Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur la sécurité sanitaire et la prévention en matière de santé publique, notamment les maladies transmissibles et les risques liés à l'environnement, Paris le 22 mars 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Mise en place du Haut Conseil de la Santé publique, mandat 2011 - 2014 à Paris le 22 mars 2011

Texte intégral


En mars 2007, le Haut Conseil de la Santé Publique était installé pour la première fois, en lieu et place du Haut Comité de la santé publique et du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Aujourd’hui, point n’est besoin de citer ses ancêtres, car le Haut Conseil de la santé publique a su trouver sa place, remplir ses missions et a développé ses propres productions.
Pendant les quatre ans de ce premier mandat, le HCSP a été régulièrement saisi sur les questions de sécurité sanitaire. Parmi les 150 saisines reçues, la grande majorité concernait les maladies transmissibles (70%) et une fois sur cinq les risques liés à l’environnement.
L’exemple du corpus de saisines relatives à la grippe pandémique mérite d’être souligné. Après deux saisines pour la grippe aviaire H5N1 début 2009, le HCSP a répondu, de juin 2009 à mars 2010, à 10 saisines relatives à pandémie de grippe A(H1N1), réponses sur les priorités vaccinales, le choix du vaccin en fonction des cibles, la révision régulière du rapport bénéfice/risque. Les experts du Comité Technique de Vaccination et de la commission spécialisée Maladies transmissibles ont dû se réunir très fréquemment, et souvent en urgence. Alors que ces mêmes experts étaient soumis à de nombreuses contraintes liées à la grippe dans leurs services hospitaliers ou leurs activités.
Cette mobilisation sans faille et ces avis ont permis au ministre chargé de la santé de fonder sa politique de prévention en matière de grippe.
Que les experts qui se sont mobilisés soient ici remerciés !
La mission du HCSP ne se limite pas à la seule urgence sanitaire : il aide également la décision publique en matière de prévention générale.
Par l’intermédiaire de la commission spécialisée Prévention, éducation et promotion de la santé, le HCSP a produit des avis sur deux déterminants majeurs que sont le tabac et l’alcool.
L’avis concernant l’alcool est illustratif de l’apport d’une structure comme le HCSP et je m’y arrêterai donc un instant.
En 2007, l’Inca a produit un travail sur le rôle de l’alcool comme facteur de risque pour le cancer. L’analyse des données scientifiques a montré que non seulement la consommation excessive d’alcool augmentait le risque de survenue de nombreux cancers, mais que la relation était linéaire, augmentant avec la dose et sans seuil, c’est à dire présente même pour une consommation modérée d’alcool. Ainsi l’Inca en 2009 déconseillait toute consommation d’alcool.
Je me suis donc interrogée sur la nécessité de revoir les recommandations en la matière, et notamment les valeurs repères qui étaient utilisées dans les campagnes de prévention. Le HCSP a été saisi sur le sujet. Il a pris en compte l’ensemble des aspects d’une consommation modérée d’alcool, pas seulement ceux liés au cancer, mais aussi ceux qui concernent le système cardio-vasculaire, les questions de violence ou plus globalement la qualité de vie. En soulignant que le risque attribuable aux faibles consommations n’était pas connu et en préconisant que la relation bénéfice/risque de la consommation d’alcool à faible dose soit étudiée de manière approfondie, le HCSP a conclu à la pertinence de garder les mêmes valeurs repères de consommation d’alcool, soit 14 verres par semaine pour les femmes et 21 pour les hommes. Cette recommandation est d’ailleurs illustrée en ce moment sur nos écrans à travers la campagne de communication de l’INPES tournée vers les buveurs réguliers excessifs, que j’ai lancée il y a quelques jours.
S’agissant de la question du tabac, le HCSP a débuté un travail sur ce sujet en 2010. Il a ainsi analysé l’ensemble des mesures qui seraient nécessaires pour engager une nouvelle phase dans la lutte contre le tabagisme.
Il lui a donc été aisé de répondre à ma demande quand une proposition de loi a été faite par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale visant à proposer une dérogation à l’interdiction de publicité en faveur du tabac, en vue de préserver l’intégrité des œuvres culturelles et artistiques. L’avis du HCSP a été clair et déterminant. Il a souligné les dangers de cette mesure qui ouvrait la voie à un démantèlement de la loi Evin.
Le Haut Conseil, par sa vision compétente et pluridisciplinaire des sujets, apporte ainsi un éclairage complet en vue de la décision politique.
Ne nous privons pas de cette aide dans les situations complexes !
Je sais gré au HCSP de contribuer également à l’installation d’une culture de l’évaluation des politiques publiques de santé.
Conformément à sa mission, le HCSP a évalué les 100 objectifs de la loi de santé publique de 2004. Il a ainsi pu constater que la moitié des objectifs n’étaient pas évaluables, mais que, parmi ceux qui l’étaient, plus de la moitié étaient atteints, et ce, dans des domaines aussi variés que l’obésité de l’enfant ou que les accidents routiers mortels liés au travail. Le HCSP a aussi souligné combien la méthode de fixation d’objectifs quantifiés pour les politiques de santé lui paraissait pertinente. Elle devra être perpétuée dans une prochaine loi de santé publique. C’est pourquoi, dans son rapport d’avril 2010, il a fait des propositions pour l’avenir.
Parallèlement, les évaluations menées par le HCSP ont concerné de nombreux plans de santé publique. L’évaluation des plans Cancer et Maladies Rares a été directement utile à l’élaboration des plans suivants et il en sera probablement de même pour les travaux plus récents : plan "Bien Vieillir", plan pour préserver l’efficacité des antibiotiques, ou plan douleur dont les évaluations viendront nourrir l’élaboration des politiques publiques dans ces domaines.
Même si le HCSP n’a pas le monopole de l’évaluation des politiques de santé, il faut lui reconnaître une appréciable contribution à l’essor de ces pratiques dans notre ministère au cours de ces dernières années.
Le HCSP nous aide à nous projeter dans l’avenir, avec des productions sur lesquelles nous pourrons fonder notre politique.
Je veux ici souligner l’importance du rapport "Inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité". Ce rapport pointe précisément la manière dont les politiques de prévention et de prise en charge qui améliorent l’état de santé moyen ont également tendance à creuser les écarts.
Les experts du HCSP ont fait la proposition d’évaluer a priori l’impact de toute politique sanitaire sur les différents types de population, pour anticiper un effet d’accentuation des inégalités. Cette évaluation d’impact doit se faire au bon niveau, national ou régional. Le rapport comporte également des exemples concrets de politique de lutte contre les inégalités pouvant être menés, par exemple, en matière de santé de l’enfant, ou bien de dépistage des cancers. Ce dépistage a d’ailleurs été repris dans le plan Cancer, ce dont je me félicite.
Ce rapport aura d’ailleurs des suites concrètes dans la politique que le gouvernement entend mener dans les années à venir.
Le travail de prospective concernant les maladies infectieuses émergentes est également marquant.
Outre la pandémie grippale, les menaces se diversifient avec la mondialisation et l’urbanisation, qui entraînent de nouveaux équilibres entre les agents infectieux, leurs hôtes animaux et les hommes. Dans ces conditions d’incertitude, je relève que les experts du HCSP préconisent un renforcement de la veille, ainsi que la définition de plans d’action flexibles. Parallèlement, de nouvelles recherches sont proposées, non seulement biomédicales, mais également dans le domaine des sciences humaines et sociales, afin de comprendre les représentations des risques par la population. Je crois en effet qu’il faut les mettre en regard avec la description et la hiérarchisation qu’en font les experts. Ce point de vue qui nous a manqué pendant la pandémie grippale, devra être développé à l’avenir par le HCSP.
Si le HCSP a su développer une activité intense et des productions nombreuses, son travail n’a pourtant pas toujours été facile.
Durant le premier mandat, quelques ajustements organisationnels ont été nécessaires : comme la réorganisation des commissions spécialisées. Elles sont maintenant au nombre de six, couvrant à la fois l’ensemble du champ de la santé publique, mais aussi les questions de sécurité sanitaire.
Les contours et donc la place du HCSP se sont ainsi progressivement dessinés. En effet, les missions des différentes agences et structures sanitaires avec lesquelles le HCSP doit travailler se recouvrent parfois. Des concertations ont été nécessaires pour travailler en complémentarité, ce qui me paraît aussi important que louable.
Le HCSP n’a jamais été mis en cause dans son expertise et son indépendance. Les déclarations d’intérêt de tous ses membres sont publiques. La transparence est donc totale, puisque tous les avis rendus sont publiés, avec la référence à la gestion des conflits d’intérêt.
Bien entendu, ce satisfecit ne doit pas entraîner l’inaction. Et c’est dans cet esprit que le HCSP a demandé à être évalué par l’Igas dans la dernière année de son premier mandat (2009-2010). Les préconisations faites, qui concernent notamment l’organisation de l’expertise, sont à l’origine d’un travail actuel de mise sous "assurance qualité", dont les nouveaux membres que vous êtes vont bénéficier.
Je serai à l’écoute d’éventuelles difficultés de fonctionnement qui pourraient survenir, et vous pouvez compter sur moi pour vous aider à les résoudre.
J’ai maintenant l’honneur et le plaisir de mettre en place le deuxième mandat du HCSP.
Xavier Bertrand et moi-même avons signé l’arrêté de votre nomination le 14 mars. La proposition était mûrement préparée après un appel large à candidatures et une sélection par un jury scientifique et indépendant. Vous formez une structure d’expertise pluridisciplinaire, compétente et indépendante, forte de 95 personnalités scientifiques et sur laquelle nous allons nous appuyer.
Vous avez aujourd’hui choisi votre Président, et il vous guidera dans les travaux qui permettent d’éclairer nos décisions publiques, et, par là-même, améliorent la santé de tous.
Roger Salamon a su construire une école de santé publique de renommée internationale. Nous comptons sur lui pour faire du HCSP une référence en matière d’expertise pour l’aide à la décision. Il est aidé dans cette tâche par les présidents des commissions spécialisées élus eux aussi ce matin, et un secrétariat scientifique de haut niveau.
Je félicite la nouvelle équipe en place !
Elle est porteuse de beaucoup d’attentes qui engendrent de grandes responsabilités.
Je vous souhaite à tous beaucoup de succès dans les travaux que vous conduirez au bénéfice de la santé de tous.
Merci de votre attention.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 mars 2011