Déclaration de Mme Chantal Jouanno, ministre des sports, sur la violence dans le sport et la mobilisation des pouvoirs publics par la création d'un Comité du supportérisme, Paris le 6 mai 2011.

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Circonstance : Installation du Comité du supportérisme à Paris le 6 mai 2011

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Voici un an, le sport français faisait face aux décès tragiques de deux supporters : le supporter toulousain Brice TATON et le supporter parisien Yann LORENCE. Deux vies perdues pour rien. Ce fut un électrochoc. Le visage de la haine et de la violence refaisait surface dans le football, laissant remonter le souvenir des pires heures du supportérisme.
Ces deux drames ont frappé les esprits. Ils ne sont en réalité que la partie la plus visible et la plus insupportable d’une violence qui s’est largement banalisée dans nos stades :
- Près de 400 incidents (dont près de la moitié correspond à des jets de fumigènes) recensés sur les 760 matchs des championnats de ligue 1 et ligue 2 sur la saison 2009-2010. Le bilan à mi-saison de la saison 2010-2011 fait déjà état de 170 incidents.
- 25 personnes blessées dont la moitié ont fait l’objet d’une hospitalisation lors de la saison 2009-2010.
Cette violence est d’autant plus inacceptable qu’elle est à l’opposé du principe du sport. Le sport fait tomber tous les clivages. Le sport nous fait vivre des moments de partage. Le sport transmet à nos enfant des valeurs essentielles : le respect des règles, l’esprit d’équipe, la tolérance, la loyauté. Le sport est un champ de cohésion en France et de paix dans le monde.
1. Face à cette violence inacceptable, les acteurs publics et le milieu sportif se sont donc fortement mobilisés.
Cela s’est tout d’abord traduit par le renforcement de nos dispositifs répressifs. C’est une nécessité pour dissuader et punir les fauteurs de trouble. La loi du 2 mars 2010, puis la LOPPSI 2, publiée le 15 mars dernier, ont ainsi permis d’aller beaucoup plus loin en matière d’interdiction administrative de stade ou de limitation des déplacements des supporters. Sur la saison 2010/2011 (jusqu’au 31 mars), 752 interpellations ont été effectuées lors des matchs de Ligue 1 et Ligue 2 et 426 interdictions de stades prononcées.
Un travail de réflexion a par ailleurs été engagé début 2010 pour mieux appréhender et prévenir les phénomènes de violence. Je dois dire à ce propos que c’est un travail remarquable qui a été mené pour aboutir au livre vert du supportérisme. Beaucoup d’entre vous y ont participé et je les en remercie. Je pense en particulier à :
- L’inspection générale de la Jeunesse et des Sports,
- la direction des sports,
- le Pôle ressources national « Sport Education Mixité Citoyenneté »,
- mais aussi Nicolas HOURCADE et Patrick MIGNON, qui ont apporté un éclairage sociologique indispensable.
2. Nous allons mettre en œuvre les principales recommandations du livre vert pour aboutir à une politique globale de gestion du supportérisme alliant prévention et répression.
Ce sera la mission du comité du supportérisme.
Cela implique de réunir tous les acteurs concernés par la lutte contre les violences dans les stades. Le comité comprend donc des représentants de l’Etat, des collectivités locales, du monde sportif – depuis le mouvement sportif jusqu’au corps arbitral en passant par les associations de supporters –, mais aussi du monde de la recherche et des médias. Les associations de supporters sont désormais considérées comme des acteurs du milieu sportif à part entière.
Nous avons par ailleurs souhaité l’élargir à d’autres sports que le football, sur lequel s’était concentré le livre vert. Ce sont lors des matchs de football que sont observés les principaux débordements, mais aucun sport n’est à l’abri. Le Comité compte donc parmi ses membres l’association nationale des ligues de sport professionnel ainsi que les fédérations de basket-ball, de hand-ball et de rugby, que je sais très préoccupées par la défense des valeurs du sport.
3. Responsabiliser et mieux coordonner l’action de chacun des acteurs concernés. Ces deux principes devront guider votre action.
J’attends beaucoup de vous, et en particulier de votre Président Eric BERDOATI. C’est à la fois un homme de terrain (député-maire de Saint Cloud et conseiller général), un sportif (maître d’armes en escrime) et un homme de valeurs. Il sera chargé de piloter ce comité, d’instaurer le dialogue entre les différents membres représentés et de mettre en œuvre des actions concrètes de lutte contre les violences.
La première de ces actions consistera en l’élaboration d’une charte nationale établissant les droits et les devoirs des associations de supporters. Ce doit être votre priorité dans les prochains mois. Je souhaite en effet l’avoir entre les mains pour la rentrée de septembre, période de rentrée sportive pour la plupart des disciplines. La « Charte 12 » du Plan antiviolence PSG sera un exemple à prendre en considération dans le cadre de cette démarche.
Vous serez également chargés de proposer un modèle pour les conventions tripartites locales, qui auront vocation à lier les associations de supporters, le club et la collectivité concernés. Les collectivités, et en particulier les communes, sont des intermédiaires précieux entre les clubs et les supporters en cas de conflits. C’est pour cette raison notamment que nous avons tenu à associer l’Association des Maires de France (AMF).
Nous devons par ailleurs améliorer notre connaissance des phénomènes de violence dans les compétitions sportives. La Fédération française de football et la Ligue professionnelle se sont respectivement dotées d’un observatoire des comportements dans le football amateur et d’un observatoire de la sécurité du football professionnel.
Ces outils d’observation et d’analyse sont essentiels pour mieux comprendre, appréhender et prévenir les phénomènes de violences. Afin d’avoir une meilleure connaissance de ces phénomènes dans l’ensemble des sports, nous avons lancé une coopération avec l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ) qui doit nous permettre de disposer de données globales sur les infractions liées aux manifestations sportives. Nous pourrons ainsi identifier avec objectivité les problèmes de violence, sans nous abandonner aux peurs ou aux fantasmes. N’oublions pas que, tout inacceptables qu’ils sont, les débordements ne concernent qu’une minorité de supporters.
Enfin, le comité du supportérisme devra développer des actions de prévention et de sensibilisation. Cela pourra prendra la forme de campagnes de communication ciblées. Il nous faudra notamment nous attaquer au problème de l’abus d’alcool qui joue un rôle non négligeable dans le passage à l’acte violent. Des études ont ainsi montré que 40% des sujets ayant participé à une bagarre dans un lieu public avaient consommé de l’alcool dans les deux heures qui précédaient.
Je souhaite également que nous restaurions l’image et l’autorité de l’arbitre. Les chiffres sont à peine croyables : 5 000 agressions d’arbitres se sont produites lors de matchs amateurs sur la saison 2009-2010. On compte déjà près de 3 000 agressions d’arbitres pour la saison 2010-2011 qui n’est pas encore terminée. Nous devons rappeler aux médias, aux entraîneurs, aux dirigeants de club que, quand ils remettent en cause l’autorité de l’arbitre, ils légitiment des comportements inacceptables chez les joueurs amateurs et les spectateurs. Et il est urgent de sensibiliser le public sur le rôle exigeant et fondamental de l’arbitre. Je sais que Patrick VAJDA, Président de l’AFCAM et membre de ce comité, saura vous mobiliser sur ce sujet. J’attends vos propositions.
4. Enfin, le comité du supportérisme doit prendre place dans la politique globale que nous menons en faveur des valeurs et de l’éthique du sport.
Je veux que nous réaffirmions le caractère éducatif et social du sport. C’est une attente forte des Français, ils me le disent tous les jours.
C’est pour cette raison que j’ai voulu instaurer le principe de civi-conditionnalité. Pour bénéficier du soutien financier de l’Etat, les clubs et les fédérations doivent désormais s’engager via leur projet de club ou leur convention d’objectifs à promouvoir les valeurs et l’éthique du sport. Je suis convaincue que c’est aussi en agissant auprès des sportifs dès le plus jeune âge que l’on changera les comportements dans les stades.
J’installerai par ailleurs un comité de lutte contre les discriminations le 16 mai prochain. Vous serez amenés à collaborer, car les sujets sont transversaux. Je souhaite notamment que nous travaillions sur les sanctions éducatives, sur le modèle du dispositif « Espace-Réparation », qui s’applique à la fois aux incivilités et aux faits de violence.
Le supportérisme n’est pas un gros mot. Votre rôle, au sein de ce comité, est justement de préserver le sens de ce mot, d’éviter les amalgames avec le hooliganisme et les casseurs. Il vous revient de préserver cette action de soutien collectif, de lui redonner ces lettres de noblesse.
C’est une grande responsabilité. Une responsabilité essentielle, parce que le supportérisme apporte beaucoup au sport. Je suis toujours émerveillée par l’ambiance dans nos stades, la joie de vivre qu’ils reflètent, les liens qui se créent entre les spectateurs. Les chants, les tifos, les holas, contribuent à faire du sport un moment de fête et de partage. Cultivons cet esprit de fête ! Et montrons lors de l’Euro 2016 que les Français ont une vraie culture du supportérisme.
Avec Eric BERDOATI, je sais que ce comité est entre de bonnes mains. Tous, je sais que vous avez à cœur de préserver l’image du sport, de défendre ses valeurs et son éthique. Je serai à vos côtés pour faire que le sport demeure un espace d’ouverture, de partage et de convivialité.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 13 mai 2011