Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le développement des échanges commerciaux entre la France et l'Indonésie et le débat sur la régulation de la mondialisation dans la perspective de la réunion du G20 de Cannes, à Jakarta (Indonésie) le 1er juillet 2011.

Prononcé le 1er juillet 2011

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel du Premier ministre en Asie du Sud-Est : allocution devant la chambre de commerce et d'industrie franco-indonésienne, à Jakarta le 1er juillet 2011

Texte intégral

Monsieur le Président de la KADIN,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-indonésienne,
Mesdames et messieurs,
On ne pouvait pas imaginer meilleure introduction au discours que je vais prononcer, meilleure introduction à notre rencontre, que la signature de ces trois accords.
Le premier pour faciliter les relations d’affaires entre l’Indonésie et la France et les deux autres pour permettre à l’Indonésie d’acquérir des biens qui sont aujourd’hui les meilleurs au monde.
Qui fabrique les meilleurs avions civils au monde ? C’est la France et l’Europe. Qui fabrique aujourd’hui les meilleurs hélicoptères civils au monde ? C’est la France et l’Europe.
Et je suis heureux que nous ayons pu à cette occasion, marquer cette excellence de l’industrie européenne.
Je voudrais vous remercier au nom de l’ensemble de la délégation qui m’accompagne pour l’organisation de cette rencontre avec la communauté d’affaires franco-indonésienne de Jakarta.
La visite que nous conduisons s’inscrit dans une perspective nouvelle, les relations entre la France et l’Indonésie étaient insuffisantes en termes politiques : c’est la première fois qu’un Premier ministre français vient en Indonésie. Le dernier voyage d’un Président de la République française remonte à il y a très longtemps et il n’y a manifestement pas assez d’échanges politiques entre nos deux pays.
Je disais tout à l’heure devant les étudiants de l’université devant lesquels je m’exprimais que ceci était dû au fait que les logiciels diplomatiques et les logiciels politiques ont besoin régulièrement d’être réactualisés. L’Indonésie est devenue une immense puissance et cette immense puissance doit bénéficier d’une relation privilégiée avec la France et avec l’Europe.
Je vais cet après-midi concrétiser le partenariat stratégique que le Président de la République française et le Président de la République indonésienne avaient souhaité signer à la fin de 2009. Ce partenariat stratégique signifie que la relation franco-indonésienne va s’intensifier de façon considérable.
Dans sa composante économique, ce partenariat a un objectif simple, il s’agit de rehausser le niveau de notre relation économique bilatérale, il s’agit de lui donner une dimension nouvelle qui soit en cohérence avec son potentiel, un potentiel qui est bien identifié mais pas encore pleinement concrétisé.
Nous sommes impressionnés par le chemin que l’Indonésie a parcouru depuis 10 ans ; nous sommes impressionnés par les réussites et par les acquis déjà remarquables de votre jeune démocratie, notamment en termes de gouvernance économique, avec cette croissance très forte, 6,1 % en 2010, 6,4 % au moins cette année, avec des perspectives spectaculaires à moyen terme, à la mesure de ce « pays continent » dont on dit qu’il représentera en 2020 45 % du Produit Intérieur Brut de l’ASEAN.
A travers l’Indonésie, c’est aussi de toute cette région de l’ASEAN que les Européens et les Français doivent apprendre à mieux connaître et dont ils doivent apprendre à mieux appréhender les enjeux.
Une région de 590 millions d’habitants ; une région dont le Produit Intérieur Brut cumulé est de 25 % supérieur à celui de l’Inde, et dont le taux de croissance annuel moyen d’environ 5 % ; une région qui pour la France pèse plus que la Chine en termes d’investissements, et autant qu’elle en termes d’exportations ; une région, enfin, qui, comme l’Union européenne, a misé sur l’intégration économique et politique des nations, à la fois pour dynamiser son activité mais aussi pour gagner en influence sur la scène internationale, et qui s’est fixée l’ambition de constituer à l’horizon 2015 une «communauté de l’ASEAN». Un grand dessein auquel, cette année, la présidence indonésienne de l’ASEAN a donné une impulsion extrêmement forte.
L’Indonésie est devenue un grand pays émergent qui fait entendre sa voix, qui prend ses responsabilités, qui joue pleinement son rôle dans les grands débats mondiaux. Elle l’a prouvé notamment lors des négociations multilatérales sur la lutte contre le changement climatique. L’Indonésie a pris des engagements forts au moment où d’autres refusaient de réduire leurs émissions. Elle le prouve aussi au sein du G20, où nos positions sont souvent proches, en particulier sur les priorités de notre présidence en 2011, que ce soit la réforme du système monétaire international, la limitation de la volatilité des prix des matières premières, la sécurité alimentaire ou encore la lutte contre la corruption – un sujet sur lequel la France et l’Indonésie d’ailleurs co-président un groupe de travail en lien avec l’OCDE.
Je veux insister sur les enjeux considérables de cette réunion du G20 qui va se tenir à Cannes dans quelques semaines.
Nous voulons avec le Président de la République mettre sur la table des débats internationaux la question globale de la régulation de la mondialisation. La mondialisation, ça ne peut pas être la loi de la jungle. La mondialisation, ça ne peut pas être la liberté du plus fort d’écraser le plus faible. La mondialisation, ça ne peut pas être la répétition des causes qui ont été à l’origine de la crise économique et financière que nous venons de connaître.
Si les établissements bancaires font des erreurs, le monde entier n’a pas à les payer et en particulier, les plus pauvres n’ont pas à en supporter les conséquences.
Nous sommes pour le libéralisme ; nous sommes pour la liberté des échanges. Nous sommes pour la loi de l’offre et de la demande, mais nous sommes aussi pour la régulation économique par les États et si possible par des États qui s’associent dans le cadre de la communauté internationale.
Nous voulons qu’il y ait des aides en matière de régulation financière pour que les établissements financiers ne puissent pas faire n’importe quoi. C’est trop facile de prêter dans n’importe quelles conditions pour ensuite venir tendre la main et demander aux États de leur sauver la mise lorsqu’ils sont au bord de la faillite.
Nous voulons une régulation du prix des matières premières.
Il ne s’agit pas bien entendu de fixer de façon administrative le prix des matières premières. Il s’agit simplement d’éviter qu’il y ait trop de spéculation sur le prix des matières premières. Il n’est pas normal que l’on puisse à la Bourse de Chicago acheter des récoltes entières sans dépenser un seul dollar pour les revendre quelques heures plus tard en faisant un énorme bénéfice. Quelle est la justification de cette situation ? Où est l’économie de marché dans tout cela ? Est-ce que l’économie de marché peut être identifiée à cette spéculation qui n’a pas d’autre résultat que de faire grimper les prix, de mettre en difficulté certaines régions du monde ou même de provoquer des famines dans le monde entier ?
Le prix de l’énergie quand il est trop bas, les pays producteurs sont dans l’incapacité de se développer et d’assumer leurs responsabilités. Quand il est trop haut, c’est l’économie mondiale qui ralentit et c’est l’ensemble du monde qui est victime de modifications erratiques du prix de l’énergie ou des matières premières. Travailler ensemble à fixer des règles pour que les augmentations et les baisses des prix des matières premières se fassent de façon régulée, je pense que c’est un immense progrès pour l’économie mondiale, pour la communauté internationale qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la liberté des marchés et dans l’esprit du libéralisme.
Ce sont ces sujets là que nous voulons mettre sur la table à l’occasion de la réunion du G20.
Mesdames et Messieurs,
Pour que les relations franco-indonésiennes prennent une nouvelle dimension, nous pouvons nous appuyer sur une base solide ; cette base, elle nous est offerte par votre présence et votre action quotidienne.
Il y a un peu plus d’une centaine d’entreprises françaises qui sont aujourd’hui implantées dans votre pays. Beaucoup sont d’ailleurs représentées ici aujourd’hui. Elles emploient près de 40 000 personnes. Il y a bien sûr de grands groupes, qui sont très connus en Indonésie, mais il y a aussi de petites et moyennes entreprises. Toutes ces entreprises ont en commun la même chose : elles sont dynamiques et elles ont confiance dans le développement de leurs activités avec leurs partenaires locaux.
Notre commerce bilatéral a dépassé 2,4 milliards d’euros en 2010, c’est un chiffre qui est en hausse de 16 % par rapport à 2009, et c’est un chiffre qui est en augmentation constante depuis 2004.
Mais on peut aussi malheureusement constater que nos échanges, et en particulier les exportations françaises, n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant la crise asiatique de 97/98.
Et enfin, on ne peut pas se satisfaire d’une part de marché pour la France en Indonésie qui est de 1%, c’est-à-dire deux fois moins que celle de notre voisin, allemand.
Nous devons faire mieux, et nous devons d’autant plus faire mieux que nos spécialisations économiques sont largement complémentaires, contrairement à ce qui peut se passer avec d’autres partenaires. Et de ce point de vue, la commande d’Airbus par Citilink – la filiale de la compagnie nationale Garuda – signée à l’occasion du salon du Bourget est un signe très encourageant qui montre que les choses sont en train de changer.
Sans doute nous, Français, devons-nous aussi mieux faire connaître à l’extérieur les points forts de notre économie.
Entre 2007 et 2012, nous avons sous l’autorité du Président de la République, Nicolas SARKOZY, réalisé des réformes profondes, des réformes structurelles, des réformes qui font entrer pleinement notre pays dans l’économie globalisée du XXIe siècle.
Nous avons ainsi augmenté de 40 % les moyens de nos universités.
Nous avons donné à ces universités une autonomie complète qui leur permettra désormais de jouer dans la même cour que les plus grandes universités du monde.
Nous avons renforcé nos pôles de compétitivité pour leur donner une envergure internationale.
Nous avons lancé un programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros, qui a commencé à irriguer tous les secteurs innovants de notre économie, de l’aéronautique aux nouveaux matériaux, en passant par les biotechnologies. Il s’agit pour nous d’aider de manière extrêmement sélective les meilleurs laboratoires de recherche de notre pays, les entreprises qui sont placées sur les créneaux les plus porteurs pour l’avenir de l’économie française. Il s’agit de donner une impulsion pour permettre à l’économie d’accélérer sa vitesse de croissance.
Et faisant cela, nous sommes finalement les héritiers d’une tradition française qui n’a pas que des défauts et qui a consisté souvent pour l’Etat à impulser des grands projets industriels.
Nous célébrons cette année le centième anniversaire de la naissance du Président de la République française Georges POMPIDOU.
Eh bien, c’est Georges POMPIDOU qui a décidé la même année de lancer le programme électronucléaire français qui a placé la France au premier rang dans le monde en matière d’excellence s’agissant de l’énergie nucléaire civile, le programme Airbus dont on voit aujourd’hui les retombées et enfin, le programme des trains à grande vitesse qui place aussi la France parmi les tout premiers au monde en matière d’industrie ferroviaire.
Bref, quand vous chercherez des solutions technologiques à vos problèmes, quand vous chercherez des partenaires industriels, vous trouverez très souvent des entreprises françaises capables de répondre à vos besoins !
Notre coopération dans le domaine du développement durable me paraît être un axe déterminant pour le renforcement de nos relations économiques dans les années à venir.
Il y a d’ailleurs de nombreux représentants du secteur qui m’accompagnent aujourd’hui, des représentants de l’entreprise Total, de GDF-Suez, d’Eramet, mais aussi des entreprises spécialisées dans la géothermie, dans la capture et le stockage de CO2, ou encore dans l’énergie hydrolienne.
Le lancement d’un plan ambitieux pour l’accélération du développement économique de l’Indonésie à l’horizon de 2025 – avec des secteurs prioritaires qui ont été clairement identifiés : l’énergie, les transports, les infrastructures urbaines, l’eau et l’assainissement – offre à nos entreprises de nouvelles perspectives pour mettre en valeur leur savoir-faire et leur expérience des projets de partenariat public-privé, expérience acquise en France ou dans d’autres pays émergents.
Je pense ici à Suez Environnement qui a une très longue expérience des partenariats public-privé, je pense à Alstom ou à Thales, sans oublier le rôle que peut jouer un armateur comme le groupe Louis Dreyfus dans le développement d’un pays insulaire comme l’Indonésie.
Le gouvernement français apportera tout son soutien à l’approfondissement de la relation économique entre la France et l’Indonésie. J’en veux pour preuve les deux accords que allons signer cet après-midi dans le secteur de l’énergie et des matières premières d’une part, et enfin dans celui du tourisme d’autre part.
J’en veux aussi pour preuve les projets d’infrastructures prioritaires que nous soutenons, avec les instruments financiers que le gouvernement français a mis en place, à hauteur d’environ 200 millions d’euros dans les secteurs de la météorologie, du transport ferroviaire et de la sécurité aérienne. Enfin, j’en veux pour preuve l’ouverture, en septembre 2010, d’une Mission Économique Ubifrance à Jakarta.
Pour favoriser le développement des entreprises françaises en Indonésie, il leur est évidemment nécessaire de disposer d’un cadre d’affaires incitatif, stabilisé et protecteur de leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle nous encourageons la Commission européenne à négocier et à conclure rapidement avec l’Indonésie un accord de promotion et de protection des investissements, un accord impliquant aussi de réduire certaines difficultés persistantes dans l’accès au marché indonésien.
Je pense en particulier aux produits d’origine animale, au secteur des vins et spiritueux, au secteur cosmétique et pharmaceutique, aux marchés publics et enfin aux questions de propriété intellectuelle.
L’Europe, qui est le premier investisseur en Indonésie et qui est le deuxième marché pour les exportations indonésiennes, doit demeurer un partenaire privilégié pour votre pays. Elle ne peut pas être absente du réseau d’alliances que l’Indonésie et l’ASEAN sont en train de tisser avec leurs partenaires dans la zone Pacifique. C’est la raison pour laquelle il importe aussi pour l’Europe de ne pas perdre de vue l’objectif d’un accord de partenariat économique ambitieux, équilibré, avec l’Indonésie et à terme avec l’ASEAN.
La séquence d’événements qui va nous amener jusqu’au sommet de Cannes nous donne l’occasion de poursuivre le dialogue de nos communautés d’affaires entre elles d’abord et avec nos gouvernements respectifs.
Il y aura, en effet, la tenue en France du Business Summit du G20 ; il y aura le dialogue d’affaires Union européenne -Indonésie, qui sera le troisième du genre ; et cet automne, il y aura une opération de promotion de l’Indonésie en France que vous allez organiser pour la première fois, autour de 200 entreprises indonésiennes qui viendront présenter sur le territoire français leur savoir-faire, leurs produits, leurs compétences.
A l’issue de ces rencontres, nous aurons établi la feuille de route qui nous permettra de concrétiser les orientations de notre partenariat stratégique dans le domaine économique.
Voilà, c’est la première fois, mesdames et messieurs, qu’un Premier ministre français se rend en Indonésie.
Je pense que c’est le signe que nos relations sont un train de prendre un tournant décisif, que les relations entre la France et l’Indonésie sont en train d’entrer dans une nouvelle époque.
Elles vont s’intensifier considérablement ; elles vont s’intensifier au bénéfice de nos deux pays et je sais que vous allez y jouer un rôle extrêmement important. Ce sont donc ces perspectives inédites, ces perspectives pleines de promesses, que je voulais aujourd’hui tracer et partager avec vous.
Source http://www.gouvernement.fr, le 4 juillet 2011