Interview de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, à Canal Plus le 2 mai 2011, sur les effectifs d'enseignants et la lutte contre le harcèlement à l'école.

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Média : Canal Plus

Texte intégral


 
 
 
MAÏTENA BIRABEN  On va recevoir maintenant notre invité politique, le ministre de  l’Education nationale Luc CHATEL. Il est ministre également de la  Jeunesse et de la Vie associative. Aujourd’hui, il ouvre deux jours  consacrés aux assises du harcèlement à l’école, pendant le même temps  la colère s’organise un peu partout en France contre les fermetures  annoncées de 1.500 classes à la rentrée prochaine. Luc CHATEL qui,  bien entendu, va nous livrer tout de suite sa réaction face au décès  d’Oussama BEN LADEN. 
 
CAROLINE ROUX  Oui, alors tout ça pour dire qu’il n’y a pas eu encore de réaction  officielle, en tout cas de la part de la France, pas encore de communiqué.  Donc vous êtes le premier membre du gouvernement à vous exprimer sur  ce sujet, est-ce que vous partagez la joie du peuple américain qui, on le  voit, s’exprime devant la Maison-Blanche ce matin ? 
 
LUC CHATEL  J’ai surtout une pensée pour les milliers de victimes du terrorisme  depuis de nombreuses années, et Oussama BEN LADEN était un des  grands chefs terroristes mondiaux. Et je crois que sa mort est la  démonstration de la mobilisation permanente de l’ensemble des  démocraties contre le terrorisme, c’est la preuve d’une détermination, d’un  volontarisme sans faille. Vous savez, le terrorisme nous a déclaré la  guerre, eh bien ! L’ensemble des démocraties sont alliées dans un combat  contre les chefs terroristes, et je crois que la mort d’Oussama BEN  LADEN en est la démonstration. 
 
AROLINE ROUX  On a entendu pourtant Barack OBAMA… on vous voit assez  optimiste après cette information, Barack OBAMA disait que ça ne veut  pas pour autant dire que la menace terroriste est écartée… 
 
LUC CHATEL  Bien sûr… 
 
CAROLINE ROUX  Vous partagez son avis ? 
 
LUC CHATEL  Nous savons… je ne suis pas spécialiste des réseaux terroristes,  je ne suis pas ministre de la Défense, je ne suis pas ministre des Affaires  étrangères, simplement nous savons que l’organisation Al-Qaïda ça n’est  pas une organisation strictement pyramidale, avec un grand chef et des  exécutants. On sait qu’il y a une organisation en réseau et  malheureusement, nous avons encore vu ces derniers jours à quel point  le terrorisme international pouvait frapper n’importe où dans le monde  contre les démocraties. Donc le combat continue, la mobilisation contre le  terrorisme est de tous les instants, simplement cette mort est l’illustration  de notre détermination à le combattre. 
 
CAROLINE ROUX  Ce n’est pas seulement une victoire pour les Américains, c’est ça  que vous nous dites ?
 
 LUC CHATEL  Non, je pense que c’est encore une fois la preuve que face à cette  guerre qui nous a été déclarée, nous devons nous unir, nous devons  continuer ce combat parce que c’est la démocratie qui est en jeu. 
 
CAROLINE ROUX  On a lu les déclarations des uns et des autres ce matin, David  CAMERON parle de soulagement pour les peuples du monde. Est-ce que  vous utiliseriez vous aussi ce terme de soulagement, c’est ce que vous  ressentez ce matin ? 
 
LUC CHATEL  Je pense que David CAMERON pense évidemment aux victimes,  aux familles des victimes, et donc c’est pour ça qu’il a utilisé cette  expression. 
 
CAROLINE ROUX  Est-ce que vous considérez qu’on peut désormais tourner la page  du 11 septembre ? 
 
LUC CHATEL  On ne pourra pas tourner la page, si vous voulez ça a marqué le  début du 21ème siècle, ça a marqué les Etats-Unis, ça a marqué la  démocratie. Donc on ne peut pas tirer un trait comme ça sur tant de  victimes, sur un élément aussi grave qui a marqué l’histoire du monde  quelque part. Donc on ne tourne pas la page comme ça aussi facilement. 
 
CAROLINE ROUX  Alors comment est-ce que vous expliquez la joie de ces  Américains qui s’expriment devant la Maison-Blanche ? 
 
LUC CHATEL  Sans doute parce qu’ils s’étaient fixés un objectif, ils avaient  considéré que c’était Oussama BEN LADEN le responsable des attentats  du 11 septembre. Encore une fois ça a marqué les Etats-Unis, ça a  marqué les Américains au fond de leur chair. Donc ce rassemblement est  évidemment lié à cela. 
 
CAROLINE ROUX  Alors on a tout à l’heure eu au téléphone… en ligne le porte-parole  du Parti socialiste Benoît HAMON, qui disait que cette information, la mort  de BEN LADEN, pose maintenant la question de savoir si on reste en  Afghanistan et pour y faire quoi ? 
 
LUC CHATEL  Moi, je ne veux pas donner de conseil mais je crois qu’il faut se  garder des réactions trop rapides. D’abord nous ne sommes pas en  Afghanistan uniquement pour retrouver et pour détecter BEN LADEN,  nous étions en Afghanistan et nous sommes toujours en Afghanistan  parce qu’il y avait un régime qui s’appelait « les talibans » et que nous  étions opposés à ce régime et nous voulions mettre en place un régime  démocratique. Il y a eu beaucoup de progrès qui a été fait, les petites filles  n’allaient plus à l’école, il n’y avait pas de système de santé, aujourd’hui il  y a eu de nets progrès. Alors il y a un calendrier qui a été prévu par  l’organisation internationale… je rappelle que nous sommes sous mandat  de l’ONU, il y a un calendrier de retrait qui est prévu. Ce n’est pas à moi  de m’exprimer aujourd’hui sur ce sujet, mais gardons notre sang froid. 
 
MAÏTENA BIRABEN  On va venir à ce qui concerne directement l’école bien entendu. 
 
CAROLINE ROUX  Oui. Pour la première fois à la rentrée prochaine, on va fermer plus  de classes qu’on va en ouvrir, vous avez confirmé le chiffre d’une  fermeture de 1.500 classes au moins à la rentrée prochaine. On a  entendu Ségolène ROYAL qui a lancé un appel à la résistance des  parents d’élèves, on rappelle qu’il y a des mouvements de colère qui  s’expriment désormais un petit peu partout en France. Elle dit aux  Français de résister, de tenir bon, de continuer à occuper les écoles. Vous  leur dites quoi vous aux résistants ? 
 
LUC CHATEL  D’abord, on a l’impression que Madame ROYAL ne sait pas quoi  faire pour faire parler d’elle, ça, ça doit être sans doute la conséquence de  la primaire socialiste. Elle oublie une chose, c’est qu’elle a été ministre  déléguée à l’Enseignement scolaire, et le jour où elle a quitté ce ministère  délégué, il y avait 1.200 classes de moins en France que le jour où elle  est arrivée, bon, c’est un simple détail. La vérité c’est que… 
 
CAROLINE ROUX  Vous lui dites qu’elle n’a pas de leçon à vous donner, c’est ça ? 
 
LUC CHATEL  La vérité c’est que nous engageons une politique de  redéploiement, une politique de mutualisation, une politique de  regroupement. Je suis élu d’un département rural, quand dans un  département rural vous avez par exemple une classe de 12 élèves sur 3  niveaux, sincèrement ça n’est pas la bonne réponse éducative pour les  enfants. Et donc, nous travaillons sur des regroupements intercommunaux  avec des équipes éducatives, avec plusieurs classes, avec du service  pour les parents, on accueille les enfants le matin tôt, accueil périscolaire,  il y a une demi-pension à midi, il y a des études le soir. Donc un service  global beaucoup plus fort que si vous avez une classe de 15 élèves  disséminés dans chaque commune. Donc la volont酠
 
CAROLINE ROUX  Donc qu’est-ce que vous dites aux parents qui sont entrés en  résistance pour lutter et dire leur colère contre la fermeture des classes ? 
 
LUC CHATEL  D’abord je veux relativiser, je veux à votre antenne relativiser,  c'est-à-dire que chaque année il y a des difficultés au moment de  l’annonce de ce qu’on appelle « la carte scolaire ». Chaque année, il y a  des fermetures et il y a des ouvertures de classes. Ce que je veux dire  aux parents, c’est que la politique que nous menons de redéploiement de  moyens, elle nous permet dans le même temps de mettre en place une  politique d’aide personnalisée pour tous les élèves qui ont des difficultés  en lecture par exemple ; et que dans toutes les classes de France  dorénavant on détecte les enfants qui ont du mal à lire et on leur apporte  un soutien 2 h 00 par semaine. Cette politique, elle nous permet aussi de  lutter contre le décrochage scolaire, et depuis le mois d’avril nous mettons  en place un suivi personnel, nous repérons les jeunes qui ont quitté le  système éducatif sans diplôme et au cas par cas, suivi individuel, nous  leur apportons une réponse pour qu’ils raccrochent au système. Voilà la  politique que nous menons. 
 
CAROLINE ROUX  C’est étonnant parce que vous nous racontez un peu l’histoire  d’une école qui va bien, l’histoire d’une école qui ira presque mieux à la  rentrée prochaine, pourtant on a reçu sur ce plateau, ici même, des  syndicalistes, des spécialistes de l’école qui nous disent : l’école est à l’os,  c'est-à-dire qu’il n’y a plus d’effectifs en trop. J’ai envie de dire, qui croire ? 
 
LUC CHATEL  Eh bien les chiffres, il y aura à la rentrée prochaine 35.000  enseignants de plus à l’école de France qu’il y en avait au début des  années 90, alors qu’il y a 500.000 élèves de moins. Donc comme le disent  toutes les enquêtes internationales qui sont menées sur le système  éducatif français. Le sujet ce n’est pas les moyens, la France consacre  plus pour le budget Education nationale que la moyenne des grands pays  développés. Le budget est en augmentation, le budget en 2011 est le plus  important jamais voté par le Parlement pour l’Education. Le sujet ce n’est  pas les moyens, le sujet c’est la capacité à affecter les moyens au bon  endroit, à faire ce qu’on appelle de la différenciation… 
 
CAROLINE ROUX  Vous allez en mettre des moyens pour le… 
 
LUC CHATEL  A faire plus pour les élèves qui ont plus de difficultés. 
 
CAROLINE ROUX  Une toute dernière question, est-ce que vous allez en mettre des  moyens pour lutter contre le harcèlement à l’école… 
 
LUC CHATEL  Alors effectivement… 
 
CAROLINE ROUX  Puisque vous ouvrez aujourd’hui les assises du harcèlement ? 
 
LUC CHATEL  Voilà un phénomène qui existe depuis très longtemps, jamais nous  ne l’avions abordé de face, jamais nous n’avions parlé du harcèlement à  l’école comme nous allons en parler pendant 2 jours lors des assises  nationales. C’est un phénomène nouveau que d’assumer ce phénomène,  on n’en parlait pas, c’était tabou toutes ces brimades du quotidien, le  phénomène du bouc-émissaire, ça touche pourtant 10 % de nos élèves.  Eh bien nous allons apporter des réponses très concrètes en améliorant la  formation de nos enseignants, en les préparant à cela, le système éducatif  n’est pas forcément prêt à cela, en sensibilisant les parents, en mettant en  place un numéro d’appel unique pour que lorsqu’il y a un enfant qui est  harcelé, ses parents puissent intervenir, trouver un interlocuteur. Donc  oui, nous allons apporter des réponses à ce phénomène qui touche trop  d’enfant dans notre pays. 
 
CAROLINE ROUX  Merci. 
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 2 mai 2011