Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le développement des biotechnologies et leur importance stratégique dans le domaine de la santé, de l'énergie ou de l'agriculture, Paris le 28 avril 2011.

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Circonstance : Visite de la plateforme technologique de Cellectis, le 27 avril 2011

Texte intégral

Monsieur le député, Patrice CALMEJANE,
Monsieur le sous-préfet, Sébastien LIME,
Monsieur le président, André CHOULIKA,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux cher André CHOULIKA, d'avoir visité votre entreprise de biotechnologie, qui constitue l'un de nos plus beaux fleurons, et ce que j'ai pu voir grâce à vos équipes me l'a confirmé.

Cette visite est aussi l'occasion pour moi de vous adresser deux messages.

1er message : les biotechnologies constituent un secteur stratégique à forte croissance et la France peut et doit y occuper une place de leader

Le marché mondial des biotechnologies représente, selon France Biotech, l'association que vous présidez M. Choulika, près de 225 Mds$ avec une croissance de 12,6 % par an et plus de 60 % des nouveaux médicaments issus de ce secteur.

C'est donc un marché d'ores et déjà important, et dont le potentiel ne peut que croitre.

Or, la France dispose d'atouts indéniables pour prendre les meilleures places sur ce marché. Elle affiche une position historiquement forte dans les industries de santé : la France est le 1er producteur de médicaments en Europe et ses laboratoires, Sanofi-Aventis en tête, comptent parmi les plus importants. Notre pays se distingue aussi par la qualité de son environnement hospitalo-universitaire et de ses pôles de recherche, à l'instar de l'Institut Pasteur dont vous savez, ici mieux que quiconque, l'importance de sa contribution scientifique.

Notre pays a également su développer un maillage dense d'entreprises de production et de recherche :
- La France compte environ 300 entreprises dans le domaine des biotechnologies, principalement en Ile de France, Rhône Alpes et PACA.
- Un tiers de ces entreprises ont plus de 10 ans, ce qui montre que ces entreprises sont pérennes sur le moyen/long terme.
- Elles affichent un « pipeline » de produits prometteurs : 2/3 des biotechs déclarent avoir au moins un produit thérapeutique en développement ou en phase de commercialisation.
- Enfin, et surtout, elles occupent, pour certaines d'entre elles, des positions de leader mondial.

Cellectis est exemplaire des biotechs que nous souhaitons voir se développer pour trois raisons.

a) Cellectis est au cœur d'une rupture technologique majeure.

Cette rupture, c'est celle des « méganucléases », qui permettent des « couper-coller » d'ADN. Avec cette technologie, vous écrivez les premières pages d'une nouvelle aventure scientifique et industrielle.

Le champ d'application est immense :
- dans la santé, vous ouvrez la voie à la thérapie cellulaire pour les maladies génétiques et certaines infections virales (hépatite B, Sida, herpès). De même, vous développez, à partir de cellules souches, un procédé de production de globules rouges, qui permettra de pallier au manque de donneurs.
- dans l'agriculture, en réponse au défi alimentaire, vous créez, par des modifications ciblées du génome, la prochaine génération de plantes de culture.
- dans l'énergie enfin, pour faire face à la raréfaction des ressources, vous travaillez à la modification de micro algues pour produire le carburant du futur.

b) Cellectis est une entreprise performante.

Vos effectifs sont passés de 5 à 130 salariés en 10 ans ; vous avez conclu plus de 50 partenariats, et vous détenez un portefeuille de plus de 260 brevets et demandes de brevets. 

Les investisseurs ne s'y trompent pas. En témoigne le succès de votre introduction en bourse et vos levées de fonds : plus de 70 M€ depuis votre création.

c) Cellectis fait partie de ces entreprises que l'Etat doit soutenir lorsqu'il en a l'opportunité.

Dans le cadre des pôles de compétitivité, et plus spécifiquement des plateformes d'innovation, un appel à projet a permis de sélectionner en septembre 2010 le projet CellMill que vous portez.

C'est un projet de banque de cellules souches qui permettra de nombreuses applications, notamment dans la thérapie cellulaire. Il offrira aux industriels la possibilité de tester très en amont (avant la phase II) leur molécule face à la diversité génétique et cellulaire. Le potentiel est donc immense.

Je suis heureux de vous confirmer aujourd'hui l'engagement de l'Etat à hauteur de 4,75 M€ pour le financement de ce projet, à parité avec les collectivités locales et avec le soutien de Genopole, soit près de 13M€ de financements au total. Le conventionnement devrait intervenir avant la fin du semestre. Je souligne que ce soutien intervient à la suite d'un accord signé, il y a quelques jours, avec la Caisse des dépôts en vue d'une augmentation de capital de votre filiale dédiée au développement industriel des cellules souches, celle-là même qui porte le projet Cellmill.

Voilà ce que je souhaitais vous dire. Mais comme vous vous en doutez, l'Etat ne se limite pas au soutien apporté à votre entreprise, nous cherchons, de manière plus systématique, à tout mettre en 'uvre pour accélérer le développement des biotechnologies en France.

2e message : l'Etat mobilisera tous ses moyens pour accélérer le développement des biotechnologies

Je voudrais souligner en particulier 4 leviers d'action :

1. Un environnement fiscal attractif

En réformant le crédit impôt recherche en 2008, nous avons mis en place l'un des dispositifs les plus attractifs de l'OCDE. Cet effort sans précédent en faveur des entreprises innovantes (plus de 4 Mds€ par an) bénéficie à la fois aux PME - 84% des bénéficiaires sont des PME de moins de 250 salariés ' et aux grandes entreprises.

Les résultats parlent d'eux-mêmes. En l'espace de trois ans, le rythme annuel d'implantation de centres de R&D par les groupes étrangers a doublé (50 sites/an), entraînant la création de plus de 2 000 emplois à haute valeur ajoutée.

Le CIR bénéficie aux jeunes entreprises innovantes :
- son montant est reversé même si l'entreprise ne réalise pas de bénéfice soumis à impôt
- il est majoré les deux premières années pour les entreprises primo déclarantes.
- la rémunération des jeunes docteurs est intégrée dans l'assiette du CIR pour le double de leur montant dans les 2 années qui suivent leur recrutement
- le remboursement anticipé du CIR accordé aux JEI depuis 2007 a été maintenu

Conséquence : le montant du CIR reversé aux PME innovantes a été doublé grâce à la réforme.

Je souhaite aussi lever les ambiguïtés sur un autre dispositif, qui concerne, selon France Biotech, près de 70 % des biotechs: les jeunes entreprises innovantes (JEI). J'entends souvent que la loi de finances de 2011 mettrait « nombre de nos entreprises en développement face à un mur ». Permettez-moi de rappeler que les modifications apportées n'altèrent en rien l'esprit de la mesure, notamment car la durée de l'aide est préservée (8 ans) et que les exonérations sont maintenues à taux plein pendant les 4 premières années, qui sont les plus critiques, celles qu'on appelle « la vallée de la mort ».

2. La politique des pôles de compétitivité
S'il est un domaine pour tirer le plus avantage de la dynamique des pôles, associant entreprises, universités et centres de recherche, c'est bien la biotechnologie.

Au total, 7 pôles de compétitivité sont aujourd'hui consacrés à cette thématique, dont Medicen que vous connaissez bien, ici, à Biocitech, puisque près de la moitié des entreprises de ce parc en sont membres.

Depuis 2005, les pouvoirs publics ont investi près de 175 M€ dans 116 projets de R&D collaboratifs orientés biotech et représentant près de 500 M€ d'investissements. C'est dans le cadre des pôles de compétitivité que, comme je vous le disais précédemment, votre projet Cell Mill sera aidé par l'Etat.

3. Le financement, notamment en fonds propres

L'Etat a mis en place une série d'outils pour soutenir les biotechs aux différentes étapes de leur développement :
- Les aides à l'innovation et le programme d'innovation stratégique industrielle d'OSEO. Six projets biotech ont été financés en 2010 pour 58 M€, soit 45 % du montant total de ce programme.
- Le fonds d'amorçage, doté de 400 M€ sur 3 ans, et qui devrait être opérationnel avant l'été.
- Le capital risque avec INNOBIO, doté de 139 M€ par le FSI et 9 groupes pharmaceutiques. Depuis son lancement en 2009, 6 investissements ont été réalisés pour 28 M€, ce qui représente en réalité la moitié du fonds compte tenu des provisions pour les prochains tours de financement.
- Le capital développement avec le FSI pour les projets d'investissements plus importants. 4 biotech (Nicox, Innalte, Vivalis, Cerenis) ont ainsi été financées pour un montant total de 71 M€.

Enfin, l'Etat a décidé de consacrer 10% des 35 Mds€ investissements d'avenir au secteur de la santé, au travers des 6 instituts hospitalo-universitaires qui viennent d'être annoncés (850 M€) mais aussi du programme santé / biotechs (1,5 Mds€) et des instituts de recherche technologique (2 Mds€) en cours de sélection.

4. Une politique de filière au service des biotechs

Ce soutien s'accompagne d'un effort de structuration avec deux instances nationales aux objectifs complémentaires :
- d'un côté le conseil stratégique des industries de santé autour du Premier ministre, pour valoriser l'attractivité de notre pays sur les sciences du vivant
- de l'autre le comité stratégique de filière mis en place à l'issue des Etats généraux de l'industrie, pour fédérer, au plan national, les acteurs de la filière santé.
- Les biotechnologies occupent naturellement une part significative dans les axes de travail de ces comités.
Je ne développe pas plus et conclus par ces mots.
- Vous affichez chez CELLECTIS l'ambition de devenir le « MICROSOFT du vivant ». Naturellement, j'y souscris et je vous souhaite de connaître le même succès mondial, pour vous et pour notre pays.
- Vous démontrez, avec d'autres, ici à BIOCITECH ou à MEDICEN, qu'il est possible de réussir de grands paris industriels en France, sans nécessairement rejoindre la Silicon Valley, mais juste en traversant le périphérique.
- Vous incarnez enfin un visage différent pour l'industrie, plus attractif, celui des hautes technologies, de surcroît au service de la santé de nos concitoyens.

Pour ces raisons, je vous invite à porter la parole de l'industrie autour de vous, et dans les médias, cher André CHOULIKA. La France a besoin de nouveaux capitaines d'industrie et de créer des mythes industriels inédits, auxquels s'identifier. CELLECTIS en fait assurément partie.

Je vous remercie.

Source http://www.minefe.gouv.fr, le 4 mai 2011