Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à RMC le 26 avril 2011, sur les suppressions d'effectifs d'enseignants, le "pass contraception" pour les élèves et l'autonomie pédagogique dans les collèges et lycées.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Alors, on va évidemment parler de réductions de nombre d’enseignants, d’augmentations du nombre d’élèves, notamment en primaire, mais on va attendre un petit peu, on va d’abord se concentrer sur un sujet d’actualité aujourd’hui qui passionne beaucoup les auditeurs et les téléspectateurs, c’est l’introduction pour la première fois dans les établissements scolaires, ça va se passer en Ile-de-France, ce matin, d’un Pass Contraception pour les élèves de 15, 16 ans, niveau seconde ou enseignement technique, en fait, ils sont 82.000 garçons, je crois, et 77.000 filles à être potentiellement concernés. Une sorte de chèque ticket resto dans lequel il y aura un Pass pour aller voir le médecin, un pour faire des examens de sang, et puis, un pour avoir gratuitement des pilules. Alors, qui a dit, Luc CHATEL, l’autorité parentale est quelque chose qui compte, l’Education nationale n’a pas à se substituer au planning familial.
 
LUC CHATEL Moi, sans doute.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Oui, c’était il y a un an. Vous avez changé d’avis ?
 
LUC CHATEL Non, ça reste absolument d’actualité. Pourquoi sommes-nous partenaires de la région Ile-de-France sur ce sujet, parce que je considère, et ça répond à la question SMS du jour de RMC, que l’Etat est dans son rôle lorsque, il écoute, lorsqu’il informe, lorsqu’il accompagne les adolescents. On a aujourd’hui un vrai sujet de société, qui a été dénoncé à la fois par l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport l’année dernière, par les parlementaires, nous avons en ce moment une mission parlementaire, présidée par Bérengère POLETTI, députée des Ardennes, et qui dit, en gros : il y a trop de grossesses non désirées dans notre pays…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN 13.000 IVG par an…
 
LUC CHATEL 13.500 interruptions volontaires de grossesses chez des jeunes mineures.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Chez les jeunes mineures.
 
LUC CHATEL Ça veut dire des vies qui sont quelque part gâchées, ça veut dire des jeunes filles et des jeunes garçons qui sont marqués à vie, et donc c’est le rôle de l’Etat, en amont, que de prévenir. Pourquoi prévenir, parce que, le paradoxe, c’est que 72% de ces jeunes filles qui pratiquent une interruption volontaire de grossesse sont par ailleurs sous contraceptif, mais elles sont mal informées, elles l’utilisent mal, elles n’ont pas été suffisamment accompagnées. Donc c’est le rôle de l’Etat d’être aux côtés de ceux qui veulent agir dans ce domaine, est c’est ce que nous faisons avec la région Ile-de-France aujourd’hui.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Mais rendons à César ce qui appartient à César, il y a un an, c’est Ségolène ROYAL, la présidente de la région Poitou-Charentes, qui avait propose cette initiative, sous forme de chèques aussi, à peu près les mêmes, et vous avez refusé qu’elle puisse les distribuer dans les établissements scolaires…
 
LUC CHATEL Absolument, absolument, parce que…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN En Poitou-Charentes…
 
LUC CHATEL La question posée par la région Poitou-Charentes était bonne, la réponse n’était pas bonne.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN En quoi elle était différente de celle que vous nous proposez aujourd’hui ?
 
LUC CHATEL Alors, il y a trois grandes différences par rapport à ce que nous lançons ce matin et ce que je lance avec Jean-Paul HUCHON ce matin, premièrement, en Ile-de-France, c’est une démarche concertée, ça fait plus d’un an que nous travaillons, nous, l’Education nationale, les recteurs des trois académies de Paris, Créteil et Versailles, avec les services du Conseil régional, pour définir la meilleure réponse par rapport au problème que je viens de décrire. Nous avons par exemple consulté des infirmières à l’Education nationale, nous avons tenu compte de leurs remarques. Donc 1°) : c’est concerté. Deuxièmement : c’est une démarche qui est beaucoup plus éducative, en matière de santé et de sexualité, il faut – nous sommes à l’école – il faut une démarche éducative, il faut accompagner ces jeunes tout au long de leur scolarité. Ça veut dire que nous avons revu les programmes, ça veut dire que nous allons mieux former nos formateurs, ça veut dire que je vais prendre un décret, dans quelques semaines, qui va permettre à nos infirmières scolaires, de prolonger pendant six mois des prescriptions médicales en matière de contraceptifs. Et ça veut dire que nous devons avoir un accompagnement beaucoup plus fort. Dans cette opération en Ile-de- France, il y a un suivi, il y a un accompagnement, et c’est très important.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Quand on regarde les deux chéquiers, ceux d’Ile-de-France et de Poitou-Charentes, franchement, il n’y a pas de différences.
 
LUC CHATEL Et troisième différence, troisième différence, ça ne s’adresse pas uniquement aux jeunes filles qui veulent se faire prescrire la pilule, ça s’adresse à tous les adolescents, qu’ils soient mineurs ou non, garçons ou filles, avec tous modes de réponses par rapport à une situation donnée. Donc nous écoutons, nous adaptons et nous apportons une réponse. Vous savez, l’ensemble des pouvoirs publics veut aussi lutter par exemple contre les maladies sexuellement transmissibles, eh bien, il apporte une réponse globale, eh bien, là, nous allons apporter une réponse globale. Donc trois grandes différences qui font que nous sommes partenaires de la région Ile-de-France sur ce dossier.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Alors, deux réserves, d’abord, chez les parents d’élèves, on entend aujourd’hui notamment à l’antenne l’idée que c’est quand même le rôle des parents, et que, à un moment donné où justement on reproche aux parents d’abandonner leur autorité parentale, notamment dans les quartiers, c’est vrai que c’est un thème récurrent, une fois de plus, on va déresponsabiliser les parents, et c’est l’Etat, et l’Education qui va remplir ce travail…
 
LUC CHATEL Non, surtout pas déresponsabiliser les parents, et comme je l’ai dit à votre première question, ça n’est pas le rôle de l’Etat de se substituer aux parents, simplement…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Et la PEEP ce matin vous reproche justement d’enlever aux parents cette…
 
LUC CHATEL Non, la PEEP, elle considère que c’est d’abord aux parents d’exercer leur autorité, et d’éduquer leur enfant, et elle a raison, naturellement, c’est d’abord aux parents, et dans l’immense majorité des familles, c’est vrai que les parents considèrent que l’éducation à la santé, l’éducation à la sexualité fait partie de leur rôle, et accompagnent leur enfant, les écoutent, les conseillent. La vérité, c’est qu’il y a malheureusement un certain nombre de familles où ça n’est pas le cas, et on voit bien que certains jeunes adolescents ont des relations avec leurs parents, qui font que, ils ne se livrent pas forcément, il n’y a pas ce dialogue, et lorsque ce type de… on arrive à l’âge de l’adolescence, et lorsqu’on arrive au moment du premier rapport sexuel, eh bien, on peut rencontrer des difficultés. Eh bien, c’est le rôle de l’Education nationale que d’apporter un accompagnement en matière éducative, encore une fois, le but, ce n’est pas d’aller chercher un chèque pour aller chez le médecin, chercher un contraceptif, ce n’est pas ça le sujet. Le sujet, c’est apporter une vraie éducation à la santé et à la sexualité pour que, on sorte de ce système où il y a trop de grossesses non désirées dans notre pays.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN C’est très vrai aussi dans les zones rurales, là, pour l’instant, ça ne concerne que l’Ile-de-France, est-ce que vous souhaitez étendre ce dispositif à l’ensemble du pays ?
 
LUC CHATEL Alors, c’est pour ça aussi que nous avons commencé avec la région Ile-de-France, c’est parce que nous savons qu’il y a notamment un maillage du planning familial qui est bien plus important que dans d’autres régions comme la mienne, en région Champagne-Ardenne. Donc nous savons qu’en Ile-de-France, avec le système que nous mettons en place, il y aura la possibilité d’avoir un rendez-vous dan un centre de planning familial, parce que, il y a ce réseau qui existe. Par ailleurs, je vais signer avec le planning familial une convention nationale pour que nous regardions justement comment mailler l’ensemble du territoire et faire en sorte que même en milieu rural, on puisse bénéficier de ce genre de consultations.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Donc Christine BOUTIN, elle, préfère la pédagogie de l’amour plutôt que celle du préservatif et la contraception…
 
LUC CHATEL Mais l’un n’empêche pas l’autre, je suis aussi favorable à la pédagogie de l’amour, comme elle le dit,; à l’éducation à la santé et à la sexualité, je vous le dis depuis le début de cette émission, simplement, l’éducation à la santé et à la sexualité, ça comporte plusieurs volets, il y a le rôle des parent, il y a l’information au sein du système scolaire, il y a les programmes scolaires, il y a la pédagogie, et puis, il y a aussi un accompagnement, une écoute qui doit avoir lieu, grâce notamment à nos personnels de santé, l’Education nationale.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Du coup, quand même, vous allez autoriser maintenant Ségolène ROYAL à distribuer ces Pass dans les lycées ?
 
LUC CHATEL Eh bien, je l’invite bien volontiers à imiter le dispositif qui existe en Ile-de-France, c’est-à-dire d’avoir une vision beaucoup plus éducative de son dispositif, et de le prévoir pour l’ensemble des jeunes, et d’apporter une réponse globale et pas uniquement ciblée sur la contraception, la pilule pour les jeunes filles.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Vous n’en démordez pas, vous ne voulez pas rendre à César ce qui lui appartient ? Non, non, je plaisante. Alors, autre sujet de société, Christophe GIRARD, l’adjoint socialiste au maire de Paris, prône, lui, le vote à 16 ans pour les jeunes, enfin, pour les plus de 16 ans, est-ce que c’est une bonne idée, est-ce que c’est un sujet qui vous semble être d’actualité ?
 
LUC CHATEL D’abord, je note que, avant chaque élection présidentielle, le Parti socialiste lance ce genre de débat : la majorité à 16 ans, et autres. Quelle est la situation, je suis aussi le ministre de la Jeunesse, quelle est la situation de la jeunesse d’aujourd’hui, je pense que les jeunes d’aujourd’hui sont sans doute à la fois plus matures que la génération qui les a précédés il y a trente ou quarante ans, plus matures parce que, ils sont sans doute plus ouverts sur le monde, parce qu’ils sont sans doute plus entreprenants, et en même temps, à 16 ans, on a beaucoup à apprendre encore. Alors quelle est la réponse par rapport à cela ? Le gouvernement a apporté un certain nombre de réponses, quand nous avons décidé l’année dernière d’autoriser des jeunes de 16 ans à créer leur entreprise par exemple, c’est une vraie réponse, nous faisons confiance à la jeunesse de notre pays. Quand nous allons…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Mais justement, si vous pensez qu’ils sont suffisamment mûrs pour créer une entreprise, ce n’est pas rien une entreprise, c’est engager de l’argent, c’est éventuellement recruter des salariés, c’est avoir un projet, on n’est pas assez mûr pour voter ?
 
LUC CHATEL J’y viens, oui, justement, je pense que c’est la complexité de l’adolescence, c’est-à-dire que, aujourd’hui, les jeunes sont entreprenants, ils sont capables de créer leur entreprise, nous allons leur donner dans quelques semaines, avec une disposition législative nouvelle, la possibilité de créer leur association à 16 ans, pour que dans tous les lycées de France, il puisse y avoir une vie associative beaucoup plus forte. Donc oui à la responsabilisation, par contre, Christophe JAKUBYSZYN, je vais vous dire une chose, la citoyenneté, ça ne se décrète pas, la citoyenneté, ça se construit progressivement, et à 16 ans, on a encore beaucoup de choses à apprendre, j’ai un fils de 16 ans, je côtoie au quotidien des adolescents dans les lycées, eh bien, je pense que la citoyenneté, le droit de vote, l’acte de voter, qui est l’acte de citoyenneté majeur, ça se construit progressivement, et je pense que 18 ans est le bon âge.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Dans un instant, on va parler d’Education nationale, votre portefeuille, du recrutement des enseignants, de la baisse des effectifs et de la hausse du nombre d’élèves dans les classes de maternelle et de primaire dès la rentrée prochaine. [Pause, puis deuxième partie]
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Je reçois Luc CHATEL, le ministre de l'Education nationale. Alors, tiens, ça pourrait presque être un problème de CM2. Sachant qu’il y aura 4900 élèves de primaire et de maternelle en plus en septembre 2011 et 9000 instits de moins, combien le ministre de l'Education devra-t-il fermer de classes ?
 
LUC CHATEL Ecoutez, il y aura, en classes maternelles, environ 25 élèves par classe à la rentrée prochaine, il y en avait 27 au début des années 90, il y aura en primaire environ 22 élèves par classe, il y en avait 23 au milieu des années 90, et au total, à la rentrée prochaine, il y aura plus de professeurs et moins d’élèves qu’il n’y en avait il y a 15 ans dans le système éducatif.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ça c’est une réponse d’énarque, que vous n’êtes pas.
 
LUC CHATEL Non, ce n’est pas une réponse d’énarque, c’est une réponse pragmatique.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ce n’est pas la réponse au problème de CM2.
 
LUC CHATEL Mais si.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Combien de classes fermées, du coup ?
 
LUC CHATEL Je pense qu’il devrait y avoir… Nous n’avons pas encore la réponse finale puisqu’en ce moment se tiennent les comités départementaux de l’Education nationale. CHRISTOPHE JAKUBYSZYN 1500 ? 2000 ?
 
LUC CHATEL Environ 1500.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN 1500 classes fermées.
 
LUC CHATEL Mais ça veut dire qu’il y aura environ 245 000 classes de premier degré à la rentrée prochaine, c'est-à-dire sensiblement le même chiffre qu’il y a 4 ou 5 ans. Pourquoi je vous dis tout cela…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ce que vous dites, Luc CHATEL, je vous entends depuis plusieurs jours, c’est que finalement, oui, bien sûr, on fait des économies, oui, bien sûr, on participe à l’effort global, mais on fait mieux qu’il y a 20 ans.
 
LUC CHATEL Exactement. C'est-à-dire que, quelle est la réponse que le système éducatif, Education nationale, a apporté depuis 25 ans aux problématiques que nous rencontrons. La seule réponse ça a été, on crée des postes, on augmente les moyens. Est-ce que cette politique a eu des résultats ?
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN En tout cas on voit les classements internationaux, on n’est pas très bien classé.
 
LUC CHATEL On voit les classements internationaux. La France, 5ème puissance économique mondiale, est entre la 22ème et la 26ème place, dans les classements internationaux.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN On ne va pas faire une bataille de chiffres, Luc CHATEL, mais c’est quoi le problème de l’Education nationale aujourd’hui ?
 
LUC CHATEL Le problème d’aujourd’hui c’est d’être capable de s’adapter à la diversité de nos élèves. Le grand changement, en 25 ans, c’est ce qu’on a appelé la massification, la démocratisation du système. Aujourd’hui nous accueillons 100% d’une classe d’âge au collège, nous accueillons 65% d’une classe d’âge au lycée, au baccalauréat, alors qu’il y a seulement une génération, il y a 25 ans ils étaient seulement 20%. On a triplé le nombre de jeunes qui accèdent au baccalauréat en une génération.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Donc, ce que vous dites, c’est que le niveau des élèves n’est pas le même, n’est pas homogène.
 
LUC CHATEL Eh bien, la grande nouveauté, la conséquence de cela, c’est l’hétérogénéité. Quand vous discutez avec des enseignants, qui font un métier formidable, et ô combien difficile, la plus grande difficulté aujourd’hui c’est l’hétérogénéité d’une classe. C'est-à-dire que l’enseignant il doit à la fois détecter les 4 ou 5 élèves qui ont un gros potentiel, pour les porter le plus loin, parce que moi je crois à l’école de la République qui pousse à l’excellence, au mérite, et puis en même temps il doit repérer les 6 ou 7 élèves dans la classe, qui ont de grandes difficultés, et qui risquent de décrocher.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Donc en gros ça veut dire moins d’heures sur le tronc commun, et plus d’individualisation, c’est quand même ça votre stratégie.
 
LUC CHATEL Ça veut dire de la personnalisation. Ça veut dire que dès le plus jeune âge, nous avons commencé au primaire, il faut repérer les élèves qui ont des difficultés, il faut détecter les élèves qui ont du potentiel, et tout au long de la scolarité il faut surtout éviter les déterminismes, classer les élèves trop tôt dans telle ou telle catégorie, mais il faut repérer les difficultés et il faut apporter la remédiation très tôt. Vous savez qu’entre un enfant qui entre en cours préparatoire, et qui maîtrise environ 150 mots, parce qu’il est issu d’une famille défavorisée, où il n’y a pas beaucoup de discussions à la maison, on ne s’intéresse pas beaucoup à lui, et le même élève, voisin, qui connaît 700 ou 800 mots parce qu’il y a un dialogue soutenu dans la famille, eh bien on sait très bien que le premier aura de très grandes difficultés dans l’apprentissage de la lecture. Donc la remédiation il faut l’apporter très tôt, c’est tout le travail d’aide personnalisée que nous avons mis en place, 2 heures par semaine, dès la maternelle, au primaire, pour répondre aux difficultés de lecture. Donc, de la personnalisation, c’est ça la réponse.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Alors, la personnalisation elle ira peut-être aussi, on va le voir, au sein de chaque établissement, parce que vous avez commencé l’expérimentation de l’autonomie des établissements, qu’ils soient primaires, je crois, ou secondaires, c'est-à-dire que le chef d’établissement va pouvoir définir son projet pédagogique et recruter ses enseignants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
 
LUC CHATEL Voilà.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ça marche comment ces expérimentations ?
 
LUC CHATEL Si on veut aller au bout de la personnalisation, il faut que nous fassions confiance davantage aux acteurs locaux.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN C’est la fin de l’école de Jules FERRY quand même !
 
LUC CHATEL Non, parce que moi je suis ministre de l'Education nationale, et donc je n’oublie pas que les programmes doivent rester nationaux, que les diplômes sont nationaux, le baccalauréat c’est le même à Paris, à Chaumont, et à Toulouse. Je n’oublie pas que le recrutement des enseignants se fait au niveau national. Donc il y a des données nationales…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN C’est fini ça, vous êtes en train de les faire recruter au niveau des établissements.
 
LUC CHATEL Non, non, le recrutement… oui, le recrutement au niveau local, mais le principe, c'est-à-dire le repérage, la détection, le diplôme, tout ça se fait au niveau national, avec des garanties nationales.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Oui, mais après, vous êtes en train de casser tout ce qui existait sur le statut, sur le fait qu’on avait des points, qu’on pouvait choisir son établissement, maintenant ce n’est plus l’enseignant qui choisit…
 
LUC CHATEL J’y viens. Donc, des garanties nationales, mais le système doit s’adapter à la réalité locale. Je vous ai dit tout à l’heure, chaque enfant est différent, si on veut faire réussir chacun, il faut être capable de faire du sur-mesure, du cousu main, c’est ça l’Education nationale aujourd’hui.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Donc chaque collège sera différent.
 
LUC CHATEL Donc ça veut dire qu’il faut donner une marge de manoeuvre aux acteurs locaux, davantage d’autonomie aux lycées, davantage d’autonomie aux collèges, faire confiance aux projets pédagogiques conçus par les enseignants, avec les chefs d’établissement, et c’est ce que nous avons lancé effectivement avec le dispositif CLAIR, Collèges, Lycées, Ambitions, Insertion, Réussite, avec l’idée que dans 105 collèges et lycées on donne une autonomie en matière de projets pédagogiques, mais surtout en matière de recrutements.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ça marche bien ? Le bilan.
 
LUC CHATEL Alors ça démarre, nous allons l’étendre à la prochaine rentrée scolaire, puisque nous aurons environ 300 établissements à la prochaine rentrée.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Sur combien ?
 
LUC CHATEL Sur 8000 établissements scolaires.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ce n’est pas encore la généralisation.
 
LUC CHATEL Non, ce n’est pas la généralisation, parce que c’est aussi la méthode que j’ai retenue, c’est de procéder par expérimentations, de répondre ponctuellement là où il y a de vrais besoins, et si ça marche, d’étendre, de généraliser. Je crois que c’est ça aussi une gestion moderne de l’Administration, de l’Education nationale, c’est d’être capable de s’adapter à la réalité et de faire confiance aux acteurs locaux.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ça sera un peu la fin du modèle du collège unique aussi, ou pas du tout ?
 
LUC CHATEL Alors, le collège unique c’est un autre sujet, je pense que, à la fois le collège unique a beaucoup apporté, je vous disais tout à l’heure, 100% d’une classe d’âge qui permet d’aller jusqu’à la fin de la scolarisé obligatoire, en même temps on voit bien que, à partir de 13, 14 ans, on a des jeunes qui auraient besoin, sans doute, d’avoir un programme plus adapté. Nous réfléchissons. Et deux initiatives, que je vais prendre pour la prochaine rentrée, d’abord nous allons travailler sur ceux qui ont des difficultés en entrant en 6ème, on voit bien qu’il y a des élèves qui passent en 6ème avec de grandes difficultés en lecture, et donc nous allons proposer, à titre expérimental, à des professeurs des écoles, c'est-à-dire des instituteurs, de venir apporter une remédiation en matière de lecture au collège. Et puis deuxièmement, à l’autre bout, je vous parlais des enfants de 13, 14 ans, qui ont des difficultés, qui aimeraient bien peut-être voir autre chose, plus proche du monde professionnel, eh bien nous allons proposer des programmes adaptés, de manière à ce que, dès la 4ème, on puisse avoir une découverte de l’entreprise. Ce n’est pas une préorientation, parce que je pense que…
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Ce n’est pas de l’apprentissage à 14 ans…
 
LUC CHATEL Ce n’est pas l’apprentissage à 14 ans, mais c’est l’idée d’ouvrir le profil de ces élèves, les intéresser, parce qu’il y en a qui commencent à s’ennuyer, et ce que nous devons c’est faire en sorte qu’on trouve chez eux un talent caché, une qualité, qui leur permette d’accrocher au système.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN On va au standard de RMC pour une question des auditeurs au 32.16.
 
MATHIEU BELLIARD Bonjour. C’est Séverine qui nous a appelés en première, Séverine est dans le Lot-et-Garonne. selon vous, les ados de 16 ans ont encore trop de choses à apprendre pour avoir droit au vote, en revanche ils peuvent se trouver avec des contraceptifs ou des rendez-vous avec un gynécologue dans le dos de leurs parents, ils peuvent avoir une entreprise, une association, est-ce que tout ça c’est très cohérent ?
 
LUC CHATEL Oui c’est cohérent, parce que vous savez, il faut regarder la génération et la jeunesse telle qu’elle est, pas telle que nous voudrions qu’elle soit. Aujourd’hui, quand vous avez 13 500 grossesses non désirées par an, ça doit interpeller les adultes, ça doit interpeller les responsables politiques que nous sommes. Donc, nous ne remplaçons pas le rôle des parents, les parents, nous ne nous mettons pas à la place des parents, simplement nous apportons une réponse éducative, encore une fois. Je ne suis pas dans la logique consumériste, la distribution du chéquier, je suis dans la logique éducative, et c’est ça la grosse différence.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Une question politiquement concrète pour terminer. Je sais que vous avez déjà refusé de répondre à cette question il y a quelques années sur une autre chaîne, alors je vous la repose. LUC CHATEL Qu’est-ce qui va me sortir ?
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Est-ce que vos enfants sont dans un établissement public ou privé ?
 
LUC CHATEL Mes enfants sont à la fois dans un établissement public et privé. Je rappelle que les établissements privés sous contrat font partie du grand service public de l’Education.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Et le choix entre public et privé vous l’avez fait en fonction de quoi ?
 
LUC CHATEL Je l’ai fait en fonction, d’abord des projets pédagogiques, voyez, je reviens sur le contenu des projets pédagogiques, je l’ai fait ensuite pour des raisons de praticité, j’ai déménagé, de suivi aussi des enfants, c’est compliqué de changer souvent les enfants d’école, donc je crois que comme tous les parents d’élèves, les parents d’enfants de France, il y a un certain nombre de critères qui comptent et… Je suis aussi parent d’élèves, et ça m’aide tous les jours dans mon travail de ministre de l'Education.
 
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN Merci Luc CHATEL d’avoir été avec nous sur RMC et BFM TV.
 
LUC CHATEL Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 26 avril 2011