Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la politique en direction des handicapés notamment l'insertion professionnelle, l'intégration scolaire et la réforme de l'allocation d'adultes handicapés, Bordeaux le 6 mai 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 41ème Congrès des Paralysés de France à Bordeaux du 4 au 6 mai

Texte intégral

« Du combat, seuls les lâches s’écartent », nous enseigne L’Odyssée d’Homère.
Depuis 1933, c’est à un combat inlassable que l’association des paralysés de France se livre : un combat pour la dignité, pour le respect et pour la justice.
Avec un courage et une détermination sans faille, vous vous employez, depuis cette date, à lutter contre toutes les discriminations et à favoriser une participation pleine et entière des personnes en situation de handicap dans notre société.
Ce combat, vous savez qu’il est aussi le mien depuis fort longtemps.
Ma présence d’aujourd’hui à votre 41e congrès n’est donc pas seulement celle d’une ministre en charge de la politique du handicap, venue rendre hommage à une association incontournable : c’est aussi, plus largement, celle d’une femme engagée, convaincue que notre société peut et doit offrir une place à chacun et à tous.
Car parler des personnes en situation de handicap, parler de l’accessibilité, parler de l’égalité des droits et des chances, c’est réinterroger plus globalement notre pacte républicain et le lien qui nous unit les uns aux autres dans une société digne de ce nom.
Dans cette ville de Bordeaux réputée pour son accessibilité, ville pilote pour le label « Destination pour tous », je suis donc particulièrement heureuse et fière de prononcer ce discours de clôture.
Il m’offre l’occasion de vous remercier et de vous féliciter, d’abord, pour votre implication dans le débat politique comme sur le terrain, mais aussi de rappeler la mobilisation du Gouvernement.
Vous l’avez souligné vous-même, cher Jean-Marie Barbier, l’APF, c’est une association militante, ferme dans ses positions et dans ses exigences, mais c’est aussi un interlocuteur constructif, soucieux d’engager de véritables débats.
Que ce soit dans la représentation des personnes en situation de handicap ou dans la gestion de nombreux services et établissements, c’est avec une même rigueur que vous agissez en faveur de toutes les personnes en situation de handicap.
Cette action quotidienne, je tenais à la saluer à sa juste valeur.
Et puisque vous engagez le débat et le dialogue, je répondrai moi-même à votre propos de façon très sincère et très directe : « Mais si, Jean-Marie, les choses avancent ! »
1) Prenons l’exemple de la réforme de l’allocation aux adultes handicapés. Elle traduit notre volonté d’améliorer substantiellement le niveau de ressources des personnes en situation de handicap et de faciliter, par ailleurs, le retour à l’emploi.
L’engagement de revaloriser l’AAH de 25 % entre 2007 et 2012 a, en effet, été tenu, même en période de crise ! Ce sont ainsi 900 000 bénéficiaires qui ont vu leurs ressources augmenter. [soit 1,4 mds € supplémentaires]
Les règles de cumul entre l’AAH et un revenu professionnel ont également été améliorées en 2011.
2) Deuxième orientation de notre action : l’emploi. La situation de l’emploi des personnes handicapées s’est sensiblement améliorée ces dernières années.
Les chiffres en témoignent : notre pays compte aujourd’hui 725 000 travailleurs handicapés ; 49 % des entreprises dépassent déjà le taux de 6 % de travailleurs handicapés et le nombre des entreprises n’employant aucun travailleur handicapé a diminué de 78 % entre 2008 et 2010.
Sur cette même période, dans le contexte économique que vous connaissez, le nombre de demandeurs d’emploi handicapés a augmenté deux fois moins que l’ensemble des demandeurs d’emploi (10,5 % contre 22,5 %). C’est le signe de l’efficacité de notre politique.
3) Troisième orientation : la scolarisation des enfants handicapés. Ici encore, les chiffres sont éloquents : en 2005, 133 000 enfants handicapés étaient scolarisés. En 2010, ils étaient 201 406, soit 50 % de plus ! C’est dire si les efforts ont été considérables, en 6 ans à peine.
Quant aux auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui apportent un accompagnement personnalisé aux enfants qui en ont besoin, leur nombre a doublé entre 2007 et 2010.
Ne nous y trompons pas cependant : l’engagement de l’Etat ne saurait se limiter aux AVS. L’attention que nous portons à l’accessibilité à l’enseignement dans tous les lieux d’accueil ou à la désignation d’enseignants référents le prouve.
4) Quatrième axe que je veux souligner : l’augmentation du nombre de places en établissements et services pour personnes handicapées. En 2007, le Président de la République s’était engagé à créer 51 400 places supplémentaires d’ici 2012. Près des ¾ des crédits ont été engagés et les projets lancés. Une nouvelle fois je vous le répète, il n’est pas question de remettre en cause cet engagement, et il sera tenu en 2011.
5) Notre majorité s’est également engagée pour améliorer le quotidien de personnes handicapées jusqu’à présent oubliées, à travers le plan autisme 2008-2011, le plan handicap auditif lancé en 2010, ou encore le schéma handicap rare, en place depuis 2009.
6) Enfin, la prestation de compensation du handicap (PCH) a été largement revalorisée. Alors même que le montant de l’allocation compensatrice de tierce personne (ACTP) s’élevait à 400 euros en 2005, les près de 98 000 bénéficiaires de l’actuelle PCH ont perçu, en 2010, environ 850 euros par mois.
Cette liste peut sembler énumérative, mais elle traduit bien, je crois, la volonté politique forte qui sous-tend l’ensemble de ces mesures.
Bien sûr, il ne s’agit pas de nier les difficultés encore existantes. Le chemin à parcourir est peut-être encore long, mais ce qui compte avant tout, c’est que notre mobilisation ne faiblisse pas.
A un mois de la conférence nationale du handicap (CNH), il me semble important, à cet égard, de le souligner avec force.
Vous me permettrez donc de m’arrêter quelques instants sur ces difficultés, dont vous avez-vous-même fait mention.
Je veux, tout d’abord, vous le souligner : le Gouvernement prendra des engagements forts lors de la CNH qui se déroulera le 8 juin prochain.
Je peux vous assurer de la mobilisation de l’ensemble du gouvernement. Tous les ministres concernés seront présents lors de la conférence, qui sera clôturée par le Président de la République.
Dans les travaux en cours pour la préparation de la CNH, nous nous appuyons sur les rapports de l’observatoire de l’accessibilité et de la conception universelle, de l’observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap (ONFRIH), et, bien sûr, sur celui du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dans lequel je sais que les représentants de l’APF se sont particulièrement impliqués.
J’y vois l’illustration du dynamisme de ces instances consultatives et de leur partenariat constructif avec l’Etat.
Pour que nous puissions bâtir ensemble la société inclusive que vous appelez de vos vœux, pour tous les types de handicap, et à tous les âges de la vie, je souhaite tout particulièrement avancer sur les sujets suivants :
1) la scolarisation : l’école est la première étape de l’inclusion des personnes handicapées. C’est grâce à la scolarisation que l’on peut participer pleinement à la vie de la cité. Mais je suis consciente des difficultés qui se posent encore sur le terrain, comme les retards dans les attributions des AVS, ou encore les enseignants parfois désemparés.
Le Président de la République a confié une mission au sénateur Paul Blanc pour améliorer encore davantage les conditions de cette scolarisation. Il doit rendre ses conclusions avant la CNH.
L’objectif est bien d’améliorer la scolarisation des enfants handicapés au sens large, aussi bien dans l’école ordinaire que dans les établissements médico-sociaux.
2) autre sujet sur lequel je souhaite avancer : l’accessibilité. Je sais à quel point ce sujet suscite des inquiétudes, à la fois pour les associations de personnes handicapées et pour les collectivités locales et les professionnels concernés. Mais je suis convaincue que nous pouvons trouver des solutions ensemble, en épaulant mieux les opérateurs, mais aussi en prenant le temps de la concertation.
Vous savez que je suis attachée à ce que l’échéance de 2015 soit maintenue et respectée. Et je partage avec vous cette idée que l’accessibilité ne concerne pas uniquement le handicap moteur, mais tous les types de handicap. Et que même, elle ne concerne pas uniquement les personnes en situation de handicap : c’est l’ensemble de notre société qui a à y gagner.
L’accessibilité est l’un des piliers de la politique du handicap ; c’est pourquoi cet impératif n’est pas négociable. Cependant, je considère que la mise en œuvre de solutions de substitution introduite par la PPL est une mesure plus équilibrée – et mieux encadrée – que l’accord de dérogations. Je veux le dire devant vous très clairement : l’objectif est bien de rendre accessible, mais autrement.
J’ai souhaité que la définition des mesures de substitution soit expertisée avant la rédaction du décret, qui, je l’ai déjà dit, sera rédigé en concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées.
3) en ce qui concerne l’emploi, vous avez raison, trop de travailleurs handicapés n’y ont pas accès.
C’est pourquoi nous restons pleinement mobilisés. Vous le savez, le Premier Ministre vient de lancer un pacte pour l’emploi dans la fonction publique. Cela se traduira par le recrutement de 7 000 travailleurs handicapés d’ici à 2013 !
Avec le ministre de l’Emploi, nous travaillons par ailleurs à un nouveau plan pour l’emploi des personnes handicapées, avec des mesures visant à faciliter l’insertion professionnelle. Je souhaite que nous puissions améliorer l’accès à la formation notamment.
4) la question du vieillissement des personnes handicapées est également l’un de nos sujets de préoccupation majeurs. Comme certains l’ont très justement dit, « le handicap ne prend pas sa retraite ». J’ai donc voulu que ce sujet soit abordé dans le cadre du débat sur la dépendance. Il n’est évidemment pas question, comme j’ai pu l’entendre à tort, d’exclure les personnes handicapées du champ de notre réflexion collective. Une réunion spécifique aura d’ailleurs lieu la semaine prochaine.
De même, je n’ignore pas les difficultés financières de l’aide à domicile. J’ai donc demandé le lancement d’un groupe de travail avec les associations du secteur de l’aide à domicile. Son objectif est double : comprendre pourquoi certains services s’en sortent, et pourquoi d’autres, pourtant au même tarif, ne s’en sortent pas ; et proposer une réforme de la tarification et du financement.
C’est en tout état de cause un enjeu majeur aujourd’hui, alors que nos concitoyens expriment majoritairement leur préférence pour le maintien à domicile.
5) enfin, nous voulons également améliorer le fonctionnement des MDPH. Les dispositions de la PPL Blanc – qui sera examinée au Sénat le 28 juin – doivent nous y aider, en contribuant à mettre fin à l’instabilité des personnels ou à certaines lourdeurs dans la gestion des demandes, et en apportant plus de visibilité aux MDPH sur leurs moyens.
Les MDPH sont devenues les piliers locaux de la politique du handicap et je souhaite que l’Etat y remplisse ses engagements. La dette résiduelle de l’Etat envers les MDPH sera ainsi réglée en totalité en 2011.
Vous le voyez, les travaux en cours pour la préparation de la CNH permettront déjà d’annoncer des mesures fortes sur tous ces sujets.
Vous avez soulevé, cher Jean-Marie Barbier, d’autres inquiétudes, notamment sur la trimestrialisation de l’AAH et le décret RSDAE.
Pourquoi ce décret ?
Vous avez vous-même constaté, cher Jean-Marie, que des situations comparables pouvaient aboutir à des décisions d’attribution différentes d’un département à l’autre. C’est tout simplement intolérable !
Ce décret, que vous étiez le premier à réclamer, est donc un moyen de garantir l’équité de traitement, en fixant un référentiel. Il permettra, en effet, de donner un cadre aux MDPH pour apprécier la condition de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi qui est requise pour attribuer l’AAH aux personnes dont le taux d’incapacité se situe entre 50 % et 80 %. Il favorisera ainsi une meilleure équité territoriale.
Or, n’est-ce pas à l’Etat d’être le garant de cette équité ? N’est-ce pas ce que vous attendez de nous ?
Alors oui, nous souhaitons renforcer le poids de l’Etat dans les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), mais c’est bien pour lui permettre de jouer pleinement son rôle.
Pour autant, contrairement à ce que vous affirmez, il ne s’agit pas de donner la majorité des voix à l’Etat !
Nous souhaitons simplement mettre en place un nouveau mode de décision en CDAPH, c’est-à-dire nous assurer que les 4/5èmes des voix – comprenant donc l’Etat, mais aussi les associations – s’accorderont sur les attributions, renforçant ainsi la collégialité.
Bien sûr, ce projet de décret n’est pas parfait. Bien sûr, entre partenaires, il arrive parfois de ne pas être d’accord. Mais je voudrais souligner l’essentiel.
L’essentiel, c’est qu’il ne s’agit pas d’une réforme comptable, qui introduirait des considérations budgétaires pour l’attribution de l’AAH ! Et l’essentiel, c’est de continuer à discuter et à avancer ensemble.
Autre inquiétude que j’ai bien entendue : la question des ressources des personnes handicapées. Le Gouvernement a attentivement examiné la proposition d’instaurer un revenu minimum individuel d’existence et s’il ne l’a pas retenue, c’est pour une raison très simple : il y aurait 40 % de perdants.
Le Président de la République a donc préféré engager une revalorisation historique de 25 % du montant de l’AAH, favorable à tous.
Pour ce qui est de la compensation, comme je l’ai dit devant le CNCPH, je suis tout à fait disposée à examiner avec les associations les évolutions qu’elles souhaitent voir être apportées à la prestation de compensation. J’ai confié une mission à ce sujet à l’IGAS et à l’IGA avec mon collègue Philippe Richert.
D’ores et déjà, nous allons améliorer cette année la prise en charge des fauteuils roulants. Par ailleurs, je me suis engagée à ce que les fonds départementaux de compensation soient abondés à hauteur du niveau qui était les leurs en 2008 (une dizaine de millions d’€).
Vous m’avez enfin interpellée sur les services d’accompagnement sexuel. Je me suis déjà largement exprimée sur ces services, auxquels je m’oppose fermement. Ministre en charge des droits des femmes, je refuse cette réponse marchande, contraire à la dignité des femmes.
Pour autant, il est évident que la question de la vie affective et sexuelle est liée à celle de la relation au corps, pour la personne handicapée elle-même, blessée dans son image, et pour son entourage, qui ne voit ce corps que comme un objet de soin.
C’est la raison pour laquelle j’ai saisi le comité consultatif national d’éthique à ce sujet.
De toute évidence, les sujets de réflexion sont nombreux et notre dialogue n’est pas prêt de s’interrompre.
Je me réjouis, en ce sens, de vous retrouver dès le 8 juin, pour cette conférence nationale du handicap qui nous réunira autour d’engagements forts.
« Bouger les lignes », et en particulier les lignes de notre société, pour dessiner une société inclusive, qui intègre pleinement en son sein tous les individus, quelles que soient leurs différences : à votre projet, nous tous ici souscrivons pleinement.
Marie-Anne Montchamp le rappelait avant-hier : six ans après sa promulgation, l’esprit d’inclusion sociale porté par la loi de 2005 n’a sans doute pas encore pénétré toutes les strates de notre société.
Pour autant, votre mobilisation conjuguée à notre détermination nous permettront de promouvoir, encore et toujours, ces valeurs de solidarité et de respect auxquelles, jamais, nous ne renoncerons.Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 10 mai 2011