Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN Merci dêtre avec nous. Vous êtes là pour faire le point sur ce qui se passe au Japon et sur lavenir de la filière nucléaire en France. Alors le Japon, dernière information : un hélicoptère survole ou va survoler la centrale de Fukushima pour essayer de refroidir, de déverser de leau et de refroidir les réacteurs. Lobjectif cest déviter les fuites parce quon a parlé dexplosion dans un premier temps. Il ny a pas dexplosion mais il y a des fuites radioactives.
ÉRIC BESSON Oui, vous avez entièrement raison. Ce quon voit, ces images dhélicoptères ça paraît cohérent par rapport à ce quon sait. C'est-à-dire que les Japonais ont visiblement perdu soit totalement, soit partiellement la maîtrise par linterne, par le dispositif de commandement des centrales de cette centrale.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, la sécurité de la centrale aujourd'hui est inopérante.
ÉRIC BESSON Oui. Ils ont quand même du personnel qui agit encore. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, enfin qui ny est plus, qui a été évacué provisoirement.
ÉRIC BESSON Oui, enfin en grande partie. Quand même mais peu importe, ne mégotons pas. Vous avez raison, ils ont perdu visiblement lessentiel de la maîtrise, en tout cas cest notre analyse. Ça nest pas ce quils disent, pour être juste. Deuxièmement, sils ninterviennent pas par linterne, il y a la tentative dintervention extérieure. Là, lobjet cest dessayer de refroidir autant que possible le coeur du réacteur. Donc si ça ne peut pas être par des circuits de refroidissement alternatifs en provenance des centrales elles-mêmes, il faut que ce soit par lextérieur donc de leau, certains disent aussi du sable pour lutter contre les incendies cette fois-ci. Voilà ce quils essayent de faire visiblement.
JEAN-JACQUES BOURDIN Nous lavons constaté, vous aussi Éric BESSON : lanalyse de la situation nest pas la même selon quon se situe en France, en Europe ou au Japon. Je veux dire par là que lautorité de sûreté nucléaire française est très alarmiste ; les Japonais semblent plus prudents dans leur analyse. Est-ce que vous êtes bien informés ?
ÉRIC BESSON Je crois quon est bien informé, autant que lon peut lêtre, pendant que se joue un drame, par ce quil se passe en direct. Cest un peu comme vous lorsque vous faites de la télé, radio en direct. Lanalyse a été convergente pendant les trois premiers jours. Cest hier quelle a divergé quand lautorité de sûreté nationale française a classé laccident niveau 6 sur une échelle dite INES qui en compte 7 alors que les Japonais lont maintenu, et je crois encore en ce moment, toujours niveau 4. Donc cest hier que ça a clairement divergé, vous avez raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN Et pourquoi ?
ÉRIC BESSON Parce que les Japonais
JEAN-JACQUES BOURDIN Cachent la vérité ?
ÉRIC BESSON Non, je ne dis pas ça. Ils estiment pouvoir encore visiblement intervenir sur les centrales alors quune partie des autorités dans le monde pense quils ont déjà atteint le niveau où finalement à la fois le confinement du réacteur et des combustibles ne peut plus être assuré et que donc il y a perte et envoi dans latmosphère de radionucléides et cest ça quon considère comme laccident majeur, laccident très grave au regard de léchelle INES. Parce que la notion de catastrophe sur cette échelle nexiste pas : ce sont des incidents où des accidents et dans léchelle des accidents, le 7 sur 7 cest le plus grave et nous estimons
JEAN-JACQUES BOURDIN Cest Tchernobyl, cest laccident, cest la catastrophe.
ÉRIC BESSON Oui, oui. En langage grand public, cest ce que nous nous disons.
JEAN-JACQUES BOURDIN Attention à lexcès dans lemploi des qualificatifs parce que je vois lUnion européenne qui parle dapocalypse. Attention, non ?
ÉRIC BESSON Oui, il ne faut pas utiliser de mot. Enfin, comment dire ? Soit on est dun point de vue scientifique et cest un accident très grave pour perte de confinement et envoi dans latmosphère. Soit on est dans le vocabulaire grand public, chacun a le droit de considérer quun tremblement de terre, plus un tsunami, plus un accident nucléaire très grave, ça ressemble effectivement à ce que vous venez de dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Lapocalypse ?
ÉRIC BESSON Oui. Moi je nai pas envie de prononcer le mot ; cest pourquoi je vous ai laissé faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Jai compris, jai compris. Bon, Éric BESSON, on a envie den savoir un petit peu plus. 2009 en France je dis bien en France lautorité de sûreté nucléaire recense 713 événements significatifs pour la sûreté sur les centrales françaises. Je dis bien 2009 : 713 incidents, en hausse de 14 % par rapport à 2008, augmentation quasi-constante depuis 2005. Je sais quun rapport va être diffusé dans quelques jours sur les incidents pour 2010. Est-ce que vous avez les chiffres ? On dit plus de 1 000 incidents en 2010, vrai ou faux ? ÉRIC BESSON Je ne le sais pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous confirmez ou pas ces chiffres ?
ÉRIC BESSON Non, je ne les confirme pas : je ne les connais pas. Je ne les confirme ni les infirme. Vous avez ce rapport apparemment, moi je ne lai pas. Maintenant il va être public puisquen France il y a une transparence absolue. Lautorité de sûreté nucléaire rend public. Vous savez, moi je vis dans la Drôme près dune centrale nucléaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, je sais.
ÉRIC BESSON Celle du Tricastin, même près de deux puisquau nord de Montélimar, du coté ardéchois, il y a Cruas. On est habitué. La France a choisi de communiquer sur tous ces incidents ; même au niveau 1, nous communiquons. Donc vous en avez effectivement beaucoup puisque nous avons 19 centrales, 58 réacteurs, des milliers de personnes qui travaillent. Oui, ça arrive en permanence mais ça fait très longtemps quon na pas eu en France dincident réellement grave.
JEAN-JACQUES BOURDIN Heureusement, cela dit.
ÉRIC BESSON Oui, bien sûr. Mais le dernier significatif, cest la centrale du Blayais en Gironde lorsquil y avait eu un début dinondation dont nous avons tiré les notions.
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais quand même, regardons les chiffres encore une fois. Incidents en hausse constante dans les centrales françaises depuis 2005. En hausse en 2009 par rapport à 2008, je répète, de 14 %. Et on dit que les chiffres pour 2010 seront encore en hausse, nous verrons. Nous verrons, Éric BESSON.
ÉRIC BESSON Attendez, on le dit, je ne le sais pas. Nen concluez pas que ça veut dire quil y aurait une moins bonne exploitation ou une maintenance mieux assurée.
JEAN-JACQUES BOURDIN Non, jen conclus quil y a un vieillissement des centrales françaises.
ÉRIC BESSON Mais ça veut dire surtout quil y a une exigence accrue et que très vraisemblablement un certain nombre dincidents qui nétaient pas comptabilisés par le passé le sont désormais. Nous avons atteint un très haut niveau en France de sûreté et dexigence.
JEAN-JACQUES BOURDIN Cest ce que disaient les Japonais.
ÉRIC BESSON Cest ce que disaient les Japonais mais soyons justes sur ce qui sest passé au Japon. Quest-ce qui est en train dêtre prouvé ? Dabord que probablement ça na pas à moi de porter la polémique là-dessus mais que mettre des centrales nucléaires à proximité dune faille sismique si puissante, puisque le ministère de lEnvironnement estime que limpact potentiel au Japon est 30 000 fois supérieur à celui de la France ; vous imaginez ce que cela signifie.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, parce quen France il y a aussi des zones sismiques et des centrales qui sont proches de zones sismiques.
ÉRIC BESSON Absolument. Je néluderai pas mais juste un mot, si vous le permettez.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
ÉRIC BESSON La centrale a résisté à un tremblement de terre force 9 ou échelle 8,9 sur 9, le niveau le plus élevé. Et là-dessus, au lieu de elle avait une protection contre le tsunami pour une vague de 10 mètres, elle prend finalement une vague de 17 mètres sur cette centrale. Et au fond, quest-ce qui a cassé ? et cest une source de renseignements et denseignements très importante pour nous. Ce sont les systèmes de refroidissement alternatifs, c'est-à-dire des systèmes de secours qui pour des raisons bêtement mécaniques les diesels abîmés, des débris qui viennent dans les moteurs à cause du tsunami ne permettent pas de refroidir le réacteur. Sil y a une source de réflexion pour nous dans la lutte contre les inondations alors même que nous le faisons déjà, cest probablement là-dessus quil faut se pencher le plus. Quest-ce qui se passe en cas dinondation alors que des systèmes
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, cest ce qui sest passé à la centrale du Blayais.
ÉRIC BESSON Oui, absolument mais nous en avons tiré les enseignements. Lautorité de sûreté et EDF ont révisé toutes les procédures dans nos centrales en cas dinondation.
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Alors vous dites chaque centrale française va être vérifiée. Cest ce qua précisé le gouvernement hier.
ÉRIC BESSON Elle lest déjà.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, cest ce que nous disait EDF ce matin mais vous êtes bien marrant ! Les politiques sont bien marrants mais les centrales sont constamment vérifiées, donc cest de la communication !
ÉRIC BESSON Vous me lenlevez de la bouche : je vous confirme simplement. Le Premier ministre, et cest bien normal, dit à partir du moment où il se situe il y a un accident majeur, il faut regarder en quoi nous avons des éléments à tirer ce quil sest passé au Japon. Et cest pour ça que je vous dis que cest probablement sur laspect inondation que vraisemblablement il faudra regarder si lon peut tirer des enseignements. Pour le reste, nos centrales tiennent déjà compte des contraintes sismiques et dinondation. Elles sont révisées et lautorité de sûreté nucléaire qui est quand même, je veux le rappeler dun mot, lautorité considérée dans le monde comme la plus exigeante. Quand les ministres de lIndustrie ou de lÉnergie Invités du 16 mars 2011 Département Veille et Ressources dinformations 01.42.75.54.58 15 étrangers me parlent, ils me disent en permanence : vous, vous avez lautorité de sûreté la plus exigeante.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui mais les Français sont tellement marqués par Tchernobyl et par les mensonges quon a proférés à cette occasion. Quest-ce que vous voulez que je vous dise, Éric BESSON ? Vous vous souvenez, vous aussi comme moi, de tous les mensonges quon nous a racontés !
ÉRIC BESSON Oui, je me souviens. Les mensonges ou les erreurs qui voulaient être de bonne foi, peu importe.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
ÉRIC BESSON Mais en tout cas, nous nous sommes trompés collectivement, la France sest trompée à lépoque. Nous en avons tiré tous les enseignements et vous aurez noté que nous avons agi sur cet accident, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, moi-même, lensemble du gouvernement, en transparence absolue. Tout ce que nous savions au jour le jour avec dailleurs du coup les difficultés et les inflexions que ça donne. Quand cétait moins grave, on le disait ; quand cest grave, on le dit. Nous avons tout dit, rien masqué, tout mis sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon. Est-ce que certaines centrales françaises sont trop âgées ? Je pense à Fessenheim, 1977, 33 ans. Est-ce que certaines centrales devraient être arrêtées ?
ÉRIC BESSON Je ne le crois pas mais je ne suis pas qualifié pour le dire. Il y a une autorité de sûreté nucléaire qui fait des révisions, dabord qui inspecte, en général des milliers dinspections chaque année
JEAN-JACQUES BOURDIN Qui serait prête à stopper certaines centrales si
ÉRIC BESSON Bien sûr, elle en a le pouvoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN Non je vous dis ça parce que lAllemagne, vous lavez vu, voulait prolonger la durée de vie des centrales et a pris un moratoire.
ÉRIC BESSON Mais pour répondre sur la France, il faut préciser aux auditeurs et téléspectateurs. Les États-Unis ont prolongé la durée de vie de leurs centrales de façon collective. Lautorité de sûreté nucléaire en France donne lautorisation au cas par cas. Après une inspection totale, elle donne lautorisation au cas par cas. La centrale du Tricastin près de laquelle je vis vient dobtenir son autorisation pour dix ans, dix ans seulement.
JEAN-JACQUES BOURDIN Elle a 30 ans dâge.
ÉRIC BESSON 30 ans, et elle vient de lobtenir pour dix ans. La vérité, cest que nos centrales nucléaires sont bien plus en forme quon ne limaginait. Et dailleurs quand on avait dit pour 30 ans au départ, ça voulait dire pour un amortissement financier pour 30 ans, mais on ne savait pas ce que serait létat je dirais physique des centrales. Il sest révélé bien meilleur que nous ne lavions imaginé.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 21 mars 2011
ÉRIC BESSON Oui, vous avez entièrement raison. Ce quon voit, ces images dhélicoptères ça paraît cohérent par rapport à ce quon sait. C'est-à-dire que les Japonais ont visiblement perdu soit totalement, soit partiellement la maîtrise par linterne, par le dispositif de commandement des centrales de cette centrale.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, la sécurité de la centrale aujourd'hui est inopérante.
ÉRIC BESSON Oui. Ils ont quand même du personnel qui agit encore. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, enfin qui ny est plus, qui a été évacué provisoirement.
ÉRIC BESSON Oui, enfin en grande partie. Quand même mais peu importe, ne mégotons pas. Vous avez raison, ils ont perdu visiblement lessentiel de la maîtrise, en tout cas cest notre analyse. Ça nest pas ce quils disent, pour être juste. Deuxièmement, sils ninterviennent pas par linterne, il y a la tentative dintervention extérieure. Là, lobjet cest dessayer de refroidir autant que possible le coeur du réacteur. Donc si ça ne peut pas être par des circuits de refroidissement alternatifs en provenance des centrales elles-mêmes, il faut que ce soit par lextérieur donc de leau, certains disent aussi du sable pour lutter contre les incendies cette fois-ci. Voilà ce quils essayent de faire visiblement.
JEAN-JACQUES BOURDIN Nous lavons constaté, vous aussi Éric BESSON : lanalyse de la situation nest pas la même selon quon se situe en France, en Europe ou au Japon. Je veux dire par là que lautorité de sûreté nucléaire française est très alarmiste ; les Japonais semblent plus prudents dans leur analyse. Est-ce que vous êtes bien informés ?
ÉRIC BESSON Je crois quon est bien informé, autant que lon peut lêtre, pendant que se joue un drame, par ce quil se passe en direct. Cest un peu comme vous lorsque vous faites de la télé, radio en direct. Lanalyse a été convergente pendant les trois premiers jours. Cest hier quelle a divergé quand lautorité de sûreté nationale française a classé laccident niveau 6 sur une échelle dite INES qui en compte 7 alors que les Japonais lont maintenu, et je crois encore en ce moment, toujours niveau 4. Donc cest hier que ça a clairement divergé, vous avez raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN Et pourquoi ?
ÉRIC BESSON Parce que les Japonais
JEAN-JACQUES BOURDIN Cachent la vérité ?
ÉRIC BESSON Non, je ne dis pas ça. Ils estiment pouvoir encore visiblement intervenir sur les centrales alors quune partie des autorités dans le monde pense quils ont déjà atteint le niveau où finalement à la fois le confinement du réacteur et des combustibles ne peut plus être assuré et que donc il y a perte et envoi dans latmosphère de radionucléides et cest ça quon considère comme laccident majeur, laccident très grave au regard de léchelle INES. Parce que la notion de catastrophe sur cette échelle nexiste pas : ce sont des incidents où des accidents et dans léchelle des accidents, le 7 sur 7 cest le plus grave et nous estimons
JEAN-JACQUES BOURDIN Cest Tchernobyl, cest laccident, cest la catastrophe.
ÉRIC BESSON Oui, oui. En langage grand public, cest ce que nous nous disons.
JEAN-JACQUES BOURDIN Attention à lexcès dans lemploi des qualificatifs parce que je vois lUnion européenne qui parle dapocalypse. Attention, non ?
ÉRIC BESSON Oui, il ne faut pas utiliser de mot. Enfin, comment dire ? Soit on est dun point de vue scientifique et cest un accident très grave pour perte de confinement et envoi dans latmosphère. Soit on est dans le vocabulaire grand public, chacun a le droit de considérer quun tremblement de terre, plus un tsunami, plus un accident nucléaire très grave, ça ressemble effectivement à ce que vous venez de dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Lapocalypse ?
ÉRIC BESSON Oui. Moi je nai pas envie de prononcer le mot ; cest pourquoi je vous ai laissé faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Jai compris, jai compris. Bon, Éric BESSON, on a envie den savoir un petit peu plus. 2009 en France je dis bien en France lautorité de sûreté nucléaire recense 713 événements significatifs pour la sûreté sur les centrales françaises. Je dis bien 2009 : 713 incidents, en hausse de 14 % par rapport à 2008, augmentation quasi-constante depuis 2005. Je sais quun rapport va être diffusé dans quelques jours sur les incidents pour 2010. Est-ce que vous avez les chiffres ? On dit plus de 1 000 incidents en 2010, vrai ou faux ? ÉRIC BESSON Je ne le sais pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous confirmez ou pas ces chiffres ?
ÉRIC BESSON Non, je ne les confirme pas : je ne les connais pas. Je ne les confirme ni les infirme. Vous avez ce rapport apparemment, moi je ne lai pas. Maintenant il va être public puisquen France il y a une transparence absolue. Lautorité de sûreté nucléaire rend public. Vous savez, moi je vis dans la Drôme près dune centrale nucléaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, je sais.
ÉRIC BESSON Celle du Tricastin, même près de deux puisquau nord de Montélimar, du coté ardéchois, il y a Cruas. On est habitué. La France a choisi de communiquer sur tous ces incidents ; même au niveau 1, nous communiquons. Donc vous en avez effectivement beaucoup puisque nous avons 19 centrales, 58 réacteurs, des milliers de personnes qui travaillent. Oui, ça arrive en permanence mais ça fait très longtemps quon na pas eu en France dincident réellement grave.
JEAN-JACQUES BOURDIN Heureusement, cela dit.
ÉRIC BESSON Oui, bien sûr. Mais le dernier significatif, cest la centrale du Blayais en Gironde lorsquil y avait eu un début dinondation dont nous avons tiré les notions.
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais quand même, regardons les chiffres encore une fois. Incidents en hausse constante dans les centrales françaises depuis 2005. En hausse en 2009 par rapport à 2008, je répète, de 14 %. Et on dit que les chiffres pour 2010 seront encore en hausse, nous verrons. Nous verrons, Éric BESSON.
ÉRIC BESSON Attendez, on le dit, je ne le sais pas. Nen concluez pas que ça veut dire quil y aurait une moins bonne exploitation ou une maintenance mieux assurée.
JEAN-JACQUES BOURDIN Non, jen conclus quil y a un vieillissement des centrales françaises.
ÉRIC BESSON Mais ça veut dire surtout quil y a une exigence accrue et que très vraisemblablement un certain nombre dincidents qui nétaient pas comptabilisés par le passé le sont désormais. Nous avons atteint un très haut niveau en France de sûreté et dexigence.
JEAN-JACQUES BOURDIN Cest ce que disaient les Japonais.
ÉRIC BESSON Cest ce que disaient les Japonais mais soyons justes sur ce qui sest passé au Japon. Quest-ce qui est en train dêtre prouvé ? Dabord que probablement ça na pas à moi de porter la polémique là-dessus mais que mettre des centrales nucléaires à proximité dune faille sismique si puissante, puisque le ministère de lEnvironnement estime que limpact potentiel au Japon est 30 000 fois supérieur à celui de la France ; vous imaginez ce que cela signifie.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, parce quen France il y a aussi des zones sismiques et des centrales qui sont proches de zones sismiques.
ÉRIC BESSON Absolument. Je néluderai pas mais juste un mot, si vous le permettez.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
ÉRIC BESSON La centrale a résisté à un tremblement de terre force 9 ou échelle 8,9 sur 9, le niveau le plus élevé. Et là-dessus, au lieu de elle avait une protection contre le tsunami pour une vague de 10 mètres, elle prend finalement une vague de 17 mètres sur cette centrale. Et au fond, quest-ce qui a cassé ? et cest une source de renseignements et denseignements très importante pour nous. Ce sont les systèmes de refroidissement alternatifs, c'est-à-dire des systèmes de secours qui pour des raisons bêtement mécaniques les diesels abîmés, des débris qui viennent dans les moteurs à cause du tsunami ne permettent pas de refroidir le réacteur. Sil y a une source de réflexion pour nous dans la lutte contre les inondations alors même que nous le faisons déjà, cest probablement là-dessus quil faut se pencher le plus. Quest-ce qui se passe en cas dinondation alors que des systèmes
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, cest ce qui sest passé à la centrale du Blayais.
ÉRIC BESSON Oui, absolument mais nous en avons tiré les enseignements. Lautorité de sûreté et EDF ont révisé toutes les procédures dans nos centrales en cas dinondation.
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Alors vous dites chaque centrale française va être vérifiée. Cest ce qua précisé le gouvernement hier.
ÉRIC BESSON Elle lest déjà.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, cest ce que nous disait EDF ce matin mais vous êtes bien marrant ! Les politiques sont bien marrants mais les centrales sont constamment vérifiées, donc cest de la communication !
ÉRIC BESSON Vous me lenlevez de la bouche : je vous confirme simplement. Le Premier ministre, et cest bien normal, dit à partir du moment où il se situe il y a un accident majeur, il faut regarder en quoi nous avons des éléments à tirer ce quil sest passé au Japon. Et cest pour ça que je vous dis que cest probablement sur laspect inondation que vraisemblablement il faudra regarder si lon peut tirer des enseignements. Pour le reste, nos centrales tiennent déjà compte des contraintes sismiques et dinondation. Elles sont révisées et lautorité de sûreté nucléaire qui est quand même, je veux le rappeler dun mot, lautorité considérée dans le monde comme la plus exigeante. Quand les ministres de lIndustrie ou de lÉnergie Invités du 16 mars 2011 Département Veille et Ressources dinformations 01.42.75.54.58 15 étrangers me parlent, ils me disent en permanence : vous, vous avez lautorité de sûreté la plus exigeante.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui mais les Français sont tellement marqués par Tchernobyl et par les mensonges quon a proférés à cette occasion. Quest-ce que vous voulez que je vous dise, Éric BESSON ? Vous vous souvenez, vous aussi comme moi, de tous les mensonges quon nous a racontés !
ÉRIC BESSON Oui, je me souviens. Les mensonges ou les erreurs qui voulaient être de bonne foi, peu importe.
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
ÉRIC BESSON Mais en tout cas, nous nous sommes trompés collectivement, la France sest trompée à lépoque. Nous en avons tiré tous les enseignements et vous aurez noté que nous avons agi sur cet accident, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, moi-même, lensemble du gouvernement, en transparence absolue. Tout ce que nous savions au jour le jour avec dailleurs du coup les difficultés et les inflexions que ça donne. Quand cétait moins grave, on le disait ; quand cest grave, on le dit. Nous avons tout dit, rien masqué, tout mis sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon. Est-ce que certaines centrales françaises sont trop âgées ? Je pense à Fessenheim, 1977, 33 ans. Est-ce que certaines centrales devraient être arrêtées ?
ÉRIC BESSON Je ne le crois pas mais je ne suis pas qualifié pour le dire. Il y a une autorité de sûreté nucléaire qui fait des révisions, dabord qui inspecte, en général des milliers dinspections chaque année
JEAN-JACQUES BOURDIN Qui serait prête à stopper certaines centrales si
ÉRIC BESSON Bien sûr, elle en a le pouvoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN Non je vous dis ça parce que lAllemagne, vous lavez vu, voulait prolonger la durée de vie des centrales et a pris un moratoire.
ÉRIC BESSON Mais pour répondre sur la France, il faut préciser aux auditeurs et téléspectateurs. Les États-Unis ont prolongé la durée de vie de leurs centrales de façon collective. Lautorité de sûreté nucléaire en France donne lautorisation au cas par cas. Après une inspection totale, elle donne lautorisation au cas par cas. La centrale du Tricastin près de laquelle je vis vient dobtenir son autorisation pour dix ans, dix ans seulement.
JEAN-JACQUES BOURDIN Elle a 30 ans dâge.
ÉRIC BESSON 30 ans, et elle vient de lobtenir pour dix ans. La vérité, cest que nos centrales nucléaires sont bien plus en forme quon ne limaginait. Et dailleurs quand on avait dit pour 30 ans au départ, ça voulait dire pour un amortissement financier pour 30 ans, mais on ne savait pas ce que serait létat je dirais physique des centrales. Il sest révélé bien meilleur que nous ne lavions imaginé.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 21 mars 2011