de la délégation du Conseil de l'Europe, arrive à point nommé ; nous avons eu l'occasion d'en discuter ensemble.
À la suite des échanges que nous avons eus à ce sujet, je suis allé rencontrer le secrétaire général du Conseil de l'Europe lors de mon déplacement à Strasbourg. Cette institution mène en ce moment un très beau travail sur les enjeux démocratiques. Or c'est précisément l'accompagnement dont nous avons besoin sur la rive sud de la Méditerranée. Il serait donc possible de tirer profit de cette complémentarité entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne.
S'agissant du semestre européen - j'anticipe les réflexions qui seront faites -, il constitue une vraie petite révolution du fonctionnement et de la logique parlementaires d'appropriation du budget. Sans vouloir dépasser le cadre de ma fonction, je préciserai simplement que, en termes de calendrier, le rapport sur la croissance sera émis par la Commission en janvier, le retour des parlements nationaux devra être communiqué en avril et la Commission rendra son avis en juillet.
Un tel cadre permet d'avoir une vision commune tout en conservant une certaine souplesse. Chaque État agit non pas seul mais en réfléchissant aux actions des autres membres, dans le cadre d'une réflexion globale sur la croissance européenne. Ainsi, la procédure préserve la souveraineté parlementaire et, en même temps, s'inscrit dans un cadre de réflexion européen. Il me semble que c'est un bon équilibre.
Q - (à propos de la politique européenne de la France, de la convergence fiscale, de la taxe sur les transactions financières, de Strasbourg comme siège du Parlement européen).
R - Mesdames, Messieurs les Sénateurs, ce qui va être intéressant pour vous - c'est en tout cas mon opinion - sera de travailler avec les parlementaires européens. Incontestablement, vous êtes un levier de l'influence de la France. La capacité du Sénat à être un relais des préoccupations françaises et à faire œuvre de conviction auprès de nos partenaires sera absolument déterminante.
La politique européenne n'est pas le fait du seul gouvernement : l'enjeu parlementaire est décisif, surtout avec la montée en puissance du Parlement européen. Vous êtes donc tous des acteurs absolument déterminants pour aider la France à faire valoir ses positions et à s'approprier les décisions européennes.
J'en viens aux questions qui ont été soulevées par Fabienne Keller.
En ce qui concerne la convergence fiscale, il est certain qu'un vrai changement de donne a eu lieu depuis l'échec que nous avons connu voilà à peine quelques mois en matière de fiscalité sur l'énergie. L'onde de choc que tout le monde a subie a éclairé les esprits, et nous sommes plutôt optimistes sur les chances d'aboutissement d'une taxe carbone.
Certes, celle-ci ne sera pas évidente à mettre en place ; des problèmes très précis se posent. Nous avons toutefois une vraie opportunité d'y parvenir.
Surtout, il faut s'appuyer sur une conviction simple : nous ne pourrons pas faire fonctionner le marché unique si des distorsions fiscales perdurent. Je ne comprends pas nos collègues anglais, qui plaident à tout va pour le marché unique et qui, dans le même temps, expliquent qu'il peut y avoir des distorsions fiscales. L'un ne peut pas aller avec l'autre.
Nous connaissons leur position ancienne mais nous sommes désormais déterminés à avancer sans eux. Ils l'ont d'ailleurs bien compris et une telle position les ennuie fortement, mais nous l'assumons. La convergence fiscale est lancée et nous n'avons pas l'intention d'arrêter ce mouvement.
Concernant la taxe sur la transaction financière, j'ai probablement mal compris ceux d'entre vous qui ont parlé de «jouer petits bras». Soyons clair : qui plaidait pour la mise en place d'une telle taxe et depuis combien de temps dans le désert ? Quelles sont les majorités successives qui ont plaidé pour ce sujet sans aucune avancée, sans obtenir la moindre écoute ni la moindre attention, dans une vraie solitude ? Et qui arrive enfin à faire aboutir pour la première fois une avancée et une appropriation dans le cadre d'un Conseil européen ?
Il faut savoir reconnaître les avancées qui sont faites. Vous avez raison de le souligner, Mme Keller : c'est la majorité actuelle qui, pour la première fois, parvient à faire inscrire la taxe sur la transaction financière sur l'agenda européen. C'est une avancée très importante et je vous remercie de l'avoir soulignée.
Au sujet de Strasbourg comme siège du Parlement européen, il n'y a aucune ambiguïté : c'est inscrit dans le Traité et fait partie des équilibres fondamentaux. Nous saisissons la Cour de justice de l'Union européenne à ce sujet. Ce qui a été fait est inacceptable. Les amendements ont été déposés sous le boisseau, le scrutin a été fait à bulletin secret pour éviter que chacun assume son vote. C'est un coup de canif dans l'équilibre institutionnel et nous devons nous y opposer. Nous devons être offensifs.
Je ferai deux remarques à ce sujet.
Tout d'abord, si on veut supprimer tous les coûts de déplacement relatifs aux travaux des institutions européennes, alors installons-les toutes à Bruxelles ! Est-ce là ce que nous voulons ? Souhaitons-nous une Europe qui concentre tous ses décideurs et ses fonctionnaires dans les mêmes buildings, dans les mêmes quartiers, dans la même capitale ?
Ensuite, se pose la question des valeurs sous-jacentes, comme certains d'entre vous l'ont très bien souligné. Strasbourg, c'est l'incarnation de la réconciliation franco-allemande, c'est l'Europe du citoyen, c'est l'Europe des droits de l'Homme. C'est aussi une Europe un peu distante de la sphère bureaucratique et des lobbies. Je ne suis pas sûr que cette Europe-là soit celle du passé. J'en ai assez que nous la défendions frileusement ; il faut que nous soyons offensifs.
Certains veulent faire des économies ? Très bien ! Aucun problème ! Transférons toutes les institutions à Strasbourg ! Rapatrions tout : le travail des commissions, le travail des cessions. Cela ne présente aucune difficulté pour nous ! Ce qui crée des problèmes, ce ne sont pas les sessions à Strasbourg, c'est le travail en commission à Bruxelles !
D'après le Traité, le siège du Parlement européen se trouve à Strasbourg, non à Bruxelles.
Je remercie les parlementaires alsaciens, qui ont totalement soutenu cette position et qui ont fourni un travail conjoint très important sur le sujet.
Q - (à propos de l'Union pour la Méditerranée)
R - Concernant l'Union pour la Méditerranée - je réponds ici à la remarque de Roland Courteau et aux interventions relatives au retour d'expérience de la session parlementaire de Rome -, nous devons tirer les leçons de nos échecs. Dans notre conception initiale, nous avons voulu couper l'UpM du sous-jacent européen ; c'était une erreur.
L'UpM fait partie de la politique européenne de voisinage. Elle doit pouvoir s'appuyer sur les instruments de gouvernance européens et les fonds européens. Essayons de remettre ce projet sur le bon chemin. Il reste plus que jamais valide, à condition de rester dans le concret. Je vous rejoins totalement sur ce point. Vous avez d'ailleurs très bien listé les quelques projets évalués en ce moment. Voilà ce sur quoi nous devons travailler.
Q - (au sujet de la présence des Allemands à la session parlementaire de Rome)
R - Et les Allemands étaient à Rome. Tant mieux !
Monsieur Marc, je suis parfaitement d'accord avec vous, la crise n'est pas derrière nous. Elle le sera définitivement quand nous aurons mis en oeuvre tous les outils et que nous serons parvenus à éloigner tous les errements et à reprendre le terrain perdu en termes d'emploi.
Jouons-nous en défense ? Permettez-moi de vous poser une question, Monsieur Marc : avez-vous eu en main la dernière version du pacte ? Après avoir entendu vos questions, je n'en suis pas sûr. Le texte ayant varié dans le temps, ce ne serait pas étonnant, et même parfaitement normal. Je demanderai donc à mes services de vous transférer la dernière version, pour que vous puissiez en prendre connaissance.
En effet, tous les sujets que vous avez soulevés y sont mentionnés : l'investissement dans les infrastructures, l'investissement dans la recherche et l'innovation, la nécessité d'investir sur la formation et l'adéquation entre formation et emploi, la nécessité de mettre en place des politiques offensives de compétitivité. Cela ne figurait pas dans la version initiale.
Q - (au sujet des financements)
R - Je vais y venir.
La totalité des efforts sont donc listés et nous ne nous situons pas dans une vision étriquée dans laquelle on plaiderait pour une Europe exclusivement préoccupée de ses déficits. La vision adoptée est celle d'une Europe qui investit dans sa compétitivité et dans l'amélioration de son capital humain, de sa formation, de ses infrastructures. De ce point de vue, ce texte est donc véritablement équilibré.
Par ailleurs, Monsieur le Sénateur, il ne faut surtout pas confondre Barcelone et Lisbonne. Se sont conclus dans chacune de ces villes des actes très différents. Le Processus de Barcelone concerne la politique du Sud et de la Méditerranée ; le Processus de Lisbonne a déterminé, quant à lui, l'agenda d'investissement destiné à améliorer la compétitivité de l'Europe.
J'en viens à la nouvelle politique allemande. On ne peut pas reprocher aux Allemands une chose et son contraire, vous l'avez-vous-même souligné avec beaucoup d'honnêteté, Monsieur Marc. Il y a six mois, on reprochait aux Allemands de refuser d'être dans le jeu communautaire ; maintenant, on leur reproche d'y entrer !
Les Allemands ont dû faire des choix et - retenons la leçon - ils ont fait des choix courageux en refusant de mener une politique de père Noël qui consiste à promettre sans cesse en tirant des traites sur l'avenir et sur les générations futures. Les Allemands ont fait l'effort de mettre au clair leurs finances publiques collectivement et de restaurer leur compétitivité.
Ils ont dû choisir : continuer à porter cette politique dans le cadre communautaire ou bien se renfermer dans une vision germano-centrée. Ils ont décidé de jouer la solidarité communautaire, d'affirmer leur confiance dans la défense collective d'une monnaie commune et de croire en la dimension européenne de leur destin.
C'est une belle réponse que les Allemands ont apportée, car ce qu'on leur demande avant tout c'est de payer et de financer des mécanismes de solidarité.
En fait, nous avons un vieux complexe par rapport à l'Allemagne. Mais arrêtons ! Qui a rejoint les positions de qui ? Le gouvernement économique était-ce une proposition allemande ou française ? S'agissant du fonds de stabilité, il y a un an et demi, l'Allemagne était-elle favorable à une intervention en Grèce ? Non, mais elle a rejoint des positions défendues par la France. Qui a défendu l'idée d'un pacte pour l'euro au sein de la zone des dix-sept ? C'était la France. La taxe sur la transaction financière offre encore un exemple des avancées promues par la France.
Et quand je dis la France, je l'entends dans le sens le plus républicain du terme, c'est-à-dire en englobant l'ensemble des composantes politiques de notre pays, puisque nous nous sommes parfois retrouvés sur ces sujets.
Ne soyons pas dans l'autodénigrement et l'auto-flagellation ! Je le répète, des avancées fortes ont été réalisées, au cours desquelles l'Allemagne a rejoint les positions de la France ! Vous pouvez sans doute me citer des cas où l'inverse s'est produit, et c'est tant mieux !
Ma vision du couple franco-allemand est très simple. Nous avons, chacun, nos intérêts nationaux : nous ne demandons pas à notre pays de renoncer à ses intérêts nationaux ; ne demandons pas à l'Allemagne de renoncer aux siens. Mais nous avons tous les deux, c'est ce qui fait la force du couple franco-allemand, la lucidité de savoir qu'au lieu d'essayer d'imposer à l'autre nos intérêts nationaux nous avons toujours intérêt à dégager une position commune au niveau européen, moteur d'une dynamique positive pour l'un et pour l'autre.
C'est ce qui fait la maturité du couple franco-allemand. Nous ne cherchons pas à défendre nos intérêts nationaux, nos différences ou nos divergences, mais nous cherchons toujours à faire prévaloir un intérêt communautaire construit ensemble.
Non, il n'y a pas une Allemagne germano-centrée ! Mais une Allemagne qui assume les efforts qu'elle a faits. Non, il n'y a pas une France rabougrie ! Mais une France qui plaide et qui fait avancer ses idées. Tout cela est au bénéfice commun et mutuel de l'Europe.
Au sujet de la politique migratoire et de la politique en faveur des réfugiés, je demanderai que l'on vous transmette tous les éléments de nature à vous informer de façon précise.
En la matière, nous n'avons pas attendu : des investissements très importants ont été faits par l'Europe pour que les réfugiés égyptiens en Tunisie et que les réfugiés tunisiens en Égypte fassent l'objet de transferts croisés entre les deux pays. L'Europe a été présente, par une politique de soutien, pour éviter le drame humanitaire qui aurait pu se produire.
Cela dit, il faut distinguer la politique migratoire de la politique des réfugiés. Ce n'est pas le même sujet. Quelles sont nos craintes concernant la politique migratoire ?
La Libye est le cône de déversement de flux migratoires massifs venant d'Afrique, notamment d'Afrique noire. Compte tenu des turbulences et des évolutions actuelles, pouvons-nous compter sur les coopérations nécessaires à la régulation de cette politique migratoire ?
Compte tenu des changements qui sont intervenus en Tunisie, pourrons-nous continuer à travailler et à collaborer avec le nouveau régime pour essayer de réguler l'immigration illégale ?
Vous avez raison, pour l'instant, le pire n'a pas eu lieu, mais c'est que nous avons su anticiper. Au moment où je vous parle, l'opération européenne «Hermès»«, déployée dans les eaux territoriales entre l'Italie et la Tunisie veille à nous protéger.
Je crois que par là nous obéissons à un devoir simple : nous veillons à faire respecter nos règles migratoires tout en travaillant pour la démocratie dans ces pays qui ont besoin de nous.
Je pense avoir répondu à l'ensemble des questions posées par M. Pierre Bernard-Reymond.
Je vous dirai simplement, Monsieur le Sénateur, que le fonds de stabilité peut souscrire des obligations sur le marché primaire mais qu'il ne peut pas les revendre à prix cassé à l'État émetteur, que le pacte sur l'euro fera l'objet d'un calendrier et d'un engagement chiffré. Tout commence maintenant, il faut savoir faire vivre ce pacte.
La régulation financière a donné lieu à des opérations d'encadrement du trading haute fréquence et du shadow banking, auxquels vous avez fait référence. Les retours nous parviendront à travers un rapport de l'OCDE sur les avancées réalisées concernant les paradis fiscaux. Vous le verrez, ces avancées sont nombreuses.
Monsieur Dassault, il s'agit d'un pacte pour une gouvernance économique commune. En ce qui me concerne, je vous invite à poser vos questions au gouverneur de la Banque centrale européenne. Le débat ne peut être qu'intéressant.
Pour l'instant, la convergence fiscale concerne l'impôt sur les sociétés.
A propos de l'Europe de la défense, je vous répondrai qu'il existe certes des différences d'approches au sujet de la Libye, mais que nous devons assumer nos différences ! L'Europe est faite de convergences et de divergences d'approches. Cela ne tue en rien le projet de défense européenne. La meilleure preuve est que nous œuvrons - j'ai travaillé, hier, très tard, avec mon collègue allemand - pour une relance de la politique européenne de défense à travers le « triangle de Weimar «. Nous ne devons pas abandonner : une difficulté passagère ne saurait enterrer un projet de long terme.
J'en viens aux questions d'ordre institutionnel posées par M. Adrien Gouteyron, qui vient d'un excellent département et qui connaît parfaitement ces questions de politique étrangère.
Le Service européen pour l'action extérieure, le SEAE…cela explique effectivement très bien la situation : on demande beaucoup au SEAE, dans un domaine très difficile alors qu'il n'a encore qu'une durée de vie assez faible.
On lui demande beaucoup dans la mesure où il s'agit d'un domaine qui incarne la souveraineté. N'ayons pas d'exigence excessive à l'égard de ce que peut faire, dans un premier temps, la politique européenne étrangère ! Il ne faut pas demander à l'Europe de sauter deux mètres : elle peut parfois sauter un mètre vingt mais pas deux !
Ayons des ambitions raisonnables ! Ce qu'a fait le SEAE est loin d'être négligeable : saisine du Comité de coordination de la politique internationale de l'environnement, le CCPIE, position commune sur les embargos, saisine des avoirs libyens, position commune lors du dernier Conseil.
Souvenons-nous, au milieu des années quatre-vingt-dix, des difficultés sans nom que nous avons rencontrées lors d'une crise qui se déroulait pourtant au cœur de notre continent !
Du chemin a été parcouru. Certes, l'aboutissement n'est pas complet et le SEAE reste un projet en construction, mais il est toujours valide et se renforce au fil du temps.
J'espère avoir répondu à vos questions, Mesdames et Messieurs les Sénateurs. Messieurs Serge Dassault et Jacques Blanc, del Picchia je n'ai rien à ajouter à vos deux interventions, qui ont renforcé mes propos, à propos notamment du rivage sud de la Méditerranée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2011