Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur l'accompagnement des personnes âgées dépendantes par le système du "modèle mandataire", Paris le 3 mars 2011.

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Circonstance : Journée d'étude sur le modèle mandataire dans le traitement de la dépendance au Sénat le 3 mars 2011

Texte intégral


Madame la présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), chère Marie-Béatrice Levaux, Mesdames et messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs,
En lançant un débat national sur la dépendance, le Président de la République a souhaité placer ces questions au cœur de notre réflexion collective : quelle place accorder aux personnes âgées dans notre société ? ; Comment relever le défi du vieillissement ? ; de quelles manières, au pluriel, accompagner celles et ceux qui perdent leur autonomie, en garantissant la qualité des prises en charge et le respect de la personne ?
Ces questions, il est de notre devoir de nous les poser, parce que la dépendance, ce sont des situations concrètes, que vivent aujourd’hui, pour eux-mêmes ou pour leurs proches, nombre de nos concitoyens. Et parce que demain, ces situations seront sans doute plus fréquentes, du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence des maladies associées le plus souvent au grand âge.
Il nous faut donc, dès aujourd’hui, y réfléchir, débattre et proposer des réponses adaptées.
En ce sens, les initiatives comme la vôtre, chère Marie-Béatrice Levaux, sont précieuses : elles nous donnent l’occasion d’échanger sur les différentes pistes qui s’offrent à nous et de questionner nos valeurs collectives.
Avant de vous livrer mes propres réflexions sur le modèle mandataire, je voudrais donc d’abord saluer à sa juste valeur l’organisation de cette journée d’étude.
Elle s’inscrit parfaitement, en effet, dans les objectifs poursuivis par le débat national, que nous voulons ouvert et éclairant.
Ouvert, d’abord, en ce que chacun de nos concitoyens est invité à s’exprimer.
La présence, aujourd’hui, d’une assistance nombreuse montre d’ailleurs combien la question de la dépendance des personnes âgées nous concerne et nous intéresse tous.
La diversité des intervenants, à la fois nombreux et présentant des profils variés, est le signe, quant à elle, qu’il n’existe pas, pour la dépendance, de réponse-type. Tout comme les enjeux sont multiples, les solutions sont, elles aussi, riches, variées et complexes.
Le débat se veut donc ouvert, et cette journée d’étude, qui rassemble élus, représentants d’associations et professionnels, est un exemple de ce que nous devons promouvoir.
Mais ce débat doit également être éclairant, pour nos concitoyens mais aussi et peut-être surtout pour les décideurs.
Mieux faire connaître le modèle mandataire, à la fois des particuliers et des départements : c’est, je le sais, le but que vous vous êtes fixé.
En faisant le point sur la situation actuelle, en explorant les freins qui limitent le recours au modèle mandataire et en proposant des pistes pour le rendre plus lisible et plus attractif, cette journée d’étude constitue une aide à la décision, un outil dans l’appropriation des évolutions de notre société.
C’est précisément le sens du débat national sur la dépendance, conçu pour dresser un état des lieux de la dépendance et pour identifier les bonnes pratiques et les idées novatrices.
Permettez-moi d’en rappeler brièvement la méthodologie et le calendrier.
Comme vous le savez, j’ai d’ores et déjà installé quatre groupes de travail thématiques, composés d’experts, d’élus, de partenaires sociaux, d’associations, de professionnels ou d’usagers.
Je suis certaine que vous aurez à cœur de nourrir les discussions de votre expérience incontestable.
4 colloques interrégionaux, précédés de la mise en place de « groupes de parole » de citoyens, permettront de dresser un point d’étape sur les thématiques abordées dans ces groupes.
En outre, des débats auront lieu en région, pour permettre à tous ceux qui le souhaitent d’exprimer leur opinion. De même, un site Internet a été lancé (www.dependance.gouv.fr), afin de recueillir les contributions de chacun. Je compte sur votre participation à tous.
Le débat devra aboutir avant l’été. Comme l’a énoncé très clairement le Président de la République, les premières mesures seront prises dans les projets de loi de finances pour 2012.
Vous l’aurez compris : je vois dans cette journée d’étude une étape utile dans la réflexion qui s’engage.
Comme vous l’avez fait le 8 février dernier, à Bruxelles, lors de votre conférence européenne – à laquelle je me serais bien volontiers rendue si les impératifs que vous connaissez ne m’avaient retenue à Paris –, il est important, en effet, de faire émerger de nouvelles réflexions.
La FEPEM est particulièrement active dans la mise en œuvre d’actions innovantes visant à structurer le secteur, comme le prouvent les conventions passées avec la CNSA. Soyez assurés, pour cet engagement constant, de ma reconnaissance.
Le modèle mandataire est assurément l’une des réponses à la dépendance. Bien entendu, cette réponse n’est pas nécessairement appropriée à toutes les situations. Je pense notamment aux personnes les plus lourdement dépendantes ou isolées. Elle n’a donc pas vocation à remplacer le modèle prestataire, mais elle peut utilement le compléter.
Le modèle tel que vous l’envisagez et souhaitez le renouveler correspond, de fait, à une prise en compte des besoins, tout en offrant des avantages financiers.
Car vous en êtes convaincue : il faut avant tout partir des besoins de la personne. Toutes les dépendances ne se traitent pas de la même manière et il faut tenir compte de chaque situation.
Sur cet objectif, je vous rejoins, chère Marie-Béatrice Levaux, car il me semble primordial de chercher, dans chaque cas, la solution la mieux adaptée, sans règle prédéfinie et sans schéma préétabli.
Pourquoi vouloir appliquer à toutes les personnes âgées dépendantes le même type de prise en charge ? Qu’il s’agisse d’évaluer si l’hébergement dans un établissement est préférable au maintien à domicile, ou qu’il s’agisse de choisir quel service on fait intervenir à domicile, c’est d’abord la souplesse et presque le « cas par cas » qui devraient toujours prévaloir.
Car nous le savons bien : chaque individu a des besoins spécifiques.
Une personne dépendante peut avoir besoin de services le soir ou le week-end. Une autre, parce qu’elle est peut-être moins dépendante ou moins isolée, ne recourra pas aux mêmes services.
De même, certaines personnes âgées sont en mesure de gérer seules, ou avec leur famille, toutes les démarches administratives liées à l’emploi d’un professionnel à leur domicile. D’autres n’en ont pas les capacités et ont besoin d’être aidées.
A côté de l’emploi direct et du mode prestataire, le mode d’exercice mandataire est donc une solution qui mérite d’être portée à la connaissance de tous, et ce d’autant plus que les particuliers et les conseils généraux peuvent y trouver un intérêt financier.
Il est souvent moins cher, en effet, de faire appel à des services mandataires qu’à des services prestataires. Cette considération n’est pas anodine lorsque l’on sait les difficultés rencontrées par les familles et par les départements.
Si le modèle mandataire est une réponse à ne pas écarter, c’est aussi parce qu’il est conforme à deux principes essentiels qui doivent guider notre réflexion : le libre choix et la responsabilité.
Le libre choix, c’est permettre à chaque personne âgée dépendante de prendre ses décisions en toute connaissance de cause et de choisir tel ou tel service parce qu’elle le souhaite, et non par défaut.
J’ai déjà maintes fois affirmé que, dans le débat sur la dépendance, le libre choix ??tait un impératif, pour les personnes en perte d’autonomie et pour les familles. Le libre choix entre le maintien à domicile ou la prise en charge par des structures adaptées, mais aussi le libre choix dans les interventions à domicile.
Ce qui se joue ici, c’est le respect de la personne et de sa dignité.
C’est pourquoi il est primordial de prendre en compte les demandes des personnes âgées, en matière de confort, de confiance ou de sécurité.
Pouvoir se reposer sur un mandataire pour accomplir toutes les formalités nécessaires ; être sûr d’avoir chez soi un intervenant que l’on a choisi et qui ne sera pas remplacé, dès le lendemain, par quelqu’un d’autre : ce sont des souhaits répandus. Tout autant que les souhaits inverses, ils sont légitimes, et il faut pouvoir y répondre.
Il s’agit donc, dans la mesure du possible, d’imaginer les prises en charge en fonction des souhaits d’accompagnement de chacun.
Libre choix, donc, mais aussi responsabilité.
On peut être dépendant et avoir envie de maîtriser sa vie, d’être acteur de sa prise en charge.
En ce sens, le modèle mandataire a le mérite de ne pas déresponsabiliser le particulier employeur, tout en lui offrant l’accompagnement dont il a besoin.
En permettant à la personne âgée de contrôler les interventions qui se font à son domicile, en lui évitant de se laisser porter par les autres, c’est aussi l’aggravation de la perte d’autonomie qu’on empêche.
Puisque, conformément à l’étymologie, l’autonomie est bien « le droit de se régir par ses propres lois », chacun mesure combien cette responsabilité est précieuse.
Alors que vous avez volontairement choisi de placer cette journée sous le signe de l’interrogation – « Le modèle mandataire : une réponse responsable et maîtrisée à la dépendance ? » –, vous me pardonnerez de ne pas apporter aujourd’hui de réponse.
Ce serait clore le débat alors même qu’il s’ouvre.
Aucune piste n’est préemptée, ce qui signifie, inversement, qu’aucune solution ne doit être écartée, pour cause d’a priori ou de tabou. Si les conditions – indispensables ! – de qualité sont assurées, pourquoi rejeter d’emblée tel ou tel type de prise en charge ?
Je suis profondément attachée à l’expression de toutes les sensibilités et de tous les points de vue.
En la matière, je sais pouvoir compter sur vos propositions pour enrichir notre débat.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 15 mars 2011