Interview de M. Serge Lepeltier, secrétaire général du RPR, à RTL le 25 juillet 2001, sur la demande, émise par les juges, de communication des déclarations de patrimoine de Jacques Chirac et sur des problèmes d'environnement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt
Deux juges d'instruction ont demandé communication des déclarations de patrimoine de J. Chirac, entre 1988 et 1995, période où il était député. Leur but est de vérifier si J. Chirac avait déclaré alors les sommes qu'il évoque aujourd'hui, pour expliquer les voyages qu'il a payés en liquide. Première question : êtes-vous d'accord avec le principe même de cette recherche par les juges ?
- "La question qu'il faut se poser est : à quoi sert cette demande de transmission de la déclaration de patrimoine de J. Chirac ? Je crois qu'elle ne sert à rien, puisque le patrimoine de J. Chirac est connu ; il est le seul homme politique français à avoir publié cette déclaration de patrimoine lorsqu'il est devenu président de la République en 1995."
Parce qu'il y est tenu en tant que Président ?
- "Non, il l'a publiée au Journal officiel. C'est le seul homme politique français à l'avoir fait, et je crois que c'est cela qui est important. On se demande pourquoi demander ce qui est dans le JO."
Autrement dit, les juges n'ont pas à faire cela ? Vous considérer que c'est de l'acharnement ?
- "Je considère que c'est un peu une mise en scène orchestrée, qui vise à nuire à l'image du chef de l'Etat, à l'évidence. Mais vous savez, nous ne nous étonnons plus : chaque semaine, il y a un nouvel épisode."
Mais pour reprendre une formulation juridique, la question est de savoir si cette démarche des juges peut être utile à la manifestation de la vérité ?
- "Elle ne peut pas être utile puisque nous connaissons cette vérité, puisque nous connaissons le patrimoine de J. Chirac en 1995. Et sur les fonds eux-mêmes, sur le principe même, sur la nature de ces fonds, ce sont des fonds spéciaux, dits "secrets" et leur nature même fait qu'il n'y a pas de déclaration. Sinon il n'y aurait pas "secret.""
Ce qui est déclaré n'est plus secret...
- "Il n'y a évidemment pas de déclaration, que ce soit dans les revenus ou dans le patrimoine. Donc, on voit bien qu'il s'agit, encore une fois, d'une mise en scène théâtrale et qui semble orchestrée."
Et vous dites la même chose pour la réunion du bureau de l'Assemblée aujourd'hui, qui se réunit pour examiner la demande des juges ?
- "Que le bureau de l'Assemblée réponde à la question, cela paraît normal, puisqu'il y est convié. Mais la question méritait-elle d'être posée ? Encore une fois, on connaît la déclaration de patrimoine de J. Chirac, elle est publique."
Mais que doit-il faire, selon vous, le bureau de l'Assemblée ? Transmettre quand même cette déclaration de patrimoine ?
- "Pour ce qui me concerne, comme cette transmission n'est pas utile, qu'elle est au JO, je pense qu'il ne devrait pas la transmettre puisqu'elle ne sert pas, encore une fois, la vérité. Je pose simplement la question - puisqu'il y a eu des déclarations fiscales en 2001, en mars 2001, d'un certain nombre de ministres, de membres de cabinets - : est-ce que, dans ces déclarations, il y a eu les fonds dits "secrets" ? Le Premier ministre l'a dit : chaque ministre reçoit en moyenne, chaque mois, en liquide, 131 000 francs. Est-ce que ces sommes sont déclarées dans les revenus des ministres et des membres de cabinets concernés ?"
Donc vous renvoyez le ballon de ce côté-là ?
- "Nous disons simplement, qu'à l'évidence - et tous les Français que je rencontre dans ma ville, à Bourges, sont choqués par ce système ; ce n'est pas parce que ce système existe maintenant depuis quasiment la nuit des temps, qu'il ne faut pas le changer - qu'il faut stopper ce système. Mettons-y fin. C'est la raison pour laquelle nous demandons le gel des fonds secrets."
En tout cas, il n'y a rien de plus à demander à J. Chirac ? Il s'est exprimé à la télévision, pas devant les juges, on le sait, mais il n'y a rien à lui demander de plus ?
- "Mais nous considérons qu'il a répondu. Sur cette affaire, nous savons qu'il ne peut pas témoigner en vertu du respect de la Constitution. Et vraiment, encore une fois, il y a là, une mise en scène tout à fait théâtralisée qui nuit et semble vouloir nuire à l'image du chef de l'Etat."
Cette dénonciation de "mise en scène", qui est quand même un mot... fort ; cela annonce, à votre avis, un ton pour la campagne présidentielle et législative de l'an prochain qui sera, de la part du RPR, très dure ?
- "Ce qui nous importe dans cette campagne, à la fois présidentielle et législative, c'est qu'on parle des problèmes quotidiens des Français. Ils souhaitent qu'on leur parle de leurs difficultés, de leur pouvoir d'achat, de ce qui fait leur vie. Et aujourd'hui, si l'on parle d'un sujet qui les concerne très directement, l'environnement, je souhaite que, pendant cette campagne, on parle d'environnement, qu'on leur explique..."
...Vous êtes au RPR l'un des spécialistes de la question.
- "Tout à fait. Je suis d'ailleurs le seul secrétaire général d'un grand parti politique à avoir été responsable du secteur de l'environnement dans mon parti et avoir conservé cette compétence, parce que l'environnement doit être aujourd'hui au coeur de la stratégie des partis politiques."
Le RPR emboîtez le pas de J. Chirac là-dessus ?
- "Je ne sais pas si nous emboîtons le pas, mais, de concert, nous considérons qu'aujourd'hui, l'enjeu environnemental est l'enjeu de ce début de XXIème siècle. Et nous voyons qu'aujourd'hui, aucune politique n'est réellement menée dans ce domaine. On le voit bien en matière de transport, où il faut impérativement développer "la voiture propre." Nous proposons, au RPR, qu'il y ait des recherches beaucoup plus importantes qui soient faites, et que l'on incite les usagers, les consommateurs, à acheter des voitures propres. C'est la raison pour laquelle nous proposons une prime de 30 000 francs à chaque Français qui achèterait une voiture propre."
Vous êtes un exemple connu pour que les véhicules ne circulent pas sur certaines voies sur berges ?
- "Je crois que c'est le type-même de la mauvaise mesure qui n'a pas été concertée. On a l'impression un peu d'un diktat !"
Mais au-delà de la façon de faire, sur le principe ?
- "Je crois que la façon est très importante, car en matière environnementale, il faut absolument faire adhérer la population. Et là, on a eu affaire à un diktat ; c'est tout sauf de la démocratie. Il faut faire oeuvre de pédagogie, faire adhérer la population de façon progressive, lui faire comprendre l'intérêt. Là, c'est tout le contraire."
A propos d'environnement, vous étiez au Sommet de Bonn sur le climat. Qu'y faisiez-vous exactement ?
- "J'étais membre de la délégation française. Sur les questions environnementales, il faut impérativement dépasser les clivages politiques traditionnels de droite et de gauche. Ayant été le premier parlementaire qui me suis intéressé, par un rapport que j'ai remis au Sénat, à la question du réchauffement climatique, que ce soit D. Voynet ou Y. Cochet, ils ont souhaité que je fasse partie de cette délégation."
Vous êtes content du résultat ou plutôt réservé ?
- "Plutôt réservé. L'accord de Bonn est très inférieur à celui que nous avions refusé à La Haye. A La Haye, D. Voynet avait : "Plutôt pas d'accord qu'un mauvais accord." A Bonn, nous avons fait tout l'inverse. La question que je me pose est : n'est-ce pas un leurre et ne sommes-nous pas tombés, en fait, dans le piège tendu par les Etats-Unis ? Puisque, dans cet accord, nous avons souhaité isoler les Etats-Unis. Mais pour les isoler, nous avons quasiment cédé sur tout. Et la question que l'on doit se poser aujourd'hui est : est-ce que cet accord va réellement faire baisser les émissions de gaz à effet de serre ?"
Vous n'êtes pas sur la ligne de J. Chirac qui dit que cet accord est une bonne nouvelle pour l'environnement ?
- "C'est aussi mon rôle, peut-être, de mettre un peu l'accent sur un certain nombre de risques que l'on peut prendre au niveau international."
C'est-à-dire que vous allez continuer votre musique à vous ?
- "Sur la question environnementale, il me semble nécessaire que les partis politiques et qu'un mouvement comme le RPR, soient en pointe pour faire avancer. Il est normal que le président de la République et le Premier ministres soient d'accord sur cet accord mais pour nous, il est nécessaire de montrer nos réserves."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juillet 2001)