Texte intégral
Ce projet de loi sur la bioéthique constitue une interrogation essentielle sur notre responsabilité et sur les valeurs qui fondent notre société, comme tu las souligné, Xavier.
Ce débat repose sur un principe de base : celui de protéger et de préserver chaque Français et en particulier les plus vulnérables, contre des pratiques qui bafoueraient lintégrité et linviolabilité du corps humain, et qui exploiteraient des éléments et des produits du corps sang, sperme, ovocytes, organes.
Notre devoir est de préserver la dignité de la personne humaine. Le projet de loi sur lequel vous avez mené un travail très dense, dont je salue la qualité et la profondeur, cest donc, dabord, permettre dinformer, daccompagner, de responsabiliser les patients et leur entourage. Cest aussi la volonté de tenir compte des avancées scientifiques, et de lévolution des murs, avec des enjeux énormes. Non seulement pour ce qui concerne lexercice des libertés individuelles : mais aussi parce que, plus de 15 ans après le vote des premières lois de bioéthique, nous devons nous adapter à une perspective qui a changé.
La demande sociale daménagement et dassouplissement tournée vers la satisfaction des aspirations individuelles a progressé. Et néanmoins, une demande dencadrement continue de sexprimer, notamment face aux progrès rapides des technologies médicales. Car celles-ci peuvent aussi multiplier les risques de dérive, doù notre vigilance sur ce que lon fait. Mais notre vigilance doit porter aussi sur ce que lon dit car quand j'entends parler de "bébé médicaments", je trouve que le terme est pour le moins déplacé car ce bébé est avant tout le fruit dun projet parental. Certes, il permet de guérir un membre de la fratrie parce quil y a une maladie génétique dans sa famille. Japprouve donc la prouesse médicale et scientifique mais je ne peux accepter linstrumentalisation de cette conception. Cette conception doit reposer avant tout sur un désir de parentalité. Votre travail a abouti à certaines modifications. Permettez-moi de revenir sur quelques articles majeurs de ce nouveau projet de loi bioéthique.
(Article 5 : les dons croisés dorganes)
Sagissant du don dorganes, il nous fallait remédier à une pénurie préoccupante en organes pouvant être greffés. Les techniques chirurgicales et les traitements anti rejet ont fait la preuve de leur efficacité. La qualité de vie des patients qui ont bénéficié dune greffe sest incomparablement améliorée. Pourtant, depuis 2004, le nombre de greffes na que très faiblement augmenté, avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants (213 en 2004, 235 en 2009). Le texte de loi présente une avancée significative, que vous avez soutenu en commission : car il prévoit la possibilité dorganiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffe à la seule parentèle proche, mais en assurant un encadrement renforcé de ces prélèvements.
Tant lagence de biomédecine que le Conseil dEtat, dans son rapport davril 2009, avaient insisté sur le fait que cette pratique devait être rigoureusement encadrée, en élargissant le cercle de donneurs. Il était impératif dempêcher toute possibilité de pression quelconque sur le donneur (je pense aux dons en retour, au danger de marchandisation du corps humain).
Autant pour le receveur, le contenu des formalités est inchangé, avec la nécessité dêtre inscrit sur une liste nationale dattente. Autant pour le donneur vivant, la procédure de consentement a été maintenue, pour sassurer de labsence de coercition sur le donneur. Il est informé, par le comité dexperts, des risques quil encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement. Il exprime son consentement libre et éclairé, consentement qui est révocable à tout moment.
Enfin, sur le plan pratique, il est demandé que les prélèvements et les greffes soient réalisés de manière simultanée : procédure lourde, mais qui apparaît indispensable pour le succès des interventions.
Cette disposition est de nature à augmenter de 25 à 40 % le nombre de greffons de donneurs vivants, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
(Nouvelles techniques dassistance médicale à la procréation)
Concernant les nouvelles techniques dassistance médicale à la procréation, le premier point important est de conditionner laccès à lassistance médicale à la procréation au constat dune infertilité médicalement constatée au sein dun couple.
Ce qui me paraît essentiel dans ce projet, cest laccent mis sur linformation de la femme enceinte aux différentes étapes du diagnostic prénatal. Ce diagnostic prénatal comporte des examens de dépistage et, le cas échéant, des examens de diagnostic en cas de suspicion danomalie. Mais, à tout moment, grâce au renforcement de linformation lors de ces différents examens, la mère doit rester libre de ses choix.
Par ailleurs, pour toute démarche dassistance médicale à la procréation, il me paraît important de sassurer de lexistence dune vie commune des deux futurs parents.
(Recherche sur lembryon et les cellules embryonnaires)
Concernant la recherche sur lembryon et les cellules embryonnaires, il sagit là dun domaine très discuté, qui suscite des craintes légitimes.
Le principe dinterdiction de toute recherche sur lembryon et les cellules souches embryonnaires devrait être maintenu et placé, comme actuellement, sous le contrôle de lautorisation de lagence de biomédecine.
Il était primordial daffirmer limportance que notre société accorde à la protection de lembryon, qui est le point de départ du vivant.
Pour autoriser ces recherches, la notion de « progrès thérapeutique majeur » serait remplacée par celle de « progrès médical majeur ». Cette distinction de terminologie nest pas anodine : car il sagit de dépasser la notion de finalité thérapeutique, en précisant quil sagit non seulement de soigner ou de traiter une maladie, mais aussi de la prévoir ou de la diagnostiquer. Laspect thérapeutique, en effet, ne vient quaprès. Ce qui doit venir dabord, cest une appréhension plus globale de la recherche. Par conséquent, le gouvernement vous propose de maintenir le dispositif actuel, cest-à-dire le principe dinterdire toute recherche sur lembryon et les cellules souches embryonnaires, avec toutefois des dérogations autorisées par lagence de biomédecine. Cette dernière évalue les projets de recherche, sélectionne les projets pertinents sur le plan scientifique, et respectueux sur le plan de léthique. Lélan des chercheurs dans ce domaine-là ne devrait pas être pénalisé. Cest pourquoi il napparaît plus utile de réviser la loi tous les cinq ans.
(Transfert dembryon post mortem)
Permettez-moi enfin daborder la question de la possibilité de transfert dembryon post-mortem, que la commission a souhaité autoriser, si le père en a exprimé la volonté, dans un délai de dix-huit mois avant sa mort.
Vous savez, Mesdames et Messieurs, que le Gouvernement ny est pas favorable, et entend déposer un amendement pour revenir sur cette disposition.
Jai, pour ma part, vraiment du mal à admettre, avec ce dispositif, que lon puisse permettre la naissance denfants orphelins et de leur faire subir un deuil dès la sortie du ventre de leur mère ! Cest un fardeau que ces enfants auraient à vivre tout au long de leur vie. Et on peut imaginer le déséquilibre psychologique et émotionnel dans lequel on les placerait ainsi de façon volontaire.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Ces quelques points importants du projet de loi que je viens dévoquer devant vous illustrent bien un débat essentiel de société.
Je rends hommage à limportant travail accompli par la commission sous la présidence dAlain CLAEYS ainsi que par le rapporteur, Jean LEONETTI, mais aussi à leur souci constant dapporter des réponses courageuses à des questions si sensibles, qui touchent à lhumain.
Vous avez fait preuve de détermination, mais aussi de modestie : qualité dont il faut faire preuve quand on touche à lintime de chacun mais aussi à la préoccupation collective.
En prenant en compte lévolution de la société, vous vous êtes inscrits dans le droit fil des états généraux de la bioéthique et dans la conviction quen matière déthique individuelle et collective, cest la prise en compte dune permanence de lidée dhumanité qui doit être privilégiée.
Je vous en remercie. Et je crois en effet, avec Xavier BERTRAND, que cest la bonne attitude et le meilleur état desprit pour faire progresser les questions cruciales de société.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 mars 2011