Interview de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, à "Canal Plus" le 21 juin 2011, sur l'organisation des "primaires" au PS et la question du secret du vote, ainsi que sur les prix à la consommation avec "le panier des essentiels."

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Média : Canal Plus

Texte intégral

MAITENA BIRABEN Frédéric LEFEBVRE, secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; autant de raisons pour lui d’être sur le dossier des soldes qui débutent demain, par ailleurs, l’ambiance se tend un peu entre le PS et la majorité ; crispations sur le fond, tensions sur la méthode. Les primaires divisent ! Frédéric LEFEBVRE, bonjour. Soyez le bienvenu.

FREDERIC LEFEBVRE Bonjour.

CAROLINE ROUX Bonjour. C’est vrai que depuis quelques jours, la majorité ne cesse de demander des garanties au Parti socialiste sur l’organisation des primaires. On a même entendu Jean-François COPE parler de fichage politique généralisée. Elles vous font peur ces primaires ?

FREDERIC LEFEBVRE Non, mais vous savez, je crois qu’il y a – c’est évident – un problème de secret du vote, à partir du moment où on dit : c’est une partie de la population, celle qui pense à gauche qui se déplace, le boulanger dans le village, est-ce qu’il va aller voter même s’il est à gauche, c’est pour que tout le monde sache qui vote ou qui ne vote pas à gauche. Donc il y a véritablement et indiscutablement un problème de secret du vote. Et moi, je ne comprends pas pourquoi le Parti socialiste ne s’inscrit pas dans la modernité, et s’inscrire dans la modernité, c’est voter par Internet, ça règlerait beaucoup de difficultés. Mais enfin, écoutez, c’est leur affaire.

CAROLINE ROUX C’est leur affaire, mais c’est aussi un peu la vôtre, visiblement.

FREDERIC LEFEBVRE Non, c’est…

CAROLINE ROUX La CNIL, le président de la CNIL considère qu’on ne peut pas – je le cite – demander plus juridiquement et techniquement au Parti socialiste, Claude GUEANT a demandé des garanties supplémentaires hier, on rappelle que le Parti socialiste s’est engagé à détruire les listes devant huissiers et devant la presse. Qu’est-ce que vous demandez de plus ?

FREDERIC LEFEBVRE Encore une fois, j’ai donné… je viens donner une suggestion, je ne vois pas pourquoi – on est dans un pays moderne – je ne vois pas pourquoi, alors que c’est souvent utilisé par beaucoup d’organisations, il n’y aurait pas un vote par Internet, ce qui protégerait le secret du vote.

CAROLINE ROUX Détruire les listes en présence des huissiers, en présence de la presse, ça n’est pas suffisant, c’est la question ; en quoi ça n’est pas suffisant, expliquez-nous, juste pour qu’on puisse comprendre pourquoi c’est mieux par Internet, vous savez, on peut aussi garder des traces des listings sur Internet…

FREDERIC LEFEBVRE Mais non, mais vous avez parlé du fichage, moi, je n’ai pas employé ce terme, là, effectivement, la question de détruire les fichiers répond à la question du fichage, moi, je parle simplement d’une évidence, vous avez un bureau de vote, vous avez des gens de gauche qui n’ont pas spécialement envie qu’on sache qu’ils sont de gauche. Et là, tout le monde le saura s’ils vont voter. Et donc je dis simplement, pourquoi ne pas préserver le secret du vote. Soyons modernes, soyez modernes, je parle au Parti socialiste.

CAROLINE ROUX Voilà, c’est ça. Pierre MOSCOVICI a jugé que cette entreprise de déstabilisation du Parti socialiste, entamée par l’UMP – laissez-moi finir – était scandaleuse, il dit que c’est une manoeuvre politique pour faire peur aux électeurs, et pour les empêcher de venir voter à ces primaires. Est-ce que vous souhaitez faire peur au peuple de gauche ?

FREDERIC LEFEBVRE D’abord, franchement, est-ce que j’ai l’air d’avoir peur de ces primaires, et franchement, je ne vois pas pourquoi faire peur non plus. Donc ce n’est pas un sujet franchement qui m’intéresse beaucoup.

CAROLINE ROUX C’est juste qu’on se demande pourquoi la majorité se réveille aujourd’hui, ça fait très longtemps que le Parti socialiste a annoncé ces primaires, et puis, d’un coup, ça pose problème.

FREDERIC LEFEBVRE Alors, il y a eu des déclarations nombreuses déjà dans le passé, y compris de Jean-François COPE sur cette question.

MAITENA BIRABEN Bon, alors essayons la démondialisation maintenant.

CAROLINE ROUX Oui, on va essayer la démondialisation, c’est un deuxième sujet de crispation dans le débat politique en ce moment entre la majorité et l’opposition. Nicolas SARKOZY a dit hier que le débat sur la démondialisation (sic) était légitime, débat sur la mondialisation…

FREDERIC LEFEBVRE Le débat sur la mondialisation…

CAROLINE ROUX Le débat sur la mondialisation était légitime. Quelle est la différence d’approche que vous avez sur ce qu’il faut faire de la mondialisation, de ses limites et de ses inconvénients, par rapport à ce que dit le Parti socialiste, et en particulier Arnaud MONTEBOURG ?

FREDERIC LEFEBVRE D’abord, voilà un sujet intéressant, et bien sûr que c’est légitime, et c’est même essentiel de parler de la mondialisation, parce que la mondialisation, il y a deux attitudes, on sait qu’elle est anxiogène, on sait d’ailleurs qu’elle peut avoir et qu’elle eu beaucoup de conséquences dramatiques pour une partie de notre économie. Mais dans le même temps, il y a l’attitude où on affronte les réalités, souvenez-vous du discours de 2010 à Davos, du président de la République, sur la régulation financière, là, en ce moment, sur le G20, sur la question essentielle des matières premières, il faut affronter la réalité. Et un certain nombre d’hommes et de femmes politiques – que je ne mets pas d’ailleurs sur le même plan, parce que, curieusement, vous retrouvez Arnaud MONTEBOURG, mais vous retrouvez aussi MELENCHON ou Marine LE PEN – disent : il faut se recroqueviller, il faut s’isoler, et finalement, ils cristallisent sur la peur. Moi, je préfère que, d’abord, on affronte cette situation avec courage, qu’on adapte notre pays, et puis, peut-être qu’on pourrait s’appuyer sur nos forces, dans « Le Mieux est l’ami du bien »…

CAROLINE ROUX Votre livre…

FREDERIC LEFEBVRE Mon livre, j’en parle, pourquoi, parce que je pense par exemple que dans un monde où la population est aujourd’hui à six milliards d’hommes et de femmes, qui va passer en 2050 à neuf ou dix milliards, ça veut dire simplement, mécaniquement, qu’il va falloir augmenter de 70% la production agricole. Eh bien, notre pays, il est fort en matière d’agriculture et d’industrie agroalimentaire. Et donc on peut parfaitement aujourd’hui jouer un rôle essentiel et tirer partie de cette mondialisation.

CAROLINE ROUX Est-ce que vous faites un lien entre l’augmentation des prix à la consommation, c’est révélé par FAMILLES RURALES, qui a mené l’enquête, et qui dit que le panier moyen des consommateurs a augmenté de 2,38%. Est-ce que c’est justifié par la spéculation sur les matières premières ? Est-ce que c’est comme ça que vous l’expliquez ?

FREDERIC LEFEBVRE Alors, il y a plusieurs choses, d’abord, il faut… il y a des chiffres de l’INSEE, il y a ensuite un certain nombre d’organisations – et c’est très bien – qui essaient de suivre tel ou tel type de produits. Sur la question des prix alimentaires, les derniers chiffres que nous avons, qui sont ceux de l’INSEE, je ne vais pas dire que c’est formidable, mais ils montrent en tout cas que dans notre pays, ça évolue trois fois moins vite qu’en Allemagne, et un peu plus de deux fois moins vite que dans les autres pays de la zone euro. Mais en même temps, ce qui est très important pour les consommateurs – et ils le savent bien ceux qui nous écoutent – c’est évidemment la question des prix alimentaires, d’où le combat mené par le président de la République sur les matières premières, mais c’est aussi ce qu’on appelle les dépenses contraintes, c’est-à-dire celles qui pèsent de plus en plus dans le budget des ménages, vous y retrouvez le logement, mais vous y retrouvez la téléphonie, vous y retrouvez les dépenses de santé…

CAROLINE ROUX Vous essayez de vous échapper, de ne pas parler des prix à la consommation…

FREDERIC LEFEBVRE Non, pas du tout, je ne m’échappe pas du tout…

CAROLINE ROUX Sur les produits alimentaires qui, au quotidien, sont vraiment compliqués à gérer pour les Français…

FREDERIC LEFEBVRE Non, mais je m’échappe d’autant moins que sur la question des prix alimentaires, je pense que l’enjeu, c’est la qualité à prix abordables, c’est pour ça que, vous savez, j’ai mis en place le panier des essentiels, qui est déployé aujourd’hui dans 100% des hypermarchés qui sont par les réseaux intégrés, c’est-à-dire non indépendants, et puis pour les indépendants…

CAROLINE ROUX FAMILLES RURALES dit que ça n’a pas très bien marché, que ça n’est pas présent dans les deux tiers des enseignes visées.

FREDERIC LEFEBVRE Attendez, non, non, et c’est pour ça que je continue, dans les indépendants, c’est la moitié, et puis, surtout, on va le développer dans les supermarchés, et j’ai signé, il y a quelques jours, avec les commerces de détail et avec la Fédération des marchés, et le panier des essentiels, on va le retrouver chez son boucher, son poissonnier, sur le marché. Ce qui est essentiel, évidemment, c’est la qualité à prix abordables, mais les dépenses contraintes, j’en parlais, je n’essayais pas de m’échapper, c’est essentiel pour les gens qui nous écoutent, et c’est pour ça que je défends un projet de loi que j’ai construit à partir des 92.500 réclamations des consommateurs, parce que moi, je me mets du côté des consommateurs, et j’apporte des réponses concrètement, vous avez par exemple la situation des maisons de retraite…

MAITENA BIRABEN Vous êtes "inarrêtable"…

FREDERIC LEFEBVRE Vous avez quelqu’un qui meurt, et on vous fait payer, alors qu’il est mort en début de mois, le mois entier, un forfait de remise en état ; tout ça, on le supprime. Et l’objectif, c’est que le consommateur puisse reprendre le contrôle de ses dépenses contraintes.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 1er juillet 2011