Déclaration de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, sur la sensibilisation et la lutte contre le dopage et l'automédication dans les disciplines sportives et la prévention des trafics de produits dopants, Paris le 13 avril 2011.

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Circonstance : Conférence de presse sur le dopage à Paris le 13 avril 2011

Texte intégral


Comme vient de le rappeler Bertrand JARRIGE, le ministère des sports a déjà engagé et mis en œuvre de nombreuses démarches et actions pour sensibiliser les sportifs au problème du dopage. Cependant, la menace du dopage ne faiblit pas. Bien au contraire.
Internet, la tendance croissante à l’automédication ou encore l’engouement pour les compléments alimentaires ont banalisé le recours aux adjuvants. Aujourd’hui, le dopage touche de plus en plus souvent les sportifs amateurs, et ce de plus en plus jeunes.
Par ailleurs, les discours de résignation gagnent du terrain. Certains se disent : « Après tout, tout le monde le fait, pourquoi lutter ? ». Il y a là un vrai danger pour l’intégrité du sport, surtout en cette année préolympique. C’est une période de forte pression pour les sportifs et leurs entraîneurs.
Enfin, les réseaux traditionnellement portés sur le trafic de stupéfiants ou de médicaments ont bien compris l’intérêt lucratif du dopage. Il faut avoir à l’esprit que le trafic de produits dopants peut rapporter cinq à dix fois plus d’argent qu’un trafic de stupéfiants pour des risques moindres, puisque tout se passe sur Internet.
Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire de nous remobiliser sur la lutte antidopage. Nous pouvons être fiers de notre action en matière de répression. La France est leader en Europe :
Par la loi du 3 juillet 2008, nous avons instauré des peines très lourdes à l’encontre des personnes ayant autorité sur les sportifs se trouvant impliquées dans une affaire de dopage. Nous continuons par ailleurs à être très réactifs pour maintenir en conformité la législation française avec le code mondial antidopage comme le montrent l’ordonnance du 14 avril 2010 et ses décrets d’application du 13 janvier 2011.
Dans le cadre de la lutte contre le dopage, la France peut également s’appuyer sur deux acteurs majeurs : l’AFLD (Agence Française de Lutte contre le dopage) qui a permis de révéler près de 200 cas de dopage en 2010 ; et l’OCLAESP (l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) qui coordonne l’action de l’ensemble des services impliqués dans la lutte antidopage sur le territoire national et collabore avec INTERPOL. Son efficacité est réelle. En décembre, un beau coup de filet a été réalisé à Marseille, permettant de démanteler un réseau qui comptait 200 000 clients dont près de 10 000 Français.
Aujourd’hui, c’est le volet préventif qui demande à être renforcé. Nous avons les moyens d’agir. Le budget consacré à la prévention par le sport et à la protection des sportifs, intégrant la lutte antidopage, a été augmenté de 3,7 millions euros, soit de 23 %, entre 2010 et 2011. Il est passé de 16 à 19,7 millions d’euros. L’effort réalisé en 2011 sera maintenu tout au long du programme 2011-2014, soit un effort d’environ 80 millions d’euros sur 4 ans. En complément des actions existantes, je vais donc lancer un plan de prévention national 2011-2014 qui s’articulera autour de trois volets :
* Le premier volet concerne le grand public
Des actions de sensibilisation seront lancées lors des grandes manifestations sportives « hors stades » afin de sensibiliser le plus grand nombre. Aujourd’hui, environ 5000 courses hors stade sont autorisées chaque année par les préfectures. J’ai donc décidé d’ouvrir un chantier réglementaire pour rendre obligatoires les actions de sensibilisation à la prévention du dopage par les organisateurs de course. Pour exemple, la fédération d’athlétisme mène des actions de sensibilisation pour tous ses licenciés aux « 10 règles d’or de la prévention ». Nous allons nous inspirer de ce type de travail remarquable.
Le week-end « Sentez-vous sport, santé vous bien » des 10 et 11 septembre prochains sera également un moment de communication important pour sensibiliser aux bienfaits de la pratique d’une activité physique et sportive pour la santé, mais aussi aux dérives qui peuvent exister, comme le dopage. Le dopage est aujourd’hui un problème de santé publique.
Nous avons également prévu de travailler main dans la main avec la Fédération Française d’Haltérophilie, de Musculation, de Force athlétique et de Culturisme et ses établissements affiliés. Nous allons aussi agir en direction des clubs de remise en forme, des salles de sport et de musculation, en nous appuyant pour commencer sur les grandes enseignes. L’utilisation des compléments alimentaires est en effet très répandue dans ces sports et le risque de dérapage non négligeable.
Enfin, nous allons nous associer à la campagne de sensibilisation contre le dopage, qui sera menée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel via les grands médias.
* Le deuxième volet ciblera le milieu sportif
Dans ce cadre, nous devons davantage nous appuyer sur l’entourage des sportifs (entraîneurs, médecins, dirigeants de clubs…) qui constitue un relais de proximité efficace pour les alerter sur les dangers du dopage. Cet entourage est également en première ligne pour détecter d’éventuelles conduites dopantes. Nous allons être aux côtés des fédérations, des clubs et de l’encadrement pour qu’ils prennent toute leur place dans le dispositif.
Un certain nombre de fédérations sportives sont engagées dans la lutte contre le dopage.
- Jusqu’à cette année, les actions de prévention étaient mises en œuvre principalement par les fédérations ayant répondu à nos appels à projet relatifs à la prévention des conduites dopantes. Elles ne sont cependant que 12 fédérations à avoir répondu à l’appel à projet 2010, 7 en 2011. C’est pourquoi j’ai décidé dès 2011 de faire de l’axe prévention du dopage l’un des 10 axes obligatoires de la convention d’objectif signée entre l’Etat et les fédérations. La prévention doit faire partie de la stratégie de toute fédération, d’autant plus que de nombreux outils existent. J’ai écrit en ce sens à tous les présidents de fédérations. L’appel à projet 2012 sera donc dédié aux mesures innovantes venant s’ajouter à l’axe obligatoire.
- Les fédérations pourront également s’appuyer sur le Pôle ressources national « Sport et Santé » à qui j’ai fixé deux priorités en matière de dopage : animer un réseau de formation à la prévention du dopage ; évaluer et valider les outils de communication et de sensibilisation sur ce sujet.
Le niveau fédéral est essentiel, toutefois tous les relais doivent être mobilisés :
- Désormais, les aides accordées par le CNDS aux clubs prennent également en compte l’adoption d’un projet éducatif et éthique, l’axe antidopage s’intégrant dans cette dimension éthique.
- Plus largement, nous devons apporter un accompagnement méthodologique aux clubs, aux entraîneurs ou encore au corps médical pour les aider à orienter et à prioriser leurs actions de sensibilisation. Nous allons élaborer avec le CNOSF un guide destiné aux responsables d’associations sportives qui les aidera et les accompagnera dans leurs actions. Ils ont en effet un rôle privilégié à jouer pour prévenir le dopage.
* Enfin, le troisième volet visera à renforcer la prévention des trafics de produits dopants
Il nous faut aujourd’hui créer davantage de synergies entre tous les acteurs de la lutte antidopage.
- Il existe dans chaque région une commission régionale de prévention et de lutte contre les trafics de produits dopants présidée par le Préfet et le Procureur de la République. Les commissions régionales sont des instances de veille, d’observation et de remontées d’information. Nous engageons un chantier réglementaire afin de relancer les missions des commissions régionales et d’instituer une instance de concertation nationale chargée de mieux mobiliser ce réseau. Le décret sera signé cette année. Je demande à l’OCLAESP d’être le pilote de cette instance.
- Avant fin juin, nous allons, avec la MILDT (mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie), lancer une campagne commune d’affichage dédiée à la prévention. Il nous semble naturel de parler d’une même voix ; en effet une articulation entre la lutte contre le dopage et la lutte contre les drogues est à poursuivre et renforcer.
Ce sont des premières orientations qui seront affinées et précisées par les groupes de travail qui réuniront prochainement les principaux acteurs concernés par la lutte antidopage : le ministère des sports, le CNOSF, des fédérations, des DTN, l’OCLAESP, l’AFLD et des médecins. Le travail de ces groupes viendra enrichir le plan de prévention national 2011-2014.
Au-delà de ce plan, la France continuera à assurer le rôle moteur qu’elle a toujours joué sur la scène internationale et européenne.
- Afin d’anticiper quelles peuvent être les futures molécules à potentialité dopante, nous avons engagé une collaboration avec l’industrie pharmaceutique. Les conclusions auxquelles ce travail aboutira appelleront un ajustement de la règlementation européenne. Dans cet objectif, la secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe m’a demandé d’organiser en France un symposium réunissant les acteurs de la lutte antidopage et ceux de l’industrie pharmaceutique. Nous le tiendrons en février 2012.
- Enfin, trop de flou demeure autour de la question des compléments alimentaires. Nous travaillons donc à la mise en place d’une norme AFNOR « Compléments alimentaires ». Celle-ci verra le jour au cours du 1er semestre 2012.
Nous allons poursuivre avec détermination la lutte antidopage. Je l’ai dit, je n’accepte pas les discours de résignation. Se résigner, c’est accepter la mort du sport. La beauté d’une performance sportive réside dans les efforts, l’acharnement d’un homme ou d’une femme à vouloir dépasser ses limites physiques et mentales. Le dopage n’y a pas sa place.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 14 avril 2011