Texte intégral
Je voudrais en premier lieu vous remercier pour votre invitation à conclure ce colloque, rassemblé à loccasion de la restitution de lEnquête sur le mal-être et la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques.
Le mal-être et la détresse psychologique touchent nombre de nos concitoyens, déficients auditifs ou non. Ce sont des maux que nous avons parfois tendance à qualifier de modernes, parce que lon pense quils sont dus à notre société, à son fonctionnement. En vérité, je pense que cest sans doute parce que ce sont les souffrances les plus difficiles à comprendre, mais aussi à prévenir, parce que cela ne dépend souvent que très indirectement de nous, et que nous ne parvenons pas toujours à les identifier.
Chez nos compatriotes déficients auditifs, la détresse est encore plus difficile à appréhender, sans doute cette fois-ci, parce que nous ne connaissons que trop bien lisolement dans lequel peut plonger le handicap et limpact que peut avoir lidée de son irréversibilité sur létat desprit et de santé de la personne handicapée.
Je voudrais pour cela saluer linitiative de lUNISDA, de son Président, Monsieur Cédric Lorant et de son Vice-président, Monsieur Jean-Louis Bosc. Je sais, messieurs, linvestissement qui a été le votre dans ce projet : je veux vous remercier et vous féliciter davoir résolument voulu mettre en lumière la question que nous abordons aujourdhui par une approche que je qualifierais de scientifique. Je veux aussi souligner les partenariats exemplaires que vous avez su mettre en uvre pour faire de cette enquête et de sa restitution une réussite.
Depuis que je minvestis dans la vie politique, jai toujours encouragé et je le fais encore plus depuis quelques mois la société civile et les associations à sengager dans ce type de démarches, car je les sais expertes et opérantes. Preuve est faite aujourdhui encore de ces précieuses qualités : vous connaissiez le besoin, vous avez monté un projet, vous avez mobilisé les acteurs, vous avez réalisé votre enquête, et voici que ses résultats nous éclairent tous sur un sujet que nous soupçonnions sans vraiment savoir. Quels succès !
Sur la forme, je le disais il y a un instant, je suis particulièrement heureuse de la mobilisation réussie des différents acteurs et partenaires, quil sagisse dassociations, de professionnels de santé, de professionnel du médico-social, des pouvoirs publics, du soutien apporté par des partenaires privés, et surtout des personnes sourdes et malentendantes et leurs proches qui ont bien voulu participer à lenquête. A la lecture du nombre de répondants, 4 fois supérieur au chiffre attendu, je me dis quen effet, il y a beaucoup à attendre de vous tous ici réunis !
Sur le fond de linitiative, je voudrais saluer le caractère particulièrement complet de létude réalisée, qui permet qui « nous » permet, si vous mautorisez de mettre au jour les réalités dun phénomène ignoré ou minimisé par de nombreux acteurs.
Riche, lenquête lest par les objectifs quelle sétait fixés et quelle a atteints :
mesurer lexistence dune détresse psychologique parmi les personnes concernées par un problème auditif,
définir leur profil,
mesurer leur niveau de connaissance des structures de soin existantes,
identifier les attentes pour faire face aux problèmes évoqués.
Riche, lenquête lest aussi par la diversité des publics interrogés, qui permet dappréhender de la plus juste des manières le phénomène, et, peut-être aussi les particularités des différents profils. Ce travail est indéniablement une première étape vers la conduite de travaux selon une méthodologie encore plus rigoureuse qui permettra dapprofondir notre connaissance.
Riche, lenquête lest enfin et surtout par les résultats quelle nous apporte. Cette photographie, ce premier état des lieux en France de la détresse psychologique des personnes sourdes et malentendantes, nous renvoie en effet à la question de lamélioration de laccès aux soins psychologiques des personnes sourdes.
Il vous a été présenté tout à lheure les pistes dactions de lEtat en matière de prévention de la détresse psychologique, notamment les actions du plan déficients auditifs 2010-2012 qui mobilise mes services, ainsi je crois quun bilan rapide des actions qui concourent à cette politique de prévention.
Il nest donc pas nécessaire que je revienne sur ces mesures. Sachez néanmoins que je partage vos convictions, notamment sur la sensibilisation des différents acteurs, que vous rencontrez quotidiennement, je pense aux maisons départementales des personnes handicapées, bien sûr, mais également aux services de lEtat, à commencer, à léchelon régional, par les ARS. Jen suis sûre, lenquête que vous avez présentée aujourdhui saura convaincre. Je demande devant vous à mes services den faire état dans leurs relations avec les acteurs institutionnels que je viens de mentionner.
Je me dois, à cet instant, dévoquer la Grande Cause Nationale 2011 qui est la lutte contre la solitude. Je suis en effet toujours frappée, lorsque jaborde le sujet avec les publics concernés, que le sentiment de solitude, auquel est liée la détresse psychologique, à plus forte raison chez les personnes sourdes et malentendantes, le sentiment de solitude, disais-je, est loin de correspondre à ce que les croyances collectives nous invitent à penser. On pense que se sont les personnes âgées qui souffrent le plus de solitude, et en réalité, ce sont les 18-24 ans et les 35-49 ans. On pense que ce sont les plus démunis, et en réalité, ce sont les professions intermédiaires qui souffrent le plus.
La solitude est une expression de la détresse psychologique et lorsque lon sait quelle touche 30% de la population française, on sinterroge sur le mal-être, qui recouvre des formes très diverses, chez nos compatriotes sourds et malentendants. Une chose est sûre, et votre enquête le montre bien, il existe bel et bien un écart entre les déclarations dune personne souffrante et les déclarations dun proche, fondées sur la perception. Ceci nest en réalité malheureusement guère étonnant si lon connait la réalité des souffrances, et les difficultés à lexprimer.
Sil est essentiel de poursuivre linformation et la sensibilisation des proches, pour aider nos compatriotes sourds et malentendants à sortir de cette détresse, à retrouver le lien social que la détresse psychologique distend, il nous appartient, à nous, les pouvoirs publics, à vous, les responsables associatifs investis notamment dans le fonctionnement local de nos dispositifs médico-sociaux, de poursuivre laccompagnement et laccès à linformation.
Pour moi, la détresse psychologique des personnes sourdes, malentendantes, devenues sourdes et/ou acouphéniques représente un véritable enjeu dinclusion sociale, qui, vous le savez, depuis la loi du 11 février 2005 est mon combat le plus engagé.
En effet, elle pose la double question de la participation de nos compatriotes à la vie de la société dune part, et dautre part de laccessibilité. Ainsi, je suis convaincue que nous devons poursuivre nos efforts dans la mise en uvre des dispositifs prévus par la loi, bien sûr, mais surtout, nous devons plus que jamais mobiliser lensemble des acteurs de la société. Tel est, mesdames et messieurs, notre défi daujourdhui.
Pour des questions qui intéressent la société toute entière, ce sont tous ses acteurs Etat, collectivités locales, entreprises, syndicats, partis, associations, familles, individus -, oui, tous ses acteurs qui doivent simpliquer. Cela ne signifie pas que lEtat, que les pouvoirs publics naient plus rien à faire. Non. Ce que lEtat doit savoir faire aujourdhui, cest également mobiliser, inciter, réguler. Je constate que cest là où les pouvoirs publics ont su intégrer cette posture que nous avons pu faire bouger collectivement les lignes. Je pense en particulier au secteur de laudiovisuel auquel la loi faisait lobligation du sous-titrage, vous le savez mieux que personne. Sous limpulsion du CSA, qui a su orienter intelligemment sa négociation avec les chaînes, grâce à votre implication constante à ses côtés, nous dépassons les objectifs. En 2005, nombreux étaient ceux qui me disaient que cétait impossible.
Je pense aussi aux progrès réalisés en matière daccessibilité numérique et surtout à louverture prochaine du Centre National Relai des Appels dUrgence, pour lequel, je le sais, vous avez uvré avec beaucoup dintelligence et de détermination.
Je sais pouvoir compter sur lUNISDA, et sur le secteur associatif en général, qui a été le premier à revendiquer la participation sociale des personnes handicapées et à interpeller les pouvoirs publics pour les associer à lélaboration, la mise en uvre et lévaluation des politiques publiques qui les concernent. Vous êtes aujourdhui des acteurs clés de la construction de ce partenariat social renouvelé que jappelle de mes vux !
Mesdames et messieurs, je voudrais vous remercier une nouvelle fois pour votre accueil et cette enquête, précieux support pour les pouvoirs publics, qui ne pouvait pas mieux « tomber » à trois semaines de la Conférence Nationale du Handicap : sa résonance nen sera que plus grande. Et grâce à lenquête, je le sais, un premier pas, un premier cap déterminant est franchi.
Je vous remercie.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 24 mai 2011