Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à RTL le 13 mai 2011, sur l'accompagnement des bénéficiaires du RSA vers le retour à l'emploi.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE Bonjour Roselyne BACHELOT.
 
ROSELYNE BACHELOT Bonjour Jean-Michel APHATIE.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Votre collègue des Affaires européennes, Laurent WAUQUIEZ, a vivement critiqué, dimanche, l’assistanat en France. Il a évoqué un « cancer de la société », « celui qui travaille n’a pas de véritable écart avec celui qui bénéficie des minimas sociaux », a-t-il dit. Vous lui avez répondu assez vertement en parlant de « certains discours de beaufitude, de propos de comptoir ». Et lui-même, hier, a regretté l’interprétation de ses propos sans qu’il apparaisse très convaincant dans cette dénégation de ce qu’il avait lui-même dit. Si on fait le point, ce matin, Roselyne BACHELOT, on en est où ?
 
ROSELYNE BACHELOT Le Premier ministre a dit ce qu’il fallait dire hier. Moi, je considère que ce débat a eu au moins un avantage, c’est d’éclairer un certain nombre de Français sur la réalité des chiffres, et de casser un certain nombre d’images convenues, parce qu’effectivement si un revenu d’inactivité vous faisait dépasser le revenu de celui qui travaille, ce serait totalement intolérable.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et ça n’est pas le cas ?
 
ROSELYNE BACHELOT Et ce n’est pas le cas. J’ai les chiffres…
 
JEAN-MICHEL APHATIE …et pourtant le ministre de la République a dit c’est le cas.
 
ROSELYNE BACHELOT J’ai les chiffres, et ça permet d’éclairer quelque chose qui est partagé par un certain nombre de gens, et j’ai même entendu des auditeurs sur RTL le dire. Par exemple, pour un couple avec un enfant, l’écart de revenus est de 540 € tout confondu, les allocations, les aides diverses, 540 € en faveur de celui qui travaille. Alors, le Premier ministre a dit aussi quelque chose d’important, et c’est ça, je veux m’inscrire dans l’avenir, c’est que ce système n’est pas parfait et qu’il faut l’améliorer.
 
JEAN-MICHEL APHATIE En quoi ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors, d’abord, c’est un système horriblement complexe. On l’a vu d’ailleurs à travers le débat, on mélangeait tout, par exemple j’ai appris à certaines personnes que les allocations familiales venaient en déduction du revenu d’activité, du revenu de solidarité.
 
JEAN-MICHEL APHATIE De solidarité.
 
ROSELYNE BACHELOT Des gens pensent qu’on peut cumuler les choses. Non, ce n’est pas cumulable. Donc, il faut simplifier ce dispositif. Je pense qu’en particulier une des pistes qui serait de fusionner la prime pour l’emploi et le revenu de solidarité d’activité, qui sert à majorer de ceux qui travaillent avec des très bas salaires, c’est compliqué mais c’est une piste. Ensuite, il faut vraiment que les bénéficiaires, que les allocataires pour qu’ils reviennent vers l’activité, aient un guichet unique. Il y a sept ou huit interlocuteurs face au bénéficiaire.
 
JEAN-MICHEL APHATIE C’est POLE EMPLOI qui s’occupe d’eux.
 
ROSELYNE BACHELOT Alors, face au bénéficiaire du RMI. Il y a POLE EMPLOI, il y a les services de l’Etat comme la DIRECTE, il y a des associations, il y a le conseil général, il y a la CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Non mais, pour parler simplement, Roselyne BACHELOT, POLE EMPLOI fait mal son travail ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non mais, il faut savoir qu’un bénéficiaire du RSA en général cumule un certain nombre de difficultés de formation, mais aussi des difficultés de santé, des difficultés sociales. Et donc, il faut les prendre, j’allais dire globalement en compte. Un autre exemple, il y a beaucoup de femmes isolées avec des enfants. Actuellement, on voit bien que pour aller vers l’activité il faut qu’elles trouvent une solution pour ses enfants. Or, elles ne sont pas prioritaires pour les modes de garde. C’est ainsi que je suis… je travaille en ce moment avec les CAISSES D’ALLOCATIONS FAMILIALES pour résoudre ce problème. Comment voulez-vous imposer un stage ou un retour vers l’emploi à des femmes qui n’ont pas de solution pour garder leurs enfants.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Les propositions de Laurent WAUQUIEZ, dimanche soir, étaient plus radicales que cela. Il disait, par exemple, qu’il fallait imposer cinq heures de travail au sein d’une collectivité ou d’une association à un titulaire du RSA, ce qui est très différent des propositions que vous faites ce matin, Roselyne BACHELOT, au micro de RTL. Et un sondage OPINIONWAY publié dans LE FIGARO, ce matin, donne raison à Laurent WAUQUIEZ. Une majorité de sondés, 70 %, souhaitent qu’un titulaire du RSA fasse en contrepartie des heures de travail pour la collectivité. Est-ce que vous seriez d’accord avec cela, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non ! Non, parce que ça me pose, et je l’ai dit d’ailleurs plusieurs fois, ça pose des problèmes de faisabilité, ça pose des problèmes juridiques. Mais vous savez que quand on propose un emploi à un bénéficiaire du RSA et qu’il refuse deux fois de suite une proposition d’emploi, on lui retire son revenu de solidarité active.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Dans la pratique, c’est très rare.
 
ROSELYNE BACHELOT Il y a déjà des mesures extrêmement fortes dans le cadre du RSA. On a tendance à l’oublier.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Est-ce que vous regrettez que…
 
ROSELYNE BACHELOT Vous comprenez bien que si on impose cette obligation d’un travail d’intérêt collectif à un bénéficiaire du RSA, c’est-à-dire ou à 1,2 million bénéficiaires du RSA, ça pose des problèmes de faisabilité considérables.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Mais c’est le ministre qui l’a proposé. Si c’était quelqu’un qui ne connaît pas les lois, les difficultés que vous évoquez, on se dirait, ben il ne connaît pas le dossier. C’est un ministre qui l’a proposé, Roselyne BACHELOT.
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, mais moi je suis en charge du revenu de solidarité active et je veux aller vers ces questions en travaillant. Je suis également en charge de la famille, je vais vous donner un exemple très concret…
 
JEAN-MICHEL APHATIE …mais il a raconté n’importe quoi le ministre en question, dimanche dernier ?
 
ROSELYNE BACHELOT Je n’ai pas à porter de jugement de valeur là-dessus. Ce que je dis, je connais…
 
JEAN-MICHEL APHATIE …ben, c’est important quand même !
 
ROSELYNE BACHELOT Je connais ce dossier, j’en connais les bénéficiaires, et je veux dire très simplement, par exemple ces femmes isolées, il faut trouver des solutions de garde. Il faut trouver des solutions de garde pour elles.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Hier matin, je voudrais juste, excusez-moi parce que je comprends bien, on est en face à un conflit au sein du gouvernement sur cette question. Alors, il suffit que le ministre…
 
ROSELYNE BACHELOT …non ! Non, non !
 
JEAN-MICHEL APHATIE Si en conflit. Hier, dans LE PROGRES, Laurent WAUQUIEZ, « on a froissé le politiquement correct », c’est lui qui parle. Et il ajoute ceci, il paraphrase Jean-Marie LE PEN, « J’ai juste, j’ai juste dit tout haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas ». C’est pas un conflit au sein du gouvernement, ça ?
 
ROSELYNE BACHELOT Mais, il dit quelque chose de vrai, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup…
 
JEAN-MICHEL APHATIE …qu’il dit tout haut ce que les Français pensent tout bas.
 
ROSELYNE BACHELOT Il y a beaucoup de Français qui pensent honnêtement et sincèrement qu’on a plus d’argent quand on est en inactivité qu’en activité.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et lui le pense, et Laurent WAUQUIEZ le pense.
 
ROSELYNE BACHELOT Et c’est à ça que je sers.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Et Laurent WAUQUIEZ le pense.
 
ROSELYNE BACHELOT C’est-à-dire à venir chez vous, Jean-Michel APHATIE, faire de la pédagogie.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Rectifier les fausses idées que répand Laurent WAUQUIEZ.
 
ROSELYNE BACHELOT Non !
 
JEAN-MICHEL APHATIE Si !
 
ROSELYNE BACHELOT Qui sont partagées par beaucoup de Français. Et puis, surtout, vouloir avec le président de la République et le Premier ministre améliorer le système. Je vais vous donner un exemple de ce que je veux faire. Nous avons dans les départements des pactes territoriaux d’insertion avec la réunion de tous ces acteurs qui s’occupent de l’insertion des titulaires du RSA. Il y a des départements où ça marche très bien, je pense à mon département du Maine et Loire avec le président Christophe BECHU. Et puis, il y a soixante départements français qui n’ont pas de pacte territorial pour l’insertion. C’est ainsi que j’ai rencontré Claude BARTOLONE, le président de Seine Saint Denis, qui est en train de mettre un pacte territorial d’insertion en place.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Ca n’aurait pas été plus simple aussi pour avoir dit des choses fausses, avoir répandu des idées fausses, Laurent WAUQUIEZ aurait dû quitter le gouvernement ? Ca n’aurait pas été plus simple et plus lisible ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non, parce que Laurent… le Premier ministre a dit ce qu’il convenait, il en a discuté avec Laurent WAUQUIEZ. Laurent va s’occuper des affaires européennes, il le fait très bien, et moi je vais m’occuper du RSA avec tout mon coeur.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Vous n’allez pas vous occuper des affaires européennes !
 
ROSELYNE BACHELOT Je m’occupe un peu d’Europe avec les revenus d’insertion.
 
JEAN-MICHEL APHATIE Roselyne BACHELOT, ministre des Solidarités et amie de Laurent WAUQUIEZ, était l’invitée de RTL, ce matin.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 13 mai 2011