Déclaration de M. Maurice Leroy, ministre de la ville, sur la politique de la ville dans les quartiers et notamment l'expérimentation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), Paris le 19 avril 2011.

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Circonstance : Lancement des expérimentations dans le cadre des Contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) à Paris le 19 avril 2011

Texte intégral


L’expérimentation a toujours été le moyen de la connaissance. Philosophes et hommes de science ont souvent pensé qu’il fallait privilégier la pratique et l’expérimentation comme point de départ.
Ce qui vaut pour les lettres et les sciences, est également valable en politique et surtout pour la politique de la ville.
La politique de la ville, qui se base sur l’innovation et l’expérimentation territoriale, est continuellement à la recherche de nouvelles solutions toujours plus efficaces pour le bien-être des habitants des quartiers en difficulté.
Pour tirer des enseignements de portée plus globale, que ce soit en termes d’enjeux stratégiques, de territoires ou de gouvernance.
Vous le savez, la politique de la ville est interministérielle, partenariale et contractuelle. La question du droit commun, auquel la politique de la ville ne se substitue pas, est au coeur de mon action.
Aujourd’hui, la mobilisation du droit commun dans les quartiers n’est pas suffisante. Or, vous le savez tous, la mobilisation du droit commun est une condition essentielle à l’amélioration de l’action publique en faveur des habitants des quartiers. La politique de la ville doit, pour sa part, venir en appui ou en complément des politiques de droit commun qui représentent pour l’Etat environ 2 milliards d’euros.
Dans un contexte très contraint pour les finances publiques, il est pertinent de prioriser les territoires et les publics qui en ont le plus besoin. Nous devons mettre en oeuvre des actions encore plus pertinentes et efficaces, des actions construites « sur mesure » pour répondre aux besoins des populations, aux spécificités des territoires.
C’est dans ce cadre que le gouvernement préparera la future génération des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).
C’est une expérimentation qui me tient à coeur et que je crois indispensable pour réduire les écarts entre les territoires où vivent près de 8 millions de nos concitoyens. Et je sais que vous êtes tous d’accord sur la nécessité de revisiter la contractualisation. Pourquoi ?
Parce que la contractualisation est l’essence de la politique de la ville.
Parce qu’elle permet de fédérer des énergies autour d’objectifs communs que l’Etat a pour responsabilité de définir.
Parce qu’elle est essentielle pour le pays, pour nos banlieues et pour nos territoires qui attendent.
Dans ces territoires qui sont parmi les plus pauvres de la République, qui concentrent toutes les difficultés : pauvreté, inactivité, dégradation de l’environnement urbain, enclavement, insécurité, échec scolaire, carences dans l’accès aux soins sans oublier l’exclusion sociale.
Dans ces territoires où se joue, année après année, l’adaptation de notre modèle social et républicain aux enjeux économiques et sociaux contemporains.
Dans ces territoires qui testent notre capacité de renouveau et d’adaptation de nos politiques publiques.
Mais la contractualisation n’a pas de sens si les grands ministères comme l’éducation nationale, l’emploi, l’intérieur, la justice ou encore la santé n’y sont pas associés ! L’articulation entre les différents dispositifs de soutien qui existent aujourd’hui peut et doit être améliorée. Dans la génération actuelle des CUCS, les dispositifs de droit commun ne sont pas suffisamment reliés entre eux.
C’est pourquoi le Premier ministre, François Fillon, dès le 25 mai 2010 avait affirmé la nécessité de cette évolution devant le conseil national des villes qui a donné lieu à une décision du comité interministériel des villes (CIV) qu’il a présidé le 18 février 2011.
Pour sécuriser les crédits de droit commun dans le cadre des CUCS et mieux articuler les crédits alloués par l’ACSé, le CIV du 18 février a lancé l’expérimentation dans le cadre des CUCS. Il a également annoncé que 33 sites seront retenus pour cette expérimentation.
J’ai souhaité que ces 33 sites soient les plus représentatifs possibles de la grande diversité des quartiers de la politique de la ville : l’Ile-de-France et la province, les petites et les grandes villes, les quartiers ZUS ou non. L’expérimentation concernera 36 communes qui se répartissent sur 15 départements.
Je voudrais également vous dire que par définition, une expérimentation c’est l’équivalent d’un test sur un certain nombre d’échantillons. Il s’agit d’expérimenter de nouvelles méthodes de travail sur un petit nombre de territoires et, si celle-ci s’avère concluante, de les généraliser lors de la signature de nouveaux contrats. Il ne s’agit pas pour moi de vous mettre dans la difficulté. C’est tout le sens de la prorogation de tous les CUCS jusqu’en 2014.
Notre responsabilité à nous tous qui sommes réunis aujourd’hui est de donner aux habitants des quartiers en difficulté des outils pour prendre leur place, s’émanciper, et construire leur avenir. Et cela ne passera que par l’éducation, par la formation, par l’apprentissage, par le travail, tout cela dans un cadre de vie agréable et sécurisé.
Vous l’avez compris, pour sécuriser les crédits de droit commun, des engagements précis et concrets sur la mobilisation, par l’Etat et les collectivités territoriales, de leurs politiques de droit commun en matière d’éducation, d’emploi, et de sécurité ont été pris.
L’éducation parce que l’école permet à chaque enfant de se construire individuellement et de vivre l’apprentissage de l’égalité et de la citoyenneté.
L’éducation, parce qu’agir pour la réussite éducative, c’est agir sur les causes des inégalités sociales et de l’exclusion.
L’éducation parce que l’école est le creuset de la République et le lieu par excellence de la mixité sociale. Elle doit donc offrir partout les mêmes chances de la réussite.
C’est pourquoi j’ai tenu à renforcer l’encadrement pédagogique des élèves, améliorer le service de suivi médical de chaque élève ou encore développer l’information des parents sur la scolarité de leurs enfants avec l’opération « école ouverte ».
C’est en donnant aux jeunes les moyens de réussir que nous les aiderons à se construire un avenir professionnel. Ne nous y trompons pas, ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la réussite des individus, c’est aussi la stabilité de leurs familles et, au-delà, l’équilibre de notre société tout entière.
Nous savons tous qu’avoir un emploi signifie beaucoup plus qu’améliorer son pouvoir d’achat. C’est la condition de l’émancipation, de la dignité et du mieux vivre ensemble. C’est pour cela que je souhaite que l’Etat, Pôle emploi et les missions locales travaillent main dans la main pour améliorer le repérage des jeunes, leur accompagnement avec le contrat d’autonomie ou encore le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), leur formation pour permettre leur insertion durable dans l’emploi. Sans oublier les dispositifs deuxième chance car chacun dans sa vie a le droit à une seconde chance.
Mais n’ayons pas peur de l’affirmer : comment s’éduquer, comment se former sans un cadre de vie tranquillisé et sécurisé ? Vous le savez comme moi, la sécurité est le premier droit de nos concitoyens, c’est elle qui conditionne l’exercice de tous les autres.
La prévention de la criminalité et de la délinquance, comme la politique de la ville sont un enjeu majeur. Toutes deux reposent sur des approches partenariales et transversales. Elles sont un enjeu pour le corps social tout entier dont la cohésion est minée par les inégalités, les discriminations ou encore la violence qui a récemment frappé nos territoires.
C’est pourquoi j’ai souhaité renforcer la présence des policiers dans les quartiers avec les brigades spécialisées de terrain (BST), développer la vidéo-protection ou encore améliorer les relations entre la police et la population.
Pour chacun de ces enjeux qui engagent l’avenir de notre pays, j’ai défini, dans la circulaire qui sera signée par le Premier ministre, l’ensemble des politiques de droit commun que pourront mobiliser les acteurs de l’Etat.
Pour optimiser l’efficacité et l’efficience de l’action publique, j’ai fixé des objectifs et des indicateurs précis que vous devrez atteindre et respecter.
Il conviendra également de veiller à une bonne articulation entre le niveau régional et le niveau départemental. Je tiens à une bonne articulation de tous les acteurs, autour du préfet, du maire ou du président d’agglomération qui piloteront le dispositif.
La contractualisation, c’est aussi l’évaluation. Pour agir encore mieux, il faut désormais faire évoluer à la fois nos méthodes, nos outils et nos modes d’action.
Cette expérimentation donnera lieu à une évaluation et permettra de dégager les pratiques susceptibles d’être généralisées à l’ensemble des CUCS.
L’objectif est de mesurer la mise en oeuvre des programmes d’actions développés dans le cadre des CUCS et leurs résultats ainsi que le fonctionnement et l’impact des CUCS.
L’évaluation de l’expérimentation sera confiée à un prestataire extérieur pour répondre à une exigence d’efficacité et de lisibilité de l’action publique.
Cette réforme est aussi l’occasion de donner une nouvelle impulsion au travail conduit jusqu’ici.
En clarifiant les enjeux.
En articulant mieux les dispositifs existants.
En renforçant la contractualisation et la logique du partenariat, qui sont l’essence de la politique de la ville et en font sa particularité.
Et, très franchement : qui peut nier que cette expérimentation donnera un nouveau souffle à la politique de la ville ?
Qui peut affirmer que l’immobilisme est préférable à l’action ?
Qui peut douter que les élus locaux vont trouver là de nouveaux moyens d’action, de nouveaux outils pour réduire les écarts territoriaux, pour la rénovation sociale, pour l’emploi des jeunes et des moins jeunes des quartiers, pour le retour du droit commun et du désenclavement ?
Je compte sur votre sens des responsabilités comme sur votre détermination, que je sais grands, et je reste moi-même à l’écoute de toutes vos propositions pour améliorer notre action au service de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 22 avril 2011