Texte intégral
Lessentiel de mon activité ministérielle sinscrit dans un cadre européen, quil sagisse de la mise en uvre de la législation européenne, de recherche de coordination ou, plus souvent, dobjectifs communs. Jaurais donc beaucoup à dire, nous pourrions y consacrer plusieurs auditions ; je vais donc me concentrer sur les points essentiels.
Le Japon peut paraître lointain mais la catastrophe de Fukushima a un impact émotionnel, industriel et politique important à travers le monde, Europe comprise. Le conseil environnement qui sest réuni depuis a pris en compte la demande dune initiative européenne émise par beaucoup dEtats membres. Le concept des stress tests est en voie de précision. Nous essayons de faire converger cette démarche avec notre projet daudit national de chacune des centrales françaises. Un accident nucléaire grave, où quil survienne, concerne toute la planète : tout le monde se sent touché, par solidarité mais aussi par communauté de destin, compte tenu des retombées potentielles, plus ou moins graves. Nous recherchons le soutien de nos partenaires européens pour sortir de cette crise en progressant vers des règles européennes et mondiales en matière de sûreté nucléaire. Contrairement au nucléaire militaire, le nucléaire civil ne fait pas lobjet dinspections. Nous voudrions profiter de la séquence G8-G20 et de la réunion de lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA), prévue fin juin, pour progresser sur la voie de règles de sécurité communes.
En matière de négociations internationales sur le climat, 2011 sera certainement une année clé, qui se caractérisera soit par un cercle vertueux soit par un cercle vicieux. Je me suis efforcée de promouvoir cette idée, hier, à New York, auprès des Américains, en soutenant le concept de financements innovants.
Un cercle vertueux peut être enclenché lors du G20, avec des ouvertures sur les financements innovants, suivies, en décembre 2011, à la Conférence de Durban, par un début daccord puis, en juin 2012, à la Conférence de Rio, par des décisions concrètes. Au contraire, le cercle sera vicieux si le G20 ne va pas suffisamment loin, si, à la Conférence de Durban, aucun accord nest trouvé entre les partisans et les opposants à laccord de Kyoto et si les discussions échouent au vingtième anniversaire du sommet de la terre de Rio.
Beaucoup dépend des positions de lUnion européenne et de sa capacité à jouer un rôle de catalyseur. Or lUnion européenne nest pas si solide à ce sujet, son message nest pas aussi clair que par le passé. Faut-il sengager sur une suite au protocole de Kyoto si les autres pays ne le font pas ? Sur une question aussi simple, il ny a pas aujourdhui de position commune européenne. Le niveau des engagements européens en matière de réduction des émissions dépasse pourtant les contraintes du protocole de Kyoto : nous nous sommes engagés à réduire de 20 % notre contribution à leffet de serre dici à 2020 et nous réfléchissons à atteindre moins 25 % ou moins 30 %. De fait, sans engagements internationaux, il ny a pas de prix du carbone et les dispositifs mondiaux et européens mis en place seffondrent.
Jai essayé de convaincre nos amis américains de la nécessité de bouger sur la question des financements innovants à loccasion du G20. Une position européenne de principe est maintenant acquise, mais tous les Etats membres ne sont pas daccord quant au financement innovant à instituer : ainsi, à propos de la taxe sur les transactions financières, nous trouvons un soutien plus franc auprès des Allemands ou des Espagnols quauprès des Britanniques, plus enclins à parler de fiscalité sur les soutes de fuel des navires.
En tout cas, si nous ne démontrons pas notre capacité à mettre en mouvement une dynamique européenne et à lever des fonds, nous risquons le cercle vicieux. A Cancun, nous avons créé un fonds vert ; cest formidable, mais il nest doté daucun crédit. Notre crédibilité est en jeu : courant 2011, il faudra absolument le faire bénéficier dun premier abondement.
Les discussions européennes et internationales donnent limpression de se mener en parallèle, de façon assez disjointe. En Europe, nous travaillons sur une feuille de route 2050, avec des engagements excédant ceux pris au niveau mondial. La clarté de la vision à long terme de lUnion européenne a toujours été motrice dans les négociations internationales sur le changement climatique. Avancer sur la feuille de route 2050 pourrait débloquer la situation, à lhorizon de six mois, lors des négociations de Durban.
La feuille de route 2050 fixe des objectifs très stricts, lidée étant dengager des actions suffisantes dici à 2020, par souci defficacité et afin de ne pas reporter tous les coûts sur la période 2030-2050. A propos du mécanisme dinclusion carbone, la France a une position particulière, qui rencontre un succès croissant. Nous avons renforcé notre argumentaire juridique pour le rendre compatible avec les règles de lOrganisation mondiale du Commerce (OMC). Dans les secteurs économiques soumis à des normes démission, hautement compétitifs, nous proposons aujourdhui un système de compensation avec les pays extra-européens nimposant pas de contraintes, sorte de taxe intérieure tout à fait cohérente et complémentaire avec le projet de révision de la directive sur la taxation des produits énergétiques et de lélectricité, adopté ce matin en collège des commissaires.
Sur la scène internationale, les années 2011 et 2012 seront placées sous le signe de la croissance verte, qui, avec la gouvernance environnementale internationale, sera lun des deux sujets du sommet Rio+20. La croissance verte peut être un très beau sujet mais aussi une pétition de principe. Nous nous souvenons fort bien de lexcellent discours prononcé à Johannesburg par le président Chirac mais pas des engagements qui y ont été pris, car ils étaient faibles ; si Rio+20 se résume à des commentaires sur la croissance verte, ce sera la même chose.
Il y a une position européenne favorable à la création dune organisation mondiale de lenvironnement, avec quelques nuances : nous travaillons sur un projet mixant les propositions de la France et de lAllemagne, un programme des Nations unies pour lenvironnement renforcé dont le siège serait maintenu à Nairobi, ce qui est important pour lacceptabilité auprès des pays du Sud. Lidée plaît aux Espagnols mais suscite certaines réticences chez les Britanniques.
Concernant la stratégie Europe 2020. En matière environnementale, la réglementation est très fournie mais les politiques communes sont finalement assez rares : près de 90 % de la réglementation nationale découle des textes européens, mais il sagit très souvent dun fonctionnement par plafonds et planchers démission plutôt quen termes demplois verts, déconomie verte, dinnovation ou de transformation du modèle de production et de consommation. Tel est probablement lenjeu à venir : progresser dans ces domaines, tout en continuant à édicter une réglementation solide.
A cet égard, 2011 sera une année clé puisque le sixième programme daction pour lenvironnement sera évalué. Ce processus guidera lélaboration du septième programme, en 2012, placé, à ce stade, sous le signe dune initiative phare qui a fait lobjet dune publication en janvier dernier : «Une Europe efficace dans lutilisation des ressources». Lidée est de retravailler nos concepts à partir de laugmentation de la productivité des ressources, en découplant croissance économique et consommation de ressources, cest-à-dire dadopter un raisonnement plus transformatif de léconomie. Tout cela reste théorique et nécessite une mise en musique.
A propos des organismes génétiquement modifiés (OGM), je suis dune vigilance particulière pour que les conclusions du conseil environnement de décembre 2008 soient mises en uvre. Nous étions alors parvenus à obtenir, pratiquement à lunanimité, que toute lexpertise européenne, très contestée, soit retravaillée. En 2011, ce nest pas encore fait et la Commission a formulé une proposition - dabord présentée comme alternative et qui, finalement, na quun statut complémentaire - de renationalisation des décisions de mise en culture. Cette évolution considérable de la doctrine européenne devrait être examinée au Conseil de juin. Actuellement, les directives sont assez compliquées, le système dévaluation est très contesté et, en cas de désaccord entre Etats membres, lautorisation est automatique, sauf dans les pays adoptant une clause de sauvegarde, dont les critères, au demeurant, sont ensuite systématiquement attaqués. La situation est donc complètement hypocrite et moyennement efficace, avec beaucoup de temps perdu en analyse juridique et en comitologie.
La proposition de la Commission est séduisante mais ne nous semble pas exempte de difficultés juridiques. Il sagirait de renvoyer aux Etats membres le pouvoir de choisir de mettre en culture ou pas, et, assez curieusement, la Commission propose que les critères ne soient pas simplement de nature environnementale ou sociale mais aussi éthique ou religieuse. Nous avons demandé aux services juridiques du Conseil de préciser les choses car nous devrons nous positionner clairement en juin.
Dans le domaine des transports, lannée 2011 a commencé avec la publication par la Commission du Livre blanc sur la politique européenne des transports, qui articule les enjeux de climat et de transport. Cette stratégie pour un système compétitif et durable correspond assez bien à celle de la France, dans lesprit du Grenelle de lenvironnement, avec une meilleure prise en compte des trois piliers du développement durable. La Commission fixe dix objectifs, qui visent à réduire globalement de 60 %, à lhorizon de 2050, le niveau démission de gaz à effet de serre dans les transports. A ce stade, elle ne propose pas de répartition entre les Etats membres. La constitution dun espace unique européen des transports requiert ladoption de plusieurs textes à fort enjeu, actuellement en cours de négociation à Bruxelles.
La directive «eurovignette» tend à améliorer la prise en compte de limpact environnemental des transports routiers, en autorisant les Etats membres à taxer la pollution générée par le trafic de poids lourds. La présidence belge, en octobre, a dû déployer des trésors dhabilité pour que le Conseil saccorde sur ce texte ambitieux et la France est très mobilisée. Les marges de manuvre apparaissant très faibles, nous encourageons le Parlement européen à éviter une procédure de conciliation, toujours risquée, et à nous laisser progresser.
La Commission a lancé, en 2009, une révision de la politique des réseaux transeuropéens de transport (RTET), en phase, là encore, avec ce que nous faisons en France. Mon collègue Thierry Mariani et moi-même, nous poussons à lintégration des ports et des aéroports dans le RTET, en cohérence avec le Grenelle de lenvironnement, notamment le schéma national des infrastructures de transport, dispositif très intégratif. Nous soutenons aussi les modes de transports décarbonés et les systèmes de transport intelligents.
Cette politique comporte un volet financier, la révision devant être conduite en parallèle avec lélaboration des perspectives financières 2014-2020. Nous avons besoin de visibilité sur le financement par lUnion européenne des projets stratégiques à forte valeur ajoutée dont la réalisation sétale sur une longue période. Compte tenu de la situation financière européenne, il semble évident quun recours croissant à des modes de financement alternatifs sera nécessaire.
La refonte du paquet ferroviaire est primordiale pour clarifier les modalités de mise en uvre de la libéralisation du secteur, en particulier du fret, en Europe. Elle ne présentera dintérêt que si elle participe au report modal. La Commission a fait connaître sa volonté de renforcer les pouvoirs et lindépendance des régulateurs nationaux, chargés de garantir un accès non discriminatoire aux marchés. Le principe de laccès aux facilités essentielles - voies de service, de garage, de tri - et du développement dune alternative fait consensus. Nous sommes plus nuancés en ce qui concerne la séparation organisationnelle et décisionnelle systématique de ces facilités dans lentreprise dominante, car le schéma doit certes être efficace mais aussi équitable.
La proposition de directive facilitant lapplication transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière avait été portée par la France, en 2008, lors de sa présidence. Il sagit de faire reculer le sentiment dimpunité des conducteurs de véhicules immatriculés à létranger. Quoique ayant souhaité un texte plus strict, nous saluons laccord politique obtenu au Conseil, grâce aux présidences belge et hongroise. Il a été particulièrement difficile de recueillir lunanimité des voix, requise du fait du changement de base juridique - nous sommes en effet passés de la base transport à la base coopération policière. Lenjeu consiste maintenant à préserver cet acquis dans les négociations avec le Parlement européen, ce qui ne sera pas évident.
En matière de sûreté aérienne, lUnion européenne prévoit, à, compter du 29 avril 2011, une levée très partielle de linterdiction de transporter des liquides en cabine. Considérant quun problème de sûreté se pose, la France a exprimé de fortes réserves et a demandé le report de cette mesure. Le moment est-il bien choisi ? Lefficacité opérationnelle des alternatives technologiques censées détecter les explosifs nous semble toute relative, le taux de fausses alarmes étant rédhibitoire. Nous avons par conséquent annoncé notre intention de maintenir jusquen avril 2013 linterdiction du transport de liquides, non sans avoir tenté de convaincre nos voisins du risque terroriste avant de prendre cette décision.
Concernant, la Conférence de Copenhague avait suscité de grandes attentes et donné lieu à une importante activité des groupes de pression. Leffet positif de cette conférence a été de se rendre compte que le Protocole de Kyoto ne pouvait pas être poursuivi tel quel.
A Durban, il faut privilégier une démarche «ascendante» qui verrait certes les Etats sengager, mais aussi les collectivités locales et les entreprises. Il ne faut pas avoir à cette conférence des projets uniquement volontaires mais croiser plusieurs approches dans un cadre souple. La proposition du ministre indien de lenvironnement, M. Jairam Ramesh, de réfléchir à la notion de «juridiquement contraignant» au niveau global et régional devrait être prise ne compte. Les pays riches devraient montrer leur bonne volonté sur les problèmes de financements innovants.
Le président de la SNCF, M. Guillaume Pépy, na pas un avis favorable sur la séparation SNCF/Réseau ferré de France ; mais il sest plaint de la trop grande intégration de lexploitant et de lautorité gérant linfrastructure en Allemagne.
Le véritable problème est celui de la compétitivité du système et de son financement à long terme. En effet, à part quelques lignes de TGV, le ferroviaire est structurellement déficitaire. Les investissements dans ce domaine sont lourds et difficilement amortissables : il faut donc trouver des financements alternatifs. Les externalités positives des lignes de TGV pourraient être réinvesties dans les lignes.
Lécotaxe pour les poids lourds se trouve dans une phase judiciaire, le débat se portant sur la régularité de la procédure qui a été annulée. Un pourvoi a été interjeté devant le Conseil dEtat. Elle ne pourra pas être appliquée avant 2013. Son produit, environ 4,5 milliards deuros, sera affecté à lAgence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il est nécessaire de régler cette affaire au plus vite. Laction pionnière de lAlsace en la matière doit être reconnue.
Il ny a pas de politique commune en matière de sûreté nucléaire. Les tests de résistance des centrales nucléaires feront lobjet dune démarche volontaire des Etats qui, seuls, en apprécieront les résultats. Mais il serait difficile à un Etat de résister à la pression de lopinion en cas de mauvais résultats. En tout état de cause, le président de la République a indiqué que les installations ne satisfaisant pas à ces tests seraient fermées.
Des négociations peuvent se faire avec les pays européens limitrophes des centrales françaises. On peut évoquer les problèmes de sûreté avec des pays comme lUkraine, par exemple. Le président de la République a proposé que les discussions sur ces questions de sûreté soient institutionnalisées dans le cadre du G8 et du G20.
Une décision sur la prolongation ou non de Fessenheim ne sera prise quaprès la visite décennale et laudit de cette centrale.
On a tiré la leçon de la catastrophe de Tchernobyl et il y a maintenant une très grande transparence en France. Seules des traces de radioactivité en provenance de Fukushima ont touché la France ; elles ne peuvent être suivies que sur le réseau de fond. Cela a entraîné des critiques mais il nest pas possible de publier ces données en flux tendu compte tenu de leur faiblesse. La communication continue actuellement même si le public y semble moins sensible.
On progresse dans la création dune taxe carbone aux frontières. De plus en plus de pays européens sont intéressés par cette taxe qui pourrait, par exemple, être affectée aux pays de lUnion pour lesquels lévolution du système de production énergétique sera la plus lourde.
Le fret ferroviaire est un sujet dactualité depuis des années mais il a diminué avec la crise et ne sest pas redressé. Des mesures à moyen et long terme doivent être prises pour le regrouper sur les lignes les plus rentables. Un certain nombre de problèmes sont liés aux travaux en cours sur le réseau. Le cadencement qui est difficilement mis en uvre actuellement devrait permettre de libérer 20 % de sillons supplémentaires pour le fret.
Le spectacle des aires dautoroutes est réellement scandaleux, mais cest un problème dharmonisation sociale au niveau européen.
La première demande des Japonais victimes de la catastrophe de Fukushima a été quon ne les ostracise pas ; mais il est bien sûr nécessaire de contrôler les biens importés du Japon pour éviter les problèmes. Une coopération technologique est en cours.
Le Grand emprunt financera les études sur le navire du futur, la construction navale étant considérée comme un secteur davenir par le président de la République.
Des précisions ont été demandées à la Commission sur les critères envisagés dans le cadre des autorisations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les crédits prévus dans le cadre du «fast start» promis à Copenhague pour la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement ont été dégagés par tous les pays européens, sauf, à ce stade, par lItalie.
Les pays européens ne sont pas tous daccord pour développer lexploitation des gaz de schistes ; la Pologne y est favorable.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2011
Le Japon peut paraître lointain mais la catastrophe de Fukushima a un impact émotionnel, industriel et politique important à travers le monde, Europe comprise. Le conseil environnement qui sest réuni depuis a pris en compte la demande dune initiative européenne émise par beaucoup dEtats membres. Le concept des stress tests est en voie de précision. Nous essayons de faire converger cette démarche avec notre projet daudit national de chacune des centrales françaises. Un accident nucléaire grave, où quil survienne, concerne toute la planète : tout le monde se sent touché, par solidarité mais aussi par communauté de destin, compte tenu des retombées potentielles, plus ou moins graves. Nous recherchons le soutien de nos partenaires européens pour sortir de cette crise en progressant vers des règles européennes et mondiales en matière de sûreté nucléaire. Contrairement au nucléaire militaire, le nucléaire civil ne fait pas lobjet dinspections. Nous voudrions profiter de la séquence G8-G20 et de la réunion de lAgence internationale de lénergie atomique (AIEA), prévue fin juin, pour progresser sur la voie de règles de sécurité communes.
En matière de négociations internationales sur le climat, 2011 sera certainement une année clé, qui se caractérisera soit par un cercle vertueux soit par un cercle vicieux. Je me suis efforcée de promouvoir cette idée, hier, à New York, auprès des Américains, en soutenant le concept de financements innovants.
Un cercle vertueux peut être enclenché lors du G20, avec des ouvertures sur les financements innovants, suivies, en décembre 2011, à la Conférence de Durban, par un début daccord puis, en juin 2012, à la Conférence de Rio, par des décisions concrètes. Au contraire, le cercle sera vicieux si le G20 ne va pas suffisamment loin, si, à la Conférence de Durban, aucun accord nest trouvé entre les partisans et les opposants à laccord de Kyoto et si les discussions échouent au vingtième anniversaire du sommet de la terre de Rio.
Beaucoup dépend des positions de lUnion européenne et de sa capacité à jouer un rôle de catalyseur. Or lUnion européenne nest pas si solide à ce sujet, son message nest pas aussi clair que par le passé. Faut-il sengager sur une suite au protocole de Kyoto si les autres pays ne le font pas ? Sur une question aussi simple, il ny a pas aujourdhui de position commune européenne. Le niveau des engagements européens en matière de réduction des émissions dépasse pourtant les contraintes du protocole de Kyoto : nous nous sommes engagés à réduire de 20 % notre contribution à leffet de serre dici à 2020 et nous réfléchissons à atteindre moins 25 % ou moins 30 %. De fait, sans engagements internationaux, il ny a pas de prix du carbone et les dispositifs mondiaux et européens mis en place seffondrent.
Jai essayé de convaincre nos amis américains de la nécessité de bouger sur la question des financements innovants à loccasion du G20. Une position européenne de principe est maintenant acquise, mais tous les Etats membres ne sont pas daccord quant au financement innovant à instituer : ainsi, à propos de la taxe sur les transactions financières, nous trouvons un soutien plus franc auprès des Allemands ou des Espagnols quauprès des Britanniques, plus enclins à parler de fiscalité sur les soutes de fuel des navires.
En tout cas, si nous ne démontrons pas notre capacité à mettre en mouvement une dynamique européenne et à lever des fonds, nous risquons le cercle vicieux. A Cancun, nous avons créé un fonds vert ; cest formidable, mais il nest doté daucun crédit. Notre crédibilité est en jeu : courant 2011, il faudra absolument le faire bénéficier dun premier abondement.
Les discussions européennes et internationales donnent limpression de se mener en parallèle, de façon assez disjointe. En Europe, nous travaillons sur une feuille de route 2050, avec des engagements excédant ceux pris au niveau mondial. La clarté de la vision à long terme de lUnion européenne a toujours été motrice dans les négociations internationales sur le changement climatique. Avancer sur la feuille de route 2050 pourrait débloquer la situation, à lhorizon de six mois, lors des négociations de Durban.
La feuille de route 2050 fixe des objectifs très stricts, lidée étant dengager des actions suffisantes dici à 2020, par souci defficacité et afin de ne pas reporter tous les coûts sur la période 2030-2050. A propos du mécanisme dinclusion carbone, la France a une position particulière, qui rencontre un succès croissant. Nous avons renforcé notre argumentaire juridique pour le rendre compatible avec les règles de lOrganisation mondiale du Commerce (OMC). Dans les secteurs économiques soumis à des normes démission, hautement compétitifs, nous proposons aujourdhui un système de compensation avec les pays extra-européens nimposant pas de contraintes, sorte de taxe intérieure tout à fait cohérente et complémentaire avec le projet de révision de la directive sur la taxation des produits énergétiques et de lélectricité, adopté ce matin en collège des commissaires.
Sur la scène internationale, les années 2011 et 2012 seront placées sous le signe de la croissance verte, qui, avec la gouvernance environnementale internationale, sera lun des deux sujets du sommet Rio+20. La croissance verte peut être un très beau sujet mais aussi une pétition de principe. Nous nous souvenons fort bien de lexcellent discours prononcé à Johannesburg par le président Chirac mais pas des engagements qui y ont été pris, car ils étaient faibles ; si Rio+20 se résume à des commentaires sur la croissance verte, ce sera la même chose.
Il y a une position européenne favorable à la création dune organisation mondiale de lenvironnement, avec quelques nuances : nous travaillons sur un projet mixant les propositions de la France et de lAllemagne, un programme des Nations unies pour lenvironnement renforcé dont le siège serait maintenu à Nairobi, ce qui est important pour lacceptabilité auprès des pays du Sud. Lidée plaît aux Espagnols mais suscite certaines réticences chez les Britanniques.
Concernant la stratégie Europe 2020. En matière environnementale, la réglementation est très fournie mais les politiques communes sont finalement assez rares : près de 90 % de la réglementation nationale découle des textes européens, mais il sagit très souvent dun fonctionnement par plafonds et planchers démission plutôt quen termes demplois verts, déconomie verte, dinnovation ou de transformation du modèle de production et de consommation. Tel est probablement lenjeu à venir : progresser dans ces domaines, tout en continuant à édicter une réglementation solide.
A cet égard, 2011 sera une année clé puisque le sixième programme daction pour lenvironnement sera évalué. Ce processus guidera lélaboration du septième programme, en 2012, placé, à ce stade, sous le signe dune initiative phare qui a fait lobjet dune publication en janvier dernier : «Une Europe efficace dans lutilisation des ressources». Lidée est de retravailler nos concepts à partir de laugmentation de la productivité des ressources, en découplant croissance économique et consommation de ressources, cest-à-dire dadopter un raisonnement plus transformatif de léconomie. Tout cela reste théorique et nécessite une mise en musique.
A propos des organismes génétiquement modifiés (OGM), je suis dune vigilance particulière pour que les conclusions du conseil environnement de décembre 2008 soient mises en uvre. Nous étions alors parvenus à obtenir, pratiquement à lunanimité, que toute lexpertise européenne, très contestée, soit retravaillée. En 2011, ce nest pas encore fait et la Commission a formulé une proposition - dabord présentée comme alternative et qui, finalement, na quun statut complémentaire - de renationalisation des décisions de mise en culture. Cette évolution considérable de la doctrine européenne devrait être examinée au Conseil de juin. Actuellement, les directives sont assez compliquées, le système dévaluation est très contesté et, en cas de désaccord entre Etats membres, lautorisation est automatique, sauf dans les pays adoptant une clause de sauvegarde, dont les critères, au demeurant, sont ensuite systématiquement attaqués. La situation est donc complètement hypocrite et moyennement efficace, avec beaucoup de temps perdu en analyse juridique et en comitologie.
La proposition de la Commission est séduisante mais ne nous semble pas exempte de difficultés juridiques. Il sagirait de renvoyer aux Etats membres le pouvoir de choisir de mettre en culture ou pas, et, assez curieusement, la Commission propose que les critères ne soient pas simplement de nature environnementale ou sociale mais aussi éthique ou religieuse. Nous avons demandé aux services juridiques du Conseil de préciser les choses car nous devrons nous positionner clairement en juin.
Dans le domaine des transports, lannée 2011 a commencé avec la publication par la Commission du Livre blanc sur la politique européenne des transports, qui articule les enjeux de climat et de transport. Cette stratégie pour un système compétitif et durable correspond assez bien à celle de la France, dans lesprit du Grenelle de lenvironnement, avec une meilleure prise en compte des trois piliers du développement durable. La Commission fixe dix objectifs, qui visent à réduire globalement de 60 %, à lhorizon de 2050, le niveau démission de gaz à effet de serre dans les transports. A ce stade, elle ne propose pas de répartition entre les Etats membres. La constitution dun espace unique européen des transports requiert ladoption de plusieurs textes à fort enjeu, actuellement en cours de négociation à Bruxelles.
La directive «eurovignette» tend à améliorer la prise en compte de limpact environnemental des transports routiers, en autorisant les Etats membres à taxer la pollution générée par le trafic de poids lourds. La présidence belge, en octobre, a dû déployer des trésors dhabilité pour que le Conseil saccorde sur ce texte ambitieux et la France est très mobilisée. Les marges de manuvre apparaissant très faibles, nous encourageons le Parlement européen à éviter une procédure de conciliation, toujours risquée, et à nous laisser progresser.
La Commission a lancé, en 2009, une révision de la politique des réseaux transeuropéens de transport (RTET), en phase, là encore, avec ce que nous faisons en France. Mon collègue Thierry Mariani et moi-même, nous poussons à lintégration des ports et des aéroports dans le RTET, en cohérence avec le Grenelle de lenvironnement, notamment le schéma national des infrastructures de transport, dispositif très intégratif. Nous soutenons aussi les modes de transports décarbonés et les systèmes de transport intelligents.
Cette politique comporte un volet financier, la révision devant être conduite en parallèle avec lélaboration des perspectives financières 2014-2020. Nous avons besoin de visibilité sur le financement par lUnion européenne des projets stratégiques à forte valeur ajoutée dont la réalisation sétale sur une longue période. Compte tenu de la situation financière européenne, il semble évident quun recours croissant à des modes de financement alternatifs sera nécessaire.
La refonte du paquet ferroviaire est primordiale pour clarifier les modalités de mise en uvre de la libéralisation du secteur, en particulier du fret, en Europe. Elle ne présentera dintérêt que si elle participe au report modal. La Commission a fait connaître sa volonté de renforcer les pouvoirs et lindépendance des régulateurs nationaux, chargés de garantir un accès non discriminatoire aux marchés. Le principe de laccès aux facilités essentielles - voies de service, de garage, de tri - et du développement dune alternative fait consensus. Nous sommes plus nuancés en ce qui concerne la séparation organisationnelle et décisionnelle systématique de ces facilités dans lentreprise dominante, car le schéma doit certes être efficace mais aussi équitable.
La proposition de directive facilitant lapplication transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière avait été portée par la France, en 2008, lors de sa présidence. Il sagit de faire reculer le sentiment dimpunité des conducteurs de véhicules immatriculés à létranger. Quoique ayant souhaité un texte plus strict, nous saluons laccord politique obtenu au Conseil, grâce aux présidences belge et hongroise. Il a été particulièrement difficile de recueillir lunanimité des voix, requise du fait du changement de base juridique - nous sommes en effet passés de la base transport à la base coopération policière. Lenjeu consiste maintenant à préserver cet acquis dans les négociations avec le Parlement européen, ce qui ne sera pas évident.
En matière de sûreté aérienne, lUnion européenne prévoit, à, compter du 29 avril 2011, une levée très partielle de linterdiction de transporter des liquides en cabine. Considérant quun problème de sûreté se pose, la France a exprimé de fortes réserves et a demandé le report de cette mesure. Le moment est-il bien choisi ? Lefficacité opérationnelle des alternatives technologiques censées détecter les explosifs nous semble toute relative, le taux de fausses alarmes étant rédhibitoire. Nous avons par conséquent annoncé notre intention de maintenir jusquen avril 2013 linterdiction du transport de liquides, non sans avoir tenté de convaincre nos voisins du risque terroriste avant de prendre cette décision.
Concernant, la Conférence de Copenhague avait suscité de grandes attentes et donné lieu à une importante activité des groupes de pression. Leffet positif de cette conférence a été de se rendre compte que le Protocole de Kyoto ne pouvait pas être poursuivi tel quel.
A Durban, il faut privilégier une démarche «ascendante» qui verrait certes les Etats sengager, mais aussi les collectivités locales et les entreprises. Il ne faut pas avoir à cette conférence des projets uniquement volontaires mais croiser plusieurs approches dans un cadre souple. La proposition du ministre indien de lenvironnement, M. Jairam Ramesh, de réfléchir à la notion de «juridiquement contraignant» au niveau global et régional devrait être prise ne compte. Les pays riches devraient montrer leur bonne volonté sur les problèmes de financements innovants.
Le président de la SNCF, M. Guillaume Pépy, na pas un avis favorable sur la séparation SNCF/Réseau ferré de France ; mais il sest plaint de la trop grande intégration de lexploitant et de lautorité gérant linfrastructure en Allemagne.
Le véritable problème est celui de la compétitivité du système et de son financement à long terme. En effet, à part quelques lignes de TGV, le ferroviaire est structurellement déficitaire. Les investissements dans ce domaine sont lourds et difficilement amortissables : il faut donc trouver des financements alternatifs. Les externalités positives des lignes de TGV pourraient être réinvesties dans les lignes.
Lécotaxe pour les poids lourds se trouve dans une phase judiciaire, le débat se portant sur la régularité de la procédure qui a été annulée. Un pourvoi a été interjeté devant le Conseil dEtat. Elle ne pourra pas être appliquée avant 2013. Son produit, environ 4,5 milliards deuros, sera affecté à lAgence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il est nécessaire de régler cette affaire au plus vite. Laction pionnière de lAlsace en la matière doit être reconnue.
Il ny a pas de politique commune en matière de sûreté nucléaire. Les tests de résistance des centrales nucléaires feront lobjet dune démarche volontaire des Etats qui, seuls, en apprécieront les résultats. Mais il serait difficile à un Etat de résister à la pression de lopinion en cas de mauvais résultats. En tout état de cause, le président de la République a indiqué que les installations ne satisfaisant pas à ces tests seraient fermées.
Des négociations peuvent se faire avec les pays européens limitrophes des centrales françaises. On peut évoquer les problèmes de sûreté avec des pays comme lUkraine, par exemple. Le président de la République a proposé que les discussions sur ces questions de sûreté soient institutionnalisées dans le cadre du G8 et du G20.
Une décision sur la prolongation ou non de Fessenheim ne sera prise quaprès la visite décennale et laudit de cette centrale.
On a tiré la leçon de la catastrophe de Tchernobyl et il y a maintenant une très grande transparence en France. Seules des traces de radioactivité en provenance de Fukushima ont touché la France ; elles ne peuvent être suivies que sur le réseau de fond. Cela a entraîné des critiques mais il nest pas possible de publier ces données en flux tendu compte tenu de leur faiblesse. La communication continue actuellement même si le public y semble moins sensible.
On progresse dans la création dune taxe carbone aux frontières. De plus en plus de pays européens sont intéressés par cette taxe qui pourrait, par exemple, être affectée aux pays de lUnion pour lesquels lévolution du système de production énergétique sera la plus lourde.
Le fret ferroviaire est un sujet dactualité depuis des années mais il a diminué avec la crise et ne sest pas redressé. Des mesures à moyen et long terme doivent être prises pour le regrouper sur les lignes les plus rentables. Un certain nombre de problèmes sont liés aux travaux en cours sur le réseau. Le cadencement qui est difficilement mis en uvre actuellement devrait permettre de libérer 20 % de sillons supplémentaires pour le fret.
Le spectacle des aires dautoroutes est réellement scandaleux, mais cest un problème dharmonisation sociale au niveau européen.
La première demande des Japonais victimes de la catastrophe de Fukushima a été quon ne les ostracise pas ; mais il est bien sûr nécessaire de contrôler les biens importés du Japon pour éviter les problèmes. Une coopération technologique est en cours.
Le Grand emprunt financera les études sur le navire du futur, la construction navale étant considérée comme un secteur davenir par le président de la République.
Des précisions ont été demandées à la Commission sur les critères envisagés dans le cadre des autorisations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les crédits prévus dans le cadre du «fast start» promis à Copenhague pour la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement ont été dégagés par tous les pays européens, sauf, à ce stade, par lItalie.
Les pays européens ne sont pas tous daccord pour développer lexploitation des gaz de schistes ; la Pologne y est favorable.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 avril 2011