Texte intégral
Messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs,
C'est avec plaisir que je participe avec vous à cette rencontre sur le thème des réseaux intelligents, qui coïncide comme vous l'aurez noté avec chacune des composantes du ministère dont j'ai la charge : l'industrie, l'énergie et l'économie numérique.
Pour commencer, je tiens à rappeler un constat que vous partagerez sans doute au cours de vos travaux.
Les réseaux énergétiques français et européens doivent faire face à deux tendances qui se combinent aujourd'hui et s'inscrivent dans la durée :
- premièrement, des évolutions rapides et croissantes des usages électriques, illustrées par les records de consommation du 15 décembre 2010 (date à laquelle nous avons atteint une consommation de pointe de 96 350 MW) ;
- deuxièmement, l'intégration des productions d'énergies renouvelables intermittentes qui constituent un défi majeur pour les gestionnaires de réseaux.
Ces tendances conduisent à repenser l'architecture et le pilotage des réseaux, et à renforcer nos actions en matière de maîtrise de la demande en électricité, d'effacement et de stockage de l'énergie.
Le chantier est vaste, mais nous avons des atouts à consolider pour placer la France et son industrie à la pointe de l'innovation dans le domaine des réseaux intelligents, plus communément connus sous le nom de « smart grids ».
Nos réseaux de transport d'électricité, gérés et pilotés par RTE, sont déjà intelligents. Il en est de même pour les réseaux de distribution gérés par ERDF et les différentes régies ou autorités concédantes. Il s'agit aujourd'hui de rendre ces réseaux plus « intelligents » et plus robustes dans un système électrique européen interconnecté.
Cette gestion plus fine du système électrique français se traduira par une réduction des pertes électriques et une optimisation des investissements de rénovation et de renouvellement d'équipements. Mais elle répond également à un double impératif : prendre en compte les nouveaux usages comme les véhicules électriques ; et absorber la production des énergies intermittentes, qu'elles soient d'origine photovoltaïque ou éolienne. Ces formes d'énergie occuperont une part croissante à très court terme dans le bouquet électrique de la France, comme en témoigne la première tranche de 3000 MW de capacité offshore décidée par le gouvernement. Je saisirai à ce titre la Commission de Régulation de l'Energie dès la semaine prochaine pour avis, concernant le cahier des charges de l'appel d'offres qui devrait être publié début mai 2011, pour un objectif de mise en service des premiers parcs éoliens offshores dès 2015.
Je l'évoquais à l'instant, les smart grids sont déjà une réalité , mais dans une « version 1.0. » si l'on se place du point de vue des consommateurs. Un exemple : chez les particuliers, quatre millions de ballons d'eau chaude sanitaire sont déjà pilotés par le signal tarif « Heures Creuses » transmis par ERDF.
Mais il faut aujourd'hui aller plus loin et plus vite dans ce chantier, dont la première étape incontournable concerne le comptage de l'électricité et le recours à des compteurs non pas « intelligents », mais « communicants ». La nuance n'est pas sémantique : le compteur n'est que la première pièce de la chaîne de valeur des réseaux intelligents.
Vous reviendrez sans doute sur ce point au cours de vos débats, mais là encore, la France n'est pas en retard sur ses voisins européens, et nos industriels peuvent occuper une position leader sur le marché des compteurs évolués.
Le déploiement des compteurs communicants représentera une opportunité pour nos industries, mais il doit également être synonyme d'économies d'énergie et de confort pour le consommateur grâce aux multiples innovations qui pourront en découler.
C'est notamment en poursuivant ces objectifs que l'expérimentation Linky a été lancée en mars 2010.
Les nouveaux compteurs testés dans le cadre de l'expérimentation permettront une fois généralisés d'améliorer le service rendu aux usagers. Ils rendront notamment possible la réalisation de certaines opérations à distance, évitant un déplacement physique des exploitants. Ils permettront également de réaliser des relevés réguliers des consommations avec des pas de 30 minutes. De par leur caractère interopérable, ces nouveaux compteurs serviront de support à de multiples équipements et services à l'usager, à l'aval du compteur, afin, par exemple, de l'aider à mieux connaître et maîtriser ses consommations en période de pointe.
Les compteurs communicants actuels sont conçus pour une durée de vie de 20 ans, et résultent nécessairement d'un compromis entre performance, interopérabilité et robustesse. Ils doivent de plus s'appuyer sur des standards permettant de garantir leur compatibilité dans la durée avec les multiples services innovants susceptibles d'être proposés en aval, et pour lesquels la créativité et l'audace française pourra s'exprimer.
Les retours de l'expérience que nous menons autour de Linky nous permettront donc d'apporter des réponses optimales à ces défis, et c'est pourquoi j'ai décidé de mettre en place un comité de suivi de cette expérimentation. Le comité qui sera mis en place dans les prochains jours réunira l'ensemble des parties prenantes, et permettra de tirer les enseignements de cette première phase de déploiement avant la décision de généralisation par le gouvernement.
L'amélioration du dispositif de comptable de l'électricité entraînera par ailleurs le développement de nouvelles offres tarifaires pour les consommateurs particuliers, avec par exemple un avantage financier accordé aux clients qui souhaiteront restreindre automatiquement leur consommation lors des pics de demande. Ces innovations tarifaires seront rendues possibles grâce à la loi NOME, qui prévoit la création de marchés de capacité permettant de rémunérer ces mécanismes d'effacements.
Les Investissements d'Avenir constitueront pour leur part un levier important dans le développement de nouvelles solutions technologiques par le biais de projets de démonstration et de têtes de série industrielles. 1,65 milliards d'euros sont consacrés à ce titre aux énergies décarbonées et à la chimie verte, dont 250 millions d'euros pour les seuls réseaux énergétiques intelligents.
Un exemple concret pour illustrer mon propos : le projet Reflexe, sélectionné en décembre 2010 dans le cadre des Appels à Manifestation d'Intérêt de l'ADEME, et qui vise à piloter des bâtiments tertiaires et résidentiels dans une architecture intégrée aux réseaux d'électricité.
L'ensemble de ces mesures contribuera à faire émerger une filière d'excellence « Smart Grid », créatrice d'emplois à haute valeur ajoutée et exportatrice si elle réussit collectivement par son avance à imposer ses standards au niveau européen, voire mondial.
C'est l'ambition que nous devons viser, et à laquelle vous contribuez en engageant la réflexion à un moment où tout reste encore possible sur ce chantier d'avenir, et prometteur.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne poursuite de vos travaux.
Source http://www.ecoter.org, le 19 avril 2011