Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur la lutte et la prévention contre la tuberculose, le traitement de la maladie et la politique de vaccination préventive, Paris le 23 mars 2011.

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Circonstance : Conférence de lutte contre la tuberculose en France à Paris le 23 mars 2011

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
La Journée mondiale de la tuberculose que nous célébrerons demain 24 mars, commémore la présentation, par le Dr Robert Koch en 1882, à Berlin, de sa découverte du bacille de la tuberculose. Cette découverte a marqué le début des efforts entrepris pour diagnostiquer et traiter la maladie.
Car rappelons que la tuberculose est une des pathologies les plus anciennes. Elle est intiment liée à l’homme et jusqu’au début du 20ème siècle, elle était responsable d’un décès sur 7 en Europe.
Dans ce domaine, l’action de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) vise à réduire de moitié la prévalence et le nombre de décès dus à cette maladie d’ici à 2015.
1. Objectifs de la journée mondiale de la tuberculose
Grâce à l’avènement de l’antibiothérapie dans les années 50, nous avons cru, à tort, que cette pathologie pouvait disparaître. Malheureusement, le bacille de Koch n’a pas échappé au phénomène émergent de résistance aux antibiotiques, qui se développe et contre lequel nous ne cessons de lutter.
Le Partenariat « Halte à la tuberculose » de l’OMS organise cette journée mondiale pour justement montrer l’ampleur de l’épidémie, et présenter les moyens de prévention et de traitement.
Car aujourd’hui, ce sont encore annuellement près de 9 millions de nouveaux cas de tuberculose maladie, et 1,8 million de décès qui sont enregistrés dans le monde.
2. Situation en France
La France est concernée par cette épidémie. L’incidence globale peut être considérée comme faible : 8 cas pour 100000 habitants et près de 5500 nouveaux cas par an.
Mais nous devons rester mobilisés dans la lutte contre cette maladie, car la tuberculose ne frappe pas au hasard.
Elle dépend de facteurs socio démographiques, qui appellent à la vigilance et à la continuité dans les actions menées, pour garantir le contrôle de l’épidémie sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, il existe de grandes disparités selon les zones géographiques. La Guyane et l’Île-de-France sont les zones où l’incidence est la plus forte : respectivement 22,6 cas et 17,9 cas pour 100000 habitants en 2008.
Mais des disparités existent également selon les groupes de population. Ainsi elle est particulièrement élevée :
* chez migrants nés dans des pays à forte prévalence comme ceux de l’Afrique sub-saharienne.
* chez les personnes sans domicile fixe,
* et dans une moindre mesure parmi chez les détenus en milieu pénitentiaire,
* ainsi que chez les personnes âgées de plus de 75 ans.
3. La politique vaccinale par le BCG depuis juillet 2007
Le 11 juillet 2007, après avis du Comité Technique des Vaccinations (CTV), le ministère la santé avait décidé de suspendre l’obligation de vaccination des enfants par le BCG.
Parallèlement, un programme de lutte contre la tuberculose en France avait été lancé, dont l’existence était une condition indispensable à toute modification de cette politique vaccinale par le BCG.
Cette décision a été prise au regard de la baisse majeure de l’incidence de la maladie au cours des dernières décennies, du rapport bénéfice-risque du vaccin qui devenait défavorable, et des limites de son efficacité ; le BCG n’empêche pas la diffusion de la tuberculose, il en évite les formes graves chez le nourrisson et l’enfant.
Cette obligation a été remplacée par une recommandation forte de vaccination des enfants les plus à risques. L’Institut de veille sanitaire a été missionné pour évaluer l’impact de cette décision.
Les résultats du travail mené montrent en définitive que cette suppression de l’obligation vaccinale n’a pas entrainée de hausse des cas d’infections.
Toutefois l’évolution de l’épidémie de tuberculose chez les enfants à risque et leurs niveaux de couverture vaccinale doivent être suivie avec la plus grande attention.
4. La stratégie nationale de lutte contre la tuberculose (LAT)
C’est pour cela que le programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), lancé en 2007 avait pour double objectif la consolidation de la diminution de l’incidence de la maladie et la réduction des disparités.
Aujourd’hui grâce à vos actions et à votre mobilisation en tant qu’acteurs de la lutte antituberculeuse, la maitrise de l’incidence est assurée. Il est important de le souligner et de le valoriser.
Mais un nouvel enjeu s’offre à nous avec le soutien des mesures visant à agir au plus prés des personnes à risque et aussi des mesures visant à réduire les inégalités, tant géographiques que populationnelles.
De plus, la prévention comme la lutte contre cette maladie au sein de ces groupes à risque se compliquent du fait de diagnostics tardifs, de transmissions qui s’enchainent et d’une faible adhérence au traitement. Tout ceci débouche sur l’apparition de souches de tuberculose résistantes aux antituberculeux.
Ainsi, les principaux obstacles rencontrés pour la bonne prise en charge de la tuberculose dans les populations vulnérables sont principalement :
* le retard de recours aux soins, qui se décline avec le retard à la réalisation des examens pour le diagnostic ou encore le retard à la mise sous traitement qui peuvent eux-mêmes être liés à un retard au diagnostic,
* l’interruption du traitement ou un traitement inadéquat,
* la limitation de l’accès au BCG et l’insuffisance de traitement des infections tuberculeuses latentes (ITL) chez les enfants.
Les raisons de ces obstacles sont souvent multiples mais citons en quelques-uns :
* la méconnaissance des filières de soins et des droits en matière de couverture sociale,
* la peur de la stigmatisation ou l’obstacle « culturel »,
* les problèmes psychiatriques engendrant des refus de soins,
* ou enfin la précarité socio-économique - notamment le manque de ressources financières, un hébergement instable et insalubre.
Différentes mesures sont à encourager pour organiser la prise en charge globale, médicale et sociale, des personnes en situation précaire. Car il est fondamental d’aller au devant de ces populations.
Ces mesures peuvent être par exemple :
* la mise en place d’équipes pluridisciplinaires mobiles (médecin, infirmière, assistant social etc.) pour le suivi et la prise en charge des tuberculeux dans les populations précaires, comme en Ile-de-France avec le soutien du SAMU SOCIAL à Paris.
* l’assurance d’un soutien social dans la prise en charge de la tuberculose des populations en difficultés socio- économiques (SDF, logement précaire, personnes avec difficultés financières, etc.).
* la mise en place et la connaissance des structures d’hospitalisation de longue durée pour la prise en charge de la tuberculose dans les populations difficiles à surveiller ou dans le cas de tuberculoses complexes et/ou multirésistante, sur le modèle du sanatorium de Bligny, que je visiterai demain. Cette structure a développé une expertise dans la prise en charge de ces patients au plan thérapeutique (antibiotiques et éducation thérapeutique) et médicosocial. Il apparait nécessaire de soutenir, valoriser et encourager son apport spécifique dans la prise en charge des cas complexes en relais des hospitalisations en court séjour.
Dans ce contexte, une mobilisation des différents acteurs tant en ARS que dans les CLAT est à maintenir pour maitriser le taux d’incidence et réduire les inégalités d’accès aux services de lutte antituberculeuse pour tous les territoires.
Mesdames et Messieurs,
Jusqu’au du 20ème siècle la tuberculose était responsable de la mort d’une personne sur 7. Aujourd’hui, dans l’esprit de beaucoup de personnes, cette maladie est éradiquée, notamment grâce aux antibiotiques.
Eh bien non, la tuberculose n’est pas vaincue vous le savez toutes et tous, elle connaît même une insidieuse résurgence.
C’est pourquoi nous devons la surveiller, pour en maîtriser le taux d’incidence et réduire les inégalités d’accès aux services de lutte antituberculeuse pour tous les territoires.
C’est aussi pourquoi nous devons mieux la prendre en charge médicalement, non seulement par la prévention, mais aussi par une observance vigilante de ses traitements.
Je vous remercie, vous et l’ensemble des acteurs de cette lutte, tant dans les agences régionales de santé que dans les centre de lutte contre la tuberculose pour leur mobilisation. Et je souhaite vivement que la journée mondiale de la tuberculose qui aura lieu demain, puisse contribuer à la sensibilisation de celles et ceux qui sous-estiment les dangers et les réalités de cette maladie. Cette sensibilisation, c’est aussi un devoir de solidarité.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 mars 2011