Texte intégral
R. Elkrief - Vendredi, L. Jospin a envoyé une lettre aux partenaires sociaux pour appeler à la relance d'un dialogue social fort. Vous dites : "Enfin des nouvelles de Matignon ! " ?
- "Nous avons suffisamment, pour ce qui nous concerne, regretté que le Premier ministre ignore et néglige les partenaires sociaux pendant ces quatre années de gouvernement. Si, désormais, il ouvre le dialogue et entend leur laisser un champ d'intervention, définir leur rôle et leur place dans la société, ce sera un progrès incontestable."
Vous croyez, comme l'a dit A. Duhamel, que c'est pour ne pas laisser se dépasser ou déborder par le droite, le Président de la République, sur ce terrain ?
- "J'espère que ce n'est pas cela parce qu'il s'agirait de petites tactiques. Je crois que le sujet est sérieux : il s'agit de savoir si aujourd'hui, par rapport aux problèmes de fond que connaît notre économie, que connaissent, en conséquence des évolutions qui ont lieu, les salariés dans leur travail et dans leur forme d'emploi, on continue à maintenir, dans ce pays, un bon équilibre entre ce qui est bon pour l'entreprise et ce qui est bon en termes de progrès et de justice sociale. Or cet équilibre, cette alchimie entre ces deux termes, ne se fait pas automatiquement et ne se fait pas non plus, malheureusement, - même si l'intervention de l'Etat est tout à fait nécessaire - par la seule intervention politique. Donc le sujet est très sérieux."
Il faut la négociation et la discussion entre patrons et syndicats. C'est ce que vous faites, c'est ce que le Medef a entamé sous le titre de "refondation sociale." Il y a une des réunions sur ce sujet et L. Jospin veut en tenir compte - c'est ce qu'il dit dans sa lettre. Vous êtes sortie d'une réunion organisée par le Medef, autour des voies et moyens de la négociation, et vous n'êtes pas tout à fait d'accord. On a l'impression qu'il y a un axe FO-Medef qui a remplacé l'axe Medef-CFDT ?
- "Là encore, si on regarde les choses comme cela, ça change et ça rééquilibre peut-être. L'enjeu n'est pas encore celui-là. A la CFDT, nous avons un seul positionnement : lorsque le contenu d'un accord, le résultat d'une négociation, nous apparaît intéressant, nous apparaît aller dans le sens du mouvement et dans celui des évolutions que nous souhaitons, nous disons "banco, nous en sommes." Lorsque, au contraire, une négociation qui s'est encore insuffisamment nouée ou la recherche des bons points d'équilibre n'est pas terminée, nous disons : "non, le compte n'y est pas" ; c'est clair. Et quand le compte n'y est pas, nous n'allons pas donner notre caution à un texte qui semble en deçà et qui semble davantage affirmer le statu quo de l'organisation des relations professionnelles et de la négociation que son développement. Donc, nous allons tout simplement intervenir auprès du Medef, en leur rappelant les objectifs qui ont été les nôtres. Ces objectifs, me semble-t-il, étaient au coeur de la démocratie sociale. Il me semble que ça ferait un peu désordre, si à ce moment-là, le Medef ne faisait qu'afficher des positions qui relèvent davantage de l'immobilisme et du statu quo que du mouvement."
Vous pourrez vous appuyer sur le Gouvernement contre le Medef. C'est ce que j'essaye de comprendre...
- "...Non, je ne crois pas. Je réagis à cela parce que si seulement on pouvait enfin sortir du un contre deux... Le but est que chacun trouve sa place et que la négociation ait son autonomie et que chacun prenne ses responsabilités mais dans un conflit de prérogatives ou de légitimité avec le Gouvernement. Et que le Gouvernement comprenne cela, lui aussi."
La démocratie sociale est l'un des thèmes de cette lettre de L. Jospin. Sur le point de la place des salariés dans le processus de décision, on parle de représentation des salariés à l'intérieur des conseils d'administration et déjà le Medef voit rouge et s'inquiète beaucoup d'une telle mesure. Vous êtes d'accord avec une telle mesure ?
- "Cette question peut être discutée. Nous avons l'expérience de la participation dans les conseils d'administration des anciennes entreprises nationalisées. On en tire un bilan qui n'est pas inintéressant mais enfin, je crois qu'il ne faut pas ramener à cette seule position toutes les questions qui concernent la démocratie sociale. Ce serait vraiment voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Nous discuterons de ces affaires-là, nous affinons notre position mais nous voulons discuter bien sûr de choses beaucoup plus larges que la seule question de la présence dans les conseils d'administration. Il s'agit, comme nous le faisons avec le Medef dans la négociation en ce moment, de savoir si oui ou non dans ce pays tous les salariés - je pense aux salariés des petites et moyennes entreprises - ont enfin droit à une représentation collective, au dialogue social, d'accéder aux mêmes droits que ceux des grandes entreprises, même si ce n'est pas selon les mêmes modalités. Voilà des sujets très importants."
La Sécurité sociale est l'autre sujet important de cette lettre. Il dit que chacun doit y retrouver la place qui est la sienne et il veut engager le débat sans délai sur cette question. Est-ce que cela suffira à ramener le patronat à participer aux caisses de la Sécurité sociale que la CFDT dirige ?
- "Il faudra poser la question au patronat et surtout il faut attendre de connaître précisément les propositions concrètes que le Gouvernement fera pour que véritablement les conditions d'une vraie délégation de responsabilités dans la gestion de la Sécurité sociale permettent aux partenaires sociaux dans les conseils d'administration de pouvoir pleinement jouer leur rôle."
Vous dites à L. Jospin que c'est bien qu'on en parle mais donnez-nous les moyens ...
- "... Il faut en parler. Maintenant, il va falloir prendre des positions et des engagements. Il y a une réunion le 12, à l'initiative d'E. Guigou, un Grenelle de la santé, qui peut, si le rapport des sages - qui sont des gens qui ont la compétence et l'autorité de donner de orientations sur le sujet - est bon et j'espère qu'il sera bon, permettre le débat et de dégager des orientations nouvelles. Alors, oui, si nous allons vers la réforme de notre système, vers la modernisation de notre système de santé et globalement de la Sécurité sociale, il y a, je l'espère, des possibilités de retrouver un vrai paritarisme. Pourquoi au total ? Au total, l'enjeu est d'avoir un système de santé qui soit à la hauteur de ses responsabilités aujourd'hui, que les assurés sociaux, et tous les Français, aient la garantie d'avoir des soins de qualité quel que soit le lieu où il se situe sur un territoire, quel que soit son statut social. Or, on sait aujourd'hui, que des inégalités existent ; on sait que nouveaux besoins de santé vont exister ; il faut les financer. Raison de plus pour avoir un système plus performant."
Le 19 mai dernier, vous disiez à l'attention de L. Jospin qu'il pratiquait un "réformiste honteux", au lieu de s'appuyer sur des discours forts ; qu'il ne cessait de faire des concessions à l'orthodoxie de gauche, etc. Ce sont des critiques qui ont été plutôt pas très bien prises à Matignon. Vous les répétez, vous êtes toujours sévère ?
- "J'espère que je vais pouvoir dire autre chose puisque si une nouvelle période s'ouvre, si, par exemple, je prends la question de la Sécurité sociale, si le Premier ministre et son gouvernement s'attaquent vraiment aux questions de la Sécurité sociale - il y a des vraies questions..."
... D'ici la campagne électorale, vous pensez que c'est faisable ?
- "On ne choisit pas ses moments. Le renouvellement des conseils d'administration est au 1er octobre. Donc, c'est au 1er octobre qu'il faut faire face à des questions et à des problèmes qui se passent dans ce pays. Si, à ce moment-là, le Gouvernement s'engage sur les réponses qu'il convient d'apporter - parce qu'elles se posent et qu'on attend que ses réponses viennent - alors, je considérerais que le Premier ministre a pris la voie d'un réformisme assumé, ce que je souhaite au plus au point."
La CGT s'inquiète de l'assouplissement des 35 heures dans les PME. Vous partagez cette inquiétude ?
- "D'abord, il y a beaucoup de PME qui sont passées aux 35 heures. Elles ont donc vu leur intérêt à cela. Il y en a d'autres pour qui, à l'évidence, les conditions sont plus difficiles parce que les situations sont particulières. Nous avons un principe qui est de négocier les assouplissements quand il le faut. Nous venons de le faire dans les cafés, hôtels et restaurants où, avec les employeurs, nous avons, CGT et CFDT, signé un accord qui permet de renvoyer à 2006 le passage aux 35 heures pour assurer des étapes intermédiaires. Voilà un bon moyen d'assouplir les modalités de passage aux 35 heures sans les abandonner."
Le climat politique, les billets d'avion, le trotskisme... Qu'en pensez-vous comme responsable syndicale ?
- "Tout cela fait partie du paysage. Ce que j'espère, c'est qu'il ne va pas à ce point polluer le débat public et politique pour que les vrais enjeux des élections futures se résument à ces affaires-là."
(source http://www.cfdt.fr. le 14 janvier 2003)
- "Nous avons suffisamment, pour ce qui nous concerne, regretté que le Premier ministre ignore et néglige les partenaires sociaux pendant ces quatre années de gouvernement. Si, désormais, il ouvre le dialogue et entend leur laisser un champ d'intervention, définir leur rôle et leur place dans la société, ce sera un progrès incontestable."
Vous croyez, comme l'a dit A. Duhamel, que c'est pour ne pas laisser se dépasser ou déborder par le droite, le Président de la République, sur ce terrain ?
- "J'espère que ce n'est pas cela parce qu'il s'agirait de petites tactiques. Je crois que le sujet est sérieux : il s'agit de savoir si aujourd'hui, par rapport aux problèmes de fond que connaît notre économie, que connaissent, en conséquence des évolutions qui ont lieu, les salariés dans leur travail et dans leur forme d'emploi, on continue à maintenir, dans ce pays, un bon équilibre entre ce qui est bon pour l'entreprise et ce qui est bon en termes de progrès et de justice sociale. Or cet équilibre, cette alchimie entre ces deux termes, ne se fait pas automatiquement et ne se fait pas non plus, malheureusement, - même si l'intervention de l'Etat est tout à fait nécessaire - par la seule intervention politique. Donc le sujet est très sérieux."
Il faut la négociation et la discussion entre patrons et syndicats. C'est ce que vous faites, c'est ce que le Medef a entamé sous le titre de "refondation sociale." Il y a une des réunions sur ce sujet et L. Jospin veut en tenir compte - c'est ce qu'il dit dans sa lettre. Vous êtes sortie d'une réunion organisée par le Medef, autour des voies et moyens de la négociation, et vous n'êtes pas tout à fait d'accord. On a l'impression qu'il y a un axe FO-Medef qui a remplacé l'axe Medef-CFDT ?
- "Là encore, si on regarde les choses comme cela, ça change et ça rééquilibre peut-être. L'enjeu n'est pas encore celui-là. A la CFDT, nous avons un seul positionnement : lorsque le contenu d'un accord, le résultat d'une négociation, nous apparaît intéressant, nous apparaît aller dans le sens du mouvement et dans celui des évolutions que nous souhaitons, nous disons "banco, nous en sommes." Lorsque, au contraire, une négociation qui s'est encore insuffisamment nouée ou la recherche des bons points d'équilibre n'est pas terminée, nous disons : "non, le compte n'y est pas" ; c'est clair. Et quand le compte n'y est pas, nous n'allons pas donner notre caution à un texte qui semble en deçà et qui semble davantage affirmer le statu quo de l'organisation des relations professionnelles et de la négociation que son développement. Donc, nous allons tout simplement intervenir auprès du Medef, en leur rappelant les objectifs qui ont été les nôtres. Ces objectifs, me semble-t-il, étaient au coeur de la démocratie sociale. Il me semble que ça ferait un peu désordre, si à ce moment-là, le Medef ne faisait qu'afficher des positions qui relèvent davantage de l'immobilisme et du statu quo que du mouvement."
Vous pourrez vous appuyer sur le Gouvernement contre le Medef. C'est ce que j'essaye de comprendre...
- "...Non, je ne crois pas. Je réagis à cela parce que si seulement on pouvait enfin sortir du un contre deux... Le but est que chacun trouve sa place et que la négociation ait son autonomie et que chacun prenne ses responsabilités mais dans un conflit de prérogatives ou de légitimité avec le Gouvernement. Et que le Gouvernement comprenne cela, lui aussi."
La démocratie sociale est l'un des thèmes de cette lettre de L. Jospin. Sur le point de la place des salariés dans le processus de décision, on parle de représentation des salariés à l'intérieur des conseils d'administration et déjà le Medef voit rouge et s'inquiète beaucoup d'une telle mesure. Vous êtes d'accord avec une telle mesure ?
- "Cette question peut être discutée. Nous avons l'expérience de la participation dans les conseils d'administration des anciennes entreprises nationalisées. On en tire un bilan qui n'est pas inintéressant mais enfin, je crois qu'il ne faut pas ramener à cette seule position toutes les questions qui concernent la démocratie sociale. Ce serait vraiment voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Nous discuterons de ces affaires-là, nous affinons notre position mais nous voulons discuter bien sûr de choses beaucoup plus larges que la seule question de la présence dans les conseils d'administration. Il s'agit, comme nous le faisons avec le Medef dans la négociation en ce moment, de savoir si oui ou non dans ce pays tous les salariés - je pense aux salariés des petites et moyennes entreprises - ont enfin droit à une représentation collective, au dialogue social, d'accéder aux mêmes droits que ceux des grandes entreprises, même si ce n'est pas selon les mêmes modalités. Voilà des sujets très importants."
La Sécurité sociale est l'autre sujet important de cette lettre. Il dit que chacun doit y retrouver la place qui est la sienne et il veut engager le débat sans délai sur cette question. Est-ce que cela suffira à ramener le patronat à participer aux caisses de la Sécurité sociale que la CFDT dirige ?
- "Il faudra poser la question au patronat et surtout il faut attendre de connaître précisément les propositions concrètes que le Gouvernement fera pour que véritablement les conditions d'une vraie délégation de responsabilités dans la gestion de la Sécurité sociale permettent aux partenaires sociaux dans les conseils d'administration de pouvoir pleinement jouer leur rôle."
Vous dites à L. Jospin que c'est bien qu'on en parle mais donnez-nous les moyens ...
- "... Il faut en parler. Maintenant, il va falloir prendre des positions et des engagements. Il y a une réunion le 12, à l'initiative d'E. Guigou, un Grenelle de la santé, qui peut, si le rapport des sages - qui sont des gens qui ont la compétence et l'autorité de donner de orientations sur le sujet - est bon et j'espère qu'il sera bon, permettre le débat et de dégager des orientations nouvelles. Alors, oui, si nous allons vers la réforme de notre système, vers la modernisation de notre système de santé et globalement de la Sécurité sociale, il y a, je l'espère, des possibilités de retrouver un vrai paritarisme. Pourquoi au total ? Au total, l'enjeu est d'avoir un système de santé qui soit à la hauteur de ses responsabilités aujourd'hui, que les assurés sociaux, et tous les Français, aient la garantie d'avoir des soins de qualité quel que soit le lieu où il se situe sur un territoire, quel que soit son statut social. Or, on sait aujourd'hui, que des inégalités existent ; on sait que nouveaux besoins de santé vont exister ; il faut les financer. Raison de plus pour avoir un système plus performant."
Le 19 mai dernier, vous disiez à l'attention de L. Jospin qu'il pratiquait un "réformiste honteux", au lieu de s'appuyer sur des discours forts ; qu'il ne cessait de faire des concessions à l'orthodoxie de gauche, etc. Ce sont des critiques qui ont été plutôt pas très bien prises à Matignon. Vous les répétez, vous êtes toujours sévère ?
- "J'espère que je vais pouvoir dire autre chose puisque si une nouvelle période s'ouvre, si, par exemple, je prends la question de la Sécurité sociale, si le Premier ministre et son gouvernement s'attaquent vraiment aux questions de la Sécurité sociale - il y a des vraies questions..."
... D'ici la campagne électorale, vous pensez que c'est faisable ?
- "On ne choisit pas ses moments. Le renouvellement des conseils d'administration est au 1er octobre. Donc, c'est au 1er octobre qu'il faut faire face à des questions et à des problèmes qui se passent dans ce pays. Si, à ce moment-là, le Gouvernement s'engage sur les réponses qu'il convient d'apporter - parce qu'elles se posent et qu'on attend que ses réponses viennent - alors, je considérerais que le Premier ministre a pris la voie d'un réformisme assumé, ce que je souhaite au plus au point."
La CGT s'inquiète de l'assouplissement des 35 heures dans les PME. Vous partagez cette inquiétude ?
- "D'abord, il y a beaucoup de PME qui sont passées aux 35 heures. Elles ont donc vu leur intérêt à cela. Il y en a d'autres pour qui, à l'évidence, les conditions sont plus difficiles parce que les situations sont particulières. Nous avons un principe qui est de négocier les assouplissements quand il le faut. Nous venons de le faire dans les cafés, hôtels et restaurants où, avec les employeurs, nous avons, CGT et CFDT, signé un accord qui permet de renvoyer à 2006 le passage aux 35 heures pour assurer des étapes intermédiaires. Voilà un bon moyen d'assouplir les modalités de passage aux 35 heures sans les abandonner."
Le climat politique, les billets d'avion, le trotskisme... Qu'en pensez-vous comme responsable syndicale ?
- "Tout cela fait partie du paysage. Ce que j'espère, c'est qu'il ne va pas à ce point polluer le débat public et politique pour que les vrais enjeux des élections futures se résument à ces affaires-là."
(source http://www.cfdt.fr. le 14 janvier 2003)