Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur la mise en place d'une nouvelle coopération énergétique dans la zone euro-méditerranéenne, à Monaco le 11 mai 2011.

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Circonstance : 2ème Forum euro-méditerranéen sur l'efficacité énergétique, à Monaco le 11 mai 2011

Texte intégral

Monseigneur,
Monsieur le Président du Climate Group,
Monsieur le Vice-Président de Johnson Controls,
Monsieur l’Administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honoré d’ouvrir la deuxième journée du Forum euro-méditerranéen sur l’efficacité énergétique avec Son Altesse Sérénissime le Prince souverain de Monaco.
Ce matin, je voudrais placer mon intervention sous le signe d’une nouvelle coopération énergétique dans la zone euro-méditerranéenne.
1. Nous savons que la demande d’électricité augmentera de +6 % par an d’ici 2025 au Sud et à l’Est de la Méditerranée. Les 3 facteurs de cette évolution sont le développement économique, la croissance démographique et la pression urbaine qui en résulte. 42 millions de nouveaux logements devront être construits pour développer des villes qui accueilleront les ¾ de la population.
2. Dans de telles conditions, la poursuite des modes actuels de consommation énergétiques engendrerait des risques socio-économiques et environnementaux inacceptables :
- Inacceptable tout d’abord du fait des coûts d’approvisionnement, avec un mix énergétique constitué à 94 % de sources fossiles et une dépendance extérieure supérieure à 80 % ;
- Mais inacceptable également au niveau des émissions de CO2, qui seraient multipliées par 2,4 en 20 ans.
3. Une véritable révolution énergétique est donc indispensable pour créer la croissance durable au Sud et à l’Est de la Méditerranée :
- Cette révolution est celle de la décarbonisation de l’économie ;
- Elle doit garantir l’électricité pour tous, la protection du pouvoir d’achat des consommateurs, des gains de compétitivité économique et de nouveaux emplois, tout en limitant l’impact sur le milieu ;
- Il s’agit donc de produire plus d’électricité, de la produire mieux, tout en la consommant plus efficacement.
4. Pour y parvenir, je propose que les pays des deux rives de la Méditerranées’engagent ensemble dans un pacte énergétique euro-méditerranéen. Un tel pacte est nécessaire pour réaliser cette révolution énergétique et la mettre au service d’unestratégie de prospérité partagée en Méditerranée.
Premièrement, il faut accélérer le financement du Plan solaire méditerranéen pour installer 20 gigawatts de capacités électriques nouvelles au Sud et à l’Est de la Méditerranée d’ici 2020 :
- 7,5 milliards d’euros de prêts concessionnels vont être mis en oeuvre dans le cadre de fonds régionaux de la Banque Mondiale, de la Banque Européenne d’Investissement, de l’Agence Française de Développement, des caisses des dépôts française, italienne et marocaine, ou encore de l’agence allemande KFW.
- Un niveau équivalent de subventions pourrait également venir de l’importation par les pays de l’Union Européenne d’une partie des « électrons verts » produits au Sud et à l’Est de la Méditerranée.
L’article 9 de la directive sur les énergies renouvelables encourage ces partenariats en les faisant bénéficier des tarifs d’achat européens.
La France et le Maroc lanceront dès l’automne 2011 la première expérience d’importation d’électricité solaire du Sud vers le Nord de la Méditerranée. Je vais également proposer à l’ensemble des pays européens d’engager des démarches similaires. L’addition des prêts concessionnels et des subventions d’importation garantiront la rentabilité du Plan solaire méditerranéen.
Il est donc temps de mobiliser les investisseurs privés. J’annonce que la France travaille activement à la création d’un centre financier international des énergies renouvelables. L’objectif est de créer en 2011 une plateforme publique-privée chargée d’identifier les projets, de les analyser en fonction des critères de risques financiers et de les proposer aux banques et aux fonds d’investissement.
Deuxièmement, il faut achever la boucle électrique méditerranéenne en réalisant les interconnexions Nord-Sud et Sud-Sud qui permettront de coupler les marchés. Depuis sa création en décembre 2010, le consortium MEDGRID pour un réseau transméditerranéen rassemble plus de 20 industriels et autorités de régulation espagnoles, égyptienne, italiennes, marocaine, allemande, syrienne, françaises et jordanienne. Des partenaires tunisien, turc et algérien pourraient prochainement les rejoindre.
MEDGRID proposera un schéma directeur technique et économique pour de nouvelles capacités de transport électrique à hauteur de 5 gigawatts d’ici 2020. Dans les prochaines semaines, MEDGRID conclura un accord de coopération avec DESERTEC. Ce partenariat entre le consortium des interconnexions méditerranéennes et celui des producteurs d’installations solaires va créer une nouvelle dynamique qui bénéficiera du soutien de la France, de l’Allemagne et de la Commission européennes.
Troisièmement, il faut organiser des coopérations technologiques pour créer un véritable tissu industriel euro-méditerranéen des énergies renouvelables et des réseaux électriques. C’est le sens de l’initiative conjointe de la France et de la Tunisie pour un Institut euro-méditerranéen de Technologie.
Dans le cadre de la conférence des ministres de l’industrie de l’Union pour la Méditerranée qui se tiendra demain à Malte, je signerai avec mon homologue tunisien l’accord établissant cet Institut baptisé « EMITEC ». Cet accord prévoit :
- la création à Tunis d’un centre franco-tunisien de R&D et de formation, autour des innovations énergétiques et des technologies de l’information et de la
communication ;
- une coopération ouverte à l’ensemble des pays de la zone Euro-Méditerranée ;
- ainsi que l’installation en Tunisie d’un premier projet de démonstrateur couplant la technologie photovoltaïque à concentration avec un système de stockage d’énergie.
Le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) sera le pilote français de cette initiative.
Enfin, l’association MEDENER des agences méditerranéennes de maîtrise de l’énergie pourrait promouvoir l’adaptation au Sud et à l’Est de la Méditerranée des cadres règlementaires européens sur les performances énergétiques.
Une attention toute particulière mériterait d’être consacrée à la directive européenne sur l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment. Ce secteur est stratégique puisqu’il concentre à lui-seul 1/3 de la consommation énergétique finale.
Mesdames et Messieurs, je viens de vous présenter les axes du pacte énergétique euroméditerranéen que la France appelle de ses voeux et qui pourrait être placé au coeur de la relance de l’Union pour la Méditerranée. Ce sera l’objet de mon déplacement au Secrétariat général de Barcelone le 20 mai prochain. J’y vois également de nombreuses perspectives de coopération entre la France et la Principauté de Monaco.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 12 mai 2011