Texte intégral
On a eu une très bonne matinée et nous avons, je crois, bien travaillé.
Sur la Libye, il y a vraiment un accord solide entre nous pour continuer à renforcer le Conseil national de transition. Nous nous sommes donc fortement réjouis de l'ouverture du bureau de l'Union européenne à Benghazi et du voyage de Mme Ashton sur place. Vous avez observé que le Conseil national de transition est reconnu, de plus en plus, comme l'interlocuteur politique clé, pour reprendre la formule que nous avons utilisée, représentant les aspirations du peuple libyen.
J'ai expliqué que notre stratégie consistait à accentuer la pression militaire au cours des prochaines semaines et, simultanément, à avancer sur la voie d'une solution politique, en renforçant précisément le Conseil national de transition et, aussi, en ne laissant échapper aucune des possibilités de contact avec ceux qui, à Tripoli, ont bien compris que Kadhafi n'avait plus son rôle à jouer dans la vie politique libyenne. Nous nous appuierons sur le Haut représentant du Secrétaire général des Nations unies pour coordonner ces contacts. J'ai bien insisté sur la volonté de la France d'avancer sur ces différentes questions et de ne pas nous éterniser bien entendu militairement en Libye.
Deuxième point important, la Syrie ; vous savez qu'il y a eu quelques hésitations dans les semaines qui ont précédé, dans les jours qui ont précédé pour savoir s'il fallait inscrire ou pas Bachar el-Assad sur la liste des personnes sanctionnées par l'Union européenne. Eh bien, désormais ce point est réglé, son nom a été ajouté sur la liste des personnes faisant l'objet d'interdiction de visa ou de gel des avoirs.
Autre sujet important qui a été discuté, le processus de paix israélo-palestinien ; on a, là encore, l'exemple d'une position commune solide de l'ensemble des partenaires. Nous nous sommes d'abord réjouis que le président Obama soit venu, d'une certaine manière, sur le terrain de l'Union européenne en rappelant que parmi les paramètres de toute négociation il y avait acceptation des frontières de 1967 avec les échanges mutuellement agréés de territoires. J'ai indiqué, pour ma part, que les Américains ne régleraient pas seuls le problème et qu'il était donc absolument indispensable que l'Union européenne fasse entendre fortement sa voix. Pour dire quoi ? Pour dire non au statu quo et non au statu quo ce n'est pas simplement une formule, cela a un sens précis, cela veut dire que s'il ne se passait rien d'ici le mois de septembre, eh bien, nous aurions, pour reprendre la formule du président de la République, à assumer nos responsabilités le moment venu à New York ; c'est donc un message fort adressé aux deux protagonistes.
Le deuxième point que l'Union européenne affirme avec beaucoup de force, c'est que la négociation ne doit pas repartir à zéro mais en s'appuyant sur les paramètres que j'évoquais tout à l'heure en parlant des frontières de 1967, c'est aussi bien entendu les garanties de sécurité apportées à Israël et les autres questions que vous connaissez.
Enfin, j'ai indiqué - je crois que là-dessus on peut dire que l'Union européenne est également très consensuelle sur l'idée qu'il nous faut être très attentifs à la réconciliation inter palestinienne - que l'on ne peut pas balayer d'un revers de main cet accord conclu au Caire et qu'il faut obtenir sa clarification. Cela veut dire quoi ? Bien évidemment, l'affirmation que Mahmoud Abbas sera responsable de mener la négociation, mais tout faire également pour faire évoluer le Hamas. Nous continuons à dire que le dialogue avec le Hamas n'est possible que s'il a rempli les conditions qui lui ont été fixées par le Quartet et que vous connaissez : abandon du terrorisme, reconnaissance d'Israël et reconnaissance des accords de paix déjà conclus. Mais il y a là possibilité d'évolution, il faut donc saisir toutes les occasions pour faciliter cette évolution en en parlant notamment à nos partenaires égyptiens. Je suis en train de voir dans quelle mesure je pourrais planifier pour la semaine prochaine un déplacement au Proche-Orient pour tenir ce langage.
Vous avez vu qu'en point A, nous avons décidé de compléter les sanctions vis-à-vis de l'Iran, qui fait preuve de la même mauvaise volonté parce que rien n'a bougé de sa part malgré la dernière lettre qui a été adressée à Mme Ashton depuis l'échec de la réunion d'Istanbul. Nous gardons donc une position très ferme à ce sujet.
Enfin, pendant le déjeuner, Mme Ashton a tenu à ce que nous ayons une explication aussi franche que possible sur le fonctionnement du Service européen d'action extérieure et sur la façon dont elle conduit elle-même la politique étrangère de l'Union européenne. Elle nous a expliqué les contraintes qu'elle a à gérer, qui sont réelles. Nous sommes tous tombés d'accords pour dire que les choses se mettaient en place de manière satisfaisante et que les premiers résultats étaient là : la reconnaissance du statut de l'Union européenne à l'Assemblée générale des Nations unies ; le voyage de Mme Ashton en Bosnie, il y a quelques jours, qui a permis d'éviter que les choses ne se dégradent sur place ; l'encouragement au dialogue entre la Serbie et le Kosovo ; la définition d'une stratégie de l'Union européenne dans le Sahel ; le voyage à Benghazi et l'ouverture du bureau de l'Union européenne auprès du Conseil national de transition. Bref, une série d'initiatives sont intervenues qui vont dans le bon sens. J'ai indiqué qu'il y avait, bien sûr, toujours des marges de progrès notamment dans la réactivité du service d'action extérieure sur un certain nombre de questions d'actualité. Je pense que la discussion a été très positive et que, globalement, Mme Ashton a été fortement soutenue par l'ensemble des ministres présents.
Voilà. Je ne suis pas exhaustif, il y a beaucoup d'autres sujets qui ont été évoqués. On a parlé du Caucase pour rappeler que nous souhaitions voir la Russie respecter les accords de 2008. Nous avons parlé du Soudan, exprimant à la fois notre satisfaction sur l'évolution de la situation après le référendum et nos fortes inquiétudes parce que les choses sont très compliquées. Nous avons, bien sûr, condamné l'occupation d'Abyei par les forces armées soudanaises et exprimé notre préoccupation sur l'évolution au Darfour.
Mais enfin, cela fait déjà beaucoup trop d'informations pour vous. Je vais donc m'arrêter là. Nous avons dit aussi que, naturellement, la faute de tout cela et parfois la mauvaise image du Service d'action extérieure, c'était la presse, qu'il faut que vous rendiez mieux compte de tout ce qui se passe ici. En espérant que vous serez entendus par vos rédactions nationales.
Q - Quand elle fait des points de presse régulièrement et qu'elle voudra bien le faire, il n'y aucun problème.
R - Elle en fait .
Q - C'est vrai.
R - Vous voyez, vous commencez à la critiquer.
Q - La réponse, elle est là.
Q - Sur la Libye, vous avez dit qu'il fallait accentuer la pression militaire. Concrètement est-ce que la France va effectivement engager des hélicoptères d'attaque en Libye ? Quelle est la réponse de nos partenaires et principaux alliés sur la question qui est posée par la France puisque c'est l'OTAN qui est en charge de la planification depuis maintenant plusieurs semaines ?
R - Nous sommes exactement dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité et de la planification de l'OTAN. Ce que nous souhaitons, c'est de mieux adapter nos capacités de frappe au sol avec des moyens qui permettent des frappes plus précises ; c'est l'objectif de la mise en uvre des hélicoptères dont la presse a rendu compte ce matin.
Q - Et les alliés ?
R - Il n'y a pas eu de difficultés, mais voyez avec M. Longuet comment cela se passe.
Q - Parce qu'apparemment M. Hague a dit qu'il n'envisageait pas de son côté d'envoyer des hélicoptères ?
R - S'il l'a dit c'est que cela doit être vrai.
Q - Il y a eu un échange là-dessus avec lui ?
R - Non, pas particulièrement. Cela se passe entre ministres de la Défense respectifs. Non, ce n'est pas un changement de stratégie, nous sommes toujours dans la même stratégie : protéger les populations en affaiblissant les moyens militaires de Kadhafi et les moyens militaires, ce n'est pas uniquement les blindés ou les avions, cela peut être aussi les postes de commandement, les infrastructures de ravitaillement ; voilà, tout ceci participe à la capacité militaire du régime.
Q - Les Britanniques avaient, je crois, pour projet de prévoir un embargo sur les ports ?
R - Oui, ils en ont parlé tout à l'heure, c'est une proposition que nous soutenons.
Q - À propos du Proche-Orient, prendre ses responsabilités en septembre, cela veut dire reconnaître le cas échéant un Etat palestinien ? Est-ce que vous pensez que cela ne va pas susciter une espèce de
R - Prendre ses responsabilités c'est une formule qui a le mérite d'être ouverte pour l'instant. Je crois que c'est très important, il faut qu'il se passe quelque chose, c'est le message que nous voulons envoyer, aux deux côtés d'ailleurs, aux deux protagonistes. La non reprise des négociations nous amènerait, je le répète, à réexaminer la situation le moment venu.
Q - C'est à la fois suffisamment large pour que l'on puisse y mettre un peu ce que l'on veut mais, en même temps, il y a peut-être un moment où il faudra l'avoir cette discussion ? Qu'est ce que l'on met dedans ? Et c'est là où finalement, au-delà des mots, on verra bien qu'il n'y a sans doute pas de consensus européen.
R - C'est vous qui le dites, je n'en sais rien.
Q - Vous pensez que c'est faisable ?
R - Au jour d'aujourd'hui, non. Mais, si après les tentatives que nous faisons pour que quelque chose se passe, il ne se passe rien, je pense que la position des uns et des autres peut évoluer.
Q - À part Chypre, est-ce qu'il y a d'autres pays qui ont décidé de reconnaître l'État palestinien ?
R - Aujourd'hui, personne n'a fait cette déclaration.
Q - Il y a des pays qui ont dit qu'a priori, ils ne reconnaîtraient pas, comme l'Allemagne ?
R - Pas aujourd'hui.
Q - Sur la Syrie, est-ce qu'on va en rester là et est-ce qu'éventuellement ces sanctions vont avoir des effets ?
R - C'est vrai, vous dites : est-ce qu'on va en rester là et je sais qu'il y a toujours la question, du «double standard», deux poids, deux mesures. Il faut bien voir dans quel contexte international les choses se passent. Nous sommes, vis-à-vis de la Syrie, aussi clairs, aussi déterminés que vis-à-vis de la Libye. Nous avons condamné sans aucune nuance l'utilisation de la force - qui ne cesse d'ailleurs de s'aggraver - contre les populations civiles. Donc, là-dessus, il n'y a pas deux poids et deux mesures, c'est exactement la même position.
Alors pourquoi est-ce que les choses n'avancent pas davantage ? Eh bien d'abord parce qu'il n'a jamais été question de calquer une intervention en Syrie sur une intervention en Libye ; les situations politiques, géographiques et géostratégiques sont différentes. Même s'il y a plusieurs centaines de morts en Syrie, le contexte n'est pas celui que nous avons vécu lors de l'attaque contre Benghazi. Et puis, surtout, nous sommes aujourd'hui bloqués au Conseil de sécurité. Sur la Libye nous sommes arrivés à débloquer la situation d'abord parce que les pays arabes nous ont soutenus ; je vous rappelle que la résolution 1973 a été présentée par le Liban avec la France. Là, les pays arabes ne nous soutiennent pas. Deuxièmement, nous n'avons pas aujourd'hui la majorité de neuf voix au Conseil de sécurité, même sur une résolution qui serait purement déclaratoire. Enfin, la menace d'un veto russe est extrêmement élevée. Voilà pourquoi on n'avance pas davantage sur la condamnation internationale et sur la mise en place de sanctions. Ce n'est pas faute de volonté de la France et d'autres partenaires, les Britanniques en particulier, puisque nous travaillons ensemble à ce projet de résolution, c'est parce que le contexte international n'est pas le même. Est ce qu'il peut évoluer ? On va en parler au G8 bien entendu ; le président Sarkozy en parlera avec le président Medvedev. Nous poursuivons nos efforts et voilà où on en est aujourd'hui.
Q - Sur la Syrie, est-ce que vous envisagez de renforcer encore les sanctions ?
R - Oui, on a allongé la liste, vous l'avez vu, on est prêt, le cas échéant, à aller plus loin dans les sanctions. Vous dites que les sanctions ne sont pas efficaces, c'est un peu la thèse que j'ai développée moi-même vis-à-vis de nos amis allemands s'agissant de la Libye. Déjà, je n'ai pas dit qu'elles n'étaient pas efficaces, j'ai dit qu'elles étaient efficaces à terme. Une intervention militaire, une zone d'exclusion aérienne au-dessus de Benghazi, c'est efficace immédiatement, on l'a bien vu dans l'heure qui suit. Les sanctions, cela prend des semaines, parfois des mois, mais c'est efficace et cela peut changer le comportement des uns et des autres et c'est donc la raison pour laquelle nous allons les compléter et les poursuivre.
Q - Sur la Libye, il y a un mois, en marge du sommet de l'OTAN, on avait cette discussion sur Moussa Koussa qui avait été, on va dire «blanchi», et vous aviez dit à l'époque : il faut faire la différence entre la politique et la morale, nous on a des objectifs c'est que l'entourage de Kadhafi change de camp. Un mois plus tard, on ne voit rien venir.
R - C'est parce que vous voyez mal, parce que des défections il y en a tous les jours, des messages de Tripoli nous indiquant que beaucoup de gens à Tripoli sont prêts à lâcher Kadhafi et ils sont nombreux, c'est un de nos problèmes d'ailleurs, ils sont tellement nombreux que nous essayons de les coordonner et de voir ceux qui sont véritablement crédibles et les choses avancent de ce point de vue-là.
Q - Et il y en a beaucoup qui sont crédibles ? Parce que, vu de l'extérieur, on ne voit pas grand-chose.
R - Oui, eh bien, cela, par définition, tant que ce n'est pas public, on ne le voit pas de l'extérieur, parce que les gens qui prennent des contacts sont discrets. On a demandé, vous le savez, au représentant des Nations unies d'essayer de coordonner ces contacts, ils sont un peu désordonnés aujourd'hui, il faut bien le dire, mais ils révèlent quand même un trouble profond du côté de Tripoli. La dernière personnalité en date ayant fait défection, c'est le patron de la National Oil Company, qui est quelqu'un d'important.
Q - Sur la Syrie, on dit qu'on n'a pas les neuf voix, on en est à combien aujourd'hui ? Est-ce que la stratégie de la France est d'arriver aux neuf voix et puis, une fois qu'on a les neuf voix, de dire aux Chinois et aux Russes : le rapport de force a changé ?
R - Nous sommes en train d'en discuter avec nos partenaires parce qu'aujourd'hui il n'y a pas une convergence absolue. Est-ce qu'il faut faire passer à toute force une résolution susceptible de recueillir neuf voix même si elle est un peu édulcorée et au risque d'un véto russe ? C'est une position. Ou est-ce qu'il faut rester sur un projet de résolution plus dure en se donnant le temps de rallier neuf voix voire plus et, le cas échéant, après les discussions du G8 justement, de diminuer les risques de veto russe ?
Q - Ces deux voix c'est à l'intérieur de l'Union européenne, on est bien d'accord ?
R - Oui, oui, bien sûr, enfin, à l'intérieur du Conseil de sécurité.
Q - Mais la discussion entre passer à toute force ou
R Bon, disons les choses clairement : les Britanniques sont aujourd'hui plus allants dans le dépôt d'un projet de résolution, nous, nous sommes plutôt sur la tendance «donnons-nous quelques jours avant d'y aller, parce que y aller avec neuf voix, un risque de veto est-ce que c'est productif ou contre productif ?» C'est difficile. Alors, on peut dire que cela marque le coup, on peut dire aussi que cela peut être interprété comme une forme de victoire de Bachar el-Assad. C'est donc là-dessus qu'on va ajuster le tir dans la semaine qui vient à New York.
Q - Sur la Croatie et le calendrier, est-ce que vous êtes favorable à ce que les négociations se terminent sous présidence hongroise ?
R - Nous pensons qu'elles peuvent être bouclées, nous ne fixons pas de date limite, il faut bien s'assurer que tous les critères soient bien remplis ; ce que nous souhaitons c'est qu'au-delà de la signature de l'accord et pendant l'année ou les deux ans qui se déroulent entre la signature et la ratification, c'est-à-dire à la mise en uvre, on garde une procédure de vérification, pour s'assurer que la Croatie exécute bien les engagements qu'elle a pris au moment où elle a signé. C'est là-dessus qu'il n'y a pas encore d'accord tout à fait complet entre nous.
Q - Sur le service diplomatique, quel est le résultat de la discussion ? Concrètement, est-ce que vous avez convenu de discuter de cela régulièrement ?
R - Oui, on en reparlera bien entendu mais la tonalité générale a été de dire qu'on comprend les contraintes de Mme Ashton, que nous sommes prêts à l'aider, et on peut l'aider d'abord en articulant mieux le fonctionnement du service et de nos ministères respectifs dans les deux sens. Nous avons sans doute un effort à faire pour faire remonter d'avantage d'informations et le service a un effort à faire dans l'autre sens.
On peut alléger la tâche de Mme Ashton qui nous a expliqué le poids de ses responsabilités en termes tout simplement matériels, le nombre de réunions, le nombre d'audiences, c'est considérable. Voilà donc comme cela a été fait ou alors il est possible de demander parfois à tel État membre de représenter l'Union européenne, par exemple en Côte d'Ivoire, à Yamoussoukro, le collègue belge a représenté l'Union européenne. Voilà un certain nombre de suggestions.
En ce qui me concerne, j'ai insisté sur la nécessité d'une réactivité plus grande, j'ai même donné un mauvais conseil à Mme Ashton en disant : «n'attendez pas toujours que les 27 soient absolument d'accords avant de vous exprimer sur des sujets», on voit bien qu'il faut parfois s'exprimer sans attendre, par exemple condamner les massacres, parce que c'est bien de massacres qu'il s'agit, dans telle ville syrienne, cela peut se faire tout de suite.
Q - La France va déployer des hélicoptères d'attaque en Libye, quel est l'objectif poursuivi, est-ce un changement de stratégie?
R - Il n'y a pas de changement de stratégie, nous sommes toujours dans la stricte application des résolutions du Conseil de sécurité qui prévoient de mettre en uvre les moyens nécessaires pour protéger les populations. Protéger les populations ce n'est pas simplement neutraliser les blindés ou les avions de Kadhafi, c'est aussi affaiblir ses capacités militaires, ses postes de commandements, ses réseaux d'approvisionnement et c'est dans cet esprit que nous avons mis en place ce dispositif qui nous permettra d'avoir des frappes plus ciblées, plus proches des réalités du terrain.
Q - Il y a 450 hommes à bord de ce bateau, est ce que les forces françaises vont aller au sol, d'une manière ou d'une autre ?
R - La réponse est non, nous sommes très clairs là-dessus.
Q - Vous êtes soutenus par vos partenaires européens dans cette opération ?
R - II n'y a pas eu de problème aujourd'hui ici, on va en discuter toute à l'heure je crois au Conseil de l'Atlantique nord.
Q - Est-ce que l'intervention de ces hélicoptères rentre dans le cadre de la résolution 1973 ?
R - Absolument, c'est ce que je viens de vous dire, la résolution 1973 prévoit qu'on peut utiliser tous les moyens, «all means», pour protéger les populations et évidemment pour cela il faut casser les forces militaires de Kadhafi, s'attaquer aux postes de commandement, aux infrastructures, aux réseaux d'approvisionnement de ses troupes.
Q - Mais pourquoi ? Les avions qui sont déjà sur place, cela ne suffit pas ?
R - Parce qu'un avion cela vole très haut.
Q - Et alors ?
R - Un hélicoptère, cela vole plus bas, il est donc un peu plus facile de cibler les objectifs que je viens de rappeler, qui sont des objectifs militaires, j'insiste bien sur ce mot.
Q - Êtes-vous satisfaits de l'évolution de la situation sur le terrain, globalement ?
R - L'étau a été desserré autour de Misrata, le Conseil national de transition s'organise, des points ont été marqués sur le terrain, surtout sa reconnaissance politique progresse. Vous avez vu que Mme Ashton s'est rendue elle-même à Benghazi pour installer un bureau de l'Union européenne, elle nous a même dit qu'elle avait été frappée de voir la popularité dont elle jouissait, et à travers elle bien sûr, l'Union européenne. À Benghazi, les choses progressent, simultanément nous essayons de progresser sur la voie de la solution politique parce qu'il est bien évident que notre intervention militaire n'a pas vocation à durer des mois, elle devra s'arrêter dans des délais aussi rapides que possible.
La solution politique c'est d'abord un cessez-le-feu, c'est-à-dire qui respecte les conditions fixées par les Nations unies : regrouper les troupes de Kadhafi dans les casernes, surveillance du cessez-le-feu par les forces, contrôle international et puis ensuite dialogue politique. C'est là que nous travaillons en ce moment puisqu'on voit bien que chaque jour qui passe convainc de plus en plus de responsables de Tripoli que Kadhafi n'a plus de rôle à jouer dans la vie politique libyenne.
Q - Une question sur la Syrie. On a l'impression d'un double standard entre la Syrie et la Libye, est-ce que les sanctions contre la Syrie peuvent être efficaces et comment vous voyez l'évolution dans les prochaines semaines ?
R - Il n'y a pas, dans la prise de position de la France, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ni dans celle de l'Union européenne, deux poids et deux mesures, l'attitude est la même. Nous condamnons avec la même fermeté l'utilisation des tanks, des chars, des canons par le régime syrien contre la population syrienne, comme nous l'avons fait dans d'autres situations, simplement le contexte international n'est pas le même, il n'y a pas aujourd'hui, aux Nations unies, de majorité qui nous permette d'adopter ne serait-ce qu'une déclaration condamnant le régime syrien, a fortiori mettant en place des sanctions ; mais nous ne renonçons pas, nous continuons à travailler, notamment avec nos amis Britanniques à la préparation d'une telle résolution.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mai 2011
Sur la Libye, il y a vraiment un accord solide entre nous pour continuer à renforcer le Conseil national de transition. Nous nous sommes donc fortement réjouis de l'ouverture du bureau de l'Union européenne à Benghazi et du voyage de Mme Ashton sur place. Vous avez observé que le Conseil national de transition est reconnu, de plus en plus, comme l'interlocuteur politique clé, pour reprendre la formule que nous avons utilisée, représentant les aspirations du peuple libyen.
J'ai expliqué que notre stratégie consistait à accentuer la pression militaire au cours des prochaines semaines et, simultanément, à avancer sur la voie d'une solution politique, en renforçant précisément le Conseil national de transition et, aussi, en ne laissant échapper aucune des possibilités de contact avec ceux qui, à Tripoli, ont bien compris que Kadhafi n'avait plus son rôle à jouer dans la vie politique libyenne. Nous nous appuierons sur le Haut représentant du Secrétaire général des Nations unies pour coordonner ces contacts. J'ai bien insisté sur la volonté de la France d'avancer sur ces différentes questions et de ne pas nous éterniser bien entendu militairement en Libye.
Deuxième point important, la Syrie ; vous savez qu'il y a eu quelques hésitations dans les semaines qui ont précédé, dans les jours qui ont précédé pour savoir s'il fallait inscrire ou pas Bachar el-Assad sur la liste des personnes sanctionnées par l'Union européenne. Eh bien, désormais ce point est réglé, son nom a été ajouté sur la liste des personnes faisant l'objet d'interdiction de visa ou de gel des avoirs.
Autre sujet important qui a été discuté, le processus de paix israélo-palestinien ; on a, là encore, l'exemple d'une position commune solide de l'ensemble des partenaires. Nous nous sommes d'abord réjouis que le président Obama soit venu, d'une certaine manière, sur le terrain de l'Union européenne en rappelant que parmi les paramètres de toute négociation il y avait acceptation des frontières de 1967 avec les échanges mutuellement agréés de territoires. J'ai indiqué, pour ma part, que les Américains ne régleraient pas seuls le problème et qu'il était donc absolument indispensable que l'Union européenne fasse entendre fortement sa voix. Pour dire quoi ? Pour dire non au statu quo et non au statu quo ce n'est pas simplement une formule, cela a un sens précis, cela veut dire que s'il ne se passait rien d'ici le mois de septembre, eh bien, nous aurions, pour reprendre la formule du président de la République, à assumer nos responsabilités le moment venu à New York ; c'est donc un message fort adressé aux deux protagonistes.
Le deuxième point que l'Union européenne affirme avec beaucoup de force, c'est que la négociation ne doit pas repartir à zéro mais en s'appuyant sur les paramètres que j'évoquais tout à l'heure en parlant des frontières de 1967, c'est aussi bien entendu les garanties de sécurité apportées à Israël et les autres questions que vous connaissez.
Enfin, j'ai indiqué - je crois que là-dessus on peut dire que l'Union européenne est également très consensuelle sur l'idée qu'il nous faut être très attentifs à la réconciliation inter palestinienne - que l'on ne peut pas balayer d'un revers de main cet accord conclu au Caire et qu'il faut obtenir sa clarification. Cela veut dire quoi ? Bien évidemment, l'affirmation que Mahmoud Abbas sera responsable de mener la négociation, mais tout faire également pour faire évoluer le Hamas. Nous continuons à dire que le dialogue avec le Hamas n'est possible que s'il a rempli les conditions qui lui ont été fixées par le Quartet et que vous connaissez : abandon du terrorisme, reconnaissance d'Israël et reconnaissance des accords de paix déjà conclus. Mais il y a là possibilité d'évolution, il faut donc saisir toutes les occasions pour faciliter cette évolution en en parlant notamment à nos partenaires égyptiens. Je suis en train de voir dans quelle mesure je pourrais planifier pour la semaine prochaine un déplacement au Proche-Orient pour tenir ce langage.
Vous avez vu qu'en point A, nous avons décidé de compléter les sanctions vis-à-vis de l'Iran, qui fait preuve de la même mauvaise volonté parce que rien n'a bougé de sa part malgré la dernière lettre qui a été adressée à Mme Ashton depuis l'échec de la réunion d'Istanbul. Nous gardons donc une position très ferme à ce sujet.
Enfin, pendant le déjeuner, Mme Ashton a tenu à ce que nous ayons une explication aussi franche que possible sur le fonctionnement du Service européen d'action extérieure et sur la façon dont elle conduit elle-même la politique étrangère de l'Union européenne. Elle nous a expliqué les contraintes qu'elle a à gérer, qui sont réelles. Nous sommes tous tombés d'accords pour dire que les choses se mettaient en place de manière satisfaisante et que les premiers résultats étaient là : la reconnaissance du statut de l'Union européenne à l'Assemblée générale des Nations unies ; le voyage de Mme Ashton en Bosnie, il y a quelques jours, qui a permis d'éviter que les choses ne se dégradent sur place ; l'encouragement au dialogue entre la Serbie et le Kosovo ; la définition d'une stratégie de l'Union européenne dans le Sahel ; le voyage à Benghazi et l'ouverture du bureau de l'Union européenne auprès du Conseil national de transition. Bref, une série d'initiatives sont intervenues qui vont dans le bon sens. J'ai indiqué qu'il y avait, bien sûr, toujours des marges de progrès notamment dans la réactivité du service d'action extérieure sur un certain nombre de questions d'actualité. Je pense que la discussion a été très positive et que, globalement, Mme Ashton a été fortement soutenue par l'ensemble des ministres présents.
Voilà. Je ne suis pas exhaustif, il y a beaucoup d'autres sujets qui ont été évoqués. On a parlé du Caucase pour rappeler que nous souhaitions voir la Russie respecter les accords de 2008. Nous avons parlé du Soudan, exprimant à la fois notre satisfaction sur l'évolution de la situation après le référendum et nos fortes inquiétudes parce que les choses sont très compliquées. Nous avons, bien sûr, condamné l'occupation d'Abyei par les forces armées soudanaises et exprimé notre préoccupation sur l'évolution au Darfour.
Mais enfin, cela fait déjà beaucoup trop d'informations pour vous. Je vais donc m'arrêter là. Nous avons dit aussi que, naturellement, la faute de tout cela et parfois la mauvaise image du Service d'action extérieure, c'était la presse, qu'il faut que vous rendiez mieux compte de tout ce qui se passe ici. En espérant que vous serez entendus par vos rédactions nationales.
Q - Quand elle fait des points de presse régulièrement et qu'elle voudra bien le faire, il n'y aucun problème.
R - Elle en fait .
Q - C'est vrai.
R - Vous voyez, vous commencez à la critiquer.
Q - La réponse, elle est là.
Q - Sur la Libye, vous avez dit qu'il fallait accentuer la pression militaire. Concrètement est-ce que la France va effectivement engager des hélicoptères d'attaque en Libye ? Quelle est la réponse de nos partenaires et principaux alliés sur la question qui est posée par la France puisque c'est l'OTAN qui est en charge de la planification depuis maintenant plusieurs semaines ?
R - Nous sommes exactement dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité et de la planification de l'OTAN. Ce que nous souhaitons, c'est de mieux adapter nos capacités de frappe au sol avec des moyens qui permettent des frappes plus précises ; c'est l'objectif de la mise en uvre des hélicoptères dont la presse a rendu compte ce matin.
Q - Et les alliés ?
R - Il n'y a pas eu de difficultés, mais voyez avec M. Longuet comment cela se passe.
Q - Parce qu'apparemment M. Hague a dit qu'il n'envisageait pas de son côté d'envoyer des hélicoptères ?
R - S'il l'a dit c'est que cela doit être vrai.
Q - Il y a eu un échange là-dessus avec lui ?
R - Non, pas particulièrement. Cela se passe entre ministres de la Défense respectifs. Non, ce n'est pas un changement de stratégie, nous sommes toujours dans la même stratégie : protéger les populations en affaiblissant les moyens militaires de Kadhafi et les moyens militaires, ce n'est pas uniquement les blindés ou les avions, cela peut être aussi les postes de commandement, les infrastructures de ravitaillement ; voilà, tout ceci participe à la capacité militaire du régime.
Q - Les Britanniques avaient, je crois, pour projet de prévoir un embargo sur les ports ?
R - Oui, ils en ont parlé tout à l'heure, c'est une proposition que nous soutenons.
Q - À propos du Proche-Orient, prendre ses responsabilités en septembre, cela veut dire reconnaître le cas échéant un Etat palestinien ? Est-ce que vous pensez que cela ne va pas susciter une espèce de
R - Prendre ses responsabilités c'est une formule qui a le mérite d'être ouverte pour l'instant. Je crois que c'est très important, il faut qu'il se passe quelque chose, c'est le message que nous voulons envoyer, aux deux côtés d'ailleurs, aux deux protagonistes. La non reprise des négociations nous amènerait, je le répète, à réexaminer la situation le moment venu.
Q - C'est à la fois suffisamment large pour que l'on puisse y mettre un peu ce que l'on veut mais, en même temps, il y a peut-être un moment où il faudra l'avoir cette discussion ? Qu'est ce que l'on met dedans ? Et c'est là où finalement, au-delà des mots, on verra bien qu'il n'y a sans doute pas de consensus européen.
R - C'est vous qui le dites, je n'en sais rien.
Q - Vous pensez que c'est faisable ?
R - Au jour d'aujourd'hui, non. Mais, si après les tentatives que nous faisons pour que quelque chose se passe, il ne se passe rien, je pense que la position des uns et des autres peut évoluer.
Q - À part Chypre, est-ce qu'il y a d'autres pays qui ont décidé de reconnaître l'État palestinien ?
R - Aujourd'hui, personne n'a fait cette déclaration.
Q - Il y a des pays qui ont dit qu'a priori, ils ne reconnaîtraient pas, comme l'Allemagne ?
R - Pas aujourd'hui.
Q - Sur la Syrie, est-ce qu'on va en rester là et est-ce qu'éventuellement ces sanctions vont avoir des effets ?
R - C'est vrai, vous dites : est-ce qu'on va en rester là et je sais qu'il y a toujours la question, du «double standard», deux poids, deux mesures. Il faut bien voir dans quel contexte international les choses se passent. Nous sommes, vis-à-vis de la Syrie, aussi clairs, aussi déterminés que vis-à-vis de la Libye. Nous avons condamné sans aucune nuance l'utilisation de la force - qui ne cesse d'ailleurs de s'aggraver - contre les populations civiles. Donc, là-dessus, il n'y a pas deux poids et deux mesures, c'est exactement la même position.
Alors pourquoi est-ce que les choses n'avancent pas davantage ? Eh bien d'abord parce qu'il n'a jamais été question de calquer une intervention en Syrie sur une intervention en Libye ; les situations politiques, géographiques et géostratégiques sont différentes. Même s'il y a plusieurs centaines de morts en Syrie, le contexte n'est pas celui que nous avons vécu lors de l'attaque contre Benghazi. Et puis, surtout, nous sommes aujourd'hui bloqués au Conseil de sécurité. Sur la Libye nous sommes arrivés à débloquer la situation d'abord parce que les pays arabes nous ont soutenus ; je vous rappelle que la résolution 1973 a été présentée par le Liban avec la France. Là, les pays arabes ne nous soutiennent pas. Deuxièmement, nous n'avons pas aujourd'hui la majorité de neuf voix au Conseil de sécurité, même sur une résolution qui serait purement déclaratoire. Enfin, la menace d'un veto russe est extrêmement élevée. Voilà pourquoi on n'avance pas davantage sur la condamnation internationale et sur la mise en place de sanctions. Ce n'est pas faute de volonté de la France et d'autres partenaires, les Britanniques en particulier, puisque nous travaillons ensemble à ce projet de résolution, c'est parce que le contexte international n'est pas le même. Est ce qu'il peut évoluer ? On va en parler au G8 bien entendu ; le président Sarkozy en parlera avec le président Medvedev. Nous poursuivons nos efforts et voilà où on en est aujourd'hui.
Q - Sur la Syrie, est-ce que vous envisagez de renforcer encore les sanctions ?
R - Oui, on a allongé la liste, vous l'avez vu, on est prêt, le cas échéant, à aller plus loin dans les sanctions. Vous dites que les sanctions ne sont pas efficaces, c'est un peu la thèse que j'ai développée moi-même vis-à-vis de nos amis allemands s'agissant de la Libye. Déjà, je n'ai pas dit qu'elles n'étaient pas efficaces, j'ai dit qu'elles étaient efficaces à terme. Une intervention militaire, une zone d'exclusion aérienne au-dessus de Benghazi, c'est efficace immédiatement, on l'a bien vu dans l'heure qui suit. Les sanctions, cela prend des semaines, parfois des mois, mais c'est efficace et cela peut changer le comportement des uns et des autres et c'est donc la raison pour laquelle nous allons les compléter et les poursuivre.
Q - Sur la Libye, il y a un mois, en marge du sommet de l'OTAN, on avait cette discussion sur Moussa Koussa qui avait été, on va dire «blanchi», et vous aviez dit à l'époque : il faut faire la différence entre la politique et la morale, nous on a des objectifs c'est que l'entourage de Kadhafi change de camp. Un mois plus tard, on ne voit rien venir.
R - C'est parce que vous voyez mal, parce que des défections il y en a tous les jours, des messages de Tripoli nous indiquant que beaucoup de gens à Tripoli sont prêts à lâcher Kadhafi et ils sont nombreux, c'est un de nos problèmes d'ailleurs, ils sont tellement nombreux que nous essayons de les coordonner et de voir ceux qui sont véritablement crédibles et les choses avancent de ce point de vue-là.
Q - Et il y en a beaucoup qui sont crédibles ? Parce que, vu de l'extérieur, on ne voit pas grand-chose.
R - Oui, eh bien, cela, par définition, tant que ce n'est pas public, on ne le voit pas de l'extérieur, parce que les gens qui prennent des contacts sont discrets. On a demandé, vous le savez, au représentant des Nations unies d'essayer de coordonner ces contacts, ils sont un peu désordonnés aujourd'hui, il faut bien le dire, mais ils révèlent quand même un trouble profond du côté de Tripoli. La dernière personnalité en date ayant fait défection, c'est le patron de la National Oil Company, qui est quelqu'un d'important.
Q - Sur la Syrie, on dit qu'on n'a pas les neuf voix, on en est à combien aujourd'hui ? Est-ce que la stratégie de la France est d'arriver aux neuf voix et puis, une fois qu'on a les neuf voix, de dire aux Chinois et aux Russes : le rapport de force a changé ?
R - Nous sommes en train d'en discuter avec nos partenaires parce qu'aujourd'hui il n'y a pas une convergence absolue. Est-ce qu'il faut faire passer à toute force une résolution susceptible de recueillir neuf voix même si elle est un peu édulcorée et au risque d'un véto russe ? C'est une position. Ou est-ce qu'il faut rester sur un projet de résolution plus dure en se donnant le temps de rallier neuf voix voire plus et, le cas échéant, après les discussions du G8 justement, de diminuer les risques de veto russe ?
Q - Ces deux voix c'est à l'intérieur de l'Union européenne, on est bien d'accord ?
R - Oui, oui, bien sûr, enfin, à l'intérieur du Conseil de sécurité.
Q - Mais la discussion entre passer à toute force ou
R Bon, disons les choses clairement : les Britanniques sont aujourd'hui plus allants dans le dépôt d'un projet de résolution, nous, nous sommes plutôt sur la tendance «donnons-nous quelques jours avant d'y aller, parce que y aller avec neuf voix, un risque de veto est-ce que c'est productif ou contre productif ?» C'est difficile. Alors, on peut dire que cela marque le coup, on peut dire aussi que cela peut être interprété comme une forme de victoire de Bachar el-Assad. C'est donc là-dessus qu'on va ajuster le tir dans la semaine qui vient à New York.
Q - Sur la Croatie et le calendrier, est-ce que vous êtes favorable à ce que les négociations se terminent sous présidence hongroise ?
R - Nous pensons qu'elles peuvent être bouclées, nous ne fixons pas de date limite, il faut bien s'assurer que tous les critères soient bien remplis ; ce que nous souhaitons c'est qu'au-delà de la signature de l'accord et pendant l'année ou les deux ans qui se déroulent entre la signature et la ratification, c'est-à-dire à la mise en uvre, on garde une procédure de vérification, pour s'assurer que la Croatie exécute bien les engagements qu'elle a pris au moment où elle a signé. C'est là-dessus qu'il n'y a pas encore d'accord tout à fait complet entre nous.
Q - Sur le service diplomatique, quel est le résultat de la discussion ? Concrètement, est-ce que vous avez convenu de discuter de cela régulièrement ?
R - Oui, on en reparlera bien entendu mais la tonalité générale a été de dire qu'on comprend les contraintes de Mme Ashton, que nous sommes prêts à l'aider, et on peut l'aider d'abord en articulant mieux le fonctionnement du service et de nos ministères respectifs dans les deux sens. Nous avons sans doute un effort à faire pour faire remonter d'avantage d'informations et le service a un effort à faire dans l'autre sens.
On peut alléger la tâche de Mme Ashton qui nous a expliqué le poids de ses responsabilités en termes tout simplement matériels, le nombre de réunions, le nombre d'audiences, c'est considérable. Voilà donc comme cela a été fait ou alors il est possible de demander parfois à tel État membre de représenter l'Union européenne, par exemple en Côte d'Ivoire, à Yamoussoukro, le collègue belge a représenté l'Union européenne. Voilà un certain nombre de suggestions.
En ce qui me concerne, j'ai insisté sur la nécessité d'une réactivité plus grande, j'ai même donné un mauvais conseil à Mme Ashton en disant : «n'attendez pas toujours que les 27 soient absolument d'accords avant de vous exprimer sur des sujets», on voit bien qu'il faut parfois s'exprimer sans attendre, par exemple condamner les massacres, parce que c'est bien de massacres qu'il s'agit, dans telle ville syrienne, cela peut se faire tout de suite.
Q - La France va déployer des hélicoptères d'attaque en Libye, quel est l'objectif poursuivi, est-ce un changement de stratégie?
R - Il n'y a pas de changement de stratégie, nous sommes toujours dans la stricte application des résolutions du Conseil de sécurité qui prévoient de mettre en uvre les moyens nécessaires pour protéger les populations. Protéger les populations ce n'est pas simplement neutraliser les blindés ou les avions de Kadhafi, c'est aussi affaiblir ses capacités militaires, ses postes de commandements, ses réseaux d'approvisionnement et c'est dans cet esprit que nous avons mis en place ce dispositif qui nous permettra d'avoir des frappes plus ciblées, plus proches des réalités du terrain.
Q - Il y a 450 hommes à bord de ce bateau, est ce que les forces françaises vont aller au sol, d'une manière ou d'une autre ?
R - La réponse est non, nous sommes très clairs là-dessus.
Q - Vous êtes soutenus par vos partenaires européens dans cette opération ?
R - II n'y a pas eu de problème aujourd'hui ici, on va en discuter toute à l'heure je crois au Conseil de l'Atlantique nord.
Q - Est-ce que l'intervention de ces hélicoptères rentre dans le cadre de la résolution 1973 ?
R - Absolument, c'est ce que je viens de vous dire, la résolution 1973 prévoit qu'on peut utiliser tous les moyens, «all means», pour protéger les populations et évidemment pour cela il faut casser les forces militaires de Kadhafi, s'attaquer aux postes de commandement, aux infrastructures, aux réseaux d'approvisionnement de ses troupes.
Q - Mais pourquoi ? Les avions qui sont déjà sur place, cela ne suffit pas ?
R - Parce qu'un avion cela vole très haut.
Q - Et alors ?
R - Un hélicoptère, cela vole plus bas, il est donc un peu plus facile de cibler les objectifs que je viens de rappeler, qui sont des objectifs militaires, j'insiste bien sur ce mot.
Q - Êtes-vous satisfaits de l'évolution de la situation sur le terrain, globalement ?
R - L'étau a été desserré autour de Misrata, le Conseil national de transition s'organise, des points ont été marqués sur le terrain, surtout sa reconnaissance politique progresse. Vous avez vu que Mme Ashton s'est rendue elle-même à Benghazi pour installer un bureau de l'Union européenne, elle nous a même dit qu'elle avait été frappée de voir la popularité dont elle jouissait, et à travers elle bien sûr, l'Union européenne. À Benghazi, les choses progressent, simultanément nous essayons de progresser sur la voie de la solution politique parce qu'il est bien évident que notre intervention militaire n'a pas vocation à durer des mois, elle devra s'arrêter dans des délais aussi rapides que possible.
La solution politique c'est d'abord un cessez-le-feu, c'est-à-dire qui respecte les conditions fixées par les Nations unies : regrouper les troupes de Kadhafi dans les casernes, surveillance du cessez-le-feu par les forces, contrôle international et puis ensuite dialogue politique. C'est là que nous travaillons en ce moment puisqu'on voit bien que chaque jour qui passe convainc de plus en plus de responsables de Tripoli que Kadhafi n'a plus de rôle à jouer dans la vie politique libyenne.
Q - Une question sur la Syrie. On a l'impression d'un double standard entre la Syrie et la Libye, est-ce que les sanctions contre la Syrie peuvent être efficaces et comment vous voyez l'évolution dans les prochaines semaines ?
R - Il n'y a pas, dans la prise de position de la France, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ni dans celle de l'Union européenne, deux poids et deux mesures, l'attitude est la même. Nous condamnons avec la même fermeté l'utilisation des tanks, des chars, des canons par le régime syrien contre la population syrienne, comme nous l'avons fait dans d'autres situations, simplement le contexte international n'est pas le même, il n'y a pas aujourd'hui, aux Nations unies, de majorité qui nous permette d'adopter ne serait-ce qu'une déclaration condamnant le régime syrien, a fortiori mettant en place des sanctions ; mais nous ne renonçons pas, nous continuons à travailler, notamment avec nos amis Britanniques à la préparation d'une telle résolution.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mai 2011