Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur les métiers d'art, les maîtres artisans et le patrimoine artisanal d'art, Paris le 31 mars 2011.

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Circonstance : Soirée de lancement des Journées des métiers d'art 2011 à Paris le 31 mars 2011

Texte intégral

Les métiers d'art procèdent d'une alchimie secrète : ils traduisent à la fois des savoir-faire immémoriaux, des talents rares et précieux qui sont aux productions artistiques ce que sont les « lieux de mémoire » pour notre univers culturel. Mais ils sont également inscrits dans le présent, dans la création contemporaine, et ils représentent pour l'avenir un gisement de richesses, participant au rayonnement de notre pays, à quelque chose que j'appellerais la grâce française, indispensable, et même stratégique, à l'heure de la production globalisée et des objets interchangeables.

Je me réjouis d'être à vos côtés pour lancer les Journées des Métiers d'art 2011 et pour inaugurer cette belle exposition « Talents d'exception », qui met en valeur les savoir-faire des Maîtres d'art, de leurs élèves, ainsi que ceux des grands artisans d'art de la Manufacture Vacheron-Constantin, illustration exemplaire, depuis 1755, dans le domaine de l'horlogerie de la minutie et de la patience nécessaires dans ces métiers de l'excellence et du raffinement. Je remercie cette grande manufacture d'avoir accepté d'être l'un des partenaires principaux de ces Journées aux côtés des Ateliers d'Art de France et des Chambres de Métiers et de l'Artisanat, et d'avoir ainsi contribué à la réussite de cet événement.

Je voudrais m'adresser aux Maîtres d'art et à leurs élèves, qui, aux côtés des Maîtres artisans de la Manufacture horlogère, exposent leurs productions et proposent des démonstrations de leurs savoir-faire.

Ce lieu magnifique est tout à fait désigné pour accueillir ces objets d'exception et faire découvrir au public francilien ces créations issues de votre inventivité et de votre maîtrise technique. La Cité de l'Architecture et du Patrimoine est le creuset de la rencontre entre les représentations les plus prestigieuses de notre patrimoine et les tendances les plus contemporaines de notre architecture, associant comme vous le faites tradition et innovation.

Si notre pays peut, en effet, conserver, restaurer et mettre en valeur son patrimoine monumental et les trésors de ses collections muséales, il le doit aux artisans d'art que vous représentez. Nous ne manquons pas d'exemples en ce domaine, que ce soit la restauration des grilles du Château de Versailles, celle du Parlement de Bretagne ou de la Maison Carrée de Nîmes, pour ne citer que quelques réalisations récentes. Dans la transmission de ces savoir-faire, c'est la conservation même de notre patrimoine et de nos collections qui est en jeu. Les maîtres d'art expriment avec grandeur, intelligence, inspiration et rigueur une certaine idée de l'art. Ils traduisent « une certaine habilité dans la mise en œuvre des pratiques par quoi l'homme assure sa prise au monde », pour reprendre l'expression du grand historien Georges Duby.

Depuis 2002, les Journées des Métiers d'Art sont devenues le rendez-vous de l'artisanat et du patrimoine français. Les quelques 3 000 ateliers qui ouvriront leur porte au public en ce premier week-end d'avril permettront de découvrir des domaines aussi divers que la maroquinerie, la joaillerie, l'ébénisterie, la boutonnerie, la coutellerie, la dorure, ou encore la vannerie. Les métiers d'art montrent que le patrimoine s'inscrit toujours dans un présent et qu'une pratique contemporaine en préserve la sauvegarde. Je n'oublie pas que ces métiers contribuent également à d'autres secteurs de la vie culturelle, dans le domaine de la musique, du spectacle vivant, mais aussi du livre et de l'édition : du luthier au relieur, en passant par la corsetière, ils participent pleinement à la qualité des arts de la scène.

Les Journées des Métiers d'art sont l'une des traductions de la politique ambitieuse en faveur des métiers d'art décidée par François FILLON, suite à votre rapport, Madame la Sénatrice Catherine Dumas.

Avec mes collègues Frédéric LEFEBVRE et Luc CHATEL, nous en avons confié l'organisation au nouvel Institut National des Métiers d'Art (INMA), que je tiens à remercier tout particulièrement pour avoir su fédérer l'ensemble des partenaires publics et privés impliqués. Conformément aux préconisations du rapport de la sénatrice Catherine Dumas, nous avons décidé de faire de ces Journées des rendez-vous annuels, une opportunité unique offertes à tous d'aller partout en France à la rencontre des artisans d'art dans leurs ateliers et de découvrir leurs gestes, leurs savoir-faire, leurs créations.

Confronté aux défis de la matière, à l'image d'un Léonard de Vinci, l'artisan d'art est ingénieur autant qu'artiste. Parfois investis par les nouvelles technologies, les ateliers des artisans d'art sont les laboratoires du futur. Les métiers d'art sont en effet un secteur en perpétuelle évolution. Ils associent le travail sur des matériaux traditionnels à celui sur des matériaux nouveaux. Les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans de nombreux ateliers.

Et je me réjouis de savoir que génération du monde virtuel, celle qui est bercée par la « société des écrans » éprouve un réel besoin de retour à la production, à la matière. De plus en plus de jeunes sont séduits par le secteur des métiers d'art, qui leur offre un cadre professionnel épanouissant. En témoigne notamment l'augmentation régulière du nombre de candidats aux écoles d'arts appliqués.

Au cours de ces Journées, les scolaires, les lycéens et les étudiants pourront découvrir les différentes filières de formation aux métiers d'art ; plus de 80 écoles et centres de formation accueilleront les jeunes et leurs parents désirant s'informer sur l'offre de formation.

Un chantier sur la formation initiale et continue aux métiers d'art vient d'être ouvert par l'institut National des Métiers d'art, en lien avec l'ensemble des partenaires concernés. Il s'agit de faire un état des lieux et des propositions de réforme afin d'adapter les formations à l'évolution récentes de ces métiers, de plus en plus ouverts au design et aux arts numériques. Vous le savez, j'apporte un intérêt tout particulier aux métiers d'art et j'ai souhaité une politique volontariste de relance de ces métiers. J'ai voulu que désormais, vous ayez la possibilité de former successivement plusieurs élèves afin que se perpétuent et se réinventent vos talents d'exception. Cette mission de transmission qui vous est confiée s'inscrit pleinement dans la politique de formation menée par mon ministère dans le secteur des arts plastiques, notamment grâce au réseau des écoles supérieures d'art.

Je tiens à cet égard à saluer l'ensemble des établissements qui dépendent de mon Ministère, notamment le Centre des Monuments nationaux, la Cité de la Céramique de Sèvres, le Monument national, mais aussi de nombreux musées nationaux pour leur engagement dans ce travail de pédagogie en faveur de la transmission de l'expertise et des gestes techniques, aujourd'hui inséparables de l'innovation et de la recherche de nouvelles formes d'expression.

Je souhaite que lors des prochaines Journées des métiers d'art, en 2012, de plus en plus d'ateliers d'art ouvrent leurs portes au public, mais aussi des monuments, musées, centres d'art, opéras, théâtres, bibliothèques afin que le public, et particulièrement le jeune public, découvrent les savoir-faire de ces métiers. Enfin, plusieurs partenaires européens de l'Institut National des Métiers d'Art (INMA) ont manifesté un vif intérêt pour ces Journées ; c'est pourquoi, avec eux, nous avons décidé de créer dès 2012 les Journées Européennes des Métiers d'art. A l'heure de la production globalisée et des objets interchangeables, ce nouvel horizon européen, cette « nouvelle frontière » de notre engagement, doit être placée au service de la qualité des productions, des savoir-faire, en d'autres termes au service de la diversité culturelle.

Je sais qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce secteur, notamment pour mieux les valoriser auprès du public. Je souhaite que les élèves des Maîtres d'art puissent disposer d'un véritable statut et que soit mis en œuvre une reconnaissance à la fin de leur cycle de formation initié par les Maîtres d'art. Je souhaite aussi que le 1% s'ouvre davantage aux métiers d'art. Les artisans d'art peuvent déjà y prétendre, ce qu'ils ignorent parfois. Mais il faut aussi le faire savoir aux collectivités, qui ne le savent pas toutes non plus. Nous allons nous employer à diffuser cette information.

Enfin parmi les nouvelles mesures mises en œuvre depuis le printemps dernier, nous avons décidé de prendre en considération chacun des 217 métiers reconnus depuis 2003 par les textes comme « métiers d'art ». Nous devons nous projeter dans le XXIème siècle : cette nomenclature n'est pas figée et ne doit pas l'être. Réfléchissons ensemble à l'ouvrir, dans le respect de l'excellence qui nous occupe et nous guide.

Diderot disait : « C'est peut-être chez les artisans qu'il faut aller chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l'esprit, de sa patience et de ses ressources » Pour reprendre les mots d'un autre écrivain, je dirai : « Armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ».

Je vous remercie.

Source http://www.culture.gouv.fr, le 13 avril 2011