Interview de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à "Canal Plus" le 22 avril 2011, sur les mauvais chiffres du commerce extérieur et la nécessité d'aider les PME dans ce domaine.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

MAITENA BIRABEN Pierre LELLOUCHE, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur est l’invité de La Matinale. Il tente de pousser nos exportations plutôt mal en point et d’ailleurs il rentre d’Égypte où il est allé par ailleurs prendre le pouls de la démocratisation dans ce pays. Toujours du côté des difficultés, Nicolas SARKOZY est donné absent dans les sondages au second tour des présidentielles. Pierre LELLOUCHE, bonjour.

PIERRE LELLOUCHE Bonjour.

MAITENA BIRABEN Soyez le bienvenu.

PIERRE LELLOUCHE Merci.

GILLES DELAFON Bonjour Pierre LELLOUCHE.

PIERRE LELLOUCHE Bonjour.

GILLES DELAFON Vous rentrez donc du Caire. L’Égypte, c’est le premier client de la France au Moyen Orient, 120 filiales d’entreprises françaises y sont installées.

PIERRE LELLOUCHE 50 000 emplois que nous créons.

GILLES DELAFON 50 000 emplois. La révolution c’est bon ou c’est mauvais pour les affaires ?

PIERRE LELLOUCHE La révolution c’est bon pour les affaires, l’État de droit c’est bon pour le business. Ce qui n’est pas bon, c’est la corruption, le népotisme, les coups arrangés, les marchés publics frelatés. Ça, ce n’est pas bon. Ça coûte davantage à l’État, ça pénalise l’économie. Non, la corruption ce n’est pas bon du tout. Il y a un rapport de la banque mondiale qui vient de le confirmer d’ailleurs, qui est très bien fait. L’État de droit, au contraire, c’est la transparence, la formation de meilleures élites, meilleure gouvernance, c’est la clé du développement.

GILLES DELAFON Donc il y a des opportunités en Égypte ?

PIERRE LELLOUCHE La démocratie dans le monde arabe, c’est une très, très bonne nouvelle.

GILLES DELAFON Vous le sentez, ça ? Vous sentez qu’il y a des opportunités ?

PIERRE LELLOUCHE Écoutez, si ça marche en Égypte, ça aura un impact majeur sur le XXIème siècle et il faut que ça marche. Il y a une responsabilité historique immense. Napoléon disait, vous savez il disait à ses soldats, du haut de ces 40 siècles d’histoire, l’histoire vous contemple ; eh bien là l’histoire est en train de regarder l’Égypte. Compte tenu de son poids démographique et politique à l’intérieur des 300 millions d’Arabes, si l’Égypte montre que la démocratie est compatible avec l’islam, le monde arabe et que donc le monde arabe peut entrer de plein pied dans la mondialisation, le XXIème siècle sera beaucoup plus calme et prospère pour tout le monde.

GILLES DELAFON Et elle en est où l’Égypte, là ? Parce que vous avez rencontré pas mal de responsables, je crois, mais on est au milieu du guet, on est dans une transition démocratique. Est-ce que vraiment on va quelque chose de satisfaisant ou est-ce qu’il y a des blocages ? Vous parliez du business : c’est quand même l’armée qui tient le business en Égypte.

PIERRE LELLOUCHE Il y a l’armée d’un coté et puis il y a une classe politique qui est en train de s’organiser. J’ai vu Amr MOUSSA qui sera donc candidat, j’ai aussi vu ELBARADEI, les gouvernements, le Premier ministre.

GILLES DELAFON Ça avance ?

PIERRE LELLOUCHE Ils ont un cap difficile parce que le tourisme s’est effondré – c’est d’ailleurs dommage parce que le pays est magnifique, comme vous le savez, donc il faut encourager les gens à y retourner. Il y a quelques mois difficiles et puis ensuite ils vont lancer leurs élections à l’automne et puis après un programme d’investissement. Donc il faut que la communauté internationale soit là pour leur faire passer cette période, un peu comme en Tunisie, puis même chose sur le tourisme, et puis dans un deuxième temps, il faut qu’on les associe – il faut qu’on s’associe, il faut qu’on soit là pour leurs investissements. J’ai confiance. Les gens que j’ai vus, y compris les plus jeunes qui étaient sur la place Tahrir, y compris les Frères musulmans, sont des gens pour l’essentiel qui sont… Ce qui m’a frappé, c’est le mot « modération » : ce sont des gens modérés et matures, avec beaucoup de maturité, même parmi les plus jeunes. Il n’y a pas ces tensions idéologiques. Curieusement, moi qui ai vécu un peu 68, c’est beaucoup plus calme que c’était en 68 chez nous quelque part ! Alors ça ne veut pas dire qu’ils soient sortis d’affaire du tout. Il faut être très prudent, patient.

GILLES DELAFON Ce n’est pas gagné encore complètement.

PIERRE LELLOUCHE Ah non, non, non. Il y a eu récemment, ces derniers jours, un groupe de salafistes qui a interdit à un gouverneur copte de prendre ses fonctions dans la Haute Égypte. Il faut faire attention quand même.

MAITENA BIRABEN On va continuer de parler commerce extérieur mais cette fois avec quelque chose qui fâche : les chiffres.

GILLES DELAFON Alors les chiffres ne sont pas bons, monsieur le secrétaire d’État.

PIERRE LELLOUCHE Non, les chiffres ne sont pas bons. Je l’ai dit au premier jour de ma prise de fonction.

GILLES DELAFON Certes. Mais alors vous recevez cet après-midi… Alors on sait que le commerce extérieur français il pêche par les PME. Les PME ne sont pas assez exportatrices, tout le monde le sait, on a fait des rapports, on les a empilés sur des étagères, ça on le sait. Vous les recevez cet après-midi les PME exportatrices françaises ; qu’est-ce que vous allez changer vous pour aider ces PME à être plus performantes ?

PIERRE LELLOUCHE On fait plusieurs choses. D’abord le job du commerce extérieur, c’est de se battre sur les normes internationales – donc c’est l’OMC, c’est les règles de réciprocité notamment à l’égard de la Chine ou au Japon ; il faut que les accès au marché public soit égal pour tous. Il faut éviter les dévaluations compétitives ou les dévaluations permanentes, d’où la réforme que nous essayons de proposer dans le G20.

GILLES DELAFON Dans le G20, absolument.

PIERRE LELLOUCHE Il y a l’aspect grands groupes, donc là je repars au Brésil repousser nos exportations dans différents secteurs, dans le vin, l’énergie, la défense.

GILLES DELAFON Concrètement on fait quoi pour les aider ces PME ?

PIERRE LELLOUCHE Alors pour les PME, et c’est là que je passe beaucoup de temps, c’est de les amener des régions jusqu’à Hanoï, São Paulo ou la Chine.

GILLES DELAFON Comment ?

PIERRE LELLOUCHE D’abord il faut les faire grossir, il faut les identifier. Il faut les accompagner, donc le travail doit être réparti en région. Ce que j’essaye de faire en région si vous voulez, c’est qu’il y ait un guichet unique quelque part, soit à la chambre de commerce soit à la région elle-même, puisque les régions ont par la loi un devoir de développement économique et elles souhaitent s’impliquer dans le développement, un endroit où les PME trouvent toutes les solutions à l’export. Quelqu'un qui a un produit, qui est trop petit – même un produit agroalimentaire…

GILLES DELAFON Ça n’existait pas ?

PIERRE LELLOUCHE Non, non. Il y a une confusion, un saupoudrage de systèmes.

GILLES DELAFON On ne sait pas à qui s’adresser, oui.

PIERRE LELLOUCHE À partir du moment où la boîte est identifiée, qu’elle a un produit à vendre, elle est envoyée sur nous. Nous, c’est qui ? C’est le réseau, les 180 réseaux à l’export vers nos conseillers économiques, et le réseau UBIFRANCE qui accompagnent ces boîtes à l’export, les emmènent dans les salons – c’est ce que je fais pour l’agriculture par exemple.

GILLES DELAFON D’accord.

PIERRE LELLOUCHE On emmène nos boîtes à l’export, on leur fait signer des contrats, on leur donne des jeunes volontaires…

GILLES DELAFON Oui. Est-ce que le président là il ne vous tire pas une balle dans le pied avec sa prime exceptionnelle de 1 000 euros ? Parce que vous avez vu, côté PME, ils ne sont pas ravis, ça leur pose des problèmes de trésorerie. Qu’est-ce que vous en pensez de cette prime ?

PIERRE LELLOUCHE Alors cette prime, elle va surtout toucher les grands groupes. Il faut savoir que les groupes du CAC 40…

GILLES DELAFON Au-dessus de 50 personnes.

PIERRE LELLOUCHE Attendez, oui. Les grands groupes ils ont eu 80 milliards d’euros de profits l’an dernier, 40 donnés aux actionnaires.

GILLES DELAFON On est d’accord, mais il y a pas mal de PME qui sont au-dessus de 50.

PIERRE LELLOUCHE D’accord, mais ça c’est pas mal quand même. Il y a quand même 8 millions de travailleurs qui sont concernés. Donc pour les moins de 50 il y aura une incitation fiscale, beaucoup d’ailleurs le font à l’intéressement, et pour ceux qui sont entre les deux il y aura une négociation mais l’idée que les travailleurs participent au développement, c’est quelque chose qui est – que moi je transporte, je suis un petit peu Gaulliste quand même – donc ce n’est pas une idée…

GILLES DELAFON Bien sûr, mais est-ce que les PME que vous allez recevoir cet après-midi, la première chose qu’ils vont vous dire : « Monsieur LELLOUCHE, on a des difficultés, c’est quoi cette histoire de prime ? ».

PIERRE LELLOUCHE Non, ils ne sont pas contre la distribution : il faut que le système soit souple. Je n’ai pas l’impression que les entreprises soient contre l’idée d’intéresser leurs travailleurs. Toute la question c’est qu’il ne faut pas que ce soit trop, j’allais dire à la française, imposé du haut vers le bas. Mais le signal que la participation doit être une priorité et que tout le monde doit s’y retrouver dans la mondialisation, ça ça me paraît être politiquement un très bon signal et puisqu’on parle de signaux politiques, j’ai amené ce petit document en avant-première.

GILLES DELAFON Ne vous inquiétez pas, on va en parler.

MAÏTENA BIRABEN Un petit peu de politique justement.

GILLES DELAFON Alors on est à un an du premier tour de la présidentielle, le président se montre très volontariste, on l’a vu, sur l’immigration, le social, les opérations à l’extérieur. Mais on a le sentiment que ça ne lui profite pas et que ça ne profite qu’à Marine le PEN. Parlez-nous de votre petit livre, puisque vous êtes venu pour ça.

PIERRE LELLOUCHE Le petit livre bleu là, c’est celui qui est publié ce matin même, donc en avant-première, ce sont les 4 ans de bilan, aujourd’hui c’est l’anniversaire du premier tour, donc voilà. Ce qui est intéressant dans ce papier-là que j’ai regardé…

GILLES DELAFON Qui est-ce qui a fait ce petit livre ?

PIERRE LELLOUCHE C’est le service de communication du gouvernement et de l’Elysée… GILLES DELAFON D’accord.

PIERRE LELLOUCHE Il est sorti ce matin-même…

GILLES DELAFON Pour dire que quand on travaille plus, on gagne plus ?

PIERRE LELLOUCHE Pour dire ce qu’on a fait secteur par secteur. Et ce qui est intéressant dans ce document, c’est que je mets au défi l’opposition de dire ce qu’elle va supprimer dans ce bilan, qu’est-ce qu’ils vont supprimer de ce bilan ? Qu’est-ce qui n’est pas bien qu’ils auraient envie de changer.

MAÏTENA BIRABEN Certainement pas…

PIERRE LELLOUCHE S’il y a quelque chose à améliorer, moi je serai tout à fait heureux d’en discuter, mais s’il y a quelque chose de pas bien, qu’on nous le dise. Donc pour en revenir à la question…

GILLES DELAFON Ça ne profite qu’à Marine le PEN.

PIERRE LELLOUCHE Je ne crois pas, je crois que ce qui se passe en ce moment, si on lève le nez du guidon, on s’aperçoit qu’à travers toute l’Europe, la combinaison de la crise économique de 2007-2008 qui est la plus grave jamais connue depuis 80 ans, les pressions migratoires, les incertitudes sur l’Europe, tout ça fait que vous avez aujourd’hui une poussée des sentiments antieuropéens, xénophobes…

GILLES DELAFON Enfin en France particulièrement, le président bat tous les records d’impopularité.

PIERRE LELLOUCHE Oui, oui, on a… ça c’est sûr, je ne suis pas en train de…

GILLES DELAFON Vous en convenez ?

PIERRE LELLOUCHE Je ne suis pas en train de discuter avec ce que disent les sondages tous les jours, je suis en train de discuter de la signification. La signification c’est d’une part que dans toute l’Europe, vous avez des poussées du même genre, vous me parliez de Marine le PEN tout à l’heure, regardez les dernières élections la semaine dernière en Finlande.

GILLES DELAFON En Finlande.

PIERRE LELLOUCHE Deuxièmement, s’agissant des sondages en France, je voudrais simplement vous dire ceci, regardez les sondages des élections présidentielles précédentes, regardez ce que disaient les sondages : qui devait être automatiquement élu, regardez ce qui s’est passé à l’arrivée. Voilà, je dis qu’il y a un an de campagne devant nous, que j’attends de savoir quel est le candidat socialiste, quelle sera la candidate socialiste devant nous, quelles seront ses propositions…

GILLES DELAFON Quel sera le candidat de la majorité ?

PIERRE LELLOUCHE Et ce sera projet contre projet.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 avril 2011