Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à RTL le 2 mai 2011, sur la mort d'Oussama Ben Laden et sur la situation en Afghanistan.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE  Bonjour Gérard LONGUET. 
 
GERARD LONGUET  Bonjour Jean-Michel APHATIE. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Oussama BEN LADEN est mort, le président américain Barack  OBAMA l'a annoncé tout à l'heure vers 5 heures du matin heure de Paris.  Quelle est votre réaction Gérard LONGUET ? 
 
GERARD LONGUET  C'est un événement considérable pour le monde entier. À titre  personnel, permettez-moi d'avoir comme tout le monde une pensée pour  les 3 000 morts du 11 Septembre, pour tous les soldats et les populations  civiles tués en Afghanistan, pour toutes les victimes du terrorisme et pour  nos otages qui sont encore détenus par des sous filiales d'Al Qaïda. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Les autorités françaises ont-elles été informées de la localisation  d'Oussama BEN LADEN par les services américains à partir du mois  d'août dernier si l'on a bien compris le président OBAMA ? 
 
GERARD LONGUET  C'est une question précise. Je ne souhaite pas vous répondre. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Vous ne souhaitez pas. C'est-à-dire qu'il y a une réponse que vous  pourriez faire et vous ne souhaitez pas la faire. 
 
GERARD LONGUET  Il y a une réponse que je peux faire et que je ne peux pas faire. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  D'une manière ou d'une autre, les autorités françaises – les  autorités militaires – ont-elles participé à cette opération ? 
 
GERARD LONGUET  Nous savons qu'il y a un lien extrêmement étroit entre la situation  en Afghanistan et la situation au Pakistan. Récemment encore, le Premier  ministre pakistanais GILANI était à Kaboul, une semaine avant que je n'y  sois, et il y a une interaction extrêmement étroite. Le peuple pachtoune  est sur les deux côtés de la frontière. Il y a une interaction extrêmement  étroite et savoir que le Pakistan reprend son sens, reprend sa  responsabilité d'un État et contribue à mettre fin à des situations de  résignation, c'est une excellente nouvelle pour tous ceux qui ne veulent  pas que le terrorisme fasse la loi dans le monde. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Redoutez-vous une intensification des opérations des Talibans en  Afghanistan où sont présentes des troupes françaises ? 
 
GERARD LONGUET  Non, je ne le pense pas. Je pense bien au contraire qu'il y avait  dans le caractère insaisissable depuis dix ans de BEN LADEN une sorte  de symbole d'impunité, de protection absolue et ce symbole tombe  brutalement. Et donc de ce côté, vous savez en Afghanistan c'est un petit  peu plus compliqué, il y a des Talibans qui sont sous l'influence de BEN  LADEN, il n'y a pas que cela : il y a aussi une guerre civile interne. Cette  guerre civile interne, elle peut peut-être évoluer rapidement parce qu'à  partir du moment où il n'y a pas ce symbole de la résistance, de  l'insaisissabilité absolue, on peut espérer que les efforts de conciliation,  de rapprochement, pourraient fonctionner. Je pense que c'est très  important de ce point de vue. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Vous suggérez que peut-être la disparition d'Oussama BEN  LADEN peut aider à la fabrication d'une solution politique en  Afghanistan ? 
 
GERARD LONGUET  En Afghanistan, j'en suis persuadé. J'en suis persuadé parce que  le système afghan est un système horriblement compliqué où il y a des  tensions qui s'expriment – c'est absurde, c'est insupportable – par la  violence, par les armes. Cette tension s'exprimait d'autant plus par la  violence et par les armes qu'on avait le sentiment que le premier  responsable, BEN LADEN, était impuni et resterait impuni. À partir du  moment où la loi est la même pour tout le monde y compris pour BEN  LADEN, je pense que les efforts de réconciliation, en tous les cas de  dialogue entre Afghans deviennent désormais possibles plus facilement. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Deux journalistes français sont retenus en otage en Afghanistan. 
 
GERARD LONGUET  Absolument. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Pensez-vous que cette disparition puisse influer sur leur sort  positivement ? Négativement ? 
 
GERARD LONGUET  Positivement. Je pense profondément que les gens alors se  rendent compte que les solutions de force ne conduisent à rien. Au fond,  on le voit aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on voit ces dernières semaines ? Que  les solutions de force arc-boutées sur le seul usage de l'arme lourde sur  des populations civiles ou du terrorisme contre des populations civiles ne  peuvent pas s'imposer durablement. Et le service que les États-Unis  viennent de rendre aux démocraties mondiales et à ceux qui aiment le  droit, eh bien c'est de penser qu'en fin de compte le terrorisme sera puni.  C'est très important. Nous aurions aimé les uns et les autres un procès. Il  n'aura pas lieu mais nous avons la certitude aujourd'hui que c'est un  symbole fort pour montrer que la violence ne peut pas être une solution  pour personne. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Se déroulent actuellement soit devant la Maison Blanche à  Washington, soit devant le lieu où les tours avaient été détruites à New  York des scènes de liesse. Est-ce que cela est acceptable ? Déplacé ?  Compréhensible ? 
 
GERARD LONGUET  Je pense profondément que c'est la réaction d'un peuple qui a  souffert. 3 000 des siens tués dans un attentat spectaculaire, une  souffrance imposée avec une injustice totale au détriment de femmes et  d'hommes qui étaient complètement extérieurs à cette situation, qu'il y ait  une liesse c'est compréhensible. Nous sommes de l'autre côté de  l'Atlantique, vieux pays, avec du recul, eh bien réfléchissons surtout au  bon côté des choses. Peut-être un signal fort pour montrer que les  solutions de force fondées notamment sur le terrorisme ne sont pas des  solutions d'aujourd'hui. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Je voudrais revenir un instant sur le Pakistan parce que si BEN  LADEN s'y trouvait… 
 
GERARD LONGUET  Exactement. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  C'est le signe peut-être que parmi les autorités pakistanaises ou  les services secrets pakistanais, certains aidaient Oussama BEN LADEN,  certains le couvraient. Peut-être y aura-t-il aujourd'hui au Pakistan une  forme de règlement de comptes. 
 
GERARD LONGUET  Je vais vous dire : il est incontestable qu'il y a entre le Pakistan,  l'Afghanistan et d'une certaine façon les autres grands pays riverains de  ce malheureux Afghanistan des interactions extraordinairement  complexes sur lesquelles je serais bien incapable d'apporter une réponse  aussi rapidement. En tous les cas le signal est fort. Ceux qui au Pakistan  considèrent que mettre la pagaille en Afghanistan est une solution eh bien  en sont pour leurs frais aujourd'hui. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  À votre connaissance, ce sont les forces secrètes américaines qui  ont mené l'opération ? 
 
GERARD LONGUET  Ce qu'on appelle les opérations spéciales, c'est-à-dire des  opérations menées par des militaires mais qui travaillent en petit nombre  avec un bon entraînement et avec une mission extrêmement précise, en  toutes responsabilités, et j'ajoute à leurs risques et périls. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Savez-vous où se trouve le corps d'Oussama BEN LADEN  actuellement ? 
 
GERARD LONGUET  J'en suis – je pense qu'il sera… Que les éléments techniques  permettront de dissiper toute ambiguïté car naturellement nous aurons  toujours des sceptiques. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Sur la mort, sur le fait que ce soit Oussama BEN LADEN qui ait été  tué. 
 
GERARD LONGUET  Sur la réalité de la personne. Je crois que les Américains sont trop  sensibles à cela et ont les moyens de nous apporter ces précisions. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Voilà. Je ne sais pas s'il y a quelque chose que nous n'avons pas  dit, Gérard LONGUET. 
 
GERARD LONGUET  Si, il y a une chose qui est très, très importante. C'est que les  grands pays, la France, les pays membres du conseil de sécurité des  Nations unies, la France, la Grande Bretagne, les États-Unis, sont en train  peut-être de créer une sorte, avec toutes les imperfections, de  gendarmerie internationale et pour ma part, je m'en réjouis parce que cela  voudrait dire que le monde peut être plus pacifique, même s'il ne sera pas  parfait. 
 
JEAN-MICHEL APHATIE  Ceci peut hâter le retour des troupes françaises qui sont  aujourd'hui en Afghanistan ? 
 
GERARD LONGUET  Je pense à nos soldats et j'aimerais que la mission soit terminée,  qu'ils puissent revenir.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 mai 2011