Texte intégral
Lexpérimentation a toujours été le moyen de la connaissance. Philosophes et hommes de science ont souvent pensé quil fallait privilégier la pratique et lexpérimentation comme point de départ.
Ce qui vaut pour les lettres et les sciences, est également valable en politique et surtout pour la politique de la ville.
La politique de la ville, qui se base sur linnovation et lexpérimentation territoriale, est continuellement à la recherche de nouvelles solutions toujours plus efficaces pour le bien-être des habitants des quartiers en difficulté.
Pour tirer des enseignements de portée plus globale, que ce soit en termes denjeux stratégiques, de territoires ou de gouvernance.
Vous le savez, la politique de la ville est interministérielle, partenariale et contractuelle. La question du droit commun, auquel la politique de la ville ne se substitue pas, est au coeur de mon action.
Aujourdhui, la mobilisation du droit commun dans les quartiers nest pas suffisante. Or, vous le savez tous, la mobilisation du droit commun est une condition essentielle à lamélioration de laction publique en faveur des habitants des quartiers. La politique de la ville doit, pour sa part, venir en appui ou en complément des politiques de droit commun qui représentent pour lEtat environ 2 milliards deuros.
Dans un contexte très contraint pour les finances publiques, il est pertinent de prioriser les territoires et les publics qui en ont le plus besoin. Nous devons mettre en oeuvre des actions encore plus pertinentes et efficaces, des actions construites « sur mesure » pour répondre aux besoins des populations, aux spécificités des territoires.
Cest dans ce cadre que le gouvernement préparera la future génération des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).
Cest une expérimentation qui me tient à coeur et que je crois indispensable pour réduire les écarts entre les territoires où vivent près de 8 millions de nos concitoyens. Et je sais que vous êtes tous daccord sur la nécessité de revisiter la contractualisation. Pourquoi ?
Parce que la contractualisation est lessence de la politique de la ville.
Parce quelle permet de fédérer des énergies autour dobjectifs communs que lEtat a pour responsabilité de définir.
Parce quelle est essentielle pour le pays, pour nos banlieues et pour nos territoires qui attendent.
Dans ces territoires qui sont parmi les plus pauvres de la République, qui concentrent toutes les difficultés : pauvreté, inactivité, dégradation de lenvironnement urbain, enclavement, insécurité, échec scolaire, carences dans laccès aux soins sans oublier lexclusion sociale.
Dans ces territoires où se joue, année après année, ladaptation de notre modèle social et républicain aux enjeux économiques et sociaux contemporains.
Dans ces territoires qui testent notre capacité de renouveau et dadaptation de nos politiques publiques.
Mais la contractualisation na pas de sens si les grands ministères comme léducation nationale, lemploi, lintérieur, la justice ou encore la santé ny sont pas associés ! Larticulation entre les différents dispositifs de soutien qui existent aujourdhui peut et doit être améliorée. Dans la génération actuelle des CUCS, les dispositifs de droit commun ne sont pas suffisamment reliés entre eux.
Cest pourquoi le Premier ministre, François Fillon, dès le 25 mai 2010 avait affirmé la nécessité de cette évolution devant le conseil national des villes qui a donné lieu à une décision du comité interministériel des villes (CIV) quil a présidé le 18 février 2011.
Pour sécuriser les crédits de droit commun dans le cadre des CUCS et mieux articuler les crédits alloués par lACSé, le CIV du 18 février a lancé lexpérimentation dans le cadre des CUCS. Il a également annoncé que 33 sites seront retenus pour cette expérimentation.
Jai souhaité que ces 33 sites soient les plus représentatifs possibles de la grande diversité des quartiers de la politique de la ville : lIle-de-France et la province, les petites et les grandes villes, les quartiers ZUS ou non. Lexpérimentation concernera 36 communes qui se répartissent sur 15 départements.
Je voudrais également vous dire que par définition, une expérimentation cest léquivalent dun test sur un certain nombre déchantillons. Il sagit dexpérimenter de nouvelles méthodes de travail sur un petit nombre de territoires et, si celle-ci savère concluante, de les généraliser lors de la signature de nouveaux contrats. Il ne sagit pas pour moi de vous mettre dans la difficulté. Cest tout le sens de la prorogation de tous les CUCS jusquen 2014.
Notre responsabilité à nous tous qui sommes réunis aujourdhui est de donner aux habitants des quartiers en difficulté des outils pour prendre leur place, sémanciper, et construire leur avenir. Et cela ne passera que par léducation, par la formation, par lapprentissage, par le travail, tout cela dans un cadre de vie agréable et sécurisé.
Vous lavez compris, pour sécuriser les crédits de droit commun, des engagements précis et concrets sur la mobilisation, par lEtat et les collectivités territoriales, de leurs politiques de droit commun en matière déducation, demploi, et de sécurité ont été pris.
Léducation parce que lécole permet à chaque enfant de se construire individuellement et de vivre lapprentissage de légalité et de la citoyenneté.
Léducation, parce quagir pour la réussite éducative, cest agir sur les causes des inégalités sociales et de lexclusion.
Léducation parce que lécole est le creuset de la République et le lieu par excellence de la mixité sociale. Elle doit donc offrir partout les mêmes chances de la réussite.
Cest pourquoi jai tenu à renforcer lencadrement pédagogique des élèves, améliorer le service de suivi médical de chaque élève ou encore développer linformation des parents sur la scolarité de leurs enfants avec lopération « école ouverte ».
Cest en donnant aux jeunes les moyens de réussir que nous les aiderons à se construire un avenir professionnel. Ne nous y trompons pas, ce qui est en jeu, ce nest pas seulement la réussite des individus, cest aussi la stabilité de leurs familles et, au-delà, léquilibre de notre société tout entière.
Nous savons tous quavoir un emploi signifie beaucoup plus quaméliorer son pouvoir dachat. Cest la condition de lémancipation, de la dignité et du mieux vivre ensemble. Cest pour cela que je souhaite que lEtat, Pôle emploi et les missions locales travaillent main dans la main pour améliorer le repérage des jeunes, leur accompagnement avec le contrat dautonomie ou encore le Contrat dinsertion dans la vie sociale (CIVIS), leur formation pour permettre leur insertion durable dans lemploi. Sans oublier les dispositifs deuxième chance car chacun dans sa vie a le droit à une seconde chance.
Mais nayons pas peur de laffirmer : comment séduquer, comment se former sans un cadre de vie tranquillisé et sécurisé ? Vous le savez comme moi, la sécurité est le premier droit de nos concitoyens, cest elle qui conditionne lexercice de tous les autres.
La prévention de la criminalité et de la délinquance, comme la politique de la ville sont un enjeu majeur. Toutes deux reposent sur des approches partenariales et transversales. Elles sont un enjeu pour le corps social tout entier dont la cohésion est minée par les inégalités, les discriminations ou encore la violence qui a récemment frappé nos territoires.
Cest pourquoi jai souhaité renforcer la présence des policiers dans les quartiers avec les brigades spécialisées de terrain (BST), développer la vidéo-protection ou encore améliorer les relations entre la police et la population.
Pour chacun de ces enjeux qui engagent lavenir de notre pays, jai défini, dans la circulaire qui sera signée par le Premier ministre, lensemble des politiques de droit commun que pourront mobiliser les acteurs de lEtat.
Pour optimiser lefficacité et lefficience de laction publique, jai fixé des objectifs et des indicateurs précis que vous devrez atteindre et respecter.
Il conviendra également de veiller à une bonne articulation entre le niveau régional et le niveau départemental. Je tiens à une bonne articulation de tous les acteurs, autour du préfet, du maire ou du président dagglomération qui piloteront le dispositif.
La contractualisation, cest aussi lévaluation. Pour agir encore mieux, il faut désormais faire évoluer à la fois nos méthodes, nos outils et nos modes daction.
Cette expérimentation donnera lieu à une évaluation et permettra de dégager les pratiques susceptibles dêtre généralisées à lensemble des CUCS.
Lobjectif est de mesurer la mise en oeuvre des programmes dactions développés dans le cadre des CUCS et leurs résultats ainsi que le fonctionnement et limpact des CUCS.
Lévaluation de lexpérimentation sera confiée à un prestataire extérieur pour répondre à une exigence defficacité et de lisibilité de laction publique.
Cette réforme est aussi loccasion de donner une nouvelle impulsion au travail conduit jusquici.
En clarifiant les enjeux.
En articulant mieux les dispositifs existants.
En renforçant la contractualisation et la logique du partenariat, qui sont lessence de la politique de la ville et en font sa particularité.
Et, très franchement : qui peut nier que cette expérimentation donnera un nouveau souffle à la politique de la ville ?
Qui peut affirmer que limmobilisme est préférable à laction ?
Qui peut douter que les élus locaux vont trouver là de nouveaux moyens daction, de nouveaux outils pour réduire les écarts territoriaux, pour la rénovation sociale, pour lemploi des jeunes et des moins jeunes des quartiers, pour le retour du droit commun et du désenclavement ?
Je compte sur votre sens des responsabilités comme sur votre détermination, que je sais grands, et je reste moi-même à lécoute de toutes vos propositions pour améliorer notre action au service de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 22 avril 2011