Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur l'importance de l'innovation pour le développement économique du Moyen-Orient, notamment en matière d'accès à l'eau, à Paris le 31 mai 2011.

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Circonstance : Forum « L’innovation, Une chance pour le Proche-Orient », à Paris le 31 mai 2011

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté d’ouvrir ce For’Um sur «l’innovation, une chance pour le Proche-Orient», à l’invitation de Valérie Hoffenberg, représentante spéciale de la France pour la dimension économique, culturelle, commerciale, éducative et environnementale du processus de paix au Proche-Orient.
Je tiens à remercier et à saluer chaleureusement tous les participants venus du Proche et du Moyen-Orient à Paris pour participer à cette manifestation.
Le thème qui nous rassemble aujourd’hui est on ne peut mieux choisi.
Comment l’innovation peut-elle contribuer au développement économique et à l’amélioration de la vie quotidienne des peuples de la région ? Cette question prend toute son importance aujourd’hui dans le contexte de ce qu’on appelle le «printemps arabe».
Quel que soit le nom qu’on lui donne, cet élan démocratique repose sur des aspirations profondes et des mouvements parfois anciens. Mais il s’est appuyé, comme chacun le sait, sur la jeunesse et il s’est accéléré grâce aux nouvelles technologies. La révolution numérique a permis de libérer les flux d’information et de créer de nouveaux liens de solidarité. Elle n’explique pas à elle seule les évolutions politiques d’une rapidité extraordinaire que l’on observe depuis le début de l’année. Mais elle a sans nul doute contribué à leur déclenchement. Elle ne suffit malheureusement pas toujours à assurer leur succès et n’empêche pas que des dictateurs s’accrochent au pouvoir en réprimant leur population comme l’illustre l’exemple tragique de la Libye.
La technologie ne peut pas tout. L’élan démocratique doit, pour se perpétuer, s’appuyer sur des réformes politiques mais aussi, et peut-être d’abord, sur le développement économique. La transition démocratique doit être accompagnée sur le plan économique. Les réformes doivent être soutenues. C’est le sens du message du G8 de Deauville. C’est notre intérêt à tous. C’est une prospérité partagée qui permettra à la paix et à la démocratie de s’ancrer durablement dans les pays du pourtour de la Méditerranée.
C’est là que l’on retrouve, sous un autre aspect, l’exigence d’innovation. Comme l’a dit récemment Joseph Stiglitz : «Il nous faut montrer que la technologie n’est pas seulement l’outil qui peut renverser les régimes - elle peut aussi créer une nouvelle économie pleine de dynamisme» ; Les pays de la région ont trop longtemps vu leur développement économique limité par des obstacles politiques. Il est temps qu’ils se mobilisent autour de projets d’avenir et se rassemblent pour être à la pointe du progrès, comme ils l’ont été dans l’histoire et comme leur jeunesse, de mieux en mieux formée, y aspire légitimement.
Ne soyons pas naïfs. Ne minimisons pas les conséquences des tensions qui perdurent dans la région. Le conflit du Proche-Orient appelle des solutions politiques, et la France continuera d’agir avec détermination en ce sens. Nous avons en fait le choix d’entrer une dynamique dont chacun peut espérer sortir gagnant ou de rester dans une logique de confrontation. Le vent de changement politique que connaît la région nous oblige à faire le pari de l’audace et de l’innovation.
Les défis de la Méditerranée sont connus et n’ont fait que s’aggraver depuis quinze ans : réduire les écarts de développement, combattre des menaces communes (climat, pollution, insécurité alimentaire) et mener une véritable politique de civilisation (passer du clash au dialogue). Ces défis sont au cœur du projet d’Union pour la Méditerranée. Je formule le vœu que ce processus s’appuie sur ses atouts - le paritarisme et la géométrie variable - pour accélérer le lancement de projets concrets répondant aux attentes des populations.
Ce forum se donne pour ambition de présenter des solutions innovantes pour améliorer l’accès aux services essentiels à la vie que sont l’eau, l’assainissement, l’alimentation et l’énergie. Ce sujet est crucial. Aujourd’hui, trop d’habitants du Moyen-Orient n’ont pas un accès satisfaisant à ces services. Si l’on n’agit pas dès maintenant, leur situation ne cessera de se détériorer du fait de ressources hydrauliques limitées, et des conditions climatiques parfois extrêmes, qui prévalent dans la région et qui ne feront que s’aggraver à l’avenir.
Le défi est de mettre en place des modes de consommation et de production qui permettront aux populations de vivre dans un contexte de rareté de l’eau et de l’énergie. Il convient de penser dès maintenant à un système complètement nouveau, prenant en compte toutes les dimensions humaines, économiques et sociales. L’ampleur des défis nous oblige à nous mobiliser. Leur radicalité nous pousse à innover. Le fait qu’ils soient communs nous engage à nous rassembler.
L’accès à l’eau est sans doute le premier des défis à relever. Les pays du Moyen-Orient y sont tous, et depuis longtemps, confrontés. Mais aujourd’hui, les besoins sont en augmentation constante et la situation atteint un point critique dans certains pays très arides qui ne sont pas capables de répondre aux besoins élémentaires de leur population et de leur économie. L’accès à l’eau est ne doit pas être instrumentalisé à des fins politiques. Plusieurs pays partagent le bassin de certains fleuves. Il serait dans l’intérêt commun d’engager une coopération renforcée qui permette une réflexion globale, prenant en compte l’utilité de chaque usage.
De l’accès à la ressource en eau dépend en grande partie la sécurité alimentaire. Enjeu mondial, qui présente encore plus d’acuité pour les pays arides ou semi-arides du Moyen-Orient. Comme la production agricole est fortement consommatrice d’eau, ces pays sont contraints de recourir à des mécanismes d’irrigation très développés et coûteux pour assurer une production locale. Dans le même temps les prix mondiaux des produits agricoles et alimentaires souffrent de volatilité et sont orientés durablement à la hausse. Les pays du Moyen-Orient se trouvent confrontés à un dilemme entre le choix d’une production locale consommatrice de ressources en eau, rare et nécessaire à d’autres usages, et une dépendance alimentaire envers des pays tiers, qui peut être déstabilisante.
Les questions énergétiques, y compris pour les pays qui possèdent des réserves en hydrocarbures, sont devenues prioritaires dans le contexte mondial de raréfaction des ressources en énergies fossiles et de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Les pays producteurs de gaz et de pétrole réfléchissent déjà à des alternatives pour réserver leurs ressources fossiles à d’autres utilisations que la production locale d’énergie. L’abondance de la ressource solaire dans tous les pays du Moyen-Orient ainsi que leur important potentiel éolien sont des opportunités qui doivent être explorées. La France soutient fermement le Plan solaire méditerranéen. Le PSM est un des six projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée et s’est donné l’objectif ambitieux de créer 20 GW d’énergies renouvelables supplémentaires d’ici 2020. Il doit s’accompagner d’actions sur la maîtrise de la demande, sur l’efficacité énergétique et sur le développement des interconnections électriques nord-sud entre les pays de la zone euro-méditerranéenne.
Mesdames, Messieurs,
Les enjeux que je viens d’évoquer appellent des solutions audacieuses combinant l’innovation et la coopération régionale.
Je sais qu’il existe déjà de très nombreuses initiatives innovantes en matière de Développement durable au proche et Moyen-Orient. Ces initiatives régionales et locales doivent s’articuler avec les négociations multilatérales dans le domaine du développement durable. À cet égard, l’inscription à Cancun en décembre 2010, des actions d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre sous la Convention Climat constitue une avancée considérable. La Conférence de Durban fin 2011, devra poursuivre cette dynamique du renforcement du régime mondial de lutte contre le changement climatique. La France souhaite appuyer ces initiatives concrètes, en favorisant les coopérations et en mobilisant les appuis internationaux dont elles peuvent bénéficier.
Parmi celles-ci, je voudrais évoquer dans le domaine de l’eau le projet Mer Rouge/Mer Morte. Unique au monde par son ambition et par son ampleur, ce projet est d’une très grande complexité. Il doit permettre de répondre aux besoins en eau des populations jordanienne, israélienne et palestinienne. La France suit attentivement ce projet et a déjà engagé des ressources financières pour les études. Elle continuera à appuyer ce projet phare de la coopération régionale et à mobiliser tous les partenaires indispensables à sa mise en œuvre.
J’aurais pu évoquer de multiples autres projets, dans le domaine des transports, avec les pistes de développement de réseaux régionaux de voyageurs et de marchandises, ou dans le domaine des énergies renouvelables, avec la création de l’agence IRENA.
L’existence de tous ces projets nous permet d’être optimistes en ce qui concerne la capacité des pays du Moyen-Orient à s’engager dans l’innovation pour répondre aux attentes de leurs populations en matière de développement économique et d’amélioration du niveau de vie.
Je me réjouis de la forte implication de plusieurs entreprises françaises à ces projets et à cette manifestation. Toutes les actions que nous souhaitons développer ensemble seront productrices de richesses et d’emplois.
Je souhaite que les débats de ce For’Um, Chère Valérie, permettent d’améliorer la compréhension réciproque et de trouver ensemble des pistes nouvelles et concrètes. C’est ensemble, Etats, entreprises, collectivités et citoyens réunis, Nord et Sud confondus, que nous pourrons ensemble progresser.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite plein succès dans vos travaux.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2011