Interview de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à "LCI" le 20 juin 2011, sur les "primaires" organisées par le Parti socialiste, sur l'achat d'avions par la compagnie Air France KLM, et sur le soutien financier conditionnel de la France et de l'Europe à la Grèce.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Pierre LELLOUCHE, bonjour.
 
PIERRE LELLOUCHE Bonjour, monsieur BARBIER.
 
CHRISTOPHE BARBIER Jean-François COPE dénonce la primaire socialiste, vaste opération selon lui, de fichage politique. C’est un peu mauvais joueur comme critique, non ?
 
PIERRE LELLOUCHE  Disons que c’est un peu fort, mais il y a quand même un sujet…
 
CHRISTOPHE BARBIER Le sujet, c’est quoi, c’est les listes électorales ? Ils vont les détruire après ?
 
PIERRE LELLOUCHE Voilà ! La question c’est exactement ça. Dans combien de temps et sous quel contrôle on peut être sûr qu’ils ne peuvent pas exploiter un listing, où ils auront mis ce fichier, tous leurs sympathisants à travers toute la France. C’est quand même une arme politique non négligeable et donc c’est pour éviter que le débat électorale soit déséquilibré, qu’il faut qu’ils donnent des garanties, c’est tout.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous ne demandez pas au PS de renoncer à la primaire ?
 
PIERRE LELLOUCHE Mais certainement pas ! C’est leur affaire, ils ont le droit, simplement, il faut aussi que tout le monde, aille aux élections avec les mêmes règles.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous demandez aux socialistes d’accueillir dans chaque bureau de votes, un représentant de l’UMP, pour surveiller ce qui se passe ?
 
PIERRE LELLOUCHE Non, je crois que, non à ce stade, je crois qu’il est surtout question de savoir, qu’est-ce qu’ils font de leurs fichiers une fois les listes d’émargement signées par ceux qui y auront participé, qu’est-ce qu’on en fait ? S’ils le gardent à des fins d’exploitation politique ou bien s’ils le détruisent, et dans quelles conditions et à quelle vitesse ? Je crois que plus vite, on aura supprimé la liste, mieux le débat démocratique se portera. Mais qu’ils veuillent vérifier la popularité de tel ou tel dans le pays tout entier, pourquoi pas !
 
CHRISTOPHE BARBIER Ecologistes, socialistes, peut-être centristes, la primaire ça se répand, un jour, l’UMP, une primaire pour choisir, un candidat ?
 
PIERRE LELLOUCHE Ecoutez, moi, je sais que j’ai participé à une primaire à Paris, quand il s’est agi, il y a quelques années, de désigner le futur candidat à la mairie de Paris.
 
CHRISTOPHE BARBIER Plus les régionales l’année dernière. C’est une mauvaise idée ? Ca ne marche pas ?
 
PIERRE LELLOUCHE Ah ! L’expérience que j’en ai tiré, c’est que ça tourne vite à la guerre civile intérieure. Ca, j’ai prévenu mes petits camarades du Parti socialiste, attention !
 
CHRISTOPHE BARBIER Le Salon du Bourget s’ouvre aujourd’hui. Est-ce qu’AIRBUS n’est pas aujourd’hui fragilisé face à BOEING ?
 
PIERRE LELLOUCHE Je ne crois pas non. On est dans une situation où c’est en gros 50- 50 à l’échelle du monde, AIRBUS est très fort sur les petits courriers, court courrier, sur le gros courrier, il y a une grosse bataille entre les derniers modèles, les 787 de BOEING et le A350 français, donc ça, ce sont, européens, ça se sont des avions qui vont sortir dans les années qui viennent. Non, non, je pense qu’on est en gros à 50-50. Je dis aux deux : attention à la montée en puissance des nouveaux ! Des Brésiliens et des Chinois, bien sûr, les Chinois.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous avez reçu le patron d’AIR FRANCE KLM, la semaine dernière. AIR FRANCE dont l’Etat est actionnaire achètera une centaine d’avions cet été. Alors est-ce que vous pouvez garantir aux Français qu’ils seront tous ou en majorité des AIRBUS ?
 
PIERRE LELLOUCHE Ce n’est pas mon job de garantir ça. Mon job c’est de vendre des avions européens et de demander des explications, quand il y a une commande de cette taille-là, il n’est pas absurde de se renseigner quand même.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous avez été rassuré par les propos du patron d’AIR FRANCE ?
 
PIERRE LELLOUCHE Et puis et puis, il faut aussi tenir compte effectivement de règles internationales et celle de l’OMC notamment, qui font que les compagnies sont libres et que toutes pressions des Etats, le protectionnisme sur telle compagnie nationale, en fait peut se retourner contre nous, et servir d’arguments à ceux des Américains qui n’ont pas envie de voir rentrer des AIRBUS dans le ciel américain. Donc il faut manier ce genre d’argument avec précaution. C’est ce que nous faisons, mais il est normal le ministre du Commerce extérieur français, de travailler avec les chefs d’entreprise français et s’intéresser à la promotion des produits français et européens.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous avez été rassuré sur le dossier AIR FRANCE KLM ?
 
PIERRE LELLOUCHE Nous travaillons, nous travaillons plutôt dans la bonne direction. Nous travaillons.
 
CHRISTOPHE BARBIER Ça ne serait pas plus simple, si les Américains achetaient américain, les européens achetaient européen, un bon vieux protectionnisme, et puis sur les marchés étrangers on se dispute ?
 
PIERRE LELLOUCHE Le protectionnisme ça a toujours été à l’origine des guerres. Ce n’est pas la solution, le protectionnisme. Ni pour le développement économique, ni pour la stabilité du monde. Il faut, par contre, il faut que les règles soient équitables pour tous. En matière militaire, on l’a vu, ce n’était pas facile, pour nous Européens, de vendre des avions aux Etats- Unis. Mais les marchés militaires, ne font pas partie des règles de l’OMC, ils sont hors règles. Cela dit, on a le souvenir quand même, qu’on avait eu un contrat aux Etats-Unis, on a gagné le contrat des ravitailleurs…
 
CHRISTOPHE BARBIER Et ils l’ont annulé !?
 
PIERRE LELLOUCHE Et il a été annulé, il y a eu une deuxième affaire qui s’est mal passée, puisque AIRBUS a perdu la deuxième fois. Donc on a tout ça en tête, simplement cette partie du débat aujourd’hui, c’est des avions civils. Mais je crois que dans l’intérêt de tous, et nous sommes des alliés avec les Etats-Unis, c’est de travailler en commun, c’est de faire en sorte que chacun puisse vivre.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et quand on vend du matériel militaire aux Russes, on ne prend pas un risque par rapport à la vie politique et géopolitique des années qui viennent ?
 
PIERRE LELLOUCHE On tourne la page de l’histoire, c’est ça que j’ai fait vendredi avec le président MEDVEDEV, c’est le président SARKOZY qui a compris ça, c’est qu’à partir d’un certain moment, la Russie, aujourd’hui, n’est plus un ennemi, on n’est plus dans la guerre froide. On a affaire à un pays ami qui fait partie de la famille européenne, qui a les mêmes problèmes que nous, et qui doit être un acteur avec nous. Surtout quelqu’un qui doit nous aider aussi, à stabiliser le marché de l’énergie.
 
CHRISTOPHE BARBIER L’Europe n’aidera pas la Grèce tant que le Parlement d’Athènes n’aura pas voté son nouveau plan d’austérité. Est-ce que ce n’est pas un chantage un peu dangereux ?
 
PIERRE LELLOUCHE Non, c’est une condition absolument indispensable pour que ça marche. Au fond, qu’est-ce qui se passe dans cette affaire ? Les Français, les Allemands, les autres vont mettre de l’argent pour donner un coup de main aux Grecs, dont la dette a explosé, qui ont du mal à assurer leur présence dans la zone euro, pour s’assurer que la Grèce reste, il faut mettre de l’argent au pot. Pour que cet argent ne parte pas en fumée, il faut que les Grecs eux-mêmes s’approprient les réformes qu’on leur demande et se mettent à vivre avec les mêmes rêves que les autres, notamment ne serait-ce que de payer ses impôts, privatiser pour essayer de dégager de la ressource, qu’une partie des réformes ont été faites par les Grecs. Il reste une autre partie, c’est naturellement très douloureux, tous les gouvernements comprennent à quel point c’est difficile pour la Grèce. Mais d’un autre côté, quel est l’alternative ? Simplement transférer les fonds qui viendraient d’Allemagne et de France. A terme, ce ne serait pas possible politiquement non plus. Donc ce qui est demandé aux Grecs, c’est oui, nous sommes prêts à vous aider, la France, l’Allemagne, les autres, il y a eu un accord très fort entre SARKOZY et MERKEL. Nous sommes prêts à vous aider, nous sommes prêts à vous aider vite, mais vous devez vous appropriez les réformes qu’on vous demande, donc un vote du Parlement grec.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que vous demandez aux banques françaises engagées en Grèce, d’être volontaires, puisque c’est le volontariat qui va compter, pour faire un effort pour aider les Grecs ?
 
PIERRE LELLOUCHE Oui, les banques participeront sur la base du volontariat. Il ne faut pas non plus exagérer l’exposition de nos banques. C’est moins de 10 milliards, et pour la France, pour les banques françaises, une quinzaine pour les banques allemandes, mais c’est psychologiquement important, que tout le monde y soit. Les banques…parce qu’une fuite des banques, ça serait un signal donné au marché dans l’autre sens. Donc il est psychologiquement important que les banques qui souhaitent rester, restent et que nous, les Etats européens nous disions : c’est notre monnaie. Comme le président l’a dit : il est hors de question d’abandonner notre monnaie. C’est ce que nous avons dans notre poche, donc il faut être capable de la défendre.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce qu’un euro plus faible, ça ne vous aiderait pas, vous à exporter ?
 
PIERRE LELLOUCHE Oui, mais ça, c’est une autre question, le fait qu’il y ait des difficultés en Grèce, n’affaiblit pas la valeur de l’euro.
 
CHRISTOPHE BARBIER Non, mais le rend faible, c’est vrai aussi, un petit peu ?
 
PIERRE LELLOUCHE Ce qui affaibli ou pas la valeur de l’euro, c’est le jeu des Chinois et des Américains avec leur propre monnaie. Et deux s’arrangent pour laisser filer doucement leur monnaie, ce qui leur donne bien des avantages, notamment en matière d’avion, d’aéronautique par exemple. Chaque fois le dollar, naturellement est un peu plus faible, ça augmente les problèmes de compétitivité pour AIRBUS.
 
CHRISTOPHE BARBIER Christine LAGARDE va probablement partir au FMI. Est-ce que vous êtes candidat à prendre sa succession à Bercy ?
 
PIERRE LELLOUCHE Si le président pense à moi, je serais très honoré. Oui, on ne va pas refuser un job de ce genre. Mais je crois que sur les questions financières et commerciales internationales et industrielles internationales, j’ai effectivement, peut-être une certaine expérience, là où je suis aujourd’hui.
 
 
CHRISTOPHE BARBIER PECRESSE, BAROIN, LE MAIRE, les autres noms qui circulent, ça vous convient ? Vous pouvez travaillez avec eux ?
 
PIERRE LELLOUCHE Invités du lundi 20 juin 2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 19 Ce sont des gens de très grandes qualités, qui sont des amis…
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous avez un préféré quand même ! Non ?
 
PIERRE LELLOUCHE Et avec lesquels je travaille déjà. BAROIN est déjà ministre du Budget, les autres sont des amis et des collègues du gouvernement.
 
CHRISTOPHE BARBIER Rachida DATI, persiste et signe. Elle s’oppose au parachutage de François FILLON à Paris, aux législatives 2012. Est-ce que vous lui donnez raison ?
 
PIERRE LELLOUCHE Honnêtement non ! Je souhaite que l’on sorte de ces querelles de personnes. Rachida DATI, elle est député européen et maire du 7ème arrondissement…
 
CHRISTOPHE BARBIER Ça suffit ?
 
PIERRE LELLOUCHE Je pense que l’heure n’est pas venue de se déchirer sur les attributions législatives de dans un an.
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous êtes le porte-parole de FILLON 2014 à Paris ?
 
PIERRE LELLOUCHE Je ne suis le porte-parole de personne, François FILLON est mon ami, je constate qu’il y a beaucoup de talents à droite à Paris. Mais il serait temps, peut-être que ces talents se réunissent plutôt qu’ils se tirent la bourre. Parce que ça, ce n’est pas bon pour nous, c’est bon pour le camp d’en face.
 
CHRISTOPHE BARBIER C’est un message pour Jean-François COPE, qui met des bâtons dans les roues de FILLON ?
 
PIERRE LELLOUCHE Je ne suis pas assez subtile pour mesurer cela. Je m’occupe, moi, ce que j’essaie de faire, c’est rassemblé dans la circonscription et dire à mes collègues à Paris de se rassembler. C’est déjà pas mal !
 
CHRISTOPHE BARBIER Pierre LELLOUCHE, merci, bonne journée !
 
PIERRE LELLOUCHE Merci.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 21 juin 2011